îlliji m émêh l!î!iH.: j C5-î> I QjiUu^cl 1^3^ \ yibrarîJ of t^£ Stxismm \ COMPARATIVE ZOOLOGY, 1 AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. jFounlieîi 1)2 ptitete subsctfjptfon, fn 1801. '— - cL^_ Ktfp[i"incl&^ A^' (s^n^J^ No. /^^ NOUVEAUX MEMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. NOUVEAUX MEMOIRES ^^^^ ^^ L'ACADÉMIE ROYALE SCIENCES ET BELLES -LETTRES DE BRUXELLES. TOME VII. RRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. "1832. •sw»eg"5««>gg"»«wS"3t»'Sg- oaf«c -sewég-jgwetf-awt^ig--; JOURNAL DES SEANCES, DEPUIS LE 7 MAI 1831, JUSQU'AU 4 FÉVRIER 1832. Séance du 7 mai 1831. Le secrétaire donne communication d'une lettre en date du 9 avril , par laquelle M. Vanderlinden , professeur au séminaire de Malines, fait part de la mort de M. Pierre-Léonard Vanderlinden , son frère , membre de l'Académie , décédé le 5 du même mois. M. Quetelet présente , au nom de M. l'ingénieur de Behr , un Mémoire sur le zinc, comparé à d'autres matériaux sous le rapport de son emploi dans les constructions civiles. Renvoyé à l'examen de MM. Pagani , Sauveur et Garnier. Il donne ensuite lecture d'une lettre de M. Benjamin Valz , directeur de l'Obser- vatoire de Mmes , sur la dernière comète , dont les élémens calculés sur les observa- tions de M. Rumker , qui s'étendent jusqu'au 8 mars , ont donné les valeurs suivantes : M Passage au périhélie , 1830 décembre 28,155 , temps moyen compté de minuit à Paris. " Log. distance périhélie 9,10026 11 Longitude du périhélie 310° 68' 17" 11 Longitude du nœud 337" 53' 3Ç" 11 Inclinaison 44° 44' 50" 11 Mouvement rétrograde. « Paris, le 30 avril 1831. Tom. Fil. i 2 JOURJSAL Il donne également lecture d'une lettre de M. Chasles, correspondant, relative à différens théorèmes sur la spirale d'Archimède , la cycloïde et la développante du cercle, dont voici l'extrait : « Que l'on ait un angle droit, dont un côté indéfini et l'autre égal au rayon d'un cercle ; qu'on fasse rouler le premier côté sur la circonférence du cercle ; pendant que le sommet de l'angle engendrera la développante du cercle , l'ex- trémité du deuxième côté décrira la spirale d'Archimède. » Ainsi, voilà un moyen de décrire la spirale d'Archimède d'un mouvement continu. » Quand un angle de grandeur quelconque , mais constante , se meut de manière qu'un de ses côtés passe toujours par le centre d'un cercle , et que son autre côté glisse sur une développante du cercle , son sommet engendre la spi- rale d' Archimède. » Si l'angle est droit, vous en conclurez de suite par votre ingénieuse doctrine des caustiques secondaires , que : « Quand la développante d'un cercle est éclairée par un point lumineux si- tué au centre du cercle , la caustique par réflexion est la développée d'une spirale d'Archimède. >) On trace ordinairement la développante d'une courbe plane en déroulant un fil qui entoure la courbe; c'est, je crois, le seul procédé mécanique usité et connu. En voici un autre qui peut s'exécuter aisément au moyen d'un tour à tourner. » Qu'on fasse rouler la courbe dont on veut tracer la développante , sur une ligne droite, et qu'on place en un point fixe de cette droite un stylet qui à chaque instant imprime sa trace sur le plan de la courhe qui je suppose indéfini et em- porté par le mouvement de la courhe; la trace de ce stylet sera une courhe m,ohile avec la proposée et qui sera une de ses développantes. » Si la courbe mobile est un cercle, et qu'on place un 2" stylet en un point fixe pris sur la droite que décrit le centre du cercle, la trace de ce 2' stylet sera une spirale d'Archimède. » On peut donc décrire en même temps, et d'un même mouvement continu, trois courbes différentes, la cj'cloïde, la développante du cercle et la spirale d'Archimède. » Chacune de ces courbes peut aussi être décrite par le mouvement continu d'une des deux autres. DES SEANCES. 3 » Par exemple , concevons un cercle et sa développante , menons une tangente au cercle , elle rencontrera la développante en deux points ; qu'on fasse mouvoir cette développante de manière quelle passe toujours par ces deux points; son origine située sur la circonférence du cercle décrira pendant ce mouvement la cycloïde ordinaire. » Pour décrire la cycloïde par le mouvement d'une spirale d' Ârchimède , il faut faire glisser le centre de la spirale sur une droite ,et son périmètre sur un point fixe de cette droite ; il existera un certain point de la spirale qui décrira la cycloïde ordinaire ; ce sera ce point qui se trouve distant du centre de la spi- rale d'une quantité égale à la sous-normale. » Ces rapprochemens entre la développante du cercle, la spirale et la cycloïde, peu- vent être poussés assez loin, et servir à faire découvrir diverses propriétés de ces courbes. » Je crois qu'on n'a point encore remarqué une description particulière de la cycloïde que voici : Quand un cercle roule sur une droite , non-seulement cha- cun de ces points décrit une cycloïde , mais l'enveloppe de l'espace parcouru par chacun de ses diamètres est aussi une cycloïde , de dimensions sous-douhles de celles de la première. » Pareillement -, quand un cercle roule sur un autre cercle , chacun de ses points engendre une épicycloïde , et l'enveloppe de l'espace parcouru par cha- cun de ses diamètres est aussi une épicycloïde. Cbarues, le 30 avril 1831. M. de ReifFenberg, qui a inséré dans les Mémoires de l'Académie des notices relatives à des lettres d'indulgence imprimées sur vélin, communique deux nou- velles pièces de cette espèce, inconnues aux bibliographes. Toutes deux sont imprimées sur parchemin , en lettres de somme et d'un seul côté , et quoiqu'elles ne remplissent qu'environ un quart de feuille , elles ont la justification d'un in-folio. Elles furent délivrées, au nom du pape Alexandre VI, par Raymond , cardinal-prêtre du titre de Sainte-Marie Nouvelle. Toutes deux ont 29 lignes et portent pour date l'année 1502. Mais l'une est une réimpression de l'autre, avec une différence dans la distribution des lignes et notamment dans la majuscule R du mot Raymundus, qui est en lettre de forme, ainsi que les intitulés et les deux premiers mots des formules d'absolution. L'objet de l'indulgence était, suivant l'usage, pro tuitione orthodoxœ fidei contra 4 JOURNAL Turcos. M. de Reiffenberg exprime , à cette occasion , le regret de n'avoir pu consulter le magnifique et introuvable catalogue de la bibliothèque de son illus- tre confrère à la société des bibliophiles, lord Spencer, catalogue qu'il n'a pu citer que par ouï dire, et où il semble être question en effet des lettres pro regno Cypri, de l'an 1454 (1); car c'est bien là la date de l'impression de la pièce dont M. de Reiffenberg a donné le fac-similé , et M. Gabriel Peignot n'aurait conservé aucun doute à ce sujet , s'il avait vu cette copie fidèle (2). L'Académie passe au choix et à la discussion des questions à proposer pour le concours prochain ; et comme elle n'a reçu aucun mémoire sur les questions pro- posées l'année dernière , elle a résolu de les remettre au concours. Pour compléter le nombre de celles d'histoire, l'Académie a proposé la suivante pour 1833 : Q^uel était l'état de la Flandre pendant le gouvernement de Baudouin de Con- stantinople et celui de ses deux filles, les comtesses Jeanne et Marguerite , sous les rapports de l'état des villes et la condition des habitans, de la religion, de la législation , du gouvernement civil , des établissemens ecclésiastiques et de bien- faisance , du langage , des connaissances philosophiques et théologiques , des mœurs , des arts et des métiers , des fabriques et manufactures , de l'agricul- ture, du commerce , de la navigation et de la monnaie ; et quelles étaient les relations de la province avec le pape , les évêques de Tournai , d' Utrecht , de Cambrai et de Thérouane , l'empire d'Allemagne, la France , l'Angleterre , le due de Brabant et le comte de Hollande ? La question sur la constitution géologique de la province de Brabant, qui avait été proposée pour 1832, est remise au concours de 1833. M. Raoux est continué dans les fonctions de directeur. (i) Notice sur des lettres d'indulgence du pape Jutes II ; au commencement. (2) « La date de i 454 y est bien certainement ; mais est-ce bien celle de l'impression ou celle de la >i délivrance des indulgences? Les bibliographes ne sont point d'accord à ce sujet. Lord Spencer possède îi deux exemplaires de ce morceau précieux. M. Dibdin a cherché , en décrivant l'un de ces exemplaires , j) à prouver que l'impression est bien de 1454; a-t-il persuadé tout le monde? j'en doute. » f^anetes, notices et raretés bibliographiques. Paris, 1822, in-8», p. 79, note. DES SÉANCES. 5 Séance du 4 juin 1 83 1 . M. Raoux donne lecture d'un mémoire servant d'appendice à sa dissertation , lue dans les séances des 2 février et 28 mars 1825 , et insérée dans le tome III des Mé- moires, surl'origme dunomde Belge. M. Dewez donne également lecture d'un Mémoire sur la bataille de Rooseheke, dans lequel il présente le résultat de ses recherches sur les différentes circonstances de cette fameuse bataille , comme le lieu , la date , le nombre de tués , et surtout la fin de Philippe d'Artevelde, sur laquelle les auteurs et les manuscrits présentent tant de versions. Il a été résolu que ces deux mémoires seraient insérés dans le volume sous presse. M. de ReifiFenberg présente un Troixiè.mo Mémoire sur les deux premiers siècles de l'Université de Louvain , dont il sera donné lecture à la prochaine séance. M. Marchai fait lecture des notices sur MM. Kickx et Vanderlinden , qui seront insérées dans le volume sous presse. M. Quetelet propose de comprendre la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève au nombre des corps savans auxquels l'Académie envoie ses Mémoires. Adopté. II donne ensuite communication d'une lettre qui lui a été adressée par M. le pro- fesseur L. A. Necker-Saussure , de Genève , relativement aux résultats des observa- tions sur l'intensité magnétique qu'il a faites avec ce savant sur différens points des Alpes , et qu'il a insérées dans le 6= volume des Mémoires de l'Académie , en même temps que les résultats de ses observations faites en Italie , en Allemagne et dans les Pays-Bas. On présente ici l'extrait de la lettre concernant les expériences qui ont eu lieu sur des terrains volcaniques. « Sous le point de vue géologique , et relativement à la nature des terrains des contrées que vous avez parcourues , point de vue qui , d'après le genre de mes études , est le seul qu'il me soit permis d'aborder en étudiant la table de vos observa- tions, je suis particulièrement frappé de l'anomalie considérable que présentent vos résultats obtenus au sommet du Vésuve. Je crois aussi comme vous, Monsieur, que le fer, à l'état de fer oxidulé , et par conséquent naturellement à l'état magnétique, qui entre dans la composition de toutes les laves , scories , cendres ou sable dont toute la double montagne du Vésuve et de la Somma est formée, de sa cime à sa base, 6 JOURNAL doit avoir exercé une puissante action sur vos aiguilles ; mais ce qui m'étonne , c'est qu'à Radicofani, où vous avez aussi observé, sur une montagne terminée par un sommet basaltique, et par conséquent très-chargée de fer oxidulé ou fer magnétique , vous n'ayez éprouvé aucun effet appréciable de la présence de semblables masses. Quant à Naples , malgré sa proximité du Vésuve et malgré sa position au milieu des terrains produits également par les feus souterrains, je ne suis pas surpris que l'intensité horizontale n'y éprouve aucune anomalie ; car les terrains qui forment le sol de Naples et de toutes les collines qui l'environnent immédiatement , sont de ces tufs blancs ou jaunâtres , ponceux , trachytiques privés de fer magnétique ap- partenant à la formation désignée par les géologues sous le nom de formation tra- chjiique , tandis que le Vésuve appartient aux terrains de laves basaltiques. Il serait bien intéressant, comme vous le dites dans le Mémoire, d'étudier par des observations répétées sur des rayons menés depuis le cratère actuel du Vésuve, comme centre, jusque dans des lieux situés comme Naples, Gastellamare, Caserte et le pied de l'Apen- nin à l'est duVésuve, lieux tout-à-fait en dehors de l'action volcanique du Vésuve, si le volcan n'a pas un centre d'action magnétique, considéré soit comme masse de fer sus- ceptible d'agir directement sur l'aiguille aimantée , soit comme centre d'action chimi- que par les décompositions et combinaisons diverses qui ont lieu dans son foyer. Pour distinguer les effets qui se rapporteraient à l'une ou à l'autre de ces deux causes de magnétisme, des observations comparatives au sommet des cônes volcaniques en activité comme le Vésuve et l'Etna, et des volcans éteints comme ceux de l'Auver- gne , du Vivarais, de l'Eiffel, de l'île de Madère, ou tout au moins dans les terrains basaltiques de l'Allemagne , de l'Ecosse ou de l'Islande , pourraient être utiles. On aurait dans tous les cas des données semblables quant à la présence du fer magné- tique; mais des différences quant à l'électricité ou au magnétisme produit par l'action chimique qui seraitnuUedansles volcans éteints et les terrains balsatiques, et existe- . rait dans les volcans brûlans. Je soumets ces idées à votre examen et aux recherches que vous pourrez être dans le cas de faire ou de diriger. Quant à l'anomalie que vous avez observée à Turin , je ne serais pas éloigné de croire qu'elle tient aussi à la présence du fer magnétique. Les montagnes les plus rapprochées de cette ville sont en grande partie composées de serpentins souvent attirant l'aiguille aimantée, parce qu'elles renferment beaucoup de fer oxidulé ; des dépôts considérables de fer oxi- dulé sont exploités dans les vallées de Brosso , de Viu et de Lanzo au nord, N.-N.-E. et N.-N.-O. de Turin ; les cailloux roulés et les blocs répandus en si grand nombre 8ur le sol même où est bâti Turin , et sur la colline de Superga, sont en grande DES SEANCES. 7 partie composés de serpentins également pénétrés de fer magnétique. Une consti- tution semblable du sol ne se retrouve plus dans les autres lieux où vous avez ob- servé. Même à Milan , qui paraît bien rapproché , la nature géologique du sol est toute différente , les montagnes les plus rapprochées dans la chaîne des Alpes sont calcaires, et la nature des cailloux roulés, des sables et des terrains tertiaires des environs de cette ville est telle que le fer oxidulé ne saurait s'y rencontrer en quantité appréciable. Voilà, Monsieur, quelques observations que m'a suggérées la lecture de vos expériences. Je désire qu'elles puissent avoir quelqu'intérêt pour vous. Il me semble qu'il doit y en avoir à rechercher l'effet que peuvent avoir cer- taines particularités géologiques du sol sur l'intensité magnétique , et qu'il y aurait toujours quelqu'importance dans les expériences qui y sont relatives à déterminer la nature géologique des lieux où l'on observe. » Genève, le 7 mai 1831. Séance du 9 juillet 1831, M. deReiffenberg lit son Troisihne Mémoire sur l'université de Louvaiti , pré- senté à la séance précédente. M. Van Mons lit un Mémoire sur les pyrophores et sur la cause de leur inflammation spontanée à l'air. Il explique ce que l'on entend par pyrophores- sence, et il rapporte à l'appui de sa définition les différens faits qui concourent à donner une idée juste de ce phénomène. M. Quetelet lit un mémoire contenant des recherches sur l'influence des sat- sons , des climats , des sexes et des âges sur le penchant au crime , et faisant suite à ses recherches sur les lois de développement des différentes qualités physi- ques et morales de l'homme. M. Dewez, en 1825, avait proposé une question sur les traits de ressemblance, d'identité ou d'analogie que l'on retrouve soit dans l'histoire , soit dans les usages , les cérémonies, les amusemens et les fêtes, soit dans les lois, les capitulaires , les conciles et les principales coutumes des provinces belgiques , avec les anciennes pratiques ou habitudes des Germains et des Gaulois, dont les Belges sont issus; il lit un mémoire sur cette question, qui, après avoir été proposée pendant trois ans , n'avait obtenu aucune réponse. L'Académie décide que ces quatre mémoires seront insérés dans le volume sous presse. 8 JOURJ^AL Séance du 8 octobre 1831. M. Dumortier donne lecture d'une note contenant ses observations sur la loi de métamorphose dans les corps organiques. M. Quetelet communique des observations sur la mortalité des enfans ; il résulte de ses recherches que, pendant les neuf ou dis premiers mois qui suivent la nais- sance, la mortalité des garçons est beaucoup plus grande que celle des filles, et ce résultat se reproduit dans toutes les provinces. Pendant le premier mois qui suit la naissance, par exemple, le rapport des décès pour les filles et les garçons est de 100 à 134 dans les villes , et de 100 à 142 dans les communes rurales. M. de Reifienberg lit la première partie d'un Essai de statistique de l'ancienne Belgique, dans lequel il propose un nouveau système de classification de cette science , et recherche , à l'aide de documens historiques dont beaucoup sont iné- dits, quelles ont été les données statistiques sur le sol, les eaux et la température de la Belgique ancienne. L'Académie décide que ces deux mémoires seront imprimés dans le volume sous presse. M. d'Omalius d'Halloy fait hommage à l'Académie des Élémens de géologie qu'il vient de publier. M. Wauters fait également hommage d'un ouvrage , intitulé : Dispensatorium pharmaceuticum Belgii, pauperibus congruum atque dicatum. Séance du 19 novembre 1831. M. de Reiffenberg lit un Mémoire sur la peinture sur verre , dans lequel il expose les services que les artistes belges ont rendus à cet art , et quels sont les monumens les plus célèbres qui en existent , ou dont la mémoire est conservée dans les documens imprimés ou manuscrits. Impression. Dans un mémoire inséré dans le recueil de l'Académie, M. Quetelet a fait voir que la mortalité est plus grande en hiver qu'en été. D'après de nouvelles recherches qu'il vient de faire , il a trouvé que cette différence se fait particulièrement res- sentir aux deux extrémités de la carrière de l'homme. Ainsi , immédiatement après la naissance, pour deux décès d'enfans en hiver on n'en compte qu'un seul DES SÉANCES. 9 en été. Cette différence décroît avec l'âge de telle manière qu'elle devient à peu près nulle vers 12 ans. Elle recommence à se prononcer entre 40 et 50 ans; et même après l'âge de 65 ans, on compte deux décès en hiver pour un en été. Les rigueurs de l'hiver pour l'homme qui a dépassé cet âge, sont donc aussi perni- cieuses que pour l'enfant naissant : même après 80 ans , elles le seraient davantage. Le nombre des mort-nés est aussi plus grand en hiver qu'en été. Enfin dans les villes et particulièrement dans celles de la Flandre occidentale , on a compté deux mort-nés pour un seulement dans les campagnes. M. Quetelet soumet ces différentes particularités à l'examen des physiologistes ; il appelle également leur attention sur le fait suivant, qu'il avait déjà signalé dans un autre mémoire, et qu'il vient de confirmer par de nouvelles observations qu'il doit à M. le docteur Guiette : c'est qu'il naît et qu'il meurt moins d'individus le jour que la nuit , et surtout dans la seconde partie de la nuit. M. le docteur Buek a vérifié la même observation à Hambourg. MM. Dumortier et Cornélissen ont cité différens faits qui tendent à expliquer les résultats de l'auteur. M. Marchai , conservateur de la bibliothèque royale de Bourgogne , fait observer que ce dépôt littéraire, existant depuis près de quatre siècles , a été annexé à l'Aca- démie en l'année 1772 pour les travaux de ses membres, et qu'une médaille fut frappée pour conserver le souvenir de cette réunion; que d'ailleurs l'Institut de France et beaucoup d'autres sociétés semblables, placées sous la protection de l'État , ont aussi leur bibliothèque. M. Marchai lit un mémoire sur l'utilité qui a souvent résulté pour l'Académie de pouvoir prendre les matériaux de ses travaux dans la bibliothèque de Bourgo- gne ; il expose dans ce même mémoire la formule d'un catalogue en tableau qu'il a imaginé pouf la confection des inventaires de ce dépôt, et auquel il travaille depuis plusieurs mois. L'Académie a entendu ce mémoire avec intérêt , et est d'avis que cette formule nouvelle paraît remplir entièrement le but proposé par M. Marchai. Le secrétaire présente, au nom de l'Académie des sciences de Stockholm, quatre volumes de ses Mémoires , comprenant les années 1829 et 1830, Tom. VII. 10 JOURNAL Séance du 10 décembre 1831. M. de Reiffenberg lit un Quatrième Mémoire sur les deux premiers siècles de r Université de Louvain. Impression. M. Van Mons fait hommage de la première partie d'un ouvrage intitulé : Abrégé de Chimie. Séance du 7 janvier 1832. M. Quetelet propose 1" de nommer vers la fin de chaque semestre deux commis- sions de trois membres chacune, dont l'une pour les lettres et l'autre pour les sciences , qui examineront les mémoires lus pendant le courant du semestre , et dé- signeront ceux qui doivent faire partie du volume à imprimer ; 2° De présenter dans les procès-verbaux des séances un sommaire substantiel des mémoires qui auront été lus, et de faire imprimer ces procès-verbaux ou bulle- tins , de manière à pouvoir les rendre publics dans la huitaine qui suit la séance. Ces bulletins ne feraient connaître que les communications scientifiques qui au- raient été faites à l'Académie ; on les distribuerait de la manière suivante : 1° Aux membres ordinaires et honoraires; 2° Aux correspondans; 3° Aux principales Académies et établissemens scientifiques de ce pays et de l'étranger ; 4" Aux journaux de Bruxelles, et à des savans qui auraient témoigné le désir de les recevoir. On pourrait en mettre aussi un certain nombre à la disposition du Ministère de l'Intérieur. Cette proposition sera discutée à la séance prochaine. M. Quetelet communique de la part de M. J. Herschel difFérens résultats intéres- sans, auxquels ce célèbre astronome a été conduit dans ses recherches sur les étoiles doubles. Ainsi l'étoile y de la Vierge décrit une petite courbe fermée dans la pé- riode de 513 ans, et une série d'observations qui commenceraient avec Bradley en 1719 et qui se prolongeraient jusqu'en 1831 ^ serait parfaitement représentée par une ellipse d'une grande excentricité; Castor, cr de la couronne, f de l'Ourse DES SÉANCES. 11 et 70 d'Ophiacus , décment toutes des ellipses. Les calculs de M. Herschel pour lés deux dernières étoiles s'accordent assez bien avec ceux de MM. Savary et Encke. ç- du Cancer décrit une orbite qui paraît circulaire , dans l'espace d'environ 55 ans , et y, de la couronne achève une révolution dans la période remarquablement courte de 42 à 43 ans ! Il pourra peut-être se présenter des périodes plus courtes encore , c'est ce qui porte M. Herschel à déterminer les petites étoiles avec le plus de préci- sion possible. Son grand télescope réflecteur, dont il a repoli le miroir depuis peu, lui a été d'un grand secours dans ces recherches. M. J. Herschel fait aussi part d'une observation curieuse qu'il a faite à l'égard du borax , et qui modifie le principe que « tous les axes optiques pour les rayons dif- férens en couleurs et en réfrangibilité , sont dans mji même plan, qui est la section principale du cristal ». Ha trouvé que pour le borax , le plan dans lequel sont les axes des rayons rouges diffère d'une manière sensible de celui pour les rayons violets, etc. Il est également donné lecture d'une lettre de M. Babbage, correspondant de l'Académie. Ce savant annonce que la construction de la fameuse machine à cal- culer de son invention touche à sa fin. Il vient de poser la première pierre de l'édifice destiné à la recevoir. M. de Reiff'enberg, qui n'a pu assister à la séance , annonce à l'Académie la pro- chaine publication du Chronicon Cameracense par M. Le Glay , et il invite au nom de ce savant les membres qui posséderaient des renseignemens relatifs à cette chronique, à vouloir bien les lui communiquer. BULLETIN No 1. Séance du 4 février 1832. M. Raoux, directeur; M. Dewez, secrétaire perpétuel. La proposition de M. Quetelet, présentée à la séance précédente, est mise en discussion. L'Académie décide : 1" qu'on nommera pour chaque semestre, trois commissions de trois membres chacune, dont la première pour les lettres, la deuxième pour les sciences naturelles et la troisième pour les sciences physiques et mathématiques ; 12 BULLETINS elles examineront les mémoires lus ou enToyés pendant le courant du semestre par des membres ou des correspondans, et proposeront à l'Académie, dans la dernière séance du semestre, ceux qui pourraient faire partie du'volume à imprimer; 2° qu'on présentera dans les procès-i/erbaux des séances les communications scientifiques et lit- téraires qui auront été faites, et des sommaires substantiels des mémoires qui auront été lus. Ces procès-verbaux ou bulletins seront imprimés de manière à pouvoir être rendus publics dans la huitaine qui suit la séance. On les distribuera de la manière suiTante : 1" Aux membres ordinaires et honoraires; 2° Aux correspondans; 3° Aux principales Académies et établissemens scientifiques de ce pays et de l'étranger ; 4° Aux journaux de Bruxelles et à des savans qui auraient témoigné le désir de les reccToir. Les procès-verbaux seront en outre insérés dans le recueil des Mémoires, où ils remplaceront le Journal des séances. L'assemblée procède en conséquence au scrutin secret à la nomination de trois commissions. Le dépouillement du scrutin donne pour résultat les choix suivans : MM. Dewez, Raoux et de Reiffenberg, pour la commission des lettres; MM. Cauchy, d'Omalius et Sauveur, pour celles des sciences naturelles; MM. Quetelet, Pagani et Garnier, pour celle des sciences physiques et mathé- mathiques. Le secrétaire présente ensuite les ouvrages suivans : Philosophical transactions of the royal society of London , for the year 1830. 2 vol. in-4''. Idem, /br the year 1831. 2 vol. in-4°. Fellows of the society. 1831, in-4". Proceedings ofthe royal society. 1830-1831, in-8''. — De la part de cette société. Dictionnaire géographique de la province de Liège, par M. Ph. Vander Maelen, membre de l'Académie. — De la part de l'auteur. Programme des prix proposés par l'Académie royale de dessin, peinture, sculpture et architecture de la ville de Gand, pour le concours de 1832. — De la part de M. Van Hullhem. M. le baron de Reiffenberg présente des Docuniens inédits pour servir à l'his- toire de la servitude en particulier et de la propriété en général. Quatre chartes DE L'ACADÉMIE. 13 des années 1008, 1086, 1096, 1225, l'une d'afTranchissement , deux autres de ser- vitude volontaire, la dernière de donation ecclésiastique, donnent lieu à plusieurs observations sur les coutumes, les mœurs et les antiquités du pays. Un fragment unique d'un cartulaire de l'abbaye de Saint-Hubert, écrit au XIIP siècle, ajoute à l'intérêt de ces recherches. M. Cauchy fait part de deux découvertes importantes, l'une à Samson, province de Namur, d'un calcaire qui, d'après les essais exécutés dans les ateliers de M. Vander Maelen, à Bruxelles, serait éminemment propre à la lithographie, si la couleur un peu trop foncée de cette pierre ne rendait pas le travail plus difficile que sur les pierres de Munich et de Bourgogne; l'autre, dans la province A' Anvers, d'une pierre susceptible de fournir le ciment romain, employé en Angleterre dans les constructions hydrauliques et notamment dans celles du tunnel de Londres. M. Quetelet donne lecture d'une lettre de M. Hachette, de l'Institut de France et correspondant de l'Académie, par laquelle il lui fait part qu'ayant dû s'occuper dans son cours de géométrie descriptive à la faculté des sciences de Paris, de la théorie des surfaces réglées à élémens gauches, et de la méthode à suivre pour leur mener des plans tangens, il a été conduit à la proposition suivante : «Etant données une droite de la surface réglée générale (celle qui a pour direc- trices de sa génératrice trois courbes quelconques), et trois normales en trois points de cette droite, le paraboloïde hyperbolique dont la génératrice a pour directrices ces trois normales, est le lieu géométrique des axes de tous les hyperboloïdes de révolution tangens à la surface réglée suivant la droite donnée de cette surface. » BULLETIN No 2. Séance du 3 mars 1832. M. Raoux, directeur; M. Dewez, secrétaire perpétuel. Le secrétaire rend compte de la correspondance, et présente les ouvrages suivans : Le tome XII des Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du roi et autres bibliothèques , publiés par l'Institut royal de France, qui lui a été adressé par M. Dacier, secrétaire perpétuel de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, par lettre du 4 février dernier. 14 BULLETINS Rapport sur l'état de l'instruction publique dans quelques pays de l'Alle- jnagne, et particulièrement en Prusse, V partie : Francfort-sur-le-Mein, duché de Weymar, royaume de Saxe; par M. Victor Cousin , correspondant de l'Académie. — De la part de l'auteur. Nouvelles archives historiques des Pays-Bas, ou recueil pour la géographie, la statistique et l'histoire civile, militaire, religieuse, politique et littéraire, publié par le baron de Reiffenberg. N° 10, juin — juillet 1831. — De la part de l'auteur. jimc Yeuve Raepsaet, née Bauwens, annonce la mort de son mari M. Jean- Joseph Raepsaet, membre de cette Académie, décédé le 19 février. M. Garnier communique à l'Académie le manuscrit d'un Traité de météorologie, qu'il se propose de publier. Il a réuni dans cet ouvrage très-étendu la substance de tout ce qui a été écrit de plus important sur les phénomènes de l'atmosphère, et a recueilli les observations les plus remarquables, disséminées dans les collec- tions académiques et les divers journaux des sciences. M. Goetmaekers, horloger-mécanicien à Tournai, adresse à l'Académie les deux premières parties d'un Traité élémentaire sur l'horlogerie, et il demande des conseils et témoigne le désir qu'on lui communique, pour l'aider à terminer son travail, des renseignemens sur la longueur du pendule à secondes à Bruxelles. L'examen de ce traité est renvoyé à deux commissaires, chargés d'en faire leur rapport à la compagnie. M. Quetelet communique quelques remarques sur le prochain retour de la comète d'Encke, et met en même temps sous les yeux de l'assemblée une carte céleste indiquant la marche de cet astre, pour les époques où il pourra être visible dans nos climats. Cette carte est lithographiée par M. Jobard. Le secrétaire fait lecture d'un rapport favorable sur deux mémoires de M. A. Timmermans, capitaine du génie, concernant la Théorie des pressions et torsions, et quelques-unes des applications de cette théorie. Ces recherches, qui supposent des connaissances très-étendues en analyse, reposent sur un principe arbitraire : il admet que le polygone formé par les points d'appui est décomposé dans tous les triangles possibles, et que le poids peut être considéré comme supporté par chacun des triangles qui passent sous lui. La charge de chacun de ces triangles est le poids divisé par le nombre des triangles. Quant à la position du point d'application dans chaque triangle, elle est connue. On conçoit donc la possibilité d'exprimer analy- tiquement la pression exercée sur chaque point. DE L'ACADÉMIE. 15 Le secrétaire donne communication d'une lettre de M. Schmerling, docteur en médecine à Liège, à laquelle est jointe une Description détaillée des ossemens humains fossiles, qu'il a découverts l'année dernière dans deux cavernes de la province de Liège , savoir : à Engihoul et Engis. Trois commissaires sont chargés de l'examen de cette notice, et d'en faire le rapport. Elle est accompagnée de deux planches très-bien dessinées, représentant divers fragmens d'os humains trouvés dans ces cavernes à côté de débris d'ours, d'hyènes et de rhinocéros. M. le baron de Reiffenberg dépose sur le bureau le manuscrit de son nouveau Traité de philosophie, dont l'Académie a accepté la dédicace dans la dernière séance, et il présente un Mémoire contenant des particularités inédites sur Charles-Quint et sa cour. Elles sont tirées des lettres manuscrites de Malinœus, gentilhomme de la chambre de ce prince, et de l'Itinéraire de Vandenesse, éga- lement manuscrit, et dont Leibnitz, dom Berthod, l'abbé de JVelis et M. le profes- seur Raoul avaient résolu de faire jouir le public. Renvoyé , ainsi que le mémoire qu'il a présenté le 4 février, à la commission des lettres. M. Dumortier fait part de la découverte qu'il a faite à Tournai de divers bas- reliefs des 13" et 14" siècles et de la plus grande beauté. Ces bas-reliefs, dont le fini égale celui du burin , sont en pierre calcaire de Tournai , et semblent indiquer l'existence, à cette époque, d'une école de sculpture dont l'histoire ne fait aucune mention. Cette découverte étant du plus haut intérêt pour l'histoire des beaux-arts en Belgique, M. Dumortier s'est engagé à faire un mémoire détaillé sur cet objet. BULLETIN N» 3. Séance du 7 avril 1832. M. Raoux, directeur; M. Dewez, secrétaire perpétuel. Le secrétaire donne communication d'une note qui lui a été adressée par M. de Chênedollé, professeur de littérature française au collège de Liège, annonçant qu'à Fizenne, village de la province de Luxembourg, à deux lieues de Durbuy, on a dé- couvert, au mois de février dernier, 120 médailles d'origine gauloise, supérieure- ment conservées. Ces médailles sont toutes en or et ne portent qu'une seule empreinte. Elles pèsent chacune trois esterlins et vingt-sept as. Quant à la forme , au sujet et au module, elles sont entièrement semblables à celles qui ont été dé- crites par l'abbé Ghesquière, ancien membre de l'Académie, dans un ouvrage 16 BULLETINS avant pour titre : Mémoire sur trois points intéressans de l'histoire monétaire des Pays-Bas. M. le baron de Reiffenberg donne lecture de la première partie de son Mémoire contenant des particularités inédites sur Charles-Quint et sa cour, qu'il a pré- senté à la dernière séance. Après cette lecture, il dépose sur le bureau la seconde partie de ce mémoire, qui fait connaître les occupations littéraires de ce prince, et le montre livré à de paisibles études au milieu des camps, des soucis de la guerre et de l'ambition. M. de Reiffenberg informe ensuite l'Académie que M. Delmotte , bibliothécaire de la ville de Mons, a retrouvé dans les combles de l'église de S'^-Waudru, le chartrier du ci-devant chapitre de cette église, que l'on croyait détruit depuis long-ternps, et qui était contenu dans plusieurs sacs. Les diplômes les plus anciens appartiennent au règne de Baudouin V; il y en a beaucoup de Baudouin VI, dit de Constantinople. On y trouve aussi l'original de la fameuse charte de 1200, qui réglait la législation des fiefs dans le Hainaut, et une liste des offices héréditaires de la cour de Hainaut, formée au commencement du XIII" siècle par Gislebert, le même à qui l'on doit une chronique publiée en 1784 par le marquis Du Chasteler. M. l'archiviste Gachard s'est empressé de se rendre sur les lieux pour constater l'état de ce véritable trésor. M. Pagani présente un Mémoire sur la théorie des projections algébriques et sur son application au mouvement de rotation d'un corps solide. Renvoyé à la commission des sciences physiques et mathématiques. M. Sauveur met sous les yeux de l'Académie des ossemens humains fossiles dé- couverts dans les cavernes A'Engihoul et à'Engis, et dont il a été fait mention à la dernière séance. M. Quetelet communique ses observations sur la déclinaison, l'inclinaison et l'intensité tnagnétique à Bruxelles. « En présentant, dit-il, à l'Académie les résultats de mes observations sur l'état des élémens du magnétisme terrestre à Bruxelles, j'aurais désiré pouvoir lui faire connaître les variations que le temps a fait subir à ces élémens j mais, malgré toutes mes recherches, je n'ai pu trouver aucune observation antérieure un peu précise sur le magnétisme, je ne dirai pas pour Bruxelles, mais même pour tout notre R-oyaume. Je dois donc me borner à citer mes propres observations , et une obser- vation de l'intensité magnétique, que M. le capitaine Sabine a faite à Bruxelles, dans le jardin de l'observatoire, le 5 novembre 1828. DE L'ACADÉMIE. 17 » Les élémens qui suivent ont été tous déterminés dans le jardin de l'obserTatoire, entre 2 et 4 heures de l'après-midi, avec d'excellens instrumens de MM. Troughton et Simms : chaque nombre est le résultat de plusieurs observations. Déclinaison de l'aiguille magnétique. Octobre 182S 22" 28' 61",1 Mars 1830 22o 25' 18",1 Mars 1832 22o 18' 59",2 Inclinaison de l'aiguille. Octobre 1828 68» 66",6 Mars 1830 68o 52",6 Mars 1832 68o 49",1 Ainsi, pendant ces quatre dernières années, la déclinaison aurait diminué de 10 minutes environ, et l'inclinaison de 5 '/'• )> Quant à l'intensité horizontale du magnétisme terrestre, j'avais déjà déterminé sa valeur pour Bruxelles, relativement à un grand nombre de points remarquables de France, d'Allemagne, de Suisse et d'Italie. Les nombres qui suivent serviront de vérification à ceux que j'ai publiés dans les Mémoires de l'Académie; ils ont été obtenus avec un instrument construit à Bruxelles, et destiné à l'observatoire de Genève. M. Plateau, en le portant à Paris, a bien voulu observer les aiguilles dans le jardin de l'observatoire, avec M. Nicollet, qui les a observées de son côté sur les bords de la rade de Brest, en profitant d'une excursion qu'il faisait pour des examens de la marine. Les résultats ont été corrigés des efî'ets de la tempéra- ture, au moyen de la formule de M. Hansteen. J'ai mis à la suite de ces résultats ceux que j'avais obtenus antérieurement, et j'ai pris pour unité l'intensité magné- tique horizontale observée à Paris. Intensité horizontale. Observateurs. Paris, septembre 1831. 1,0000 MM. Nicollet el Plateau. Bruxelles, août „ 0,9607 MM. Plateau et Quetelet. Brest, septembre » 0,9770 M. Nicollet. Genève, fe'vrier 1832 1,0812 M Gautier. Observations de 1830. Paris 1,0000 Bruxelles 0,9697 Genève 1,0803 Tom. Fil. 5 18 BULLETINS » M. Gautier, directeur de l'observatoire de Genève, en me transmettant ses ob- ^ervations, me prévient qu'elles ont été faites au lieu même où un an et demi auparavant j'avais obtenu un résultat à peu près identiquement le même que le sien. Les résultats de Bruxelles, pour 1831, diffèrent un peu de ceux de l'année précédente, et tiennent à peu près le milieu entre ceux-ci et ceux obtenus par M. le capitaine Sabine, qui étaient pour Paris et Bruxelles dans le rapport de 10681 et 10156, ou comme 1 à 0,9509. >> M. Quetelet met ensuite sous les yeux de l'Académie une carte représentant les positions successives de différentes taches qu'il a observées sur le disque du soleil , et dont il continue à suivre la marche. BULLETIN No 4. Séance du 5 mai 1832. ANNIVERSAIRE DE LA PREMIERE SEANCE DE LA SOCIETE LITTERAIRE DE BRUXELLES , QUI EUT LIEU LE 5 MAI 1769 (1). M. Raoux, directeur; M. Dewez., secrétaire perpétuel. L'Académie avait proposé, pour le concours de 1832 , cinq questions pour la classe d'histoire et six pour celle des sciences, sur lesquelles il ne lui est parvenu qu'un mémoire , écrit en flamand , en réponse à la première question d'histoire , aj'ant pour objet les anciens monumens d'architecture du Brahant et du Hainaut. L'Aca- démie a trouvé ce mémoire trop superficiel et trop incomplet pour remplir l'objet de la question. Elle propose, pour le concours de 1833, les questions suivantes: (1) Cette société a ëté érigée en Académie Impériale et Rojale des sciences et belles-lettres, par let- tres patentes de Tlmpéiatrice Marie-Thérèse, du 16 décembre 1772. Elle tint sa première séance, sous le titre d'Académie , le i3 avril 1773. DE L'ACADÉMIE. 19 CLASSE D'HISTOIRE. PREMIÈRE QUESTION. Quels sont les principaux monnmens d'architecture qui, dans la province actuelle de Brabant, ont été construits, à commencer de la période chrétienne et pendant le moyen âge , jusqu'au commencement du seizième siècle ( année 1.500) , et. qui , ou n'existent plus , ou existent encore de nos jours ? DEUXIEME QUESTION. Déterminer quel fut l'état de la poésie flamande depuis le commencem,ent du treizième siècle jusqu'au quinzième exclusivement , et quels genres furent les plus cultivés. TROISIÈME QUESTION. Quels étaient les droits et les attributions des états dans les différentes pro- vinces des ci-devant Pays-Bas autrichiens , d'après les constitutions et le droit public de chaque province , jusqu'à l'époque de la réunion de la Belgique a la France, en 1795. QUATRIEME QUESTION. Indiquer l'époque précise des inventions , importations et perfectionnemens qui ont successivement contribué aux progrès des arts industriels dans les pro- vinces de la Belgique , depuis les dernières années du dix-huitieme siècle jusqu'à nos jours , et assigner , autant que possible , les principales circonstances qui les rattachent à l'introduction des différentes découvertes et nouvelles métho- des dans les fabriques , usines et ateliers, avec l'indication des personnes qui , les premières , en ont fait usage parmi nous. 20 • BULLETINS CINQUIÈME QUESTION. Quelle a été l'origine et la nature des avoueries dans les Pays-Bas? — Y enavait-il de plusieurs espèces? — D'où le pouvoir des avoués procédait-il pri- mitivement ? — u4 quelles usurpations a-t-il donné lieu , et quelles modifica- tions a-t-il subies dans la suite des temps ? SIXIEME QUESTION. Quel était l'état de la Flandre pendant le gouvernement de Baudouin de Constatitinople et celui de ses deux filles , les comtesses Jeanne et Marguerite, sous les rapports de l'état des villes et la condition des hahitans , de la religion, de la législation , du gouvernement civil, des étahlissemens ecclésiastiques et de bienfaisance , du langage, des connaissances philosophiques et théologiques, des mœurs, des arts et des métiers , des fabriques et Tnanufactures , de l'agri- culture, du commerce , de la navigation et de la monnaie ; et quelles étaient les relations de la province avec lepape, les évêques de Tournai, d'Utrecht ,de Cambrai et de Thérouane , l'empire d'Allemagne , la France , l' Angleterre , le duc de Brabant et le comte de Hollande? L'Académie propose, pour le concours de 1834 , la question suivante: Quels sont les principaux monumens d'architecture qui, dans la province «ZeHainaut, ont été construits , à commencer de la période chrétienne et pendant le moyen âge, jusqu'au commencement du seizième siècle (année 1500)^ et qui , ou n'existent plus , ou existent encore de nos jours? DE L'ACADÉMIE. 21 CLASSE DES SCIENCES. PREMIÈRE QUESTION. Décrire la constitution géologique de la province de Limbourg; déterminer avec soin les espèces tninérales et les fossiles que les divers terrains renfer- ment, et indiquer la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. DEUXIEME QUESTION. Donner la théorie mathématique de l'homine et des animaux , considérés comme agens mécaniques. Les concurrens sont prévenus qu'ils doivent rapporter les mesures des forces à l'unité connue sous le nom de dyname. TROISIÈME QUESTION. Comparer, pour la Belgique , les avantages qui résulteraient de l'établisse- ment des chem,ins enfer avec ceux qu'offrent les canaux. QUATRIÈME QUESTION. On demande la théorie mathématique des vibrations intestines des corps élas- tiques , en ayant égard aux circonstances physiques qui atténuent d'abord et qui finissent par détruire le mouvement primitif. 22 BULLETINS CINQUIÈME QUESTION. Exposer les phénomènes i/ue présente le développement de l'électricité par chaleur dans les substances cristallisées. SIXIÈME QUESTION. Décrire et figurer la germination de l'agaric des couches (agaricus campes- tris), et d'une espèce de lichen au choix des concurrens , ainsi que leurs déve- loppemens successifs jusqu'à la fructification. SEPTIEME QUESTION. Décrire la constitution géologique de la province de Brabant ; déterminer avec soitiles espèces minérales et les fossiles que les divers terrains renferment , et indiquer la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. L'Académie propose, pour le concours de 1834, la question suivante: Sous quelle forme et à quel degré de saturation le chlore se trouve-t-il dans les chlorures à oxides solubles ? — ^ quels corps peut-on unir les composés clmniques sans altérer leur nature? — Enfin quel est leur )}iode d'action comme moyen désinfectant? Les deux commissaires nommés à la séance du 3 mars dernier, pour l'examen des deux premières parties d'un Traité élémentaire sur l'horlogerie, par M. Goet- maekers , de Tournai , ont fait leur rapport à l'assemblée , qui , en conséquence , a résolu d'inviter l'auteur à diriger le résultat de ses observations vers la pratique de cet art , de manière à enrichir la science de bons instrumens. M. Goetmaekers , ci-dessus nommé , adresse une Notice scientifique sur les instrumens agricoles , avec le plan d'une nouvelle charrue. Renvoyée à l'examen de deux commissaires. DE L'ACADEMIE. 23 L'Académie entend la lecture d'un rapport favorable sur un mémoire présenté par M. l'ingénieur en chef De Behr, relatif à l'emploi du zinc dans les construc- tions. M. Quetelet présente , au nom de M. Michel Reiss , docteur en philosophie de l'université de Gœttingue , un Mémoire sur les propriétés générales des courbes algébriques , suivi d'un appendice concernant les propriétés des triangles des tangentes des lignes du troisième ordre. Renvoyé à l'examen de deux commis- saires. M. Quetelet présente également un mémoire de sa composition sur le poids de l'hotnme aux dijférens âges ,-ço\\x faire suite aux recherches sur la croissance de l'homme, et sur le penchant au crime aux différens âges , qu'il a insérées dans les Nouveaux Mémoires de l'Académie. Il communique en même temps les résultats des observations que M. Rudberg , professeur de physique à l'université d'Upsal , vient de faire à Bruxelles , dans le jardin de l'observatoire , sur l'intensité du magnétisme terrestre. Ce savant , en fai- sant usage de deux aiguilles construites par Gambey,et en comparant ses résultats à ceux qu'il venait d'obtenir à l'observatoire de Paris ,a trouvé: l'intensité totale. A Paris. A Bruxelles. D'après l'aiguille N" 1 1,0000 1,0216 " . N» 2 1,0000 1,0220 M. Rudberg a pris, dans ses calculs, pour inclinaison magnétique, la moyenne des angles de 67° il', 25 et 67° 40'^ 4, qu'il a observés le 3 février dernier, à l'ob- servatoire de Paris ; et pour Bruxelles , 68° 49', 1. Ses observations, qu'il a compa- rées aux observations de même espèce, qui ont été faites successivement à Bruxelles et à Paris , en 1 828 , par M. le capitaine Sabine ; en 1 830 , par M. Quete- let; et en 1831 , par MM. Nicollet, Plateau et Quetelet ( voyez le procès-verbal de la séance précédente), présentent des résultats parfaitement d'accord avec ceux de 1830, qui lui ont donné pour intensité totale à Bruxelles 1,0218, en prenant pour unité l'intensité totale à Paris. Le directeur donne lecture d'une lettre par laquelle M. Le Hon, ministre pléni- potentiaire de S. M. à la cour de France , adresse de la part de M. Moreau de Jonnès , correspondant de cette Académie, un Rapport sur le choléra-morhus pestilentiel, 24 BULLETINS dont il fait hommage à la compagnie. M. Moreau de Jonnès , dans une lettre adres- sée à M. Dewez, sous la date du 28 avril, avait annoncé l'envoi de son ouvrage. Cette lettre contient des détails fort importans sur la marche du choléra, qu'il a suivie , il y a prés de quinze ans , sur les bords du Gange , où elle était alors confi- née. Il explique comment , malgré les précautions et les mesures sanitaires prises parles gouvernemens russe, autrichien et prussien, un concours de circonstances extraordinaires, occasionnées par la politique au détriment de l'humanité, favorisa l'irruption du fléau dans la Pologne , la Galicie , la Prusse orientale , l'Angleterre et la France , et la maladie fut ainsi laissée libre dans son cours désastreux. Edim- bourg n'en a point été atteinte. « Environnée de villages infectés, cette capitale de » l'Ecosse se défend encore au bout de trois mois contre le choléra, qui, à chaque » instant est prés de l'envahir. Aussitôt qu'un individu en est atteint, on lui pro- » digue des soins dans son domicile , s'il refuse de le quitter ; mais on envoie sa « famille dans la maison d'isolement , à Queenberrj'-House. La contagion s'est » déclarée 40 fois parmi les personnes ainsi séquestrées ; mais elle ne s'est point >) propagée parmi les 200,000 habitans de la capitale ; et 171 fois , la maladie a été » entièrement étouffée. » Voilà donc un moyen efficace de salut; la difficulté est de trouver ailleurs, » comme à Edimbourg , des circonstances favorables à son exécution. « On procède au scrutin secret à l'élection du directeur, et M. Quetelet a été nommé pour cette année. Le secrétaire lit une lettre par laquelle M. Vandermaelen fait hommage à l'Académie de son Dictionnaire géographique de la province de Namur. M. Cornélissen présente une Notice sur le tombeau de Jacques Jordaens , peintre célèbre de l'école flamande , contemporain de Rubens. Le secrétaire présente: 1° le 35" volume des Mémoires de l'Académie Royale de Turiji; 2° Quelques observations sur la teinture de colchique, et principalement sur son emploi dans les affections arthritiques et rhumatisinales , par M. Schmerling, docteur en médecine. — De la part de l'auteur; 3° Précis historique des troubles de Bruxelles ,enlllS, avec des détails iné- dits sur le procès et l'exécution d'Anneessens , parP.-F. Verhulst. — Delà part de l'auteur. DE L'ACADÉMIE. 25 BULLETIN N» 5. Séance du 2 juin 1832. M. Quetelet , directeur ; M. Dewez , secrétaire perpétuel. Le secrétaire donoe lecture d'une lettre , du 8 mai dernier , par laquelle M. le marquis de Fortia, correspondant, fait hommage à l'Académie d'un exemplaire imprimé de son ouvrage intitulé : Homère et ses écrits. Le secrétaire présente un ouvrage intitulé : Tour du monde, ou voyage du rab- bin Péthachia , de Ratisbonne , dans le douzième siècle , publié en hébreu et en français, accotnpagné de notes historiques, géographiques et littéraires, par M. Eliacin Garmoly, grand-rabbin. — De la part de l'auteur. M. Quetelet présente un recueil intitulé : Premier anniversaire de la réoolution nationale de la Lithuanie et des terres russiennes , célébré à Paris le 25 mars 1 832. — De la part de M. Jullien , correspondant. M. Dumortier présente un ouvrage intitulé : Observations on the organs and mode of fecundation in Orchideœ and Asclepiadeœ. By Robert Brown. — De la part de l'auteur , correspondant. M. le baron deReiffenberg fait lecture de la seconde partie de son Mémoire con- tenant des particularités inédites sur Charles-Quint et sa cour. Ces recherches, qu'il avait présentées à la séance du 7 avril dernier , sont renvoyées à la commis- sion des lettres. Il dépose sur le bureau un Mémoire sur les comtés de Durbui , de la Roche et de Daelem. Il en sera donné lecture à l'une des prochaines séances. M. Quetelet lit une lettre de M.Bouvard, membre de l'Institut de France et cor- respondant de l'Académie , relativement au passage de mercure sur le soleil , qui a eu lieu le 5 mai dernier. A Paris , l'état du ciel n'a permis d'observer que l'entrée de mercure sur le disque solaire: l'observation a été faite par MM. Mathieu, Savary et Eugène Bouvard. M. Arago s'est occupé de mesurer le diamètre de la planète. M. Gambart a pu observer , à Marseille , le commencement et la fin du phénomène ; il a de plus observé mercure et le soleil à leur passage au méridien. M. Quetelet communique aussi les observations qu'il a faites, à Bruxelles , malgré l'état nébu- leux du ciel et la médiocrité des instrumens qui seuls ont pu être placés jusqu'à présent à l'observatoire , par suite de l'abandon des travaux; il a pu observer la sortie, Tom. Fil. 4 26 BULLETINS le passage des deux astres au méridien et le contact intérieur de l'entrée ; des nuages n'ont pas permis de voir le contact extérieur. M. Quetelet donne aussi lecture de ses Recherches sur le poids de l'homme , présentées à la séance précédente. Les principales conclusions de ce travail sont : 1" Dès la naissance, il existe une inégalité , pour le poids et pour la taille, entre lesenfans des deux sexes :1e poids moyen des garçons esta Bruxelles de 3''.20; celui des filles de 2i'.91 : la taille des garçons est de 0^.498; celle des filles de 0™.483. 2° Le poids de l'enfant diminue un peu jusque vers le troisième jour après sa naissance , et il ne commence à croître sensiblement qu'après la première semaine. 3° A égalité d'âge , l'homme est généralement plus pesant que la femme ; vers l'âge de douze ans seulement, un individu de l'un et de l'autre sexe a le même poids. 4» Quand l'homme et la femme ont pris leur développement complet, ils pèsent à peu près exactement vingt fois autant qu'au moment de leur naissance; et la taille n'est qu'environ trois fois et un quart ce qu'elle était à la même époque. 5° Dans la vieillesse, l'homme et la femme perdent environ six à sept kilogrammes de leur poids et sept centimètres de leur taille. 6° Pendant le développement des individus des deux sexes , on peut regarder les carrés des nombres qui expriment les poids aux différens âges , comme propor- tionnels aux cinquièmes puissances des tailles. 7° Après le développement complet des individus des deux sexes , les poids sont à peu prés comme les carrés des tailles. On déduit des deux relations précédentes que l'accroissement en hauteur est plus grand que l'accroissement transversal, comprenant la largeur et l'épaisseur. 8° L'homme atteint le maximum de son poids vers 40 ans ; et il commence à per- dre d'une manière sensible à 60 ans. 9° La femme n'atteint le maximmn de son poids que vers l'âge de 50 ans. Pen- dant le temps de sa fécondité, c'est-à-dire de 18 à 40 ans , son poids augmente d'une manière peu sensible. 10° A égalité de taille, la femme pèse un peu moins que l'homme avant d'avoir la hauteur del^.SO; elle pèse un peu plus pour les tailles plus élevées. 11" Le poids moyen d'un individu , quand on ne considère ni le sexe ni l'âge, est de 44^7; et, en tenant compte des sexes, il est de 47''. pour les hommeset de 42 .5 pour les femmes. DE L'ACADÉMIE. 27 BULLETIN N« 6. Séance du 7 juillet 1832. M. Quetelet, directeur; M. le baron de Reiffenberg , faisant les fonctions de secrétaire. La société royale de Londres annonce l'envoi de différens ouvrages qui sont depuis parvenus à l'Académie. M. Van Hulthem, au nom de la société d'agriculture et de botanique de Gand, dépose sur le bureau le j9rocè*-î>erAa^ de la il" exposition publique de cette société'. M. Villermé , chargé avec quatre autres personnes , par la commission de salubrité du département de la Seine , de rédiger un rapport sur les ravages du choléra , com- munique, par l'entremise de M. Quetelet, les résultats de ses travaux et de ceux de ses collègues. Ces savansont reconnu que les écarts de régime ont une influence réelle sur le nombre des victimes que frappe la maladie; que les grands et brusques changemens dans la température et même dans la pesanteur de l'atmosphère , pa- raissent avoir pour effet immédiat de donner une nouvelle activité à la cause du choléra ; que le choléra est bien décidément la maladie des hommes faits et des vieillards ; que si la maladie est contagieuse , elle l'est si peu qu'il ne faut pas crain- dre de toucher les malades, de les approcher, de respirer leur haleine; que les chlorures et tous les autres préservatifs prétendus de la maladie , qui ont été partout si vantés, n'en préservent point ; enfin qu'une fois qu'on est atteint du choléra , la pro- babilité d'en mourir va toujours en augmentant après l'âge de 30 ans , et qu'au-des- sous de celui de 12 à 15, elle s'accroît à mesure qu'on se rapproche de la naissance. M. Sauveur présente , de la part de M. Moreau de Jonnès , une note sur le trai- tement du choléra par le sel marin. M. le baron de Reiffenberg lit un Mémoire sur les comtés de Durbui , de la Roche et de Daelem, , annonce la seconde partie de son Essai de statistique an- cienne de la Belgique et fait de vive voix les observations suivantes sur l'hôtel-de- ville de Louvain : « La prochaine démolition de la porte de Hal à Bruxelles , qui a excité les vives réclamations de quelques amis des arts , m'a fait penser que l'Académie n'enten- drait pas sans intérêt quelques détails sur un des plus beaux monumens qui , dans notre pays, appartiennent à l'architecture improprement appelée gothique. Cet édifice si remarquable par l'harmonieuse simplicité de son plan , la délicatesse , 28 BULLETINS la variété , la richesse de ses ornemens , fut construit , suivant P. Divœus , vers l'an 1450 , et terminé environ dix ans après. Juste-Lipse tient le même langage; mais Gramaye place le commencement de la construction de cet hôtel-de-ville à l'année 1448. Des recherches que j'ai faites dans les archives de Louvain m'ont démon- tré que Gramaye était ici l'écrivain le plus exact. Je trouve en effet dans le tome II d'un recueil en flamand, rédigé par le greffier G. Boon, et intitulé ^ntiquir- tates Lovanienses , que la première pierre fut posée le jeudi après Pâques 1448, et que l'ouvrage fut achevé en 1463. Les différentes sommes payées, chaque année , pour cet objet sont én\imérées dans le manuscrit cité , et dans un autre intitulé : Generalen index van de Chartres en de documenten , tom. II , pag. 1 79 ; on lit , dans le numéro 201 , que la dépense totale monta à 32,986 florins 10 sous, monnaie du temps. J'ai vainement cherché à découvrir le nom de l'architecte et ceux des artistes qui lui prêtèrent leurs secours. J'incline à croire cependant qu'Otton van de Putte , qui se signala en 1482 dans la guerre contre Guillaume de la Marck, et qui consacra dans l'église de Saint-Pierre la bannière de ce seigneur qu'il avait prise en com- battant , fut un des sculpteurs dont le ciseau exécuta une partie des bas-reliefs qui représentent , dans les impostes des niches, des sujets de l'Ecriture sainte. En efl'et, cet artiste est le seul de Louvain dont on conserve le nom à cette époque. Divaeu» en parle iîerwwi Zo« j lïb. 1 , cap. 14. Quoi qu'il en soit , ce monument a beaucoup souffert de l'injure du temps , et ses élégantes tourelles menaçaient ruine quand, il y a quatre ans, M. Everaerts , jeune architecte de Louvain, offrit de réparer le dommage. L'entreprise était diffi- cile, il fallait ressusciter un genre de construction abandonné. M. Everaerts étudia avec un soin extrême chaque pierre en particulier, fit prendre des moules des moindres fleurons, des modèles des moindres morceaux de fer qui attachent les meneaux des minarets ou girandoles à la fois diaphanes et solides et des galeries en forme de dentelles ; puis il les démolit avec des précautions extraordinaires pour les rétablir ensuite en se servant de pierres nouvelles , de quelques anciens mor- ceaux gratés ou réparés à l'aide du mastic et de la pierre artificiels. Mais , par mal- heur , afin de mettre de l'harmonie entre ces pièces de rapport , et de les préserver de l'action dévorante de l'air, il a cru devoir étendre sur le tout un vernis qui, du moins à présent , ôte à la pierre sa teinte pittoresque et vénérable, tandis que le ciseau lui avait déjà enlevé ce flou et ce fruste qui ont tant de charme pour l'œil de l'homme de goût et de l'antiquaire. DE L'ACADÉMIE. 29 M. Everaerts se propose d'étendre son système de réparation à toute la façade. Mais peut-être que, dans les détails infinis des bas-reliefs, il rencontrera des diffi- cultés plus grandes. Les objets étant plus près du spectateur, l'examen en sera plus sévère. Eu second lieu, comment restaurer ce qui ne laisse plus ni vestige ni em- preinte ? comment refaire ces bizarres tableaux sans avoir deviné tout le moyen âge? Enfin , si tout redevient neuf, poli, lisse, si le vernis s'étend impitoyablement partout, on aura sans doute un édifice plus brillant, plus dameret, mais qui, par cela même , perdra son plus précieux caractère. Quoi qu'il en soit, M. Everaerts fait preuve d'un rare talent et d'une haute in- telligence. Entouré d'ouvriers et d'artistes , dont il a formé en quelque sorte \' édu- cation gothique , il peut rendre les plus grands services pour la réparation de nos autres édifices du même genre. L'hôtel-de-ville de Louvain me conduit à dire quelques mots d'un autre monu- ment qui se rattache à notre histoire, et qui est menacé d'une destruction immi- nente; c'est le tombeau des duchesse de Brabant, Mathilde et Marie, mortes en 121 1 et 1226, et duquel Butkens et Van Gestel nous offrent une représentation très- inexacte. Ce tombeau, incrusté dans la muraille des bas côtés du choeur de l'église deS'-Pierre, est habituellement chargé de chaises que l'on y empile sans précaution, au point qu'une des deux figures est presqu'entièrement brisée et l'autre fort mutilée. Je finirai donc cette note en exprimant un vœu : naguères il existait dans cer- taines provinces des commissions chargées d'enregistrer les monumens d'arts qui se trouvent dans chaque localité, de les décrire et de pourvoir à leur conser- vation. Il me semble que l'Académie, tutrice née de l'archéologie nationale, ne sortirait point de ses attributions en se mettant en communication avec le Gou- verment pour provoquer des mesures à cet égard , et obtenir pour elle ou pour d'autres, les facilités nécessaires, afin de garder à la patrie quelques-uns de ses premiers titres de gloire. M. Quetelet lit ensuite une lettre de M. Barlow , qui est parvenu à construire une lunette de 8 pouces d'ouverture sur 8 pieds 8 pouces de distance focale, en faisant usage de ses lentilles fluides. Ce savant s'attache particulièrement à réduire la lon- gueur de la distance focale, au moyen d'un objectif composé de deux lentilles piano-convexes. M. le Ministre de l'Intérieur demande l'avis de l'Académie sur un projet de lé- gende pour la médaille votée au Régent par le Congrès national. La légende proje- tée ne donne lieu à aucune observation. 30 BULLETINS BULLETIN N° 7. Séance du \'è octobre 1832. 31. Quetelet, directeur; M.Dewez, secrétaire-perpétuel. Le secrétaire rend compte de la correspondance , et présente les ouvrages suivans : De la part de l'Institut de France : 1° Notice et extraits des manuscrits de la bibliothèque du roi et autres bibliothèques, publiés par l'Institut royal de France, faisant suite aux notices et extraits lus au cotnitè établi dans V Académie des inscriptions et belles-lettres. Tom. XII, 1831, in-4''; 2° Histoire et Mètnoires de l'Institut royal de France, Académie des in- scriptions et belles-lettres. Tom. IX, 1831 , in-4''; 3° Mémoires présentés par divers savans à l' Académie royale des sciences de l'Institut de France , et imprimés par son ordre. — Sciences mathématiques et physiques. 1830^ un vol. in-4'>; 4° Mémoires de l'Académie royale des sciences de l'Institut de France. Tom. XetXI, 1831 et 1832, in-4<'. De la part de la Société royale de Londres : Philosophical transactions of the royal Society of London. For the year 1832. Part. I, in-4°. De la part de la Société royale de littérature de Londres : Transactions of the royal Society of literature of the tmited kingdom. Vol. II, part. I. De la part de la Société de Philadelphie : American philosophical Society, held at Philadelphia , for promoting useful knowledge. Vol. IV, new séries. — Part. I, 1831, in-4°. De la part de M. Van Mons, membre ordinaire : Abrégé de chimie. Seconde partie. 1832, in-12. De la part de M. Babbage , correspondant : Table of the logarithms of the na- tiiral numbers , from 1 to 108,000. By Charles Babbage, esq. Le secrétaire lit le rapport des membres de la commission des sciences naturelles sur le mémoire dont M. Quetelet a donné lecture à la séance du 2 juin dernier , contenant ses Recherches sur le poids de l'homme aux diffèrens âges , et il a été résolu qu'il serait inséré dans le recueil des Mémoires de l'Académie. Le secrétaire donne lecture d'une lettre de M. le professeur Van Brada, relative aux septaria ou pierrescalcairesdont les Anglais font le ciment romain. Ces pierres dont M. Cauchy avait annoncé la découverte dans la province d'Anvers, avaient été DE L'ACADÉMIE. 31 reconnues antérieurement par M. VanBreda dans la province de Luxembourg; le même naturaliste les avait retrouvées en 1829, à Rupelmonde, au sud d'Anvers, et avait reconnu la continuation de l'énorme couche du London clay qui renferme les geptaria tant à Boom qu'à St.-Nicolas; il a trouvé de plus que l'argile à ^eptoWa entoure comme une bande toute la Belgique. M. Cauchy , en reconnaissant l'anté- riorité de la découverte de M. Van Breda, a remis à l'Académie l'extrait d'un rap- port fait au gouvernement sur les pierres à ciment romain , dans lequel il s'est déjà empressé de réparer l'omission indiquée dans son premier écrit. Les renseignemens communiqués par MM. Van Breda et Cauchy seront insérés dans les Mémoires de l'Académie, pour faire suite aux recherches géologiques déjà publiées sur notre Royaume. M. Plateau présente, par l'intermédiaire de M. Quetelet , une Note sur quelques phénomènes de vision, dans laquelle il expose ses idées relativement à l'action de la liimière sur l'organe de la vue. Les résultats auxquels il est parvenu , et qui sont dé- duits d'une série d'observations qu'il ne tardera pas à publier , lui permettent de grouper dans une même théorie un assez grand nombre de ces phénomènes observés et expliqués isolément par les physiciens; comme, par exemple, la durée des im- pressions sur la rétine, les couleurs accidentelles, les ombres colorées, l'influence des couleurs juxta-posées , l'irradiation , etc. Les principales conclusions de ces recherches sont les suivantes : 1° On ne peut conserver l'explication du phénomène des couleurs accidentelles généralement admise jusqu'à présent, savoir : que la portion de la rétine, qui a reçu pendant quelque temps l'impression d'une couleur, devient moins sensible aux rayons de cette couleur, de sorte qu'en portant alors les yeux sur une surface blanche, on perçoit la sensation de la teinte complémentaire. 2° Les couleurs accidentelles sont dues à un état opposé, un état de réaction que prend la rétine ; ce sont des impressions qu'il faut considérer comme négatives par rapport à celles que produit directement l'action de la lumière. 3° Les couleurs accidentelles , que nous nommerons couleurs négatives, se dis- tinguent des couleurs directement produites par les propriétés suivantes : a. Le mélange des couleurs négatives correspondantes à toutes les nuances du spectre, au lieu de produire du blanc, comme ces dernières , produit du noir. b. De même le mélange de deux couleurs négatives complémentaires produit du noir, tandis que celui de deux couleurs complémentaires positives produit, comme on sait , du blanc. 32 BULLETINS 4° Si l'on envisage sous deux points de vue différens le passage de l'état d'exci- tation de la rétine , à l'état de repos : 1° Selon le temps; c'est-à-dire en examinant de quelle manière la porlion qui avait reçu l'impression de la lumière repasse à l'état normal , lorsque la lumière a cessé d'agir; 2° Selon l'espace; c'est-à-dire en supposant que la lumière ne cesse pas d'agir, et en examinant suivant quelle loi se modifie la sensation autour de l'espace direc- tement affecté, à partir du contour de cet espace jusqu'aux points sensiblement en repos. On parvient à ces conclusions : Le passage de l'état d'excitation de la rétine à l'état de repos se fait suivant la même loi, du moins en ce que le phénomène présente de plus saillant , soit qu'on l'envisage selon le temps ou selon l'espace. Dans le premier cas , l'impression directe décroît plus ou moins rapidement , jusqu'à devenir nulle; puis, se manifeste une impression négative qui atteint bien- tôt un maa:«m7/»?i d'intensité, et décroît ensuite lentement jusqu'à s'anéantir. Dans le second cas , l'impression n'est pas nulle à partir de l'espace directement affecté ; elle va seulement en décroissant avec rapidité jusqu'à une petite distance où commence une impression négative qui s'étend au loin , en s'affaiblissanl autour de l'image directe. M. Quetelet entretient l'Académie de quelques aimans artificiels d'une grande énergie que M. Keil vient de construire à Bruxelles, d'après une mélhode particu- lière d'aimantation dont il a bien voulu lui confier le secret. L'un de ces aimans du poids de 5 livres a porté au delà de 80 livres, c'est-à-dire 16 fois son poids; il appartient actuellement au Musée des arts et de l'industrie. M. Quetelet a profité de la présence de M. Keil à Bruxelles , pour vérifier un fait qu'il a reconnu depuis plusieurs années , et que M. Arago a bien voulu communiquer en son nom à l'Aca- démie des sciences de Paris, dans sa séance du 12 juillet 1830. Il avait trouvé en étudiant la manière dont le magnétisme d'une aiguille se renverse, quand on la frotte en sens contraire avec les mêmes barreaux qui d'abord avaient servi à l'ai- manter, que la charge maximum devenait de plus en plus faible à mesure que les renversemens se multipliaient. Ainsi, après l'aimantation primitive , l'aiguille oscil- lait plus vite qu'à la suite du premier renversement ; mais cette dernière force à son tour surpassait celle dont l'aiguille était douée, quand, de nouvelles frictions ayant encore renversé les pôles, elle se trouvait revenue, du moins pour le sens de l'ai- DE L ACADEMIE. 33 niantation, à l'état initial, et ainsi de suite. Ces différences allaient continuelle- ment en s'affaiblissaut , et, suivant toute apparence, elles auraient fini par devenir insensibles. Or , il s'est trouvé qu'en se servant du procédé par lequel M. Keil par- vient à donner tant d'énergie à ses aiguilles , la même loi de décroissance de force par le renversement des pôles s'est encore manifestée. M. de Reiffenberg présente la suite de son Essai sur la statistique ancienne delà Belgique , dont la première partie a été lue à la séance du 8 octobre 1831 , et dont l'impression a été arrêtée. BULLETIN N» 8. Séance du 3 novembre 1832, M. Quetelet, directeur; M. Dewez, secrétaire-perpétuel. Le secrétaire rend compte de la correspondance, et présente les ouvrages suivans : 1° De la part de la Société royale de Londres: Proceedings of the royal Society. Printed hy order of the council. Part 1. 1830 — 1831, n"^ 7 — 8, in-8°; 2° De la part de la Société royale de littérature de Londres : Royal Society of the literature. — Annual report. — List of memhres , 1831, in-8°; 3° De la part des auteurs : Researches in physical astronomy. By J. TV. Lub- boek, esq. From the philosophical transactions. ïn-k°; On the elemens of Halley's cornet at its last appearance. By M. 0. A. Rosenberger. in-8°; On Encke's cornet. — Encke's dissertation contained in n° CCX and. C CXI of the astronomische nachrichten. Translated from the german by C. B. Airy. in-8"; Index of attic names, ancient and modem, occuring in the piaper on the demi of attica; by W . Martin Leake, esq. Puhlished in the transactions of the royal Society of literature, vol. 1, part 11, page 11 i, in-4°; 4° De la part de M. le docteur Courtois : Conipendiurn florœ belgicœ, con- junctis studiis ediderunt A. L. S. Lejeune et R. Courtois. Tomus II, Leodii, 1831. in-12''; Tom. FIL 5 38 BULLETINS Quint et sa cour, présenté dans les séances du 3 mars et du 7 avril dernier. D'après ce rapport, et conformément aux Conclusions de la commission, l'Académie a décidé qu'il serait inséré dans ses Mémoires. M. Cauchy avait adressé à l'Académie, le 5 août dernier, une notice sur la marche du choléra, qui a été insérée dans plusieurs journaux, et qui avait pour but de montrer que ce fléau s'établit, de préférence, sur les terrains diluviens, tertiaires et secondaires, mais qu'il respecte, ou, du moins, ménage beaucoup les terrains intermédiaires et primitifs, à moins cependant qu'il n'y ait à proximité de grandes masses d'eau. Dans une lettre du 30 novembre, M. Cauchy fait observer que ses prévisions se sont réalisées de la manière la plus heureuse. « En effet , dit-il , la presque totalité des provinces de Hainaut, de Namur, de Liège et de Luxembourg a été préservée du fléau; il n'a sévi qu'à Luxembourg, ville placée, comme le savent tous ceux qui se sont occupés de géologie, en Belgique, sur un terrain secondaire, et, même, sur un terrain secondaire assez récent. Il s'est aussi montré, pendant quelque temps, à Namur et dans quelques villages situés sur les bords de la Meuse, en aval de cette ville ; mais , indépendamment de ce qu'il ne s'y est développé que dans un petit nombre de maisons fort sales et fort humides, il est essentiel d'observer : 1° Que tous ces endroits sont situés au bord d'une assez grande masse d'eau, dont le voisinage, ai-je &\\.,peut contrebalancer l'influence préservatrice des ter- rains anciens situés à proximité; 2" Qu'ils sont, presque tous, sur le terrain houiller que plusieurs géologues rangent encore parmi les terrains secondaires, et qui est, aux yeux des autres, le plus récent des terrains intermédiaires ; 3° Que, par suite de la loi de continuité, entrevue par les anciens et trop mé- connue, peut-être, par les modernes, le choléra ne pouvait s'arrêter brusquement à la limite des terrains anciens, qui n'est pas, elle-même, tracée bien nettement, mais devait venir s'éteindre, insensiblement, sur la lisière qui s'étend au delà comme en deçà de cette limite. » OUVRAGES PRÉSENTÉS. Révolutions de Liège sous Louis de Bourbon, Bruxelles, 1831, in-S", présenté par le secrétaire, au nom de M. de Gerlache, premier président de la cour de cassation. DE L'ACADÉMIE. 39 Arsheràttelser om vetenskapernas frmnsteg, afgifne af Kongl. f^etenskap^f- Acadendens embetsniàn D. 31 tnars 1831. Stockholm, 1831, in-8°. Kongl. F^etenskaps-Academiens handlingar, for ar 1831. Stockholm, 1832, in-8->. Et quelques ouvrages de MM. 0. D. Skogman, Hans Jarta, G. Poppius et G. J. Billberg, envoyés par l' Académie royale des sciences de Stockholm, BULLETIN No 10. Séance du 5 janvier 1833. M. Quetelet, directeur; M. Dewez, secrétaire-perpétuel. Le secrétaire lit une lettre de M. l'ingénieur De Behr, du 22 novembre dernier, par laquelle il renvoie à l'Académie son Mémoire sur le zinc, qu'il a présenté à la séance du 7 mai 1831, et auquel il a fait les changemens que lui ont suggérés les observations contenues dans le rapport de M. Pagani, à qui il désire que son mémoire soit de nouveau communiqué avec ces changemens. L'Académie défère à cette demande. La commission des lettres fait un rapport verbal sur la suite de l'Essai relatif à l'ancienne statistique de la Belgique, présenté par M. le baron deReififenberg, à la séance du 13 octobre dernier, et elle conclut à ce qu'il soit imprimé dans le recueil des Mémoires de l'Académie. Adopté. M. Quetelet communique des lettres de MM. Berzelius, Encke et Robison, secré- taires des Académies de Stockholm, Berlin et Edimbourg, ainsi que des extraits d'une lettre de M. l'astronome Wartman , relativement à une trombe observée sur le lac de Genève, et à un satellite que M. Schenck, de Neisse en Silésie, croit avoir reconnu à Mercure, lors du dernier passage de cet astre sur le soleil. Il lit ensuite une lettre de M. Hachette, correspondant de l'Académie, sur différens sujets de géométrie descriptive, et qui renferme la proposition suivante sur les contours apparens et les lignes de séparation d'ombre et de lumière. «Un cône touche une surface quelconque suivant une ligne, et pour chaque point de cette ligne, on connaît les rayons de courbure de la surface. Au moyen de ces rayons, construisez les ellipsoïdes ou les hyperboloïdes de révolution qui sont 36 BULLETINS pales circonstances sont rapportées dans deux lettres, dont l'Académie reçoit com- munication. JI. Quetelet annonce que, dans la soirée du 22, \ers six heures et demie, il a vu encore un météore semblable aux précédons, qui, avec une lumière très-vive, et en laissant des étincelles derrière lui, se dirigeait à peu prés du zénith vers l'ouest, perpendiculairement à l'horizon. Ce météore s'est éteint à une vingtaine de degrés au-dessus de l'horizon; d'autres personnes ont vu se répéter ce phénomène dans la même soirée; et entre autres M. le professeur Plateau, qui, vei's sept heures et demie, se rendait à l'observatoire. M. Quetelet communique à l'Académie une lettre de M. Eug. Bouvard, conte- nant les élémens paraboliques de la comète que M. Gambart a découverte le 19 juillet dernier : ces élémens ont les valeurs suivantes : PASSAGE AU PÉRinÉLIE, SEPTEMBRE 260',28058 t. 111.^ COMPTÉ DE MinUIT, A PARIS. Dislance p^rih^lie 1,183603 Longitude du périhélie 227" 55' 35, "9 Longitude du nœud ascendant 72o 26' 41, "9 Inclinaison de l'orbite 43o 18' 3,"1 Mouvement béliocentrique rétrograde. La comète, après son passage au périhélie, sera trop éloignée pour être visible. M. Eug. Bouvard annonce aussi qu'il a vu avec son oncle, à l'observatoire de Paris, dans la matinée du 5 novembre, la comète périodique. Elle était très-faible, et le mauvais temps n'a pas permis de l'observer. M. le baron de Reiffenberg annonce que M. J. F. Willems, dans ses savantes recherches sur la littérature belgique, a trouvé un manuscrit contenant environ deux cents chansons et quelques épîtres et complaintes, le tout en français, à l'ex- ception d'un seul morceau flamand, et composé par le seigneur de Moerbeke, vers 1550. M. Willems considère cet écrivain comme un des meilleurs poètes français qu'ait eus la Belgique à cette époque. M. de Reiffenberg dépose sur le bureau, pour être lue à la prochaine séance, une dissertation étendue où il examine le Roman du Renard dans ses rapports avec l'histoire politique, morale et littéraire de la Belgique, et établit, à l'aide du texte latin publié cette année même à Stutlgardt, par M. Mone, que celte fable, qui a fourni à Gasti l'un de ses plus ingénieux ouvrages, est d'origine allemande, DE L'ACADÉMIE. 37 et non pas française , comme l'avaient fait croire Le Grand d' Aussy et M. Méon , vers l'opinion desquels l'auteur avait penché lui-même dans la Revue Encyclopé- dique; il montre en outre que le fond primitif de ce long apologue est historique, et se rattache à des événemens arrivés principalement dans la Basse-Lorraine au IX= siècle. L'auteur, par occasion, passant en revue les différentes branches du roman français, recherche enfin si Marie de France n'était pas née en Flandre, et il administre des preuves en faveur de cette conjecture. Le secrétaire communique à l'Académie les plan et description d'une balance, adressés par M. Guillery, professeur à l'Athénée de Bruxelles, dont il indique les différens usages. Renvoyé à l'examen de deux commissaires. M. Dewei donne lecture du mémoire qu'il a présenté à la dernière séance, ayant pour objet de rectifier les points historiques où la vérité est altérée par les anciens historiens dans les relations des sièges et des batailles mémorables dont la Belgique a été le théâtre, savoir : le siège, en 881 ou 882, A'Hasloe, ou Hasloo, ou Haslou, que M. Devi'ez croit retrouver dans un village à deux lieues de Maestricht, appelé Elsen ou Elsloo, sur la rive droite de la Meuse; — le siège de Durfos, en 898, qu'il présume correspondre à Durhuy, à 4 lieues de Marche en Famène; — le combat de Péronne, en 977, et le siège de Bus-sud, qui paraît être évidemment Boussii, près de Saint -Ghislain, sur la Haine, et non Boussoit, à une lieue et demie de Binche; — la bataille de Ransbeke, hameau dépendant de Vilvorde, près des Trois-Fontaines, à 2 lieues de Bruxelles, en 1144, dans laquelle Godefroid, âgé d'un an, fils du duc Godefroid III, fut, dit-on, suspendu à un arbre dans son berceau (Butkens traite ce fait de fable et de romanj; — la bataille d'Othe'e, a une lieue un quart de Tongres, en 1408, dont les circonstances ont été plus ou moins défigurées par les historiens, et sur lesquelles un document historique précieux, qui se trouve dans les archives de Bruxelles, fait cesser toutes les in- certitudes. Ce sont les lettres closes du duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, à Antoine, duc de Brabant, datées du 25 septembre, deux jours après la bataille, et dont M. Dewez, donne un extrait littéral; — la bataille A'^vm, en 1635, dont tous les géographes et tous les historiens ont placé le champ à Awenne, petit village des Ardennes, à 2 lieues de Rochefort, tandis qu'il faut entendre Avin ou Auvin, à 2 lieues et demie de Huy, près de la grande route de Liège par Terwagne à Marche en Famène. Renvoyé à la commission des lettres. M, Raoux, l'un des membres de la commission des lettres, lit le rapport sur le mémoire de M. deReifi'enberg, contenant At s'altérer par le temps, l'humidité et le transport. En outre, elles brûlent dix » fois plus long-temps, et ne coûtent que le tiers des lances à feu en artifice. » L'économie est de 1 à 30. Ce qui a surtout frappé dans les expériences faites » avec la lance à feu de M. De Villers, c'est qu'exposée à une pluie battante, elle » s'est consumée en offrant constamment un cône de feu également incandescent. » Il y a plus : ce cône est assez résistant pour permettre d'écrire très-lisiblement » en caractères moyens sur du papier sans le brûler. Ce crayon, d'une nouvelle >) espèce, reste aigu par la combustion, et donne suffisamment de clarté pour » écrire dans la plus grande obscurité. La combustion de cette lance offre encore >) une particularité remarquable : c'est que le bois et le papier se consument très- >> lentement sans dégagement de fumée apparente. Ce pyrophore, dont les qualités » ont été constatées par de longues et fréquentes expériences, paraît susceptible » d'utiles applications à la guerre, ainsi que dans la vie privée. )> L'inventeur croit que l'emploi des lances à feu peut remplacer avec avantage le système des batteries à percussion, nouvellement employées dans l'artillerie. L'Académie a fait une perte sensible dans la personne de M. Van Hulthem , que la mort a enlevé le 17 décembre dernier aux lettres et aux arts, dont il était le zélé protecteur, et elle a entendu avec un vif intérêt la notice pleine de sentiment que M. Cornélissen lui en a présentée. L'Académie avait proposé, pour le concours de 1833, six questions pour la classe d'histoire et sept pour celle des sciences, sur lesquelles il est parvenu deux mémoires en réponse à deux questions d'histoire, savoir : la troisième, ayant pour objet les DE L'ACADEMIE. 43 droits et les attributions des états dans les différentes provinces des ci-devant Pays-Bas autrichiens, d'après les constitutions et le droit public de chaque province jusqu'à l'époque de la réunion de la Belgique à la France, en 1795; la cinquième, relative à l'origine et à la nature des avoueries dans les Paijs-Bas; leurs différentes espèces; d'où le pouvoir des avoués procédait primitivetnent ; à quelles usurpations il a donné lieu, et quelles modifications il a subies dans la suite des temps. Ces deux mémoires ont été renvoyés à l'examen et au rapport de trois commis- saires, qui sont, pour le premier, MM. Devrez, Pycke et Cornélissen, et pour le second, MM. de Reiffenberg, Raoux et Pycke. M. de Reiffenberg dépose sur le tapis des Recherches sur la population de la Belgique depuis les temps les plus reculés jusqu'au dix-septième siècle; re- cherches où il examine en passant l'opinion de l'Anglais Robert Wallace, qui prétend que la terre était dans l'antiquité plus peuplée qu'aujourd'hui, et où il rend compte des différens moyens employés jadis pour évaluer le nombre des habitans , d'une ville ou d'un pays. Il en sera donné lecture à l'une des séances suivantes. M. Quetelet communique une lettre de M. Vaughan, secrétaire de la Société philosophique de Philadelphie , qui lui est parvenue par l'intermédiaire de M. D. Behr, ministre résident de S. M. le roi des Belges à Washington. Cette lettre a pour objet de demander la continuation des relations scientifiques entre l'Académie de Bruxelles et la Société philosophique. L'assemblée décide, à l'unanimité, que la suite des Mémoires de l'Académie sera envoyée à Philadelphie, et elle prend une décision semblable à l'égard de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève qui, par l'organe de son secrétaire, a mis à la disposition de l'Académie le recueil de ses Mémoires. M. Marchai lit une notice en forme de mémoire , sur trois verrières qu'il a fait confectionner en l'année 1832, pour les fenêtres de la bibliothèque royale des ducs de Bourgogne, et qui sont reconnues inaltérables à l'air et à la lumière. Il y démontre 1° que l'art du peintre-verrier se divise en deux parties, la peinture à froid, qui diffère très-peu de celle sur bois, sur toile ou sur métaux, et la peinture à chaud, (pii consiste à émailler des carreaux de vitre, par le moyen d'un feu de moufle; 2° que l'art de la peinture à chaud n'a jamais été perdu; le secret en était échu en héritage à M. Dangelis, de Bruxelles, décédé au commencement de ce siècle, qui en a fait usage avec un succès complet dans plusieurs occasions, et qui, par une manie de mystère des anciens fabricans, brûla, dit-on, avant sa mort toutes ses recettes; 44 BULLETINS 3° que ces trois verrières, d'un prix fort peu élevé, et aussi belles que l'antique, ont été exécutées par un employé de cette bibliothèque ; elles sont une preuve de l'utilité et de l'agrément qu'on pourrait retirer de ce genre de fabrication pour les appartemens dont la vue donne sur des murailles hideuses, comme cela n'arrive que trop souvent dans les grandes villes. Enfin, M. Marchai décrit succinctement les vitraux de l'église de S'^-Gudule à Bruxelles, qui, sous ce rapport, est un des premiers monumens de l'Europe; car il n'y a nulle part une aussi grande quantité de verres colorés. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Le directeur donne lecture d'une lettre de M. Chervin, docteur en médecine à Paris, qui fait hommage à l'Académie des ouvrages suivans : 1° Expériences pour constater le caractère contagieux ou non-contagieux du choléra-niorhus , in-S"; 2° De l'origine locale et de la non-contagion de la fièvre jaune qui a régné à Gibraltar en 1828;, ou réponse à quelques assertions émises par M. Guy on, dans la vue d'établir que cette maladie eut une origine exotique. Paris, 1832, in-S»; 3° 2)e la formation d'une commission spéciale pour rechercher le mode de propagation du choléra-morbus , in-8°. Il présente, de la part de M. Villermé, correspondant de l'Académie, un Mémoire sur les épidétnies sous les rapports de la statistique médicale et de l'économie politique, in-8°. Il présente également une brochure de sa composition sur la possibilité de mesurer l'inf,uence des causes qui modifient les élémens sociaux, in-8''. M. de Reiffenberg offre, de la part de M. Depping, de Paris, une Notice sur deux anciens cartulaires manuscrits de la bibliothèque du roi. Paris, 1831, in-8°. Enfin , le secrétaire présente le Programme de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand; Et de la part de M. Pirlot, professeur au Collège d'Ath, son Tableau statisti- que et géographique de la Belgique, avec la coopération de M. Quetelet. DE L'ACADÉMIE. 45 BULLETIN N» 12. Séance du 2 mars 1833. M. Quetelet, directeur; M. Dewez, secrétaire-perpétuel. Le secrétaire rend compte de la correspondance. M. Raoux présente un Mémoire sur le rapport et la conformité de plusieurs points des anciennes coutumes et chartes du Hainaut , avec l'ancien droit ro~ main antérieur à l'empereur Justinien et au code théodosien. Ren-voyé à la com- mission des lettres pour l'examen, et à l'une des prochaines séances pour la lecture. M. de ReifFenberg donne lecture de ses Recherches sur la population de la Belgique depuis les tetnps les plus reculés jusqu'au dix-septième siècle , ouvrage qu'il a présenté à la dernière séance. M. Quetelet communique quelques observations qu'il a recueillies depuis la présentation de ses Recherches sur le poids de l'homme , et qu'il se propose d'a- jouter comme appendice à son mémoire qui est sous presse. Parmi ces documens se trouvent des recherches inédites de M. Tenon sur le poids de l'homme, qui ont été communiquées obligeamment à M. Quetelet par M. Villermé, de l'Institut de France, dans une lettre dont on présente l'extrait suivant : « Voici le résumé des recherches de Tenon sur le poids de l'homme. Je » viens de le rédiger d'après des notes manuscrites de Tenon lui-même, les- » quelles paraissent être de 1783. Les recherches dont il s'agit ont été faites dans » un village des environs de Paris , le village de Massy , où Tenon avait sa maison » de campagne » De 60 hommes , âgés depuis 25 ans jusqu'à 40 , le plus lourd pesait 170 livres , >) 3 onces, et le moins lourd 105 livres. Le poids moyen de ces 60 hommes était » de 126 livres, 12 onces, 6 gros, 57 grains. » Le maximum du poids de 60 femmes des mêmes âges s'élevait à 151 livres, » 4 onces, et le minimum à 75 livres , 3 onces. Enfin , le poids moyen des femmes, » déduit de 60 observations, était de 112 livres, 3 onces. » Les valeurs moyennes du poids de l'homme et de la femme , en mesure nouvelle, seraient donc, d'après Tenon, de 62,07 et 54,92 kilogrammes, et différent très-peu des mêmes valeurs que M. Quetelet a trouvées , pour Bruxelles, de 63,7 et 55,2 kilogrammes. 46 BULLETINS M. Dumortier présente la première partie de sa Faune helgigue , contenant les animaux endosquelettés. Il en sera donné lecture à l'une de prochaines séances. OUVRAGES PRESENTES. Ruines et souvenirs , par le baron de Reiffenberg , 3° édition des Harpes. Bruxelles, 1832, in-S". — De lapait de l'auteur. Compte rendu des travaux de la société des sciences médicales et naturelles de Rruxelles , lu dans la séance du ^ novembre 1832; par J.-R. Marinus , docteur en médecine, secrétaire-adjoint de la société, etc. Bruxelles, décembre 1832, in-8°. — De la part de l'auteur. Remarques critiques sur quelques passages de l'anthologie de Stobée , par Charles- Auguste Beving , docteur en philosophie et ès-lettres. Bruxelles, 1833, in-S" ; Et Emendationes in Synesium. Scripsit C. Reving , Rruxellensis ; pars 1 , in-8°. — De la part de l'auteur. 48"= Exposition publique de la société royale d'agriculture et de botanique de la yille deGand,en février 1833, in-8". — De la part de la société. BULLETIN N° 13. Séance du 3 avril 1833. M. Quetelet , directeur ; M. Dewei, secrétaire-perpétuel. Le secrétaire rend compte de la correspondance. M. Raoux lit une partie du mémoire qu'il a présenté à la dernière séance ; la suite de cette lecture est remise à la séance prochaine. M. de Reiffenberg présente un Mémoire sur un ancien manuscrit de Grégoire de Tours ,provenant de l'abbaye de Saint-Hubert, avec des considérations sur les sources de l'histoire Belgique avant et pendant les périodes romaine et f'ran- que. Il en sera donné lecture à l'une des prochaines séances. DE L'ACADÉMIE. 47 M. Quetelet communique à l'Académie des lettres de la Société Royale de Lon- dres , de M. Frullani , de Florence , et de M. Ch. Matteucci , de Forli , accompagnant l'envoi de difFérens ouvrages qui sont présentés à l'Académie, Il fait connaître ensuite les résultats des observations qu'il vient de faire dans le jardin de l'Observatoire de Bruxelles, sur l'inclinaison et la déclinaison de l'aiguille magnétique, afin de reconnaître les variations que ces élémens ont éprouvées depuis un an. Ces résultats présentent les valeurs suivantes : inclisaison de l'aiguille. DECLINAISON. Octobre 1828 . . . . 68»56',5 .... 22o28',8. Mai 1830 68'>52',6 .... 22»a5',3. , ). 1832 68o49',l .... 22ol9',0. 1. 1833 68o4a',8 .... 22ol3',4. D'où résulte que la direction de l'aiguille magnétique continue à se rapprocher sensiblement de celle de la ligne méridienne. Le secrétaire communique les rapports de MM. Garnier et Pagani , nommés com- missaires pour examiner le mémoire présenté par M. Michel Reiss, le 5 mai 1832, iur les propriétés générales des courbes algébriques. Les avis raisonnes de ces deux commissaires donnent une idée très-farorable de ce travail, qu'ils regardent comme fort recommandable parmi tous ceux qu'on a adressés à l'Académie sur le même sujet, et en proposent l'impression dans le recueil des Mémoires imprimés. Cette proposition sera soumise à la délibération de la compagnie à la séance pro- chaine. M. Quetelet présente, de la part de M. Garnier, le programme d'un Traité de Météorologie , que l'auteur se propose de publier. OUVRAGES PRESENTES. Philosophical transactions of the Royal Society of London. For the year 18iJ2. Part. IL London, 1832,in-4°. jlddresses delivered at the anniversary meetings of the Royal Society , on Thursday nov. 30j 1831 , and Friday nov. 30, 1832, by His Royal Highneis 48 BULLETINS the duke of Sussex , K. G., etc., etc., etc., the président. London , 1833, in-4°. — De la part de la Société Royale. Quatre mémoires en italien sur des questions de mathématiques. — De la part de M. Frullani, de Florence, correspondant de l'Académie. Opuscules divers de M. Ch. Matteucci , de Forli, sur la physiqxie et la chi- mie. — De la part de l'auteur. Compte rendu des travaux de la Société philotechnique , parle secrétaire-per- pétuel. Séance du 16 décembre 1832. Paris, 1833. — De part de la Société. BULLETIN No 14. Séance générale du lA mai 1833. M. Quetelet, directeur; M. Dewez, secrétaire-perpétuel. M. le directeur donne communication d'une lettre de M. Dumortier , qui pré- vient qu'il ne pourra assister à la séance de ce jour, et qui annonce pour une séance suivante la lecture d'un Mémoire sur la respiration des crustacés endo- branches. Il donne également communication d'une lettre de M. Ch. Matteucci , de Forli, et d'une note que lui a fait parvenir M. Plana sur la théorie du mouvement rec- tiligne et oscillatoire d'un point matériel. Cette note a particulièrement pour objet l'examen et le développement d'un passage qu'on lit à la page 197 du 1^"^ volume de la Mécanique céleste de La Place. L'Académie avait proposé pour le concours de 1833 six questions pour la classe d'histoire et six pour celle des sciences. Il est parvenu, pour la première classe, deux mémoires, l'un, en réponse à la S™" question, ayant pour objet les droits et les attributions des États dans les différentes provinces des ci- devant Pays-Bas autrichiens ; l'autre, sur la 5™% relative aux avoueries; Et pour la 2"'= classe, un mémoire sur la 3"^" question, concernant l'établisse- ment des chemins en fer. Les commissaires chargés de l'examen du mémoire sur les États , difTérant d'opinion sur la manière dont le concurrent a envisagé la question , l'un d'eux s'est chargé de présenter un rapport raisonné, séance tenante. Les conclusions de DE L'ACADÉMIE. 49 ce rapport portent que l'auteur n'a envisagé et traité la question que très-super- ficiellement , sans avoir égard à l'origine des anciens corps d'états , ni à l'histoire de leur existence politique ; qu'il n'a pas remonté aux sources et n'a point expli- qué l'origine des droits primitifs des provinces; qu'il a omis des règnes et des siècles entiers; que sans consulter les anciens documens , chartes, diplômes, traités , capitulations , comme l'exigeait la question , ni aucune des traditions histo- riques propres à démontrer quels étaient les anciens droits constitutionnels des provinces des Pays-Bas , il s'est borné à extraire des archives quelques actes et dépêches, qui ne datent que des derniers règnes des princes de la maison d'Au- triche, mais sans les discuter ni les comparer. Ce mémoire, d'ailleurs bien or- donné, bien divisé et bien écrit, ne comprend pas l'étendue du sujet et ne répond pas à son importance. L'Académie, adoptant les conclusions de ce rapport, a jugé qu'il n'y avait pas lieu à accorder une récompense au mémoire qui lui a été adressé ; elle a décidé de plus que la question serait retirée. Les commissaires chargés de l'examen du mémoire sur les avoueries , s'accor- dent à dire que ce travail est recommandable par les nombreuses recherches que l'auteur a faites sur ce sujet , pour lequel on ne trouve que des matériaux épars dans des ouvrages généralement peu connus. C'est dans des écrivains allemands qu'il a puisé le plus grand nombre de ses citations , et c'est dans les faits qui se sont passés au-delà du Rhin qu'il a cherché la plupart de ses exemples , de sorte que son ouvrage est plutôt un mémoire sur les avoueries d'Allemagne que sur celles de la Belgique. Il est d'ailleurs dans quelques endroits surchargé de détails trop minutieux et étrangers au sujet , comme les dénominations des fonctionnai- res spirituels et temporels des monastères, etc. En s'appesantissant ainsi sur ces matières, l'auteur avance plusieurs faits inexacts, plusieurs erreurs historiques; il hasarde des propositions dont la vérité est contestée, et quelquefois il présente comme problématiques des vérités généralement reconnues. Le style est peu cor- rect , peu soigné. D'après ces motifs , amplement développés tant dans les rap- ports des commissaires que dans la discussion qu'ils ont amenée, l'Académie a unanimement jugé qu'elle ne pouvait accorder la palme, ni même la médaille d'argent à cet ouvrage dans l'état où il est. Le secrétaire présente les rapports des commissaires chargés de l'examen du mémoire relatif aux chemins en fer, et il est donné lecture de ces rapports. Quoi- que l'auteur ait fait preuve de sagacité et d'une certaine érudition sur la matière Tom. FIL 7 50 BULLETINS dont il s'agit , il n'a cependant fait que citer les opinions des autres , et le mé- moire entier , réduit à sa juste valeur , n'est qu'un rapport raisonné sur la question. L'auteur d'ailleurs adopte comme bien établies des données fondamentales sur les^ quelles ne sont point encore d'accord les personnes qui se sont occupées spé- cialement de cette matière. Cependant, comme il s'est livré à un travail très- pénible et très -consciencieux, les commissaires sont d'avis qu'il mérite une men- tion honorable. L'Académie a unanimement adopté cette conclusion. M. Quetelet, en sa qualité de directeur, étant chargé, comme remplaçant le président, d'adresser au Ministre de l'Intérieur un rapport général sur les travaux de l'Académie pendant l'année, a donné lecture de ce rapport, dans lequel il a compris les travaux des deux années précédentes. L'Académie a entendu cette lecture avec la plus grande satisfaction , et a remercié M. le directeur de cette communication. M. le baron de ReifFenberg présente un ouvrage intitulé : Principes de logique, suivis de l'histoire et de la bibliographie de cette science, qu'il a dédié à l'Aca- démie. Le directeur , sur l'invitation de la compagnie , a adressé des remercîmens à l'auteur. Séance du 15 mai. — Suite de la précédente. L'Académie propose, pour le concours de 1834, les questions suivantes : CLASSE D'HISTOIRE. PREMIÈRE QUESTION. L'action lente, mais inévitable du temps, les ravages des guerres et des révolu- tions, quelquefois la nécessité même, et plus souvent l'intérêt ou le caprice des hommes , amènent partout la destruction successive des plus anciens et des plus beaux monumens d'architecture, consacrés soit à la religion , soit à l'administra- tion , soit à d'autres grands objets d'utilité publique ou privée. Dans cet état de choses, l'Académie désirant connaître et ce que les provinces DE L'ACADEMIE. 51 de la Belgique ont perdu en monumens de cette nature , et ce qu'elles possè- dent encore , propose la question suivante : Quels sont les principaux monumens d'architecture qui, dans la province de Brabantj ont été construits , à commencer de la période chrétienne et pen- dant le moyen âge , Jusqu'au comtneticement du seizième siècle, et qui, ou n'existent plus , ou existent encore de nos Jours? Si la nature du monument , soit qu'il n'existe plus , soit qu'il existe encore , le comporte, l'auteur de la réponse en fera la description succincte, et indiquera les gravures qui en ont été faites. Il désignera , autant que possible , l'époque de la construction , avec l'usage auquel le monument est destiné , et celle de la démo- lition ou de la destruction, avec les causes qui y auront donné lieu. L'Académie ne demande ni une nomenclature aride, ni une liste minutieuse- ment exacte de toutes les constructions anciennes. C'est au goût éclairé et au dis- cernement des concurrens qu'elle confie le choix des monumens dont les souvenirs et les traditions méritent d'être conservés , surtout lorsqu'ils se rattachent à de grands intérêts politiques ou religieux. Cette question , lorsqu'elle aura été résolue d'une manière satisfaisante , sera con- tinuée et étendue aux autres provinces de la Belgique. DEUXIEME QUESTION. Déterminer quel fut l'état de la poésie flam,ande depuis le commencement du treizième siècle Jusqu'au quinzième exclusivement , et quels genres furent les plus cultivés. L'Académie désirerait qu'en traitant cette question, on suivît le plan de l'ou- vrage de M. De Roquefort sur l'ancienne poésie française, qui lui a valu un prix à l'Académie des inscriptions de Paris. 52 BULLETINS TROISIÈME QUESTION. Indiquer l'époque précise des inventions, importations et perfectionnemens qui ont successivement contribué aux progrès des arts industriels dans les provinces de la Belgique , depuis les dernières années du dix-huitième siècle jusqu'à nos jours , et assigner , autant que possihle , les principales circon- stances qui les rattachent à l'introduction des différentes découvertes et nou- velles méthodes dans les fabriques , usines et ateliers , avec l' indication des personnes qui, les premières, en ont fait usage parmi nous. QUATRIÈME QUESTION. Quelle a été l'origine et la nature des avoueries dans les Pays-Bas? — Y en avait-il de plusieurs espèces? — D'où le pouvoir des avoués procédait- il priinitivement? — A quelles usurpations a-t-il donné lieu, et quelles modifi- cations a-t-il subies dans la suite des temps? CINQUIEME QUESTION. Quel était l'état de la Flandre pendant le gouvernement de Baudouin de Constantinople et celui de ses deux filles , les comtesses Jeanne et Marguerite , sous les rapports du régime des villes et de la condition des habitans , de la re- ligion, de la législation , du gouvernement civil, du langage , des mœurs , des arts et des métiers , des fabriques et des manufactures , de l'agriculture , du commerce , de la navigation et de la m,onnaie. SIXIEME QUESTION. Quels sont les principaux monumens d'architecture qui, dans la province DE L'ACADÉMIE. 53 de Hainaut, ont été construits , à commencer de la période chrétienne et pen- dant le moyen âge , Jusqu'au commencement du seizième siècle, et qui, ou n'existent plus, pu existent encore de nos jours? L'Académie propose , pour le concours de 1835, la question suivante : Quelles ressources trouve-t-on dans les chroniqueurs et autres écrivains du moyen âge pour l'histoire de la Belgique avant et pendant la domination ro- maine, en faisant concorder ces matériaux avec les données chronologiques dont on ne conteste pas l'authenticité et en discutant la valeur de ces témoigna- ges historiques ? CLASSE DES SCIENCES. PREMIERE QUESTION. Décrire la constitution géologique de la province de Limbourg; déterminer avec soin les espèces minérales et les fossiles que les divers terrains renfer- ment, et indiquer la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. DEUXIÈME QUESTION. Donner la théorie mathématique de l'homme et des animaux , considérés comme agens m,écaniques. Les concurrens sont prévenus qu'ils doivent rapporter les mesures des forces à l'unité connue sous le nom de dyname. 54 BULLETINS TROISIÈME QUESTION. Comparer , pour la Belgique , les avantages gui résulteraient de l'établis- sement des chemins en fer avec ceux qu'offrent les canaux. QUATRIEME QUESTION. On demande la théorie mathématique des vibrations intestines des corps élastiques , en ayant égard aux circonstances physiques qui atténuent d'abord et qui finissent par détruire le m,ouvem,ent primitif. CINQUIEME QUESTION. Exposer les phénomènes que présente le développement de l'électricité par la chaleur dans les substances cristallisées. SIXIÈME QUESTION. Décrire et figurer la germination de l'agaric des couches (agaricus cam- pestris ) , ou d'une espèce de lichen au choix des concurrens , ainsi que leurs développemens successifs jusqu'à la fructification. SEPTIEME QUESTION. Décrire la constitution géologique de la province de Brabant ; déterm,iner avec soin les espèces minérales et les fossiles que les divers terrains renfer- ment, et indiquer la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. DE L'ACADÉMIE. 55 HUITIÈME QUESTION. Sous quelle forme et à quel degré de saturation le chlore se trouve-t-il dans les chlorures d'oxides solubles ? — ^ quels corps peut-on unir ces com- posés chimiques sans altérer leur nature ? — Enfin quel est leur mode d'ac- tion comme moyen désinfectant? M. Sauveur, l'un des commissaires pour l'examen du mémoire de M. l'ingé- nieur De Behr sur le zinc, et à qui avaient été renvoyés les deux rapports de M. Pagani , remet ce mémoire avec la lettre de M. De Behr , du 22 novembre , rap- pelée dans la séance du 5 janvier dernier; il est donné lecture du second rapport très-favorable au mémoire , qui contient une dernière note remarquable surtout par ses résultats extrêmement simples. Le rapporteur pense en conséquence que la compagnie doit approuver ce travail, et engager l'auteur à le rendre public. L'Académie, adhérant à ces conclusions, a chargé le secrétaire d'adresser à M. De Behr une lettre conçue dans ce sens. M. Sauveur, à cette occasion, remet trois notices , une imprimée et deux manuscrites , concernant le même sujet , pour être communiquées officieusement à M. De Behr. M. Quetelet met sous les yeux de l'Académie un hygromètre ou hygroscope nouveau , construit par M. J. Vandorne, deLouvain, et lit sur cet instrument une notice qui lui a été communiquée par M. Van Roosbroek , docteur en médecine. La construction de cet hygromètre repose sur l'extrême sensibilité que la graine du géranium gruinum , montre à l'action de l'humidité (on sait que la capsule du géranium gruinum contient cinq grains , et que l'appendice ou bec se divise également en cinq lames qui se tordent en spirale avec une grande élasticité). Ce sont ces spirales qui sont employées dans l'instrument nouveau à peu près comme les cordes de boyau sont employées dans d'autres hygromètres; mais ici la spirale en se tordant ou détordant fait marcher une poulie légère fixée à son extrémité, et autour de laquelle vient s'enrouler le fil qui fait marcher l'in- dicateur. 56 BULLETINS M. Sauveur donne communication d'une lettre datée de Paris , le 7 de ce mois , par laquelle M. D'Omalius , l'informe que le Muséum d'histoire naturelle de Paris, qui possède les cinq volumes de la 1"''= série des mémoires de l'Académie de Bruxelles, et les trois premiers volumes des prix, serait disposé à donner ses mémoires, à compter de la série actuelle, qui a commencé cette année, tant pour compléter la collection des mémoires de l'Académie , que pour la continuer à l'avenir. L'Académie , prenant cette proposition en considération , a résolu d'offrir au Muséum les deux derniers volumes des mémoires des Académiciens , et les deux derniers des mémoires couronnés ; du reste , elle ne poui-rait donner les volumes précédens pour compléter la collection , parce qu'il n'en reste plus d'exemplaires disponibles. M. Marchai fait hommage d'une médaille en bronze dont il est l'auteur , et qui a été gravée par M. Adolphe Jouvenel; on lit d'un côté : « Motion spon- » tanée des représentans Dumortier , Gendehien , etc., contre la suppi'ession » de l'emploi de conservateur de la bibliothèque fondée par les ducs de » Bourgogne vers l'an 1431 j >> et de l'autre, on voit la croix de Bourgogne avec l'exergue : « Reconnaissance aux défenseurs des sciences et des arts. Bruxelles , 1831. Les fonctions des trois commissions pour les lettres, pour les sciences natu- relles et pour les sciences physiques et mathématiques, établies dans la séance du 4 février 1832, devant être renouvelées, il a été procédé à ce renouvellement au scrutin secret, et il en est résulté que les mêmes membres ont été continués. On procède , également au scrutin secret , à l'élection du directeur annuel , et M. Quetelet a été continué à l'unanimité , moins une voix. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Histoire du Hainaut , par Jacques de Guyse, traduite en français , avec le texte latin en regard, et accompagnée de notes. Paris, 1832. Tome 14". Offert par M. de Reiffenberg, de la part de M. le marquis de Fortia d'Urban, correspon- dant de l'Académie. 1° Sur les twuveaux phénomènes d'induction électrique , par M. Hachette. — 2" Nouvelles considérations géométriques sur l'épure de la voûte d'arête en tour rotide ; par le même — Offerts par M. Quetelet, de la part de l'auteur, correspondant de l'Académie. RAPPORT A MONStEUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR LES TRAVAIX DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES, DEPUIS LE MOIS DE JUILLET 1830.- Monsieur le Ministre, Vous avez désiré d'obtenir , en exécution de l'article 23 du règlement du 3 juillet 1816, des rapports mensuels sur les travaux de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles. Vous avez désiré encore qu'il vous fût adressé un rapport général, à partir du 1" juillet 1830, dans lequel seraient indi- qués les mémoires, dissertations ou autres ouvrages présentés par chaque membre de l'Académie, d'après l'article 15 du même règlement. La demande de remettre en vigueur ces articles réglementaires qui depuis long-temps étaient tombés en désuétude, prouve d'une manière non équivoque tout l'intérêt que vous attachez aux travaux de l'Académie , et le désir d'être à même d'apprécier les efforts des savans qui, dans son sein, concourent le plus aux progrés des sciences et des lettres. Tom. Fil. S 58 BULLETINS La perte douloureuse que l'Académie a faite de son président, fait passer naturellement au directeur le soin de remplir ses fonctions. C'est en cette der- nière qualité, M. le Ministre, que j'aurai l'honneur de répondre à votre demande: je pense néanmoins que je pourrai me borner à tous présenter un rapport gé- néral sur les travaux de l'Académie, puisque, d'après une proposition que j'ai soumise à mes confrères et qui a été agréée dans la séance du 4 mars 1832, il a été publié régulièrement , depuis cette époque , et après chaque séance men- suelle , des bulletins qui en résumaient les travaux et qui vous ont été adressés chaque fois au nom de l'Académie , par M. le secrétaire perpétuel. Je me félicite que mes fonctions temporaires de directeur me fournissent cette occasion de faire mieux connaître au Gouvernement les travaux de l'Académie ; plusieurs circonstances ont pu contribuer à leur faire acquérir moins de pu- blicité , même à l'intérieur du Royaume , et à donner lieu peut-être à des préven- tions peu fondées contre ce corps. On semblait regretter que les séances ne fussent point publiques, et qu'il n'existât aucun moyen d'en faire connaître promptement les résultats ; d'une autre part, les mémoires et les recherches scientifiques ou littéraires ne paraissaient qu'à des intervalles très-éloignés et par volumes dont le prix était généralement très-élevé. L'Académie a tâché de faire disparaître ces inconvéniens par diverses mesures qu'elle a adoptées successivement. Elle a résolu d'abord que les mémoires seraient imprimés immédiatement après leur admission, qu'on pourrait les mettre en vente séparément et que les prix seraient considéra- blement réduits. De plus , elle a résolu que des bulletins , destinés à faire con- naître ses travaux, seraient imprimés dans la huitaine qui suivrait chaque séance , et qu'il y aurait des séances publiques , dont le nombre toutefois doit rester limité. On conçoit en effet que , pour que toutes les séances puissent devenir pu- bliques et présenter quelqu'intérêt , il faut avoir la certitude que la majorité des membres au moins puisse y assister chaque fois; or, nos institutions scien- tifiques sont tellement distribuées dans le Royaume, que la plupart des membres résident en dehors de Bruxelles , ont très-peu de relations entre eux et ne peuvent prendre part aux séances sans de grands déplacemens et des dépenses dont l'Aca- démie n'est point en position de pouvoir les défrayer ('). On se détermine diffici- (i) Les membres résidans reçoivent, à chaque séance , un jeton de présence de ]a valeur de 2 florins; ceux qui viennent des villes voisines en reçoivent deux. Ce sont les seuls avantages attachés à la qualité d'Académicien. DE L'ACADÉMIE. 59 lement , surtout dans un âge avancé , à s'arracher tous les mois à ses occupations scientifiques et à faire à ses frais dix ou vingt lieues , sans avoir même l'espoir fondé de rencontrer des savans avec lesquels on pourrait conférer de l'objet spé- cial de ses recherches. Aussi , le peu d'avantages que présente Bruxelles aux savans qui voudraient s'y fixer, sera un obstacle continuel à la prospérité de l'Académie comme de tout autre corps savant qu'on voudrait y établir. Ce sont des incon- véniens réels auxquels l'Académie ne saurait porter aucun remède, malgré ses désirs d'adopter tous les moyens d'amélioration possibles : j'ai cru devoir vous les signaler , M. le Ministre , avant de vous présenter l'esquisse des travaux de ses membres , depuis le commencement de la révolution belgique. Je crois devoir appeler encore votre attention sur quelques autres causes qui ont entravé la marche de l'Académie pendant les dernières années , afin de vous mettre à même de juger de l'état véritable des choses et des obstacles contre les- quels ce corps a dû lutter pour continuer convenablement ses travaux. Par notre séparation de la Hollande, l'Académie a été privée de l'assistance d'une grande partie de ses membres ; la mort lui en a enlevé plusieurs autres dont elle a senti vivement la perte (■). D'une autre part , il faut bien l'avouer, elle a beaucoup souf- fert de l'incertitude qui a régné pendant long-temps sur l'existence de nos insti- tutions scientifiques , auxquelles appartient la presque totalité des membres restans. L'Académie , il est vrai , ne pouvait compter sur le calme nécessaire à ses travaux au milieu d'une secousse qui a ébranlé aussi fortement difi'érens royaumes , et ses membres ne pouvaient réclamer le privilège d'être à l'abri des conséquences de ces secousses; mais quand il s'agit de leurs travaux, il est juste au moins de ne pas les isoler des circonstances par lesquelles ils ont passé, et des difficultés qu'ils ont eues à vaincre. L'Académie , réduite à moins de la moitié du nombre de ses membres , pou- vait à la vérité se compléter par de nouvelles nominations; mais elle a cru que la prudence lui faisait un devoir de s'en abstenir. Peut-être ces nominations n'auraient pas été faites avec tout le calme et l'impartialité nécessaires au mi- lieu des vives agitations d'une révolution. Cette mesure a pu blesser quelques per- sonnes qui en ont déduit des conclusions peu favorables au corps. L'Académie a dû néanmoins persister dans sa résolution ; mais aujourd'hui que les mêmes motifs (') On compte parmi ses membres ordinaires MM. Kaepsacl, VanHultliem, Kick.v el Vanderlindcn. 60 BULLETINS n'existent plus, elle s'est décidée à se recompléter, en suivant, dans les nomina- tions, la même marche que par le passé et en ne consultant que les intérêts de la science. Malgré ces obstacles , mutilé comme il l'était , ce corps n'a pas cessé de mé- riter l'estime des savans ; il en a eu au dehors les preuves les plus flatteuses dans toutes ses relations avec les autres Académies , et dans l'empressement qu'ont té- moigné en particulier un grand nombre de savans étrangers à correspondre avec lui; jamais ses relations avec l'extérieur n'ont été plus fréquentes, et jamais peut- être il n'a déployé plus d'activité; c'est, j'ose l'espérer, ce qui sera mieux senti par le simple exposé des faits. L'Académie de Bruxelles , rétablie en 1816, n'avait, en 1820, publié qu'un seul volume de Mémoires couronnés. A partir de cette époque , ses travaux reçurent plus d'activité et ses publications devinrent plus fréquentes : ainsi pendant la période décennale qui a précédé notre révolution , il a paru successivement cinq volumes de Mémoires des membres et six volumes de Mémoires couronnés. Depuis la révo- lution , l'Académie a fait paraître encore quatre volumes de Mémoires : il est vrai que parmi les ouvrages qui y figurent , on en trouve plusieurs qui déjà avaient été présentés à des époques antérieures; mais d'une autre part, l'Académie pos- sède encore de nombreux matériaux qui ne tarderont pas à recevoir de la pu- blicité. Pour satisfaire pleinement à votre demande, M. le Ministre, j'essaierai de vous faire connaître d'une manière plus particulière la nature des travaux qui ont eu lieu depuis le 30 octobre 1830, époque à laquelle l'Académie reprit ses séances, qui avaient été suspendues, non par l'effet de la révolution, mais par suite des vacances qui avaient commencé au mois de juin. Pour ne parler d'a- bord que des travaux des membres ordinaires, les procès -verbaux de l'Académie mentionnent la présentation d'environ quarante Mémoires manuscrits, sans comp- ter les communications de travaux particuliers moins étendus, ou qui n'étaient point destinés à paraître dans les recueils de la compagnie. M. Dewez, à qui la Belgique doit tant d'ouvrages importans sur son histoire, et qui s'occupe encore avec un zèle infatigable à rassembler de nouveaux maté- riaux sur les points de cette science qui offrent le plus de difficultés, après avoir inséré dans les recueils deux Mémoires intéressans sur le droit public du Brabant et sur celui du pays de Liège au moyen âge, a communiqué successivement à l'Académie , des recherches sur la bataille de Roosebeke et un Mémoire sur les traits de ressemblance, d'identité ou d'analogie que l'on retrouve soit dans l'hi- DE L'ACADEMIE. 61 stoire, soit dans les usages, les cérémonies, les amusemens et les fêtes, soit dans les lois, les capitulaires, les conciles et les principales coutumes des provinces belgiques avec les anciennes pratiques ou habitudes des Germains et des Gau- lois, dont les Belges sont issus. Il a de plus donné communication de ses re- cherches sur les points où l'histoire du pays est défigurée ou altérée par des docu- mens incertains ou de fausses traditions ; et enfin d'une notice sur Froissart et sur le caractère des ouvrages de ce célèbre historien dont il a fait une étude par- ticulière. La publication des leçons sur l'histoire belgique, que notre savant con- frère donne depuis plusieurs années au Musée des sciences de Bruxelles, sera un nouveau service qu'il rendra aux études historiques. De son côté , M. le baron de Reifi"enberg n'a guère laissé passer de séance sans y faire quelque communication intéressante ou sans présenter un mémoire de sa composition. Ce zèle est d'autant plus remarquable que, pour assister ans séan- ces de l'Académie , M. de Reiffenberg devait chaque fois se déplacer de Louvain , et quitter les nombreuses occupations que lui imposent ses fonctions de profes- seur à l'Université. Il s'attacha d'abord à compléter son travail sur les deux pre- miers siècles de l'Université de Louvain, et présenta successivement à l'Académie, sur le même sujet, trois nouveaux mémoires qui sont imprimés dans le volume qui vient de paraître et qui est le septième de la collection. Il prit ensuite pour sujet de ses recherches, la statistique et la géographie ancienne de la Belgique, ainsi que la population de ce pays depuis les temps les plus reculés jusqu'au 17* siècle , et en fit encore l'objet de trois mémoires. Les personnes qui attachent quel- que prix aux sciences politiques, sentiront tout le mérite de ces recherches, qui permettent de juger par comparaison des améliorations qui ont été faites dans nos provinces et de celles qu'elles sont susceptibles de recevoir encore. Les au- tres travaux académiques de 31. de Reiffenberg ont tous pour objet de jeter de nouvelles lumières sur l'histoire du pays , sur ses institutions et sur les hommes ou les choses remarquables qu'il a produits : il suffira d'en indiquer le titre pour en faire sentir l'importance : Mémoire contenant des considérations sur les principales révolutions de la Bel- gique et le caractère de chacune d'elles; Mémoire sur la peinture sur verre, avec l'indication des services que les ar- tistes belges ont rendus à cet art ; Documens inédits pour servir à l'histoire de la servitude en particulier et de ia propriété en général; 62 BULLETINS Particularités inédites sur Charles -Quint et sa cour; Mémoire sur les comtes de Durbui, De la Roche et de Daelem; Dissertation sur le roman du Renard , dans ses rapports avec l'histoire politique, morale et littéraire de la Belgique ; Mémoire sur un ancien manuscrit de Grégoire de Tours , provenant de l'abbaye de S*-Hubert, avec des considérations sur les sources de l'histoire belgique, avant et pendant les périodes romaine et franque ; Traité de philosophie; Principes logiques , suivis de l'histoire et de la bibliographie de cette science. Ces deux ouvrages, dont le dernier vient d'être imprimé, ont été présentés en manuscrit à l'Académie , quoiqu'ils ne fussent point destinés à paraître dans ses recueils. 31. Raoux avait donné dans le tome III des Mémoires de l'Académie une dis- sertation sur l'origine du nom Belge ; il a présenté depuis de nouvelles recher- ches formant le complément de son premier travail ; il a présenté aussi , à l'une des dernières séances, un travail non moins savant et approfondi sur le rapport et la conformité de plusieurs points des anciennes coutumes et chartes du Hai- naut, avec l'ancien droit romain antérieur à l'empereur Justinien et au code Théodosien. Dans la classe d'histoire , M. Marchai a fait également plusieurs communica- tions à l'Académie , et entre autres celle d'une formule ou tableau qu'il a ima- giné pour la confection des inventaires de la bibliothèque des ducs de Bourgogne , qui est confiée à ses soins, et d'une note sur trois verrières qui se trouvent dans la même bibliothèque. M. Marchai a de plus communiqué à l'Académie , qui les a insérées dans son recueil, deux notices nécrologiques, l'une sur M. Kickx et l'autre sur M. Vander- linden, deux de nos confrères les plus zélés, que les sciences naturelles ont per- dus presque en même temps. Un hommage semblable a été rendu à la mémoire de notre savant collègue , M. Vanhulthem , par son ancien ami M. Cornélissen , dont la classe d'histoire a souvent réclamé les utiles services pour l'examen des mé- moires qui lui étaient adressés. La classe des sciences , de son côté , a rivalisé de zèle avec la classe d'histoire ; de nombreuses communications lui ont été faites par ses membres sur les dif- férentes parties des sciences naturelles et physiques. Toutefois la section des ma- DE L'ACADEMIE. 63 thématiques semble avoir été moins bien partagée que les années précédentes ; il existe , du reste, pour cette dernière partie , une difficulté réelle, c'est celle de rendre sinon intéressante , du moins supportable la lecture d'un travail sur les ma- thématiques devant une assemblée dont la plupart des membres sont étrangers à cette science. C'est cet inconvénient qui a toujours fait désirer aux mathémati- ciens une séparation des deux classes qui rendrait leurs relations plus faciles , et qui leur permettrait d'approfondir des sujets qu'ils osent à peine effleurer, par un sentiment naturel des convenances. La partie des sciences naturelles a continué de trouver un digne et zélé in- terprète dans M. Dumortier, qui a donné lecture de quatre mémoires importans, dont trois appartiennent plus particulièrement à la physiologie des plantes. Dans l'un de ces mémoires , notre honorable confrère s'est livré à une suite de recher- ches sur la structure comparée et le développement des animaux et des végé- taux; il a fait connaître ensuite des observations sur la loi de métamorphose dans les corps organiques ; ses recherches se sont dirigées encore vers la carpo- logie ; et il a présenté à l'Académie la dernière partie de son Mémoire sur la nouvelle classification des fruits. Enfin dans une de nos dernières séances, M. Dumortier a présenté la première partie de sa Faune belgique , contenant les animaux endosquelettés. Dans la section des sciences naturelles , il a été fait encore différentes com- munications intéressantes et en particulier par MM. Cauchy et Sauveur. M. Cauchy a été un des premiers à observer que le choléra s'établit de préférence sur les terrains diluviens, tertiaires et secondaires, mais qu'il respecte, ou du moins ménage beaucoup, les terrains intermédiaires et primitifs, à moins cependant qu'il n'y ait à proximité de grandes masses d'eau. Ses observations à cet égard ont été consignées dans un des bulletins des séances, et elles ont été reproduites dans différens journaux. La chimie n'a peut-être pas atteint chez nous tout le développement que doit prendre cette science, en raison de son utilité et des services nombreux qu'elle peut rendre à notre agriculture et à notre industrie; cependant elle n'a point été négligée dans le sein de l'Académie; nous avons reçu différentes communi- cations et particulièrement celle d'un Mémoire sur les Pyrophores de notre honorable confrère M. Van Mons, qui a été l'un des premiers à proclamer chez nous les grandes découvertes de Lavoisier, et qui a rendu des services si éminens à la science par la publication de son Journal de chimie , qui établissait des 64 BULLETINS rapports entre les savans les plus illustres de l'Europe, à une époque où les études scientifiques étaient à peu prés nulles en Belgique. M. Garnier, mettant à profit les loisirs forcés que la suppression de la faculté des sciences de Gand a mis au bout de sa longue carrière scientifique , a voulu payer aussi sa dette à l'Académie , et nous a présenté le manuscrit d'un Traité de Météorologie qu'il se propose de livrer à l'impression. M. Pagani, qui s'était toujours distingué par son assiduité à se rendre à nos séances avant que son déplacement , par suite de la suppression de la faculté des sciences de Louvain , ne rendît ses voyages à peu près impraticables , n'a pas né- gligé non plus de payer un tribut que son activité n'a jamais fait attendre, et il a présenté à l'Académie un Mémoire sur la théorie des projections algébriques , et sur son application au tnouvement de rotation d'un corps solide, travail qui se rattache à un traité de mécanique analytique dont il s'occupe à réunir les élémens. Admis depuis long-temps à prendre part aux travaux de l'Académie, je n'ai pas cru devoir isoler mes recherches de celles de mes collègues dans l'esquisse rapide que j'essaie de tracer. Dans un des derniers recueils de l'Académie, j'avais inséré le résultat de mes observations sur l'aiguille magnétique à Bruxelles , où de pareilles recherches n'avaient point encore eu lieu , ainsi que les observations comparatives de l'intensité magnétique faites sur difi'érens points de ce Royaume et de l'Allemagne ; un second mémoire présenté depuis m'a permis d'ajouter à mes premières observations celles que j'ai recueillies en Italie , en Suisse et dans une partie de la France et du sud de l'Allemagne. J'ai eu l'honneur de présenter encore à l'Académie le résultat du peu d'observations astronomiques que m'a permis de faire jusqu'à présent l'état de notre observatoire. J'ai com- muniqué , de plus , quatre mémoires qui font partie d'un vaste travail dont je réunis depuis long-temps les matériaux. Ce travail a pour objet l'étude du développement successif des difi'érentes facultés physiques , morales et intel- lectuelles de l'homme , et l'analyse de leurs actions et réactions respectives. Je me bornerai à indiquer les titres de ces mémoires , dont les trois premiers sont insérés dans le tome VII des Nouveaux Mémoires. Recherches sur la loi de croissance de l'homme aux différens âges; Recherches sur le penchant au crime aux différens âges ; Recherches sur le poids de l'homme aux différens âges; Recherches sur l'influence combinée des saisons et des âges sur la mortalité ; DE L'ACADÉMIE. 65 A ces différens travaux académiques, il convient d'ajouter les ouvrages qui ont été publiés par des membres en dehors du sein de l'Académie, puisque ce sont des titres qu'elle peut aussi présenter à l'estime du monde savant. Ainsi, nous citerons particulièrement les Elétnens de géologie de notre savant et hono- rable confrère M. D'Omalius D'Halloy, qui a partagé si utilement son temps entre les sciences et des travaux administratifs qui ont rendu son nom doublement recommandable ; le Dispensatorium pharmdceiiticum Belgii pauperibus con- gruum atque dicatum , de M. Wauters , dont l'âge octogénaire n'a point encore ralenti le zèle pour les sciences ; le Dictionnaire géographique , l'Atlas de l'Europe et plusieurs autres vastes entreprises sorties de l'établissement géogra- phique de M. Vander Maelen ; \' Abrégé de chimie , de M. Van Mons , dont le 3= volume est près de paraître ; les Nouvelles archives philologiques ainsi que les Ruines et souvenirs de M. le baron de ReifTenberg ; la continuation de la Flore de Java, de M. Blume; les résolutions des États-Généraux ,^^1: M. Dejong; les Initia Philosophiœ platonicœ , de M. Van Heusden, et les communications écrites ou les ouvrages imprimés que l'Académie a reçus de ses correspondans à l'estérieur, et parmi lesquels on remarque les noms de MM. Babbage, Barlow, Bory de S'-Vincent , Bouvard, Robert Brovi^n, Victor Cousin, Chasles('), Encke, le marquis de Fortia, Frullani, Gambart, Hachette, Herschel, JuUien de Paris, Moreau de Jonnès, Schumacher, Villermé, etc. Il est un autre genre de travail inhérent aux fonctions des Académiciens, et dont en général on tient peu compte , quoique parfois il devienne très-pénible : c'est l'examen des mémoires et la rédaction des rapports qui enlèvent presque tou- jours un temps considérable; on doit sous ce rapport de la reconnaissance à plu- sieurs membres et en particulier à MM. Pycke, Cornélissen, Dumortier, ainsi qu'aux commissaires chargés de l'examen des mémoires destinés à l'impression ('). Les relations de l'Académie avec les autres corps savans de l'Europe ou avec les savans en particulier, ont été très-nombreuses et prouvent que ses travaux ont (■) Un Mémoire de M. Chasies, correspondant de l'Académie , sur les Coniques sphériques, a ^té insère dans le tome VI des Nouveaux Mémoires. (>} Les commissions, pour cette année, étaient composées de la manière suivanU : Pour les lettres. — MM. Dewez, Eaoux et De ReifTenberg. Pour les sciences naturelles. — MM. Cauchy, D'Omalius et Sauveur. Pour les sciences mathématiques et physiques. — MM. Garnicr, Pagani et Quetelet. Tom. Fil. 9 66 BULLETINS mérité l'estime des amis des sciences et des lettres. Pour ne parler que des prin- cipaux travaux manuscrits qui ont été adressés à l'Académie par des savans qui n'en faisaient point partie , je citerai un Mémoire sur les Pressions et torsions de M. Timmermans, faisant suite à un autre mémoire du même auteur, présenté à la séance du 3 avril 1830; un Métnoire sur la vie et les ouvrages de Collinu-î et de Tyrtée , avec une traduction en vers français , latins , anglais , italiens , allemands et hollandais, par M. Baron; un Mémoire sur l'emploi du zinc dans les constructions civiles ,^dir M. l'ingénieur De Behr; deux mémoires de M. Michel Reiss, l'un sur les propriétés générales des courbes algébriques , l'autre con- tenant un Essai analytique et géométrique ; un mémoire de M. Pioch, sur la résolution générale des équations algébriques ; l'extrait d'un mémoire de M. Pla- teau, sur quelques phénomènes de vision. Quant aux principaux corps savans de l'Europe, l'Académie a continué avec eux l'échange de ses Mémoires, et aux relations qu'elle avait déjà avec l'Institut de France, la Société royale de Londres, les Académies de Berlin, de Turin, de Stockholm, de S'-Pétersbourg , de Gopenhagen, de Lisbonne, etc., elle a joint encore depuis peu des relations nouvelles avec la Société Royale d'Edimbourg, la Société philosophique de Philadelphie, la Société de physique et des sciences naturelles de Genève, qui lui ont également adressé les recueils de leurs Mémoires. Les bulletins dans lesquels sont consignés les dons nombreux de livres que reçoit l'Académie, sont une preuve nouvelle de l'activité qui règne dans ses relations et sa correspondance. Je n'ai point encore parlé du beau recueil de Mémoires couronnés que l'Acadé- mie est parvenue à former, et qui est destiné à répandre tant de lumières, spé- cialement sur tout ce qui se rattache à l'histoire de la Belgique, à ses anciennes institutions , à ses monumens et à son histoire naturelle. Je citerai en particulier la collection des Mémoires qui traitent de la constitution géologique et minéralo- gique des provinces de Hainaut , de Namur , de Luxembourg et de Liège , et qui donnent les notions les plus précieuses sur une partie de la science, qui chez nous avait été à peine effleurée. Quand ce travail aura été complété pour chacune de nos provinces, nous aurons sans doute un des recueils les plus intéressans que possède la science. La proposition de questions annuelles n'offre pas seule- ment le moyen d'obtenir des travaux utiles, elle excite encore et fait connaître des talens qu'on aurait moins bien appréciés autrement: aussi l'Académie recon- naissante a toujours choisi de préférence ses membres parmi les savans qu'elle DE L'ACADÉMIE. 67 a couronnés, et les noms de MM. Raoux, De Reiffenberg, Pycke, Sieur, Cauchy et Pagani, se présentent à l'appui de cette assertion. C'est par ces motifs que l'Académie attache tant de prix à ne présenter au concours que des questions qui soient d'un haut intérêt pour la science et pour ses applications dans le Royaume. C'est un témoignage qu'on s'est plu à lui rendre, et que M. le baron Fourier a exprimé d'une manière très-honorable dans \' Analyse des travatix de l'Académie des sciences de Paris , pour l'année 1825 : «L'Académie de Bruxelles, disait ce savant, en parlant du mémoire de M. Moreau de Jonnès, sur le déboisement, a donné un nouveau témoignage de son zèle éclairé pour les progrès des connaissances utiles, en proposant cette im- portante question : elle ne pouvait choisir un objet plus académique et plus digne des recherches des physiciens et des méditations des hommes d'état. « Nous ajouterons que cette question fut proposée dans un moment où le déboi- sement menaçait de s'étendre sur toute la Belgique , et où le Gouvernement ne semblait avoir que trop de penchant à le favoriser. Cependant, malgré ses efTorts pour obtenir des mémoires intéressans en réponse aux questions qu'elle propose , l'Académie a vu avec peine que deux fois de suite, le concours a été à peu près absolument nul, et qu'aucun travail n'a pu être couronné. Il paraîtrait, en considérant, d'une autre part, le peu d'ouvrages purement scientifiques ou littéraires qui depuis quelques temps ont paru dans ce Royaume , que la cause doit en être attribuée particulièrement aux circonstan- ces et au manque de tranquillité , si nécessaire pour tous les ouvrages qui exigent des méditations et des recherches approfondies. Cet état de choses ne prouve que mieux en faveur de l'activité de l'Académie, dont le zèle ne s'est point ralenti et dont les productions ont été peut-être plus nombreuses qu'à aucune autre épo- que, surtout si l'on considère le peu de membres qui ont pu prendre part à ses travaux. J'ose me flatter , M. le Ministre , que vous trouverez dans ce simple exposé des faits, une nouvelle preuve que l'Académie, même dans les circonstances les plus difficiles, a fait tout ce qui dépendait d'elle pour remplir le but de son institu- tion , et pour répondre à la juste attente du Gouvernement et à celle des amis des sciences et des lettres. Si des modifications dans ses règlemens sont jugées nécessaires, et elle s'est plu à en indiquer plusieurs qui pourraient être utiles, elle les recevra avec confiance, bien persuadée que le Gouvernement ne dé- sire que ce qui s'allie le mieux avec les intérêts de la science, les égards aux- 68 BULLETINS DE L'ACADÉMIE. quels elle croit avoir droit, et la noble indépendance qui est le premier bien de l'homme dont la carrière est vouée aux études et à la propagation des lu- mières. Bruxelles, le l'"' mai 1833. A. QUETELET. NOTICES NÉCROLOGIQUES ' SUE MM. KICKX ET VANDER LINDEN, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES , PARM. MARCHAL; LUES A LA SÉASCE DU 4 JUIN 183). NOTICE SUR M. KICKX, Membre de la classe des sciences; membre des sociétés d'histoire naturelle de Bruxelles, de médecine de Louvain, de botanique et d'agriculture de Gand , de la société linnéenne de Paris , minéralogique grand'ducale d'Iéna ; docteur d'honneur de l'université de Louvain , professeur au musée des sciences et à l'école de médecine de Bruxelles, etc. M. Jean Kickx naquit à Bruxelles le 9 mars 1775; il n'était âgé que de six ans lorsque la mort lui enleva son père, pharma- cien en cette ville. Ayant l'intention d'exercer la profession pa- ternelle, il subit ses examens avec distinction, quoique n'ayant 2 NOTICES NÉCROLOGIQUES. pas encore 18 ans accomplis, devant la corporation alors exis- tante des pharmaciens : ses travaux de réception lui méritèrent l'estime particulière du D^. Durondeau et du baron Vander Stege De Putte, qui cultivaient à cette époque les sciences naturelles en cette ville. Au moment de l'établissement des écoles centrales , la chaire de botanique d'Anvers lui fut offerte, mais il préféra continuer dans Bruxelles ses travaux scientifiques , au milieu de ses amis et de sa famille. En l'année 1805, il fut appelé à faire partie du jury médical de la Dyle; il en exerça les fonctions avec le plus grand zèle jusqu'au changement de gouvernement en 1814. Le nouveau souverain des Pays-Bas constitua des commissions médicales : M. Kickx en fut membre , et devint bientôt secrétaire de celle du Brabant méridional. Sans cesse occupé à signaler les abus qui existaient dans la législation médicale, il adressa au ministère plusieurs mémoires et de fréquentes observations sur cet important objet. En 1823 la chaire de botanique et de minéralogie fut vacante à l'école de médecine de Bruxelles, le conseil d'administration la lui offrit; afin que les élèves n'éprouvassent point d'interrup- tion, on le pria de commencer son cours immédiatement, et en attendant sa nomination officielle; il entra en fonctions, mais un compétiteur se présenta et obtint cet emploi. Les élèves de l'école de médecine ne se présentèrent point au cours de son compétiteur ; ils prièrent M. Kickx de leur con- tinuer ses leçons dans un cours particulier, il s'en a(3quitta gra- tuitement, et fit plus encore : il leur distribua à ses frais les NOTICES NÉCROLOGIQUES. 5 mêmes médailles d'encouragement que l'école de médecine leur aurait données à la fin de l'année scolaire. Trois années plus tard, l'école de médecine se réorganisa, il en fut nommé professeur de pharmacie, botanique et minéralogie. En 1827 on fonda le musée des sciences et des lettres à Bruxelles , il en fut un des professeurs : vers ce même temps l'uni- versité de Louvain lui décerna un diplôme de docteur d'hon- neur [honoris causa). L'administration des hospices de cette ville lui confia l'inspec- tion des pharmacies des pauvres ; il se montra dans cette fonction comme partout ailleurs, également probe, exact et conscien- cieux ; il réduisit la dépense annuelle de ces établissemens d'en- viron la moitié ; malgré cette économie considérable , elles peuvent rivaliser avec l'officine la mieux tenue. Au mois d'août dernier, il fut nommé inspecteur-général des hôpitaux et hospices de cette ville ; il n'eut que le temps de tracer des plans d'amélioration et d'économie , mais il emporte dans la tombe la gloire que le conseil des hospices les fait exécuter en ce moment. Telles sont les notes biographiques que j'ai recueillies sur M. Kickx, il composa plusieurs ouvrages imprimés, entre autres : La Flore de Bruxelles , publiée en cette ville en 1812; c'est le plus ancien et le plus complet des recueils de botanique sur nos environs; il en donna un supplément en 1826 dans les annales de la société de médecine de cette ville ; Un Tentamen mineralogicum , publié à Bruxelles en 1820, dans lequel la nomenclature binaire de Linnée est appliquée ré- gulièrement, pour la première fois, aux minéraux; 4 NOTICES NÉCROLOGIQUES. Un résumé de botanique et de wme'ra/ogfîe, imprimé à Bruxelles en 1828, et qu'il composa pour ses élèves; Des notices publiées pour la plupart dans les mémoires de l'Académie , entre autres sur une nouvelle espèce de verbascum qu'il trouva au bord du Ruppel près d'Heyndonck ; sur une nou- velle espèce d'agaric, trouvée par lui dans le bois de Soigne, et qu'il appela agaricus revolutus ; sur la découverte qu'il fit du plâtre sélénite , aux environs de cette ville. Il publia aussi une notice sur Varabis albida et alpina, imprimée dans les annales de la société linnéenne de Paris. Plusieurs plantes portent son nom , entre autres le verbascum Kicksium, nommé par M. Dumortier, en témoignage de la dé- couverte qu'il en avait faite, comme nous venons de le dire; M. Dumortier fit aussi un genre distinct des anthirrinum spu- rium et elatine de la Flore de Bruxelles, et leur donna le nom de M. Kickx; une apocinée de Java est appelée Kicksia arborea par le docteur Blume, enfin un genre Kicksia fut créé par M. Rei- chenbach, botaniste Saxon, NOTICES NÉCROLOGIQUES. 5 § IL NOTICE SUR M. VANDER LINDEN, Membre de la classe des sciences ; secrétaire perpétuel de la société médicale et naturelle de Bruxelles , membre de la société médico-physique de Hoorn , de la société de médecine de Bologne , professeur au musée des sciences et des lettres à Bruxelles , docteur en médecine, etc. Une semaine venait de s'écouler depuis le décès de M. Kickx, lorsque le 5 avril dernier, l'Académie éprouva une autre perte dans la même classe des sciences, par la mort prématurée de de M. Pierre-Léonard Vander Linden, né à Bruxelles le 12 dé- cembre 1797, et qui, après onze jours de maladie, succomba à une gastro-céphalite. Les plus belles espérances, couronnées déjà de plusieurs brillans succès s'enfouirent avec lui dans la tombe. Il commença ses études à Bruxelles, En 1817 il fut envoyé par la régence de cette ville à l'établissement fondé à Bologne, en l'année 1650 par Jean Jacobs, riche orfèvre bruxellois, pour l'instruction universitaire de quelques jeunes Brabançons. M. Vander Linden, dès les premiers mois de son cours de philosophie, obtint la faveur de suivre les leçons de médecine, et fut reçu docteur le 17 avril 1821. 6 NOTICES NÉCROLOGIQUES. Le célèbre Tomasini , professeur de clinique interne à l'uni- versité de Bologne, le distingua bientôt; ce savant médecin ne pouvait se douter alors que pendant l'année suivante ce jeune Belge devait le venger en faisant connaître l'antériorité de sa doctrine , sur celle de Broussais , à l'école de médecine de Pa- ris. M. Vander Linden arriva dans cette grande ville vers la fin de l'an 1821, il y fi'équenta les cours scientifiques pendant neuf mois et fut très-assidu aux leçons du docteur Broussais ; il s'en- tretint avec lui sur la nouvelle doctrine médicale, mais il s'a- perçut qu'à Paris on ne rendait point à la doctrine de Tomasini, la justice qui lui était due pour l'antériorité de la découverte, comme nous venons de le dire, et que même le docteur Broussais n'en avait pas donné une idée exacte au chapitre V de son exa- men de 1821, intitulé : Broivnisme d'Italie. M. Vander Linden pensa que pour venger le savant Italien, qui était son maître et son ami, il devait publier une traduction française du livre de Tomasini; cet ouvrage fut imprimé à Paris sous le titre de : Précis de la nouvelle doctrine médicale, ou introduction aux leçons de clinique interne de Vtmiversité de Bologne pour Vannée sco- laire 1816, etc., avec une préface et des notes, par P.-L. Vander Linden, docteur en médecine de l'université de Bologne. — Paris, Crevot, 1822. Le Journal de la Belgique en rendit compte à Bruxelles, le 22 août de la même année. On doit ajouter ici par observation, que pendant l'année 1830, le docteur Van Sevendonck publia à Louvain, une nouvelle édi- tion du Tractatus medicus de Sympathia, rédigé par Rega, NOTICES NÉCROLOGIQUES. 7 professeur à l'université de Louvain, décédé en 1754, et qui pa- raît être l'auteur primitif de cette doctrine. De retour à Bruxelles, après cinq ans d'absence, M. Vander Linden fut reçu docteur en médecine à l'université de Louvain , le 15 juillet 1823, et au moment de la fondation du musée des sciences et des lettres , il en fut un des professeurs. Quelque temps avant son retour à Bruxelles, la société des sciences médicales et naturelles s'était formée en cette ville ', il y fut admis et en devint successivement secrétaire adjoint et secré- taire perpétuel. Il en publia un compte rendu en 1826, cet ou- vrage est imprimé. Il fut aussi admis parmi les membres de la société de Flore , qui a pour objet de réunir dans une exposition publique à Bruxelles, après chaque solstice, tout ce que la saison d'été des deux hémisphères peut présenter de rare, de curieux, d'utile et de beau, sous le rapport de la floraison. Le procès verbal de la séance d'exposition du 19 février 1825, fait une mention distin- guée du goût dominant de M. Vander Linden pour l'entomologie et de ses travaux dans cette science. Il fit plusieurs publications sur cette partie de l'histoire natu- relle , à savoir : Deux mémoires qu'il fit paraître en Italie sur les insectes des environs de Bologne ; l'ouvrage périodique intitulé : Opusculi scientiflci en rendit compte avec éloge. Trois autres mémoires sont insérés dans la collection de l'Académie , à savoir : Observations sur les hyménoptères d'Europe de la famille des fouisseurs ; Essai sur les insectes de Java et des iles voisines ; 8 NOTICES NÉCROLOGIQUES. Notice sur une empreinte d'insecte renfermée dans un échan- tillon calcaire de Sollenhofen en Bavière. Il publia aussi une monographie de libellulines d'Europe , im- primée à Bruxelles en 1825; Et une notice lue à la société des sciences médicales et natu- relles sur le squelette dubaléinoptère, dont l'animal vint échouer auprès d'Ostende, et qui fut exposé à Bruxelles en l'année 1828. Il travaillait avec ardeur à une entomologie générale, dont il avait déjà rassemblé de nombreux matériaux, lorsqu'à l'âge de 33 ans, une mort inattendue nous priva pour toujours du bien qu'il devait faire à la science , et du bonheur de le posséder par- mi nous. FIN. APPENDICE AU MEMOIRR SDIV L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. APPENDICE AU MÉMOIKE SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES PAR M. RAOUX. I.C DA^S LA SK-4NKE DU 4 JUIN l83(. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1831. APPENDICE AU MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. eee9oeoe0a0aooaaaoaaaoaoaisaa9a0oaaaoos9S99Oaeeeeaei3y9a9aooooaasoaaeeaooo0O9M> Dans une Dissertation historique lue dans les séances de l'Aca- démie des 2 février et 28 mars 1825 , et insérée dans le tome troisième de ses Nouveaux Mémoires, pag. 401 et suivantes, j'ai revendiqué pour la Gaule Belgique l'indigénat du nom de Belges; j'ai prouvé que ce nom n'avait pas été apporté dans notre pays par ces peuplades de Teutons , qui , quelque temps avant la conquête de César, avaient passé le Rhin et envahi quelques cantons de la Gaule septentrionale. J'ai prouvé par plusieurs passages des Commentaires de César que ces peuples Germains , tels que les Tréviriens , les Eburons , les Nerviens _, les Ménapiens , ne prenaient pas même le nom de Belges , quoiqu'établis dans la Gaule Belgique , mais qu'indépendam- ment du nom particulier à chacun d'eux ils avaient adopté la dénomination générique de Germains , dont ils se glorifiaient. Pag. 415 et suivantes, j'ai prouvé que de leur côté les anciens, les véritables Belges, indigènes de la Gaide, ne donnaient pas non plus à ces étrangers le nom de Belges , mais celui de Germains. De temps immémorial il existait dans la Gaule septentrionale une contrée nommée Belgium , dont César fait souvent men- Tom. FIL 1 2 SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. tion , et dans laquelle il a séjourné assez long-temps , dans ses quartiers d'hiver. Il ne faut pourtant pas confondre le Bel- gium avec la Gaule Belgique, dont il ne faisait qu'une partie; mais c'est de cette partie que tous les liabitans de la Gaule Belgique paraissent avoir tiré la dénomination de Belges. Cet ancien Belcjium, d'après les indications qu'on trouve dans les Commentaires de César, comprenait les pays des Bello- vaques, des Ambianiens, des Atrébates et des Sylvanectes. Or, cet ancien Belgium est resté intact, et n'a jamais été atteint par les envahissemens des Germains, preuve évidente que les dénominations de Belgium et de Belges sont antérieures à ces envahissemens, et ne tirent pas leur origine de ces peuples étrangers. J'ai montré par des citations positives de César que ceux de ces peuples germaniques qui s'étaient le plus avancés dans la Gaule , tels que les Tréviriens , les Nerviens et les Eburons étaient en dehors de l'ancien Belgium, pag. 408. Enfin le même César, après sa seconde expédition d'An- gleterre , a reconnu que les côtes maritimes méridionales de cette île étaient occupées par des habitans qui y étaient anciennement passés du Belgium, et y avaient retenu les noms des pays d'où ils étaient sortis. Liv. 5 des Commentaires , cap. 12. Ptolomée fait la même remarque dans sa description de l'Ile Britannique. Les auteurs romains , en divisant la Gaule de leur temps en trois parties distinctes, ont confondu, sous le nom général de Belges, tous les peuples qui habitaient au nord de la Seine et de la Marne jusqu'au Rhin et à la mer, quoique quelques-uns d'entre eux fussent originaires de la Germanie , et eussent envahi SUR L^ORIGINE DU NOM DE BELGES. 5 les cantons les plus septentrionaux. Mais aucun de ces auteurs n'a dit que ce nom de Belges avait été apporté de la Germanie et imposé aux Gaulois indigènes par ces peuples germani- ques. Aucun écrivain ancien ni moderne , que je «ache , avant Des Roches, n'a avancé pareille assertion. Il est le premier qui ait soutenu ce système erroné dans les chapitres 1 et 2 des Recher- ches sur l'ancienne Belgique , qui précèdent son Histoire des Pays-Bas Autrichiens , imprimée en 1787, et dont il n'a paru qu'un volume. Des Roches était savant dans l'histoire de notre pays ; mais il n'était pas Belge, et M. Raepsaet lui a reproché d'avoir écrit cette histoire dans des vues particulières qui n'annonceraient pas une entière impartialité. Quoi qu'il en soit , je crois avoir montré dans ma Dissertation susmentionnée que cet auteur a supposé, plutôt qu'il n'a prouvé, que les peuples Teutoniques qui se sont emparés d'une partie de la Gaule Belgique s'appelaient Belges , et ont imposé ce nom à tous les Gaulois septentrionaux , comme s'ils ne l'eussent jamais porté auparavant. Tout ce que je viens de dire se trouve plus amplement déve- loppé dans ma Dissertation primitive ; mais voici un premier motif qui m'a engagé à faire cet Appendice. Des Roches, pour appuyer son système, a cité un passage du géographe Pompo- nius Mêla , ainsi conçu : Asiœ confinia Scythici populi incolunt , fere omnes etiam in unum Belcœ appellati. De situ orbis, lib. 3, cap. 5, de Scythia. Pour tirer parti de ce texte , Des Roches aurait dû faire sortir 4 SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. nos Belges de la Scythie asiatique j mais non, il les fait venir de la Scandinavie. Au reste, en supposant que du temps de Pomponius Mêla, qui écrivait un siècle après César, il y aurait eu quelques peuples en Scythie appelés Belcœ, on ne pourrait pas en tirer la consé- quence, ni même une présomption que les Belges de la Gaule, qui y existaient plusieurs siècles auparavant , eussent tiré leur origine et leur nom de ces Scythes. Je n'ai donc attaché aucune impoi- tance à ce passage de Pomponius Mêla , en rédigeant ma disserta- tion, et j'ai déclaré ne l'avoir pas même vérifié. Mais en lisant depuis peu cet auteur dans la belle édition qu'en a donnée Abraham Gronovius en 1722 à Leyde, avec une ample collection de notes de divers commentateurs, j'y ai remarqué que ce savant et d'autres annotateurs par lui cités pensent que ce passage est corrompu , et qu'au lieu de Belcœ , il faut lire Sagœ , d'après Hérodote et Pline. Voici la première note : Scrihendum Sagse , non Belgse. Herodotus et Plinius, lib. VI, Persœ, inquit , Sagas vocant omnes Scythas. Etiamsi Sacas Grœci malunt scribere quant Sagas. Pomponius quoque infra, Scythœ, inquit, sunt Androphagœ et Sagee, distincti regione. Gronovius transcrit une seconde note, qui est de Pintianus, et qui fait la même correction. Si in his verhis non esset depra- vatio, sibi repugnaret Mêla; nam quum dixisset fere omnes, inepte adjectum esset m unum. Castigandum, ergo existimo , PersjE OMiYES ETiAMNUM Sagas appellant ex PKnio et Hérodote. S'il faut rétablir dans le texte de Pomponius Mêla le mot Sagœ au lieu àe Belcœ, le système conjectural de Des Roches s'évanouit entièrement ; et comme il était fort érudit en cette matière , il y a SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 5 lieu de croire qu'il n'ignorait pas les annotations faites par divers commentateurs sur ce texte ; ce qui ne signalerait pas sa bonne foi. Un second motif qui m'a déterminé a faire cet Appendice, concerne le passage d'Isidore de Séville, que j'ai cité pag. 405, Belgis civitas est Galliœ a qua provincia Belgica dicta est. Beaucoup d'auteurs modernes ont cherché à découvrir quelle est cette ville dont notre pays aurait tiré son nom; mais comme les auteurs grecs et latins antérieurs à Isidore ne parlent pas de cette ville, et que Grégoire de Tours et Frédégaire, historiens français, ses contemporains, n'en font aucune mention, j'ai passé légèrement sur ce texte, quoique Isidore, évéque de Séville, ait été l'un des écrivains les plus célèbres et les plus instruits de son siècle. Cependant , depuis lors , en lisant les Capitulaires des rois de France recueillis par Baluze, j'ai remarqué un décret d'Hincmar, évêque métropolitain de Reims de l'an 877, sous le règne de Charles-le-Chauve , relatif à l'élection d'un évêque de Laon , et souscrit par sept évêques, ses suffragans, entre lesquels figure celui deBeauvais, qui a signé en ces termes : Odo Belgivacorum episcopus suhscripsi , tom. II, pag. 628, édition de Paris 1780, in-folio. Il résulte de là qu'au neuvième siècle les habitans du diocèse de Beauvais étaient désignés par leur évêque sous le nom de Belgivaci, comme sous celui de Bellovaci, et par con- séquent la ville de Beauvais s'appelait Bellovacum etBelgivacum. Cette dernière dénomination présente le nom de Belgi , avec la terminaison acum qui est commune à la plupart des villes de la Gaule Belgique, telles que Cameracmn , Tornacum , Bava- cum, Cortracum , etc. Des étymologistes disent que cette termi- 6 SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. naison est un mot celtique qui signifie demeure ou champ. Ainsi Belgivacum serait la ville, la demeure des Belges. Barthélémy Glanvill , franciscain anglais du quatorzième siècle, de la famille des comtes de Suffolk _, dit positivement dans son ouvrage de Proprietalibus rerum , liv. 15, au chapitre de la Picardie , que la ville de Belgis est la même que Beauvais. Est autem, eorum terra ... munita nobilibus civitatibus et cas tris , oppidis fortissim,is et famosis , ut Belgis est, seu Belvacum, Ambiants , etc. Cette autorité est d'autant plus imposante que Glanvill avait fait ses études à Paris et à Rome; que par conséquent il avait été à même de bien connaître la ville de Beauvais et comment on la désignait de son temps. Voyez la Biographie Universelle ^ au mot Glanvill, tom. XVII, édition de Michaud. Si la ville de Belgis était Beauvais, capitale des anciens Bellovaques, et que les Belges en aient tiré leur nom, il n'est donc pas vrai que ce nom leur ait été apporté ni imposé par ces peuplades germaniques qui ont passé le Rhin, et se sont emparées de quelques parties septentrionales de la Gaule; car ces peuplades n'ont jamais occupé la ville de Beauvais ni le territoire des Bellovaques. Jacques de Guyse, dans le prologue de ses Annales de Hai- naut, chap. XII, a établi une controverse sur le sujet de savoir si la ville de Belgis était Beauvais en Picardie ou Bavai en Hai- naut. En faveur de Beauvais, il cite le texte de Barthélémy Glanvill que nous venons de transcrire. Cependant, par un pen- chant naturel envers son pays, il tâche de faire croire que la ville de Belgis était Bavai en Hainaut; mais il se fonde sur des récits SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 7 fabuleux , fabriqués dans les siècles d'ignorance du moyen âge , suivant lesquels un Bavo^ roi de Phrygie, parent et contempo- rain de Priam^ aurait abandonné le beau climat de l'Asie-Mi- neure pour venir dans le nord de la Gaule, et y fonder un royaume et une ville qu'il aurait apJDclée Belgis, à cause du temple du dieu Bel, autour duquel il la bâtit. Annales de Hainaut , chap. VII et suivans. De Guyse donne la série et l'histoire des succes- seurs de Bavo, fondateur du royaume des Belges, et nous ap- prend qu'il a trouvé toutes ces belles choses dans de vieux au- teurs qu'il nomme, tels que Nicolas Rucleri, Glairembaud, Lucius de Tongres et Hugues de Toul, dont les uns ont écrit en vers et les autres en prose. Voyez le chap. XIIÏ de son prologue. C'est un roman où l'on a voulu imiter le plan de l'Enéide de Virgile, Suivant ce même roman, la ville de Beauvais s'appela néanmoins aussi Belgis , et voici comment. Brunehulde, l'un des prétendus successeurs de Bavo, et tout à la fois roi des Belges et grand prêtre de Bel , avait trois fils jumeaux ; et comme il était incer- tain à qui le sacerdoce réuni à la royauté serait dévolu, Bru- nehulde consulta le dieu Bel qui répondit que le sort devait régler les frères dans leur partage , et que l'un serait grand-prêtre-roi , l'autre duc de Trêves ^ et que le troisième aurait un établissement chez les AUobroges, les Aquitains et les Neustriens. On obéit à l'oracle, et Bruno obtint du sort le souverain sacerdoce 5 le sort désigna Belgion pour duc de Trêves , tandis qu'Aganippus partit pour être roi des AUobroges et des Neustriens : mais ce dernier ne voulant demeurer dans aucune des villes de ses sujets , en bâtit une nouvelle à laquelle il donna le nom de Belgis la gauloise. A partir de cette époque , on compte dans le royaume 8 SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. des Belges trois villes qui se sont appelées Belgis. La première et la plus considérable se nomme simplement Belgis, sans aucune autre désignation , si ce n'est qu'elle est appelée par quelques-uns Belgis togata ou armata. C'est la ville fondée par Bavo , roi de Phrygie ; la seconde prit le nom de Belgis comata , de Belgion , duc de Trêves , parce qu'elle est située dans la Gaule chevelue. La troisième, Belgis la Gauloise, porte aujourd'hui le nom de Beauvais. Tertia vero dicta est Belgis gallica quœ et Belvacus nunc dicitur. Annales de Hainaut, liv. 1 , chap. 50, pag. 368, édition du marquis de Fortia, Paris 1826. L'auteur rapporte ces derniers événemens au temps de David et de Salomon , mille ans avant notre ère vulgaire. Ces contes, tout fabuleux qu'ils sont, et qui néanmoins ont trouvé croyance dans les siècles d'ignorance , même de la part des savans , comme le prouve l'exemple de Jacques de Guyse , qui avait une grande érudition, ces contes, dis-je, font voir que leurs auteurs n'ont pas même pensé à attribuer l'origine de notre nom de Belges à quelques barbares sortis du fond de la Germanie , et qui l'auraient imposé aux Gaulois indigènes , même à ceux qu'ils n'avaient ni vaincus , ni combattus. NOTICE SUR FROISSART. NOTICE SUR FROISSART, PAR M. DEWEZ; lUE A L\ SÉANCE DU 2 AVRIL ^83*. Suum cuique decus postêritas rependit. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1831. ese9a9ooeoo9ea«oa9O98ooo9oao«a9ao9eoa9aooaooos3999OO90O9aoo9QO9OO0eseao3eaaeeo NOTICE SUPv FROISSAKT. Froissart n'est peut-être pas assez apprécié, parce qu'il n'est pas assez connu. Cet homme, j'ose presque dire extraordinaire, si l'on considère le temps où il a yécu , naquit à Valenciennes yers l'an 1337, et mourut à Chimay en 1410. Il avait à peine 20 ans, quand il entreprit d'écrire l'histoire de son temps. Cette histoire commence à l'an 1326, et finit à l'an 1400. C'est l'ouvrage de Jean Lebel ou Lebeau, chanoine de S^.-Lambert de Liège, qui a donné à Froissart l'idée d'entreprendre sa chronique. Toute la partie de cette chronique depuis l'an 1326 jusqu'à l'an 1356, époque de la fameuse bataille de Poitiers, qui avait été traitée par Lebel, a été revue, retouchée, et pour ainsi dire refaite par Froissart, de sorte qu'elle peut être regardée comme son propre ouvrage; et je suis d'autant plus porté à le croire, que l'on y re- marque la même forme, le même ton, le même faire que dans la suite de l'ouvrage, qui, à dater de la bataille de Poitiers, lui appartient en entier. Sa manière de traiter l'histoire a quelque chose de si original et de si séduisant, qu'il est non-seulement digne d'être placé à la tête de nos premiers historiens , mais qu'il peut être proposé comme le meilleur modèle pour écrire l'histoire. En effet, tout est naturel, tout est dramatique dans cet inimitable écrivain. Au lieu de ra- conter simplement les faits, il met les personnages en action et Tom. Fil. I 2 NOTICE SUR FROISSART. en mouvement ; il les fait pour ainsi dire remuer ; et par la ma- nière dont il les fait agir et parler, il anime le récit, ou plutôt, ce n'est plus un lécit, c'est un tableau, c'est un drame. Je dis l'inimitable Froissart, comme on l'a dit de Lafontaine, et M. Buchon dit en effet que Froissart est le Lafontaine des historiens. Quelle simplicité dans le récit! quel ordre dans les faits ! quelle naïveté, quel naturel dans le dialogue ! quelle pré- cision, et en même temps quel charme, quelle énergie dans l'expression ! quelle vérité et quelquefois quelle profondeur dans les réflexions ! On serait bien fâché qu'il ne les eût pas faites. S'il parle par exemple de l'effervescence populaire, qu'il est si difficile de calmer, il dit : Votis avez plusieurs fois ouï recorder que c'est moult chose dure que de rapaiser le commun, quand il est ému. Quand le comte Louis de Maele, ayant trouvé un asile dans la chaumière d'une pauvre femme , pour se soustraire à la fureur des Gantois qui l'avaient cherché dans Bruges de rue en rue, entendait dans le misérable grabat où il s'était tapi, la voix des soldats qui le cherchaient, il est aisé de s'imaginer les ré- flexions qu'il devait faire dans cette triste attitude ; car on se met à sa place. Froissart s'y mettant lui-même, fait cette réflexion si vraie et si naturelle : Au matin il pouvait bien dire : Je suis l'un des puissans princes du monde, et au soir il se trouva si petit! Telle est la manière de Froissart; telle est aussi celle de l'illustre ro- mancier écossais Walter Scott. Ses personnages sont presque tou- jours en scène; c'est en les entendant parler que l'on apprend à les connaître. Je ne sais si l'anecdote que j'ai lue dernièrement, est vraie : Walter Scott se trouvait à Paris dans une société où l'on parlait de Froissart. On lui en présenta un exemplaire, et on NOTICE SUR FROISSART. 5 le pria de vouloir écri,re sur le titre quelques mots qui rappelassent qu'il avait eu cet exemplaire sous les yeux , et il écrivit au bas : Voilà mon maître. Je me plais à croire que le fait est vrai 5 tant est frappante la ressemblance que je trouve entre Froissart et Scott. Les autres chroniqueurs ne présentent guère que le squelette de l'histoire; les faits y paraissent comme décharnés. Froissart leur doime la chair et la couleur, le mouvement et la vie. Ces dialogues si simples, si naïfs peignent si bien le caractère des personnages et imitent si bien la couleur de l'époque, qu'on se croit comme transporté dans le siècle dont il retrace les événe- mens. Ces personnages se montrent et se peignent dans leurs discours tels qu'ils sont , et on ne les en connaît que mieux. Si l'on ne peut pas dire précisément qu'ils aient parlé ainsi ^ on est aisément porté à croire que c'est ainsi qu'ils ont dû parler. Si l'on admire les belles harangues que les anciens historiens prêtent à des hommes souvent grossiers, et dans lesquelles on reconnaît, non le langage des personnages, mais le talent de l'écrivain, pourquoi proscrirait-on cette manière d'introduire les acteurs de l'histoire devisant familièrement les uns avec les autres? Cette manière du moins se rapproche plus de la nature, et l'illusion qu'elle produit ne nous égare pas ; elle ne sert au contraire, selon moi, qu'à nous mettre mieux dans le chemin de la vérité. Si l'on dit que les personnages que Froissart fait parler en français, étaient des Flamands, absolument étrangers à la langue fran- çaise, je ne les reconnais pas moins au langage qu'on leur prête, si ce n'est par les expressions, par les mots, c'est toujours par des équivalons qui rendent fidèlement leurs sentimens et leurs 4 NOTICE SUR FROISSART. pensées. Je ne trouve donc dans cette forme dramatique qu'un moyen de plus de faire ressortir la vérité, qui est la première loi et le but essentiel de l'histoire. On a reproché des défauts à Froissart, et il en a sans doute; et quel écrivain n'en a pas ? On a dit qu'il était romanesque : si par -là on voulait dire qu'il a su donner à l'histoire l'intérêt du roman ^ j'adopterais volontiers cette expression, non pour lui en faire un reproche, mais bien plutôt un mérite; car l'histoire qui ne présente que la suite des événemens, est souvent bien aride. La fidélité est sans doute la qualité essentielle de l'historien ; mais il faut en convenir , l'historien qui ne serait que fidèle, risquerait bien de devenir ennuyeux. Il faut donc qu'il joigne à la fidélité l'intérêt et l'agrément , et l'on peut dire de celui qui réunit ces deux qualités, qu'il a tout le mérite qui forme l'historien parfait. Omne tulit punctum. On trouve dans Froissart des dates fausses , des circonstances interverties ou déplacées, des noms estropiés; mais après tout, ces fautes qui échappent si aisément à l'auteur , peuvent très-fa- cilement se corriger par le lecteur avec un peu d'attention. On accuse Froissart d'avoir fait plusieurs omissions; une simple réflexion fait disparaître ce reproche. Froissart n'a pas eu la prétention d'écrire une histoire générale et suivie de son temps, il n'a voulu que présenter les scènes les plus intéressantes dont il avait été le témoin, ou dont il avait appris les détails par les hommes célèbres de son temps qu'il avait connus et fréquentés en France, en Angleterre , en Ecosse, en Belgique, et qui ont eu une part plus ou moins active dans les événemens de leur époque. Ce sont là ses autorités et ses garans; et ces documens parlans valent NOTICE SUR FROISSART. 5 bien, selon moi, des manuscrits ou des mémoires, souvent ré- digés au hasard d'après des bruits peu sûrs ou des rapports peu fidèles. On fait un reproche plus grave à Froissart. On l'accuse d'avoir eu des sentimens peu patriotiques, comme s'il avait été attaché au parti anglais ; car la Flandre était alors divisée en deux par- tis, que j'appelle le parti anglais et le parti français. Pour bien comprendre la chose, il faut remonter à l'origine des révolutions qui ont agité si violemment la Flandre au quatorzième siècle , c'est-à-dire, de la fameuse lutte entre l'aristocratie et la bour- geoisie, ou (ce qui est la même chose) de la guerre de la liberté contre le despotisme. L'aristocratie sacerdotale et nobiliaire, qui tend toujours à la domination, voulut asservir non-seulement le peuple, mais le souverain, qui devint ainsi l'ennemi naturel de l'aristocratie. Le peuple s'attacha donc au souverain, non par amour ou par dévouement, mais par intérêt et par besoin, parce qu'il lui fallait un soutien dont il pût s'appuyer contre les en- treprises de l'aristocratie, qui voulait le mettre sous son joug. Le roi de France, jaloux de la puissance du comte Flandre, qui marchait l'égal des rois, se joignit à l'aristocratie flamande, et la lutte devint ainsi inégale entre l'aristocratie et la bourgeoisie. Les événemens changèrent la face des affaires, et rappro- chèrent le comte de Flandre du roi de France. L'intérêt les avait divisés, l'intérêt les réconcilia; car l'intérêt est, comme on sait, le grand ressort de toute la machine politique. Cette vérité se confirme de plus en plus tous les jours, au point qu'elle est de- venue triviale. Le peuple flamand se yit donc alors réduit à ses seules forces contre trois terribles ennemis , l'aristocratie , le 6 NOTICE SUR FROISSART. comte et le roi. La bourgeoisie se soutint cependant contre cette formidable réunion, et elle chercha un appui dans l'An- gleterre. Elle profita de la circonstance où s'alluma la fa- meuse guerre entre l'Angleterre et la France pour le droit de succession à la couronne de France. Voilà donc les deux partis bien distincts : le parti français, qui favorisait les prétentions ambitieuses et les vues despotiques des comtes de Flandre , et le parti anglais, qui soutenait la cause du peuple et de la liberté. C'est ce parti anglais, dit-on, que Froissart embrassa, non par amour de la liberté, mais par attachement aux princes anglais j et Lenglet-Dufresnoy,dans sa Méthode pour étudier l'histoire, dit positivement qu'il est entièrement favorable à l'Angleterre. Il ose même l'accuser d'avoir été secouru par l'argent des An- glais. Je vois ce qui a pu donner lieu à cette odieuse inculpation. Froissart, né à Valenciennes, était le compatriote de Philippine de Hainaut, fille du comte Guillaume-le-Bon, épouse d'Edouard III, roi d'Angleterre. Comblé des bienfaits de cette princesse , à qui il alla présenter son livre en Angleterre, comme il le dit lui-même dans son prologue ; accueilli, honoré par Edouard III, par le prince Noir, par Richard 11^ Froissart a toujours parlé de ces princes avec respect. Fallait-il donc qu'il déchirât ses bienfai- teurs ? Mais en conservant pour eux les sentimens de reconnais- sance qu'il leur devait, tenait -il leur parti, politiquement parlant? Je ne le crois pas, je le crois même si peu, que je lui ferai un reproche bien plus grave. Je dirai qu'en eflet Froissart s'est montré peu patriote ou peu populaire, non parce qu'il parle honorablement des princes anglais, mais parce qu'il tenait ou- vertement le parti de l'aristocratie, c'est-à-dire, le parti français, NOTICE SUR FROISSART. 7 faYorable aux comtes de Flandre, qui voulaient asservir le peu- ple, et ce n'est pas par des conjectures hasardées ou par des induc- tions forcées que je le juge, c'est par ses propres paroles. Après la bataille de Roosebecke, en 1382, où les Flamands furent si cruellement défaits, il dit (tome II, chap. 126) : (c Cette décon- )) fiture fut très-honorable pour toute la chrétienté, pour toute )) la noblesse et gentillesse ; car si les vilains ( les bourgeois ) )) fussent là venus à leur entente (étaient parvenus à leur but ) , )) oncques si grandes cruautés ni horribletés n'advinrent au )) monde , qu'il en fut advenu par les communautés ( les villes , )) la bourgeoisie ) qui se fussent partout rebellées et eussent )) détruit gentillesse. » Ce texte me paraît clair. La cause du peuple n'est pas celle à laquelle Froissart était attaché. S'il tenait personnellement, par reconnaissance, par affection, le parti des princes anglais, il ne le tenait pas par principes, par système, c'est-à-dire, en un mot, politiquement, et je crois qu'on peut avec fondement lui reprocher ses sentimens aristocratiques. La société d'émulation de Cambrai, dans sa séance du 18 août 1827, a décerné le prix d'éloquence à un discours contenant l'éloge de Froissart, Monstrelet et Comines. L'auteur de ce dis- cours revendique pour la France l'honneur d'avoir donné le jour à Froissart, et enlève ainsi à la Belgique ce glorieux avantage, parce qu'il a considéré la France dans son état actuel. Mais si on la remet dans les limites qu'elle avait au temps de Froissart, on sera bien forcé de convenir et de reconnaître que cette pré- tention est tout-à-fait déplacée, et que Froissart est belge et non français, puisque Valenciennes, sa ville natale, n'appar- tient à la France que depuis le traité de Nimègue de 1 678 ; mais 8 NOTICE SUR FROISSART. au quatorzième siècle elle faisait partie du comté de Hainaut, et était conséquemment de la Belgique, comme Mons. Les Belges ont donc le droit incontestable de compter Froissart au nombre de leurs concitoyens. Le procès verbal de la société de Cambrai donne au discours couronné le titre de Mémoire sur les historiens qu'à produits le département du Nord , et spécialement Jean Froissart , Enguerrand de Monstrelet et Philippe de Comines. Mais si ce qui, depuis quarante ans, forme le département actuel du nord, fait aujourd'hui partie intégrante de la France, il n'est pas moins vrai de dire que ce vaste département était compris au temps de Froissart dans le territoire de la Belgique, c'est-à-dire, dans la Flandre et le Hainaut, et que depuis leur incorporation à la France, ces provinces ont retenu la dénomination de Flandre française et de Hainaut français. Je m'étends peut-être trop sur une chose si claire; mais j'ai pensé que l'honneur national exi- geait cette réclamation, et je demande qu'à ce titre l'Académie me permette d'insérer cette Notice dans ses Mémoires. MÉMOIRE SUK LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. MÉMOIRE LA BATAILLE DE ROOSEBEKE, ON EXAMINE LES QUESTIONS SUIVANTES : QUELS SOKT LE LIEU ET LE JOUR PRÉCIS DE L.V BATAILLE? QUEL ESI LE NOMBRE APPROXIMATIF DE TUÉS? QUELLE FUT LA FIN DE PHILIPPE TAU ARTEVELDE? QUELLE PART OMT EUE LE MERVEILLEUX ET LA SUPERSTITION DAKS CET ÉVÉNEMENT MÉMORABLE, d'aPRÈS l'esPBIT DU TEMPS? PARM. DEWEZ. Lu dans la séance du 7 mai i83t. Nos consensum auctorum secuti , quse diversa pro- diderunt sub nominibus ipsorum trademus. Tac. , Ann. , lib. i3 , cap. 20. BRUXELLES, M. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1831. MÉMOIRE LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. o89939O9O9oooaoooo9e9aaao9990oaoeoo9OOO9as9O099a9Ooe999eAa9ae99i2999aa9eaaoa9oe La bataille de Roosebeke est, tant par ses circonstances que par ses résultats, lui des événemens les plus mémorables et les plus importans, non-seulement de l'histoire belgique, mais de l'histoire générale. Les circonstances qui accompagnent les com- bats ordinaires , présentent souvent assez peu d'intérêt , et elles sont presque toutes les mêmes; il est permis à l'historien de les négliger, et aux lecteurs de les ignorer. Mais quand il s'agit d'une bataille qui a changé la face d'un pays ou le sort d'un peuple, aucune circonstance ne doit paraître indifférente. Or, comme les historiens varient sur plusieurs points relatifs à cette fameuse bataille de Roosebeke, j'ai cru devoir consigner ici le résultat de mes recherches à ce sujet. Et d'abord, il est important de donner une idée exacte du lieu de la bataille. Froissart le place au Mont-d'Or, den Gulden- berg , entre Courtrai et Roosebeke. La chronique manuscrite d'Eenam est à peu près conforme à Froissart. Elle le place à Passchendaele au Mont-d'Or près de Roosebeke. La diversité des opinions sur ce point provient de ce qu'il se trouve trois villages appelés Roosebeke, l'un à deux lieues trois quarts d'Ypres, vers Tom. Fil. I 2 SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. Roulers, sur le chemin de Bruges; un autre à trois lieues de Courtrai, vers Thielt, et un troisième à deux lieues d'Audenarde, vers Ninove. Je m'y étais trompé comme tant d'autres, en plaçant le champ de cette bataille à Roosebeke, à trois lieues de Courtrai, qui est Oost-Roosebeke. M. de Ségur le place près de la Lys, entre Deinze et Harlebeke : c'est bien à Oost-Roosebeke. Il s'est donc aussi trompé. Mais d'après les notions plus exactes que je me suis procurées, et l'idée plus juste que je me suis formée des localités, en examinant non-seulement sur la carte, mais sur le terrain, les différentes positions des lieux et en suivant la marche et le mouvement des armées, je me suis convaincu que le théâtre de ce grand événement est West-Roosebeke, à deux lieues trois quarts d'Ypres, sur la route de cette ville à Thourout, ayant Staden au nord et Passchendaele au midi. Le roi de France, Charles YI, était à Ypres. On apprit que Yan Artevelde ap- prochait. Le connétable et les maréchaux de France vinrent à une lieue et demie d'Ypres, entre Roulers et Roosebeke, et le lendemain toute l'armée vint y loger. Artevelde, venant du siège d'Audenarde, passa à côté de Courtrai vers Roulers^ et se plaça vraisemblablement sur la hauteur devant Roosebeke pour couper le chemin aux ennemis. Le Mont-d'Or est à dix minutes de cette hauteur, dont il fait partie, vers Passchendaele. Là est un champ appelé EngelscJi-Kerkliof, cimetière anglais, où proba- blement auront été enterrés les Anglais qui accompagnaient Ar- tevelde, et un peu plus loin un champ nommé Engels ch-Veld, champ anglais, où ils étaient postés. A une demi-lieue environ, allant vers le midi , est une vieille auberge nommée '* Graven- tafel, la table du comte, parce que, selon la tradition, c'est là SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. 3 que le roi de France, le comte de Flandre et tous les seigneurs de leur suite ont pris leur repas la veille de la bataille. Ces indi- cations suffisent, ce me semble, pour reconnaître le lieu du combat entre Passchendaele et Roosebeke , à l'endroit où le pavé d'Ypres à Thourout fait un coude , et où il y avait un vieux mou- lin, remplacé maintenant par un moulin en briques. La date de la bataille était marquée en vieux caractères sur ce moulin, ou peut-être sur un autre qui était du côté opposé du village, vers la montagne appelé Cayertsberg , qui en est à dix minutes. Les vieux habitans du pays ne peuvent pas l'assurer positivement; mais c'est bien certainement sur l'un des deux, et il est possible que ce soit sur cet autre moulin ; car la tradition porte que Van Artevelde a été tué au Cayertsberg. Mais que ce soit sur l'un ou l'autre de ces moulins, le lieu de la bataille, c'est-à-dire, l'étendue sur laquelle elle s'est donnée , n'est pas moins claire- ment indiqué. Les habitans montrent un vieux tilleul isolé, entre Poel-Capelle et Langemarck, villages voisins de Roosebeke, et connu sous le nom de Schreyboom , arbre des pleurs ou des cris. Comme le merveilleux se mêle toujours dans ces sortes de tra- ditions, on dit dans le pays que l'on entend quelquefois près de cet arbre des cris comme de blessés ou de combattans; mais ce qui paraît plus raisonnable et plus vraisemblable (car cette dé- nomination a sans doute un fondement), c'est, selon ce que disent les plus sensés, que les habitans des environs se rendirent au fort de la bataille sous cet arbre, pour entendre le bruit des armes et les cris des combattans. Il n'est pas indifférent de fixer précisément la date de cette bataille. Oudegherst, chap. 178, la fixe au 14 novembre. Il se 4 SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. trompe. M. de Ségur ef M. de Barente la fixent au 29. Ils se trompent également. C'est bien le 27 , comme Froissart l'explique très-positivement et très-clairement. (( Geste bataille fut sur le )) Mont-d'Or entre Courtray et Rosebecque, l'an de grâce 1382, )) le jeudy devant le samedy de l'advent, en novembre, le vingt- » septième jour. )) Gaguin et Emile la rapportent à l'an 1381. Meyer relève cette erreur grossière, et la fixe au même jour, même mois et même année que Froissart, en spécifiant, comme lui, le jour de la semaine. Miror Gaguinum et jiUmilium ita hallu- cinatos ut hanc pugnam factam référant anno octogesimo primo. Fada est autem octogesimo secundo quinto calend. decembris , die jovis qui primam prœcessit dominicain ad- ventûs. Les documens historiques s'accordent assez sur le nombre des tués. Froissart le porte à vingt-cinq mille. Dans un registre dit de cuir noir , à cause de la couverture, reposant aux archives de la ville de Tournai, et que j'y ai consulté, se trouve une pièce contenant la description de l'entrée du roi Charles VI à Tournai le 18 décembre. Ce document porte également que les Flamands perdirent vingt-cinq mille hommes et plus. Meyer dit que le nombre des tués du côté des Flamands est, suivant le témoignage des écrivains les plus dignes de foi, de plus de vingt- mille , outre six cents tués dans la fuite. Cela se rapporte. Constat Flandros , vel ex eorum, testimonio qui ex fide scrihunt , ad viginti ac paulo etiam ampliùs millia occubuisse , prœter sex- centos circiter in fuga interem,pfos. Les historiens français l'ont porté à quarante mille. C'est leur coutume , dit Meyer. Gallici scriptores suo more num,erum duplicantes quadraginta inter- SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. 5 fectorum computant milita. On peut dire cependant que ce n'est guère plus la coutume des Français que des autres nations. C'est le style des bulletins de tous les temps et de tous les pays. Cinq échevins de Gand périrent dans cette bataille. Les échevins flamands allaient à la guerre comme les consuls romains. Mais ce qu'il importe surtout de connaître , c'est la fin de Phi- lippe Van Artevelde. Froissart rapporte que, quand après la bataille, le roi de France fut rentré dans sa tente, il dit qu'il verrait volontiers Artevelde, mort ou vif; et il fut annoncé à l'armée que celui qui le trouverait aurait cent francs. A l'instant , tous les valets se jetèrent au milieu des morts, qui étaient déjà dépouillés de leurs vétemens. On le chercha tant qu'à la fin il fut trouvé et reconnu par un valet qui avait été long-temps à son service. 11 fut traîné devant le pavillon du roi , qui le regarda pendant un petit temps. Il fut tourné et retourné afin que l'on pût s'assurer s'il était mort de ses blessures; mais on trouva qu'il n'avait plaie nulle dont il fût mort, si on l'eût pris. Un homme, très- versé dans l'histoire du pays, mais qui n'aime pas Froissart, m'a adressé une lettre sur ce sujet. Il lui reproche entre autres une contradiction j qui serait choquante, si elle existait; mais je ne la vois pas. Au chapitre 125, Froissart avance, dit-il, que Philippe Van Artevelde a été navré de glaives, c'est-à-dire, blessé , et au chapitre 1 26 , qu'il n'avait reçu aucune blessure , et l'auteur de la lettre n'achève pas la phrase de Froissart , qui dit bien à la vérité qu' Artevelde fut navré de glaives; itiais il ne dit pas simplement au chapitre suivant qu'il n'a reçu aucune blessure ; il ne s'arrête pas là. Il dit ( ce qui est bien différent ) qu'il n'avait reçu plaie nulle ( achevons la phrase ) dont il fût 6 SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. mort, si on l'eût pris; ce qui signifie, selon moi, qu'il n'avait reçu aucune blessure mortelle, et que si on l'eût pris, on eût pu le guérir; ou, en d'autres termes, en rapprochant les deux passa- ges , cela veut dire qu'il avait été blessé , mais qu'il ne l'avait pas été mortellement. Où est la contradiction ? (( Artevelde, continue Froissart, fut estreint (étouffé) en la » foule, et grand foison de Gantois sur lui, qui moururent en sa )) compagnie. Quand on l'eust regardé un espace de temps , on » l'ôta de là, et il fut pendu à un arbre. Telle fut la fin de Phi- )) lippe d' Artevelde. )) Meyer dit aussi que le cadavre de Van Artevelde fut pendu, non à un arbre, mais à une potence, furcœ datum , selon les uns , et suivant les autres , qu'on ne le retrouva pas. Les historiens , les chroniques et les manuscrits du temps ne s'accordent point sur le sort et la fin de ce fameux chef des Flamands. La chronique manuscrite d'Audenarde rapporte , d'après d'au- tres chroniques , que le roi étant arrivé près du cadavre nu de Van Artevelde , le foula aux pieds , en le traitant de vilain , en grande colère. Le mot qu'emploie le manuscrit est même encore plus énergique. C'est un mot populaire, verhoet, qui signifie enragé , voulant donner l'idée d'une colère qui tient de la rage. Un manuscrit flamand, du commencement du quinzième siècle, porte que Van Artevelde étant tombé blessé, fut amené devant le roi et le comte Louis. Il avait, dit ce manuscrit, des guêtres ou bas doubles devant les genoux , de toile écrue. Causse ware voor de knien ghevoedert met grauw rugghe. Cette circonstance, SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. 7 racontée si simplement, porte, à mon avis, un grand caractère, ou au moins une grande apparence de vérité. Elle semble si frap- pante, qu'on dirait que celui qui la rapporte avait vu la chose, ou du moins la tenait d'un témoin oculaire. On peut inventer des circonstances merveilleuses pour frapper l'imagination , et on l'a fait souvent ; mais quel autre but pouvait avoir l'auteur ,de ce manuscrit en rapportant cette circonstance si simple , que de dire la vérité? C'est ce que dans les affaires contentieuses on appelle cause de science , c'est-à-dire la raison qui fait croire qu'on sait une chose. Un témoin dépose qu'il a vu un individu dans tel lieu. Pour prouver que c'est bien celui dont il s'agit, il fait la description de son accoutrement. Cette cause de science est un grand motif de crédibilité, surtout si cet accoutrement a quelque chose de remarquable , de distinctif , comme les guêtres de Van Artevelde. Le manuscrit ajoute qu'on ne sait ce qu'il devint. Un autre manuscrit porte que Van Artevelde , conduit devant le roi de France, refusa de s'agenouiller, et résista même aux violences qu'on employa pour l'y forcer , et que , dans sa colère , le roi ordonna de le tuer. Voilà les différentes versions que j'ai pu recueillir sur cette catastrophe. Je n'affirmerai pas plus une chose que l'autre, et je dis avec Tacite : Ce n'est que l'unanimité des auteurs qui me décide ; quand ils varient sur les faits, je me borne à les rapporter sous leurs noms. Nos consensum auctorum secuti, quœ diversa prodiderunt suh noininibus ipsorum trademus. Le merveilleux a toujours une grande part dans les événemens rapportés par les historiens de ces temps de superstition et 8 SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. d'ignorance. C'est dans celui-ci surtout qu'on a le plus accumulé de faits extraordinaires et absurdes. J'ai parlé des cris partant du tilleul qui en a retenu le nom de Schreyboom; mais je n'ai pas parlé des bruits venant du Mont-d'Or, des feux volant dans le ciel. Cette espèce d'anecdote , qu'on pourrait qualifier de romantique, esf^ assez curieuse. Voici, à quelques changemens près dans les expressions , comment Froissart la rapporte. Elle caractérise bien l'esprit du temps. « Environ minuist il advint mie merveilleuse chose. Je n'en » ai jamais ouy recorder la pareille. Quand ces capitaines fla- )) mands se furent retirés à part, et que chacun se tenait en )) son logis pour reposer, estant bien avant en la nuict, il sembla )) à ceux du guet qu'ils ouirent un grand bruit , vers le Mont- « d'Or. Aucuns d'eux furent envoyés pour découvrir ce que ce )) pourroit estre, et si ce n'estoient point les Français qui les » voulussent assaillir de nuict. Mais ils rapportèrent qu'ils » avoient esté jusques au lieu d'où le bruit venoit , et qu'ils n'y )) avoient rien trouvé. Toutefois on oyoit encore ce bruit, et il » sembloit bien à aucuns que leurs ennemis estoient au Mont, V à une lieue près d'eux j et le même avis fut à une damoiselle de » Gand, que Philippe d'Artevelde avoit amenée en ce voyage. )) Cependant que Philippe dormoit sur une courtepointe, en )) un pavillon , cette femme environ heure de minuict sortit de » son pavillon pour venir veoir le ciel et le temps, et quelle » heure il estoit : car elle ne pouvoit dormir. Elle regarda vers )) Roosebeke , et vit en plusieurs lieux du ciel fumées et étin- )j celles de feu voler, et c'estoient des feux que les François )) faisoient sous les hayes et les buissons. Cette femme escoute SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. 9 )) et entend, et lui fut avis qu'elle ouit grand bruit entre leur )) armée et celle des François, et crier Mont-Joye ; et il luy )) sembloit que c'estoit sur le Mont-d'Or entre eux et Roosebeke. )) Elle en fut toute effrayée, et se retira dans le pavillon de )) Philippe, puis l'éveilla soudainement, et luy dit : Sire , levez- )) vous tost, etvous arm,es, et vous appareillez; carj'ay ouy trop )) grand noise (bruit) sur le Mont-d'Or , et je croy que ce sont ri les François qui vous viennent assaillir. Philippe à ces paroles )) se leva tôt , affubla une gonne ( sorte de vêtement ) et prit )) une hache ; puis sortit de son pavillon pour venir voir ce que la )) damoiselle disoit. Comme elle l'avoit ouy, Philippe l'ouit, )) et il luy sembla qu'il y eust un grand tourment ( tapage). Il se )j retira tôt dans son pavillon, et fit sonner sa trompette pour )) réveiller son armée. Tous ceux du guet s'armèrent et en- » voyèrent de leurs compagnons vers Philippe pour savoir pour- )) quoi il s'armoit. Philippe les voulut envoyer du costé d'où w venoit le bruit pour en découvrir le certain ; mais ils respondi- )) rent qu'on y avoit déjà envoyé, et que ceux qui y avoient été, » rapportèrent qu'ils n'avoient rien trouvé. Philippe fut fort )) ébahy, et eux gTandement blasmez de ce qu'ils avoient ouy )) noise et bruit du côté des ennemis, et s'estoient tenus tous quois » (tranquilles). Ah! dirent ceux-ci à Philippe, voirement nous )) avons bien ouy noise sur leMont-d Or, et avons envoyé savoir » ce que ce pouvoit estre ; mais ceux qui y estoient allez, ont n rapporté que ce n'est rien ; et pour ce que nous n'avons )) veu de certain nulle apparence d' émouvement , nous ne » voulions pas réveiller l'armée , afin que nous n'en fussions » /6/a5me^. Philippe s'apaisa* mais dans le fond il s'émerveilla Tom. Fil. 2 lo SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. )) grandement ce que ce pouvoit estre_, et dirent aucuns que )) c'estoient les diables d'enfer qui couroient et tournoyoient le » lieu où la bataille devoit estre pour la grand' proye qu'ils atten- )) doient. )) Comme la bataille qui se préparait entre un si grand nombre de combattans, faisait présumer qu'il y aurait un grand nombre de tués , qui sans doute ne seraient pas en état de grâce , les diables couraient et tournaient pour les emporter au plus \ite. Diabolus tamquam leo rugiens circuit quœrens quem devoret. Avant la bataille , il s'était élevé dans le conseil du roi de France, une discussion sur la question de savoir si l'on déploie- rait l'oriflamme, ou non. Cette fameuse bannière, qu'on croyait avoir été envoyée du ciel, n'avait jamais été déployée contre les chrétiens. Or, les Flamands étaient bien chrétiens. C'est dans cette occasion-ci qu'on voit avec quelle subtilité l'esprit de parti, quand la religion y est mêlée, explique les choses à son avan- tage. C'était le temps du grand schisme d'Occident. Deux papes , comme on sait, se disputaient la souveraineté. Clément VII à Avignon, et Urbain YI à Rome. L'Europe était partagée entre ces deux rivaux. Les Français tenaient le parti du premier, et les Flamands celui du second. On considéra donc que ceux-ci étant urbanistes , devaient être regardés comme rejetés du giron de l'église; et par ce motif, il fut décidé qu'on déploierait l'ori- flamme contre les Flamands. Froissart, de son côté, attribue à l'oriflamme des vertus mira- culeuses. « Toute la matinée, dit-il, il avait fait si grand' bruine )j et si épesse, qu'à grand' peine se pouvoient voir l'un l'autre. )) Mais sitost que le chevalier qui la portait la développa, cette SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. n )) bruine à une fois cheat (tomba) et se dérompit, et fut le ciel » aussi cler et net qu'on ne l'avoit \eu de toute l'année. » Il atteste de plus, comme le tenant d'un témoin oculaire , dont il cite le nom, mais qu'il estropie à son ordinaire, que « Quand )) l'oriflamme fut développée et la bruine cheate (tombée) on vit » un blanc coulomb (pigeon), faire plusieurs vols pardessus la » bataille (l'armée) du roi; et quand il eut assez volé, et que )) l'on se deut combattre, il alla s'asseoir sur l'une des bannières )) du roi, dont l'on tint ce à grand' signifiance de bien. » Meyer, aussi crédule que Froissart, attribue la défaite des Flamands à un miracle opéré par la présence de l'oriflamme. C'était, dit-il, la volonté de Dieu, qui voulait punir l'orgueil des Flamands. Ita divinitus humiliata Flamingorum arrogantia , qui vel per flammulce miraculuni prostrati, vel per Dei vo- luntatem ita ab hostium multitudine circumsepti et oppressi perierunt. Quoique Meyer reproche ici aux Flamands leur or- gueil, il était cependant attaché à ses compatriotes. Mais il croit sans doute qu'il est plus honorable de considérer leur défaite, comme un coup de la main de Dieu, que la prudence humaine ne peut éviter, que comme un eflet de la supériorité des ennemis. J'ajouterai encore un trait qui tient du merveilleux. Le moine de S*.-Denis, auteur contemporain, qui a donné une histoire de Charles VI, traduite en français par Le Laboureur, rapporte que les Flamands étaient conduits par une vieille femme, qui leur avait promis la victoire, s'ils voulaient lui laisser porter la ban- nière de S*.-Georges. On retrouva le corps de cette femme parmi les morts après la bataille. L'auteur lui donne sérieusement la qualification de sorcière. Le nom de cette femme, si la bataille 12 SUR LA BATAILLE DE ROOSEBEKE. avait eu une autre issue, serait devenu peut-être aussi célèbre que celui de la Pucelle d'Orléans, qui fut traitée de sorcière par les Anglais, et de femme inspirée du ciel par les Français. FIN. MÉMOIRE RESSEMBLANCE DES GERMAINS ET DES GAULOIS LES BELGES DES TEMPS POSTÉRIERS. MÉMOIRE SUR LES TRAITS DE RESSEMBLANCE ENTRE LES ANCIENNKS Pn.VIIOUES OD HABITUDES DES GERMAINS OU DES GA VLOIS AYEC CELLES DES BELGES DES TEMPS POSTÉRIEURS; PAR M. DEWEZ. LU A LA SÉANCE DU 9 JUILLET lS3l. Multa manent hodie veterÏR veslieia nioiv BRUXELLES, M. H AYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. Isâi. INTRODUCTION. Jcn 1826 , l'Académie avait proposé la question suivante : « Les Belges étaient issus en partie des Germains , en partie des Gaulois. Les Francs, peuples formés de la réunion de plusieurs nations ger- maniques du Nord, sont venus repeupler la Belgique dans les qua- trième et cinquième siècles. Les Belges ont long -temps conservé les mœurs , les usages et les institutions de leurs ancêtres. » L'Académie demande : « Quels sont les principaux traits de ressemblance, d'identité ou )) d'analogie que l'on retrouve , soit dans l'histoire , soit dans les usages , » les cérémonies, les amusemens et les fêtes, soit dans les lois, les » capitulaires , les conciles et les principales coutumes de la Belgique , )) avec ces anciennes pratiques ou habitudes? » Cette question a été représentée trois fois , et l'Académie n'a pas reçu de réponse. Je m'étais engagé, si la question n'était pas traitée ^ de Tom. VU. I 2 INTRODUCTION. présenter à la Compagnie les observations qui, dans mes études, mes recherches et mes travaux historiques , m'avaient donné l'idée de cette question. Je les ai réunies dans un Mémoire dont l'Académie a autorisé l'impression. Je ne me suis pas borné à traiter le sujet sous le rapport de la ressemblance que je trouve entre les Belges et les anciens Germains ou Gaulois; j'ai étendu le parallèle aux nations sauvages ou barbares, afin de démontrer une vérité qui résulte de l'étude de l'histoire : c'est que les peuples récemment sortis des mains de la nature, sont les mêmes dans tous les pays. MÉMOIRE SCR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS ET DES GAULOIS A VEC LES BELGES DES TEMPS POSTÉRIEURS. Une chose a toujours particulièrement fixé mon attention dans l'étude de l'histoire belgique : ce sont les traits de ressemblance, d'identité ou d'analogie que l'on remarque dans les mœurs des peuplades sauvages, des hordes tartares , des temps héroïques et des anciens Germains ou Gaulois, dont les Belges sont issus. J'en ai recueilli les traits qui m'ont le plus frappé, et dans lesquels on ne verra peut-être pas sans intérêt un mélange de ces anciennes mœurs ou usages communs aux premiers Belges. Les Germains n'avaient pas de villes. Ils regardaient ces en- ceintes entourées de murs comme des prisons. Les députés des Tenchtres, peuples correspondant à ceux du duché de Berg et du comté de la Marck, envoyés aux Ubiens, habitans de Cologne, pour renouveler leur alliance , s'expriment ainsi : (( Si vous vou- )) lez resserrer les liens qui nous unissent, démolissez ces murs, » boulevards de la tyrannie, qui ne tous entourent que pour » vous tenir dans la servitude. Les animaux même les plus sau- 4 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS » vages perdent leur bravoure naturelle quand on les tient » enfermés ('). » Ce sentiment, qui montre un caractère vrai- ment sauvage , se conserva long-temps. Ammien Marcellin (") rapporte que les Allemands, au temps de Julien, s'étant emparés de sept villes sur le Rliin, n'en occupèrent que les dehors, parce qu'ils craignaient lé séjour des villes ^ qu'ils regardaient comme des tombeaux. Chez les Germains, les hommes ne s^occupaient aucunement des soins du ménage et de la culture des champs. Ils laissaient ces occupations aux femmes, aux vieillards, aux infirmes, à tous ceux enfin que leurs forces physiques rendaient inhabiles aux fa- tigues de la guerre (^) : ils passaient à dormir ou à manger le temps qu'ils n'employaient pas à la chasse ou à la guerre. Ainsi vivent les sauvages de l'Amérique, les Caifres, les Indiens. Les hom- mes n'ont aussi d'autre occupation que la guerre et la chasse. Les soins les plus pénibles du ménage , les plus rudes travaux de la terre sont réservés aux femmes. Avant la conquête des Romains , tous les arts étaient étrangers aux Belges. Ils ne connaissaient que ceux que le besoin les avait obligés de rechercher. Ils se procuraient le feu par le frot- tement, comme les Américains. Les Romains, avant l'invention des moulins, se servaient également de cette méthode. Ils brû- laient les grains et les écrasaient avec la pierre (^). (I) Tacit., Hist., lib. IV, cap. 64. (^) Lib. VI, cap. 2. (3) Tacit, Germ. , cap. i5. (4) El torrete igni fruges et fraiigite saxo. ViEG. , Georg. ', i , 267. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 5 Comme les Germains n'estimaient que la force du corps et la vigueur du tempérament, ils habituaient les enfans dès la plus tendre jeunesse à une vie dure ('). Un usage constamment suivi était de plonger dans les eaux du Rhin les enfans sortant du sein de leur mère, dans l'intention d'éprouver les forces de la nature, et les pères croyaient ainsi former un corps robuste à leurs enfans. Gallien, qui écrivait au milieu du deuxième siècle, cent ans après Tacite, rapporte cet usage, et le blâme ('). Cette coutume était en général celle des nations barbares. Les anciens peuples d'Italie, comme on le voit dans Virgile (^), plongeaient leurs enfans dans le Tibre, comme les Germains dans le Rhin. Or, ce n'était pas seulement aux habitans de la rive droite du Rhin, c'est-à-dire, aux anciens Germains, que cet usage était particulier : il fut également adopté par les peuplades germani- ques transplantées en différens temps sur la rive opposée, c'est-à- dire, par les Belges, surtout par ceux qui occupaient la lisière de la Belgique, comme les Tréviriens, les Ménapiens, etc. On le voit par ce qu'en rapporte l'empereur Julien, qui parle de cet usage comme étant suivi par les Celtes. Or, ce mot, dans Julien, signifie toujours les habitans des Gaules. L'hospitalité, qui était une vertu sacrée chez les peuples an- ciens, et dont on trouve des tableaux si naïfs et si touchans dans l'Odyssée, était plus religieusement exercée par les Germains (■) C^s., lib. VI, cap. 21. (') De sanilale tuenda , lib. I. (^) Natos ad ilumina priinùm Deferimus , saîvoque gelu dui'amus et undis. ^N. , lib. IX. 6 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS que par tous les autres peuples connus. C'est l'idée qu'en don- nent César et Tacite ('). Les Belges, qui avaient apporté de la Germanie cette belle vertu, la conservèrent long-temps. Si le voisinage des Gaulois corrompit les vertus des Belges, cette fu- neste influence ne put s'étendre à celle-ci ; car les droits de l'hos- pitalité n'étaient pas moins sacrés cliez les Gaulois, que Strabon dépeint enbeaucoup d'endroits comme ressemblans aux Germains. Les procès étaient presqu'inconnus chez les Germains. Comme ils étaient naturellement justes, et qu'ayant peu de besoins, ils se contentaient de la portion de terre qu'ils pouvaient cul- tiver, les contestations relatives aux propriétés étaient nécessai- rement rares; mais, comme d'un autre côté ils étaient grands buveurs, les querelles particulières étaient très-fréquentes. Les habitans de toutes les contrées sauvages de l'Amérique , tant ceux qui habitaient la zone torride, que ceux qui étaient relé- gués dans les rigoureux climats du Nord et du Sud, étaient éga- lement dominés par la passion de boire, et ils n'y mettaient pas de bornes. Toutes leurs fêtes n'avaient pas d'autre objet, et elles se terminaient toujours par la débauche. Leurs passions, natu- rellement fortes, étant encore excitées et enflammées par l'ivresse, ils se portaient aux plus terribles excès , et la fête se terminait rarement sans qu'il y eût des coups portés et du sang répandu. Les Germains ne portaient pas précisément la chose à cet excès. Ils passaient les jours et les nuits à boire, et l'on conçoit que leurs séances bachiques ne se terminaient pas toujours tran- quillement. Cependant ces réunions avaient letir bien d'un autre (') C^ES. , lib. VI, cap. 23. Tacit. , Gerni. , cap. 21. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 7 côté : c'était en buvant et en mangeant qu'ils faisaient leurs af- faires les plus importantes ; c'était dans les repas que s'opéraient les réconciliations, que s'arrangeaient les ménages, parce qu'ils pensaient que c'était dans ces momens, au milieu de l'abandon de la table, que l'âme était plus expansive. Mais comme aussi dans ces épanchemens, quelquefois trop libres, oii ils n'étaient pas toujours maîtres de leur raison , ils pouvaient s'oublier ou se tromper, ils avaient la prudence de renvoyer la conclusion de l'affaire au lendemain. A-insi, par ce sage discernement, ils pre- naient pour délibérer le temps où l'âme ouverte à la franchise est moins disposée à feindre, et pour terminer, celui oii, revenue à la froide raison, elle est moins sujette à s'égarer, c'est-à-dire, qu'ils discutaient à cœur ouvert, et concluaient à tête reposée. Délibérant dum, fingere nesciunt, constituunt dum errare non possunt. Qui ne reconnaît ici les dispositions des coutumes flamandes, qui permettaient de rétracter dans les vingt -quatre heures tous les contrats passés, comme on dit, entre les pots et les verres , pourvu que celui qui voulait rompre l'engagement payât l'écot (') ? Les homicides, déplorables efFets de l'ivrognerie, étaient donc communs chez les Germains, et ils se rachetaient par une cer- taine quantité de bétail , que la famille du défunt, victime de la querelle, recevait en satisfaction. Les meurtres n'étaient pas moins communs chez les Belges, puisque les mêmes causes exi- staient; et les lois portées dans les siècles suivans en sont égale- ment la preuve ; car elles sont évidemment fondées sur les anciens (') Tacit. , Germ., cap. 22. Raepsaet , Mémoire sur l'origine des Belges. 8 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS usages des Germains , qui rachetaient les homicides par des compositions. Ce ne peut donc être que la loi ou l'usage germa- nique qui a don-né l'idée des compositions établies par les Char- tres du Hainaut (') et la Joyeuse -Entrée du Brabant (^), par lesquelles les parens du meurtrier fugitif étaient tenus d'entrer en composition avec les parens du mort , sous peine d'exil ou de confiscation de biens. Les Germains étaient singulièrement adonnés à la passion du jeu, passion inconcevable chez un peuple aussi sévère, qui ne connaissait pas l'argent. Ils jouaient leurs biens, leurs meubles; et quand ils avaient perdu tout cela, ils jouaient leurs per- sonnes et leur liberté (^). Les Malais et les Nègres de Judda ont une telle passion pour les jeux de hasard, qu'ils jouent aussi leur liberté et vendent leurs enfans pour subvenir aux frais du jeu. Cet amour excessif du jeu, surtout des jeux de hasard, était universel chez les sauvages de l'Amérique. Ils en faisaient leurs délices, et dès qu'ils s'y étaient engagés, ils s'y livraient avec une ardeur presque frénétique; ils jouaient leurs fourrures, leurs ustensiles, leurs vêtemens, leurs armes; et lorsqu'ils avaient tout perdu, ils risquaient d'un seul coup leur liberté personnelle, quelle que fût leur passion pour l'indé- pendance. S*. Ambroise attribue la même passion aux Huns. Sou- vent, dit-il, ils mettent au hasard d'un coup de dés leurs armes, leur liberté, leur vie. Mais aucune nation peut-être n'a porté cette (') Loi du comte Baudouin , art. ^ ^ 5. (2) Art. 20 et 21. (3) Tacit. , Germ, , cap. 24. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 9 fureur à un plus haut point d'extravagance que les Germains. Celui qui avait joué sa personne, souffrait patiemment qu'on le vendît comme esclave ('), et qu'on l'emmenât. Cette résignation s'appelait bonne-foi, ipsifidem vocant. Cette funeste passion n'a pas, à la vérité, été poussée à cet excès chez les anciens Belges; cependant les moyens coercitifs, qui, dans les temps postérieurs, ont été employés dans la Belgique contre la fureur du jeu, font assez comprendre qu'ils tenaient cette passion des Germains, leurs ancêtres. Elle était encore tellement enracinée chez les Belges dans toutes les classes, que le concile de Mayence, tenu en 813, prononça l'excommunication non-seulement contre les laïques, mais même contre les ecclésiastiques qui joueraient aux jeux de hasard. C'est la disposition du quatorzième canon. Le grand divertissement des Germains était une danse assez bizarre, qui formait une espèce de spectacle (^). Une troupe de jeunes gens, dépouillés de leurs vêtemens, se précipitaient en dansant, pour amuser le public, sur un amas de lances et d'épées avec autant d'adresse que de hardiesse. C'était un art qui, à force d'exercice, s'était toujours perfectionné, et ils y attachaient tant de prix, que ceux qui s'y appliquaient n'y cherchaient pas un gain sordide. Ils se croyaient assez payés d'avoir pu procurer cet amusement aux spectateurs, et leur approbation était toute la récompense qu'ils ambitionnaient. Dans le pays d'Alost, les jeunes gens se sont exercés long-temps avec une agilité éton- nante à un jeu où l'on danse au milieu des épées nues. On les (') Tacit. , Germ. , cap, 24. (4 Tac, ibid. Tom. VII. lo SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS appelle zweirt-danzers , littéralement danseurs de glaives. Ces danses ne retracent- elles pas l'idée du jeu des Germains ? Je vais avancer une idée qu'on trouvera peut-être bien hasar- dée j aussi je ne la donne que comme une simple conjecture. Ce jeu germanique ne serait-il pas l'origine de cette fameuse danse connue sous le nom de macabres , qui était un des grands divertissemens de la jeunesse namuroise? Cette danse était com- posée de sept jeunes garçons, bien alertes, bien souples, bien découplés, ayant des bas, souliers, culottes et bonnets blancs, garnis de rubans rouges, vêtus du reste d'une simple chemise blanche, liée aux bras avec des rubans également rouges. Ils portaient à la main droite une épée émoussée , et tenaient de la gauche la pointe de celle de leurs compagnons. Ils faisaient dans cette attitude toutes sortes de figures et de mouvemens par l'en- trelacement de toutes ces épées. Mais que signifie ce mot ma- cabréef On a cru assez généralement, à cause sans doute de la ressemblance du nom et du nombre des acteurs, que les sept danseurs représentaient les sept frères Machabées. Quelles que soient au reste l'origine et l'étymologie de ce nom, ce n'est pas seulement à Namur que cette danse était connue ; car dans les fêtes que le duc de Bedfort donna à Brie en 1424 au duc de Bourgogne, PhUippe-le-Bon, on représenta la danse que les anciens historiens de France appellent aussi macabrée , précisé- ment comme à Namur. Elle était aussi connue à Paris sous le nom de danse des morts , et on la représentait au cimetière des Inno- cens. Si je me trompe ( ce qui est très-possible ) en faisant re- monter l'invention de cette danse aux Germains, on voit du moins par laque ces sortes de jeux étaient un goût particulier des Belges, ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 1 1 qui pouvaient l'avoir hérité des Germains, de même que tant d'autres usages plus ou moins bizarres. C'est encore ici, au reste, un trait très-frappant de ressem- blance avec les sauvages. L'amour de la danse est_, comme l'ob- serve Robertson, une passion favorite des sauvages de toutes les parties du globe. Lorsque les Espagnols entrèrent pour la pre- mière fois en Amérique , ils furent étonnés de ce goût dominant des naturels de ces contrées pour la danse. Ce n'est pas seule- ment un amusement , c'est une occupation sérieuse qui se mêle à toutes les circonstances de la vie publique et privée , et se lie aux affaires les plus importantes, pour offrir la paix, pour dé- clarer la guerre, pour honorer la divinité, pour célébrer la nais- sance d'un fils, pour pleurer la mort d'un ami. Les acteurs jouaient leurs différens rôles avec tant de chaleur, que toutes leurs attitudes, tous leurs mouvemens, sont l'imitation de l'action qu'ils veulent représenter. Mais les Belges et les Germains, et voilà la différence, n'en faisaient pas une occupation; ce n'était, comme ce n'est encore, qu'un divertissement, et la danse n'était, et n'est encore une occupation, que pour ceux qui font de leurs plaisirs leur principale affaire. Les funérailles étaient pompeuses et magnifiques chez les Gaulois, dit César; simples chez les Germains, dit Tacite ('). Les Gaulois brûlaient les corps, et l'on jetait sur le même bûcher tous les objets auxquels le défunt avait été le plus attaché, les habits, les armes, les chevaux, les chiens. Les serviteurs et les (') Funera sunt pro cultu Gallorum sumptuosa et magtiifica. CjES., lib. VI, cap. ig. Funerum nulla ambitio.TAc, , Germ. , cap. 27. 12 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS cliens pour lesquels le maître avait témoigné le plus d'affection, se jetaient volontairement dans le bûcher, espérant revivre avec lui dans l'autre monde. Que l'on examine bien les usages et les mœurs des peuples sauvages, et l'on trouvera encore ici des traits de ressemblance frappans avec ceux des anciens. Les Américains brûlaient avec le mort ses habits et ses armes. Dans plusieurs peuplades de l'Asie et de l'Afrique, aux funérailles d'un person- nage de distinction, on égorge et l'on enterre avec lui cinq ou six de ses esclaves; mais il ne paraît pas que cette aifreuse coutume fût pratiquée par les Germains. Funerum nulla ambitio, dit Tacite. Toute la cérémonie consistait à brûler avec un bois spécialement choisi pour cet usage, les corps des personnes distinguées. Les Talapoins brûlaient les corps des personnages éminens sur un bûcher composé de bois précieux, comme l'atteste Puifendorf. Je ne sais si l'on peut dire que les Belges aient adopté plutôt la coutume des Gaulois que celle des Germains. On a retrouvé dans le tombeau de Childéric, mort en 482 et enterré à Tournai, où il a été découvert en 1653, un squelette humain avec la téte^ une tète d'homme ou de femme, moins grosse, et une tête de cheval. Ce squelette et ces têtes pourraient faire croire que l'usage des Gaulois s'était perpétué dans la Belgique, soit que les serviteurs se jetassent volontairement dans le bûcher, soit qu'on immolât des victimes humaines en l'honneur des morts. Cette coutume d'égorger des hommes sur le tombeau des guerriers remonte aux temps les plus reculés. On voit dans Ho- mère ('), qu'aux funérailles de Patrocle, Achille immole douze (i) Iliad.iZ , 175. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. i3 jeunes Troyens sur le tombeau de son ami, et les y jette. On voit dans Virgile ('), qu'Enée immole huit jeunes Grecs aux mânes de Pallas, fils d'Evandre, et qu'aux funérailles de ce jeune prince C"), on immole ceux que son père avait désignés pour ce sacrifice. Cette barbare coutume existait donc chez tous les peuples anciens. Elle existait chez les sauvages de l'Amérique , qui, croyant que les morts allaient recommencer leur carrière dans l'autre vie, ne voulaient pas qu'ils y entrassent sans défense et sans provisions. C'est pour cela qu'on enterrait avec eux leur arc , leurs flèches et les autres armes servant à la chasse et à la guerre, et qu'on déposait dans leurs tombeaux des peaux ou des étoffes propres à faire des vétemens, du blé, du manioc, du gibier, des ustensiles domestiques. Dans quelques provinces, dit Robertson, d'après les auteurs qu'il cite, lorsqu'un cacique mou- rait, on mettait à mort un certain nombre de ses femmes, de ses favoris et de ses esclaves, qu'on enterrait avec lui, afin qu'il put se montrer avec la même dignité dans l'autre vie. On voyait même (tant cette persuasion était profondément enracinée) les personnes attachées à un chef s'offrir en victimes volontaires, et solliciter comme un insigne honneur le privilège d'accompagner leurs maîtres au tombeau. Voilà donc encore une ressemblance frappante entre les mœurs des sauvages et celles des peuples anciens. Cette coutume existait également chez les Romains, du moins dans les premiers temps ; car, à mesure que les nations se sont {') /Eneid. lo, 5i8, 5 19. (=) ^neid. 11, 81 , 82. i4 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS humanisées, elles ont renoncé à ces usages atroces. Dans la suite, on substitua à Rome des combats de gladiateurs devant le bû- cher, et l'on appelait cela jeua; funéraires. C'était un véritable massacre ; mais ces odieuses pratiques tombèrent insensiblement en désuétude, du moins pour les sacrifices de victimes humaines. Pour le reste, on en retrouve des traces, le croirait-on? même en Belgique dans les temps modernes. Un trait particulier, rap- porté par Olivier de la Marche ('), le prouve : il date de l'an 1452. Corneille, bâtard de Bourgogne, avait été tué à la bataille de Rupelmonde. a Le corps de messire Corneille, dit La Marche, » fust envoyé à Bruxelles, et la duchesse (de Bourgogne) le feit )) enterrer à Sainte Goule (Gudule) moult honorablement, et )) fust mise sur lui sa bannière, son étendard et son pennon. » Les anciens Belges étaient essentiellement guerriers; mais ils ignoraient tout ce qu'on appelle tactique. Toute leur attention se portait sur les armes, les exercices et les manœuvres, tant de l'infanterie et de la cavalerie, que de la marine. L'armure des Germains était, à peu de différence près, la même que celle des Gaulois. Ainsi, ce que rapporte Tacite des uns, Diodore des autres, est applicable aux Belges; surtout ce qu'en dit le dernier, qui les comprend toujours sous le nom gé- nérique de Gaulois. Les Gaulois proprement dits avaient des armes particulières, dont l'usage et, ce qui est plus frappant, les noms se sont con- servés chez les Belges. Le sparum ou sparus était une longue (') Mémoires , liv- I , chap. 25. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. i5 lance, qu'on jetait de loin, telum gallicum instar lanceœ ('). L'apulien Ornytus, dans Virgile, porte cette arme ('). Delille, en traduisant le vers de Virgile où se trouve ce mot, donne la description de l'instrument ; c'est un bois grossier courbé dans sa longueur. Le mot spar, dans le vieux langage gaulois, signifie dard. En Lorraine^ on dit encore esparon. Le gesus ou gesum était une autre espèce de dard ou javelot, qui n'était qu'à l'usage des mercenaires, d'oii leur est venu le nom de gesatce. Les Gau- lois en étaient armés à la prise de Rome (^). Ils faisaient un grand usage d'une espèce de char à deux chevaux, sur lequel étaient montés le combattant et le conduc- teur. Ces chars, appelés esseda (c'est l'ancien nom gaulois essedom, latinisé), étaient très-connus en Belgique, et ils y avaient probablement été inventés ; car Virgile, leur donne la dénomination de belgiques (^). Ces chars étaient déjà en usage à Rome près de trois siècles avant l'ère chrétienne. Ils étaient devenus au temps de Cicéron un objet de luxe pour les grands de Rome (^). Cicéron en fait même un reproche à Antoine (^). Les peuples de l'ancienne Albion avaient adopté l'usage des (■) Festus , De verb. sigti. (^\ Agrestisque manus armât sparus. jEneid. XI , 682. /3) Duo quisquc àlpina coruscant Gesa manu. Ib. Yiii, 662. /4) Belgica \'el molli meliùs feret esseda coUo. (5) Vedius venit mihi obviam cum duobus essedis. Cic. ad Attic. , lib. VI , ep. I. Ep, ad Famil. , lib. VII, ep. ^. (6) Vehebalurin essado trihunus plebis, lictores laureati antecedebant , etc. Phil. a. i6 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS essedoms, et César, dans deux endroits des Commentaires ('), explique très-clairement la manière dont ils s'en servaient. Ces chars étaient assez semblables à ceux dont parlent Homère et Virgile. C'est encore une nouvelle preuve de la ressem- blance qu'on peut remarquer dans les mœurs et les usages des peuples anciens. Les Belges se servaient encore d'une autre espèce de chars appelés covinni , qui étaient aussi probablement de leur inven- tion; car Lucain la leur attribue {^), comme Virgile celle des essedoms. Ces covinni, d'après l'expression de Lucain, étaient armés d'une espèce de faux , faite en forme de bec , c'est-à-dire que ces chars présentaient à l'extrémité du timon une pointe menaçante, qui rassemblait au bec qui termine la proue d'un navire. On voit dans Diodore de Sicile la manœuvre particulière des essedoms dans les combats singuliers (3). Le front de l'armée s'ouvrait tout à coup, et les chars des guerriers s'élançaient ra- pidement dans l'espace, que ceux-ci parcouraient en brandis- sant les armes d'un air menaçant, et en appelant à un combat singulier les plus braves des ennemis, qu'ils désignaient et qu'ils défiaient par leurs cris et par leurs gestes. Si l'ennemi succom- bait , le vainqueur lui tranchait la tête , qu'on suspendait au cou d'un cheval, et lui arrachait son arme, qu'on chargeait un valet (") CiES. , lib. IV, cap. 33, et lib. V, cap. i6. (^\ Et docilis rector rostrati Belga covinni. (3) DiOD. Sic. , lib. V. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 17 de porter comme en triomphe en chantant l'hymne de la vic- toire. A son retour, le vainqueur attachait cette tête au vestibule de la maison, comme celle d'une bête féroce que l'on aurait tuée à la chasse. Si c'était la tête d'un chef distingué, on l'embaumait et on la conservait précieusement dans un coffre, comme un tro- phée honorable que l'on montrait aux survenans. Un des plus grands plaisirs de quelques peuples barbares de la Germanie et des Gaules, était de boire dans le crâne d'un ennemi. Dans un combat de Boyens, le consul Posthumius fut tué. Les Boyens lui coupèrent la tête, et la transportèrent en triomphe dans le temple le plus révéré du pays; et après avoir lavé et parfumé le crâne, ils l'enrichirent d'une bordure d'or, et ce fut le vase sacré qui servit tous les jours solennels aux libations que faisaient les prêtres chargés de la garde du temple. Telle était la coutume de ce peuple, dit Tite-Live, en rapportant ce fait ('); et elle n'est pas particulière aux peuples de ce pays et de ce temps; car l'historien des Lombards, Paul Diacre , rapporte qu'Alboin , ayant vaincu Cunimond, lui fit couper la tête, et s'en fit une coupe dans laquelle il buvait (^). Je rapporte ces deux traits, quoiqu'étrangers à l'histoire belgi- que, pour faire voir que ce dégoûtant usage était à peu près (') Posthumius omni vi ne caperetur obnixus occubuit- Spolia corporis caputcjue ducis prœcisum Boii ovantes templo , quod sanctissimum est apud eos , intulere : purgato inde capite , ut mas iis est , calvam aura cœlavere ; idque sacrum vas iis erat , quo solemnibus libarent , poculumque idem sacerdoti esse , ac templi antis- titibus. TiT. Liv. , lib. XXIII, cap. 24- (^) Paul. Diacon., De gestis Langobard. , lib. I, cap. 2^. Tom. VII. 5 i8 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS commun à tous les peuples barbares ^ aux anciens Belges très- probablement comme aux autres. Les Américains, ainsi que les autres peuples sauvages , dit un historien espagnol, Pedro Lozano, cité par Roberston, cou- paient autrefois la tête des ennemis qu'ils tuaient à la guerre pour la rapporter en trophée ; et quoique cette coutume fut plus en usage dans l'A.mérique septentrionale, elle ne laisse pas d'être connue par les méridionaux; car les peuples de Chaco, espèce de sauvages voisins du Paraguay, coupent les têtes des ennemis qu'ils ont tués dans un combat, les emportent et les gardent soigneusement , afin qu'après leur mort , on en attache pour tro- phée une ou deux sur leur sépulcre. Mais ce qui me paraît le plus étonnant, c'est qu'en France, sous la première race, la barbarie y régnait encore au point qu'on coupait la tête d'un ennemi qu'on avait tué ; on l'emportait et on la clouait sur la porte du vainqueur. La loi salique (') contient même une défense expresse d'enlever ces têtes. C'est probable- ment de cette coutume barbare qu'est venue celle de clouer sur la porte des châteaux un oiseau de proie ou la tête d'un animal carnassier, (juand il n'a plus été permis d'y attacher des têtes d'hommes. Je ne crois pas qu'il soit hors de propos de parler ici d'un usage moins barbare , mais aussi singulier , adopté par les anciens Germains , par les Cattes surtout. Ils juraient de se laisser croître les cheveux et la barbe (') jusqu'à ce qu'ils eussent immolé un (') TiT. fig, art. 3. {^) Tacit. , Germ. , cap, 3i. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 19 ennemi. Civilis, ce fameux chef des Bataves, avait juré qu'il ne se ferait pas couper les cheveux avant d'avoir exterminé les Ro- mains ('). Dans la guerre que Clovis fit aux Ariens, ses soldats jurèrent de laisser croître leur barbe jusqu'à ce qu'ils eussent vaincu. La tradition porte que Godefroid I^^'^ duc de Lothier et de Brabant, avait juré qu'il ne se laisserait point faire la barbe avant d'être rentré en possession de ces deux duchés. C'est pourquoi il fut surnommé le Barbu. Le silence des historiens contempo- rains sur cette anecdote permet d'en douter; cependant cet usage, venu des Germains, n'a-t-il pas pu se propager et se perpétuer en Belgique? Après l'exécution des comtes d'Egmont et de Horn, quelques seigneurs, se rappelant cet ancien vœu germanique, promirent de ne point toucher à leurs cheveux jusqu'à ce qu'ils eussent vengé la mort de ces deux illustres victimes. Je pourrais multiplier ces traits de ressemblance, et étendre ainsi le parallèle ; mais ceux que j'ai rapportés me semblent déjà suffire pour prouver ce que j'ai voulu démontrer par les faits : que les peuples récemment sortis des mains de la nature sont les mêmes dans tous les pays. Il me reste cependant à parler d'un objet qui tient immédia- tement à l'histoire de l'esprit humain : ce sont les pratiques et les idées superstitieuses que les Belges ont conservées des Germains. Ces grossières superstitions, le croirait -on? étaient encore en usage dans la Belgique au quatorzième siècle. Les Germains , dit Tacite , tiraient des augures non-seulement des cris et du vol des (') Tacit. , Hist. , lib. IV, cap. 6(. 20 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS oiseaux , mais encore des frémissemens et des hennissemens des chevaux ('). Eh bien , Meyer rapporte sur la foi des anciennes traditions, qu'avant la fameuse bataille de Courtrai, en 1302, la victoire avait été annoncée aux Flamands par différens prodiges. Il y avait dans l'armée française un très -grand nombre de chevaux, et il n'y en eut pas un qui, pendant les trois jours qui précédèrent la bataille , poussa le moindre hennissement. Mais au moment où le combat allait s'engager , ces animaux frappèrent la terre avec tant de violence, que l'épaisse poussière qui s'éleva déroba la vue du ciel aux deux armées. Ces préjugés populaires étaient encore tellement enracinés dans l'esprit de la nation , que Meyer lui-même, dont cependant les idées devaient être bien supérieures à celles du vulgaire , répète sérieusement ces contes absurdes ayant l'air d'y croire. Faut-il s'étonner, dit-il , si les Fran- çais ont essuyé une si cruelle défaite , quand on voit le ciel et la terre conjurer leur perte (^) ? L'histoire de Flandre présente deux exemples tout-à-fait semblables. Dans un combat entre les Gantois et les Brugeois , en 1325, au moment même où Ratger, l'un des chefs de ces derniers , faisait ses dispositions , un lièvre traversa en courant les rangs des soldats. Le chef brugeois pâlit, trembla à la vue de ce présage sinistre , et devint plus peureux que le lièvre même. Il perdit entièrement la tête et le courage, et resta immobile d'étonnement et d'effroi ; sa frayeur se communiqua à toute sa (') Tacit. , Germ., cap. lo. (') Çuo mirum non sic tantâ strage cecidisse Gallos , quorum in exilium ccelum , terra diescjue consensisse videantur. Meyer, ad an. i3o2. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 21 troupe. Le combat s'engagea cependant^ mais les Brugeois ne tardèrent pas à lâcher le pied et à jeter les armes. Dans un autre combat, en 1339, entre les Anglais et les Fran- çais, dans la plaine de Vironfosse, un lièvre, sur l'heure de midi, traversant la campagne, se jeta dans l'armée française. La vue de l'innocente béte déconcerta entièrement les chefs , et la journée se passa en vaines discussions, dont le résultat fut que l'armée française se retirerait dans ses quartiers ; et cette alarme univer- selle fut l'ouvrage d'un lièvre. Froissart ajoute une petite anecdote assez plaisante. On venait de créer sur le champ de bataille un grand nombre de nouveaux chevaliers. Le comte de Hainaut, pour sa part, en avait créé quatorze, qu'on nomma toujours les chevaliers du lièvre. On a remarqué chez les Américains les mêmes superstitions et la même attention à chercher des présages dans le ramage des oiseaux et dans les cris des animaux. Ils regardaient toutes ces circonstances comme des indications des événemens futurs; et si quelques-uns de ces pronostics leur paraissaient défavora- bles , ils renonçaient aussitôt à l'entreprise qu'ils venaient de former avec le plus d'ardeur. C'est ce qu'attestent tous les histo- riens cités par Robertson. Ne voilà-t-il pas encore une ressem- blance bien sensible avec l'esprit superstitieux des Germains et des Belges? Chez les Romains, le corbeau était un oiseau mystérieux. On croyait que ces animaux pronostiquaient le temps; la pluie, par l'agitation de leurs ailes ('); le beau temps, par leurs cris joyeux, (i) Corvorum increpait densis exercitus alis. ViRG., Georg. i, 382, 22 SUR LA SESSEMBLANCE DES GERMAINS trois fois répétés ('). Ainsi les corbeaux exerçaient une influence heureuse ou funeste sur les événemens. Ainsi, dans un combat du tribun militaire Valerius contre un vigoureux Gaulois, un corbeau , disent les historiens de Rome (') , resta constamment perché sur le casque du jeune Romain, qui, sorti victorieux de cette lutte inégale, en retint le surnom de Corvus. Ainsi, à la bataille de Courtrai, en 1302, depuis l'instant où Jacques, frère du comte d'Artois, partit d'Arras pour se rendre à l'armée, un corbeau , disent les annalistes flamands (^) , le suivit constamment des murs d'Arras aux portes de Courtrai, et ce fait, que l'on regarda comme un très -mauvais augure, fut consigné dans un vers latin (^). Voilà encore une nouvelle preuve de ce que j'ai avancé que l'esprit superstitieux était le même chez tous les peu- ples anciens, et qu'il s'est souvent reproduit sous les mêmes formes et dans les mêmes circonstances chez les peuples modernes. Mais ce qu'il y a peut-être de plus remarquable, c'est qu'après l'établissement du christianisme, les Belges, nouvellement con- vertis, avaient conservé et transmis de père en fils les anciennes pratiques de la superstition païenne , qu'ils alliaient aux céré- /i\ Tum liquidas corvi presso ter gutlure voces Aut quater ingeminant. Virg, , Georg. 410. (2) Tite-Live le rapporte très-sérieusement lui-même. Lib. VII , cap. 26. Romano corvus repente in galea consedit in hostem versus , quod prima ut augurium cœlo missum lœtus accepit tribunus, (') Meyer rapporte ce fait aussi sérieusement que Tite - Live cite celui qui précède. {!i\ Corvus eum sequitur, qui mortis dicitur aies. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 20 monies de la religion chrétienne; tant il est vrai de dire que les hommes se défont difficilement de leurs habitudes, et l'on est étonné de voir qu'il reste encore dans les préjugés et les usages populaires des traces de ces ridicules superstitions. Le culte n'avait, pour ainsi dire, fait que changer d'objet. Par exemple, l'usage des libations (usage qui consistait, comme on sait, à épancher sur l'autel quelques gouttes de vin en l'honneur de la divinité à laquelle on offrait le sacrifice), se conserva pendant fort long-temps. On remplissait les vases de bière ou de vin, et on les vidait d'un trait, le premier en l'honneur d'Odin, qui, sous la domination des Francs, avait remplacé le Jupiter des Grecs et des Romains, pour la prospérité du roi; le second^ en l'honneur de Frea, épouse d'Odin, pour la fertilité de la terre; le troisième, aux héros et aux grands hommes; le quatrième, à leurs amis morts. Les nouveaux chrétiens , voilà toute la diffé- rence, au lieu de boire en l'honneur d'Odin et de Frea, s'enivraient à la gloire de Saint Jean et de Saint Martin. Les enchantemens, les divinations, les sortilèges étaient très- connus des anciens. Ils employaient à cet effet ce qu'ils appelaient des phylactères (') , qui étaient des espèces de talismans de papier, de bois ou de métal, sur lesquels étaient grossièrement gravés des caractères mystérieux, comme le nom de quelque divinité. On at- tribuait à ces phylactères la vertu d'éloigner tout malheur de celui qui les portait. Il y en avait pour écarter les tempêtes, pour dé- tourner les sortilèges; il y en avait pour guérir les maladies, pour >) Mot qui signifie /?rejerfflfif, de ^iiu^àcaeiv , garder, pre'server. 24 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS faciliter les accouchemensj il y en avait pour gagner les procès, pour perdre ou tourmenter les ennemis. Il fut bien difficile de détruire ces pratiques j et ce ne fut qu'en substituant aux phy- lactères des païens, des reliques contenant des restes des saints, soit de leurs os, ou de leurs dents, ou de leurs cheveux, soit de leurs vétemens, que l'on parvint à habituer doucement les chré- tiens à adopter des pratiques conformes à leur religion. Il fallut donc ménager ou plutôt amuser ces esprits grossiers en leur donnant une espèce d'équivalent, c'est-à-dire , en changeant seu- lement d'objet, mais en conservant les anciennes formes et les anciens noms. Les reliques furent donc appelées phylactères, comme on le voit entre autres, dans le testament du comte Evrard, rapporté par Mireeus ('), par lequel il laisse à son fils deux phylactères suspendus à une croix, un en or, un autre en cristal, et un troisième contenant des reliques de St.-Remi, à trois de ses officiers. A la bataille de Florennes, en 1015, le comte de Louvain, Lambert-le-Barbu, pour s'assurer le succès, s'était ajusté une châsse de reliques en forme de bouclier. Mais dans la mêlée, la châsse tomba par l'effet de l'agitation et des mouvemens qu'il fit pour se défendre, et ce fut à cet instant qu'il reçut le coup mortel, parce qu'il n'était plus garanti par la châsse. Cette mort fut cependant, selon l'esprit du temps, re- gardée comme un miracle et comme un effet de la vengeance divine. Mais la chose me paraît s'expliquer fort naturellement. Les enchanteraens et les maléfices opérés au moyen des chants (') Donat. piar. cod. , cap. i5. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 25 et des vers magiques, avaient dans l'opinion des peuples barba- res , la force de soulever et d'apaiser les tempêtes , de commander à la lune. C'étaient les femmes qui avaient ce pouvoir ('). Dès la plus haute antiquité, les Germains, avant même qu'ils eussent des druides et des sacrifices, attribuaient aux femmes une science et un pouvoir surnaturels^. En Allemagne, en Hollande, dans la province de Drenthe surtout, le peuple se plaît à croire et à raconter les prodiges dont ime tradition grossière a conservé le souvenir. On montre encore dans cette dernière province les cavernes que ces femmes habitaient. Comme celles de l'antique Thessalie, elles commandaient à la lime de descendre du ciel; elles man- geaient le cœur des hommes ('). La Imnière de l'Evangile ne parvint que lentement à dissiper ces horribles pratiques ; et comme l'esprit humain passe presque toujours d'un excès à l'au- tre, ces femmes, honorées comme des déesses, furent traitées comme des sorcières, et ce fut une nouvelle espèce de supersti- (') C'est ce qu'Horace dit par dérision de la magicienne Canidie : Quœ sidéra excantata Toce thessalâ ' Lunamque cœlo deripit. Ep., od. 5. Per atque libres carminnm valentium Befîxa cœlo devocare sidéra. Jbid., od. 12. Et polo Deripere lunam vocibus possum meis. Ibid. , od. )5. (^) On peut voir dans Horace l'ode S" des Epodes , où il introduit les magiciennes arrachant le foie à un enfant. Tom. Fil. 4 26 SUR LA RESSEMBLANCE DES GERMAINS tion non moins barbare et non moins ridicule. La loi salique prononça contre les femmes qui mangeaient un cœur d'homme, une amende de deux cents sous d'or ('). Les hommes poursuivis par ces furies, n'étaient pas toujours victimes de leur sanglante voracité. Ils échappaient quelquefois de leurs mains, plus ou moins mutilés, et ils avaient un prompt moyen de guérison, qui consistait seulement à brûler la sorcière, et à manger un mor- ceau de sa chair rôtie. Des usages aussi révoltans et aussi dégoù- tans seraient incroyables, s'ils n'étaient rapportés que par les crédules historiens du temps; mais ils sont attestés par la légis- lation même, et ce témoignage ne peut laisser de doute. Un capitulaire de Charlemagne porte que : a Si quelqu'un prête )) l'oreille aux tromperies du diable, au point de croire avec les )) païens qu'une femme soit sorcière, qu'elle mange les hommes, )) et que sous ce prétexte, il la brûle et mange de sa chair, et M en donne à manger, celui-là doit être puni de mort C*). )) Je dois dire un mot d'une espèce de sortilège, également fort ancien, moins révoltant, mais non moins bizarre que l'affreuse pratique dont je viens de parler. Elle avait été connue dans la Grèce et dans l'Italie. Là, c'était Homère que l'on consultait ; ici, c'était Virgile, qui, deux cents ans après sa mort, avait ac- quis assez de crédit pour que l'on attachât à ses vers une vertu (') Si stria hominem comederit, et convicta fuerit , viii M. denar. qui Jaciunt solidos ce. culpabilis judicetur. Leg. sal. , tit. 67, N° 3 , pag. ^S , éd. Wend. (2) Si quis a diabolo deceptus crediderit , secundùm morem pagaiiorum, viriim aliquem aut feminam strigam esse , et homines comedere , et propter hoc ipsam încenderit , vel ipsam comederit , capitis sententiâ puniatur, Capit. Car. Magni , de part. Sax. , cap. 5. ET DES GAULOIS AVEC LES BELGES. 27 prophétique. On tirait pour l'avenir un présage de ce que con- tenaient les premiers mots de la page, qui, d'après l'interpréta- tion bizarre ou arbitraire qu'on leur donnait, étaient regardés comme la volonté du ciel. On appelait cette espèce de sortilège sortes virgilianœ , parce que Virgile était le livre que l'on em- ployait par excellence à cet étrange usage, qui passa dans le christianisme. Ce n'était plus à la vérité les livres des païens que l'on consultait, c'était la Bible ou l'Evangile. On examinait les premières lignes qui s'offraient, et on les regardait comme renfermant et expliquant l'arrêt du Ciel, et annonçant d'une manière infaillible l'issue de l'affaire qui était l'objet de la con- sultation. Cet abus existait déjà du temps de St. -Augustin, qui l'avait condamné. On appelait cette méthode d'interroger l'avenir le sort des saints ou des apôtres. Les saints pasteurs de ces temps-là, Césaire, évéque d'Arles, Eloi, évéque de Noyon, Boniface, évéque de Mayence, déployè- rent vigoureusement leur zèle apostolique contre ces extra- vagances, qu'ils ont frappées d'anathème, ainsi que d'autres semblables, comme l'usage des libations, des mascarades, etc. Les évêques étaient chargés de prendre dans leurs visites des informations spéciales sur ces scandaleux abus, afin de tâcher de parvenir à les extirper. On avait de plus adopté à ce sujet une fornmle d'interrogatoire, et l'on trouve à la suite du concile ou synode tenu à Leptines (aujourd'hui les Estines, en Hainaut) en 743, un catalogue de ces superstitions, intitulé : Indiculus su- perstitionum et paganiarum , ainsi qu'une formule d'abjura- tion et une profession de foi en ancienne langue théotisque. On faisait entre autres promettre aux chrétiens de renoncer à toutes 28 SUR LA RESSEME. DES GERMAINS ET DES GAULOIS, ETC. les œuvres et à tous les discours des diables, à Thor et à Wodin, au culte des Saxons , à tous leurs faux dieux et à leurs adhé- rens ('). Les pasteurs, par leurs exhortations, les souverains, par leurs lois, réunirent tous leurs efforts pour abolir ces monstrueux ex- cès, qui cependant ne disparurent que quand le temps, souvent plus puissant que la raison et la force, eut eifacé de l'esprit des nouveaux chrétiens les idées et les pratiques du paganisme, qui tombèrent insensiblement dans l'oubli et la désuétude. (') End ec forsaclio allum diaholes werkum end wordum , Thunaer ende Woden , end Saxo note , end allem hem unholdum , the hira genotas sint. FIN. SECOND MEMOIRE DEUX PREMIERS SIÈCLES L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. SECOND MÉMOIRE SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN ye ^rtrott ^« ^etffctt^erc) , LU A LA SÉANCE DU 8 AVRIL l83l BRUXELLES, M. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE DE BRUXELLES. 1831. SECOND MEMOIRE LES DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. SUITE DE LA PREMEÈRE PARTIE ('). HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVEESITÉ. § IL «Ses Rapports et son Influence politiques. Le duc Jean IV ne survécut pas long-temps à son ouvrage , si l'on peut appeler ainsi luie institution qui avait été déterminée par des circonstances impérieuses, placées hors de l'atteinte de la volonté du prince, et par la marche irrésistible du temps. Il mourut le 17 avril, jour du vendredi saint, 1427, à l'âge de 24 ans. Ce même jour, suivant une chronique insérée dans les (') Voyez Mémoires de l' Académie , tom. V. Tom. Fil. a SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Analectes dH Antoine Matthœus, il avait fait dire en sa présence trente-trois messes qu'il entendit fort dévotement. Son cri était laacht den tycl (attendez le moment) , et sa devise overpyst ailes (réfléchissez à tout) (') : il était difficile d'afficher plus de sa- gesse dans ses maximes et d'en mettre si peu dans sa conduite habituelle. Nous ne voyons point par les documens imprimés que son successeur se soit occupé de l'université. Cependant, lorsqu'à son retour de Rome , où il était allé n'étant encore qite comte de St.-Pol, ayant visité Louvain le 21 mai 1427, et reçu en présent trois gobelets dorés du poids de 6 marcs , 3 onces et 5 angelots , il accorda, disent les registres souvent cités, un secours considé- rable à cet établissement, secours que ne précise aucunement le manuscrit dont nous tirons ce détail {^). Le 9 octobre de l'an 1428, le même prince rendit une longue ordonnance qui est imprimée ici pour la première fois , d'après A Tliyino (^). Cette ordonnance, en style barbare , rendue sur le rapport du chancelier Jean Boni, maître ès-arts et docteur en l'un (i) Luyster van Brabant, II D. , bl. 49- (») Voort groot behulp by hem tucoomen gedaen int vorcrygen vand. voers. uni- versiteyt. Antiq. Lov. MS. des arch. de Louv. , p. 307 ; re'dige' par Guill. Boon , greffier de cette ville. Il est cite' par J.-B. Christyn , Septem tribus patriciœ Lov. , éà. de 1754, p. II , Cf. Notice sur les archives de Louvain, t. VI, des Mémoires de l'Acade'mie , p. 5. Il est à remarquer que G. Boon place l'ouverture de l'université' sous le règne de Philippe de St.-Pol, et non pas sous celui de Jean IV, comme la chose eut certai- nement lieu : ce qui doit inspirer quelque défiance sur sa rédaction. Ibid. (3) Pièces justificatives , litt. A. DE LTNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 3 et l'autre droit, trahit la rédaction d'un homme de collège , par le nombre de citations dont elle est hérissée en l'honneur de l'in- struction, citations tirées de ;S^. Grégoire, ^Isidore de Séville , de Caton, à^Aristote , de Sa lomon, etc. Elle contient une réserve expresse de certains canonicats et prébendes en fayeur des doc- teurs de Louvain, réserve que le duc Jean se proposait d'effectuer quand la mort le surprit. On y apprend aussi que le duc PJii- lippe P^ avait fait des instances multipliées en cour de Rome, pour obtenir à Louvain une faculté de théologie, qui ne fut accor- dée que sous Philippe II, dit Le Bon. Le diplôme cité fut con- fu'mé par le pape Eugène IV en 1430 (■). Nous avons dit dans le chapitre précédent que la juridiction criminelle sur les suppôts de l'université avait été rétrocédée au duc par acte signé seulement de trois docteurs, qui avaient la prétention de représenter leurs facultés respectives ('). Mais une tradition constante établissait que la faculté des arts protesta solennellement, ce que l'on peut même inférer de la protestation faite dans une occasion semblable par la même faculté, deux ans après, c'est-à-dire le 7 novembre 1428, contre l'accord passé entre les trois docteurs susdits , au nom de leurs facultés , le magistrat de Louvain et l'évéque de Liège, assisté de son cha- pitre. Il s'agissait d'assurer aux docteurs, maîtres et étudians, pendant leur séjour à Louvain, la pleine et entière jouissance de leurs bénéfices, dans toute l'étendue du diocèse de Liège; ( ') Pièces justificatives , litt. D. (") Premier Me'moire , pp. iS , 3i et 42. 4 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES tandis qu'en retour l'évêque et autres ordinaires, en tant que le droit et la coutume les y autorisaient, devaient connaître des excès (( graves que commettraient lesdits bénéficiaires et s'en réserve- )) raient la punition ('). » La faculté des arts composée alors de cinquante magistri, ayant été sollicitée de donner son consentement à ces stipulations , fit une réclamation vigoureuse par l'organe di Arnold Vr lents , son procureur ou doyen, se fondant siu' ce que l'arrangement était contraire à l'esprit de la bulle d'érection et au contenu des autres privilèges qu'elle voulait conserver intacts, et que trois ou quatre personnes n'avaient aucunement le pouvoir d'altérer. S'adressant aux docteurs mêmes qui étaient intervenus dans cette négociation, Vrients prononça ces paroles d'un ton pathétique: 0 vos doniini mei doctores , ex parte matris meœ facultatis artiuni , cujus ubera suxistis , hortor, exoro et vos requiro, quatenùs manutenere , defendere et observare privilégia et libertates dicti studii et prœsertim erectionis et fundationis dignemini. Il est donc notoire, conclut Valère André, que la rétrocession n'a jamais été consommée du consentement légal de tout le corps universitaire , nonobstant la bulle du pape Eugène IV, donnée en juillet 1434 et qui confirme cet accord, puisqu'elle n'a été délivrée que sur les instances de l'évêque, du prévôt et des archidiacres de l'église de Liège, et qu'on est (i) Cette transaction qui n'est point insére'e dans le Recueil des Privilèges , et dont quelques lignes seulement ont été transcrites par F^alère André , se lit dans A Thymo , et on la trouvera parmi les pièces justificatives. Elle est rédigée au nom du rec^^ leur et de l' université' , voy. litt. B. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 5 fondé à la regarder comme subreptice et obreptice , attendu que l'université ne fut réellement convoquée que le 6 novembre 1428, pour conclure le traité déjà convenu avec l'évêque de Liège , tandis que dans la bulle pontificale on avance que ce traité a été conçu, fait et conclu le 2 novembre. Valère André, qui écrivait sous l'influence de l'esprit de corps , rassemble encore d'autres argumens pour démontrer l'exercice académique de la juridic- tion criminelle ('). Et ce qui ajoute un nouveau poids à ses motifs, ce sont les exemples que fournit Vernulœus. En effet cet auteur affirme que la faculté des arts présidée par son doyen, instruisait sur les délits des suppôts de cette faculté, si graves qu'ils fussent et en prononçait le châtiment , indépendamment de la justice recto- rede et de tout autre ; mais ces punitions étaient habituelle- ment assez douces : quelques coups de verges administrés à huis clos, un jeûne de plusieurs jours , une simple admonition absolvaient même d'un homicide. En 1551, Noël Rosleu, de Bassée, étudiant en métaphysique au collège du Lys , ayant tué un de ses camarades d'un coup de couteau, en fut quitte pour être fouetté par les magistri de son collège, en présence du doyen, du syndic, des maîtres ès-arts, du bedeau et de tous les écoliers des pédagogies où l'on enseignait la métaphysique. Le patient n'en resta pas moins habile à recevoir ensuite le grade de magister artium; seulement son nom ne fut appelé qu'après ceux des candidats de la même promotion ('). Donc l'université (■) Fasd Acad. , p. i3 , Cf. Fernulœus , p. 70. (») Vernulaeus , p. 58. 6 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES avait la juridiction en matière criminelle, et si le recteur s'en dessaisissait, ce n'était qu'en faveur de la faculté des arts. On ne s'attend sans doute pas à ce que nous articulions ici les nombreuses immunités accordées à l'université de Louvain, ni les discussions auxquelles elles ont donné lieu. Les premières sont consignées textuellement dans des recueils qu'il est facile de se procurer ('); les secondes manqueraient totalement d'intérêt. Tous ce que nous dirons pour le moment, c'est que ces immunités, souvent exorbitantes , étaient un témoignage de respect pour les lettres, un correctif des mauvaises lois ou usages communs, et que rien ne serait plus propre que leur énumération à faire rougir ceux qui semblent vouloir disputer aux hommes voués à la car- rière pénible de l'enseignement, le modeste salaire de leurs tra- vaux , dont l'appréciation équitable ne saurait être l'œuvre du vulgaire, toujours prompt à se laisser séduire par la frivolité et le charlatanisme, toujours disposé à dédaigner le mérite solide et réel (^). (') Il faut entendre dans les Pays-Bas , car la rareté des livres est souvent relative ; par exemple les Fastes de Valère André' ont pu être recherchés en Allemagne , tan- dis qu'ils sont communs en Brabant. Voy. Heumanni Conspectus Reip. litt. , p. iSa , n. X , Vogt. , p. 29, Freytag , t. I , p. 26 , Verdussen , Cat. , p. 22g , n.gS. La première édition des Fasti Aeademici est de i635 ; la seconde de i65o. Quant aux Prii'ilegia, il y en a des éditions de iSg^, 1644; 1728, etc. , avec des additions et des appendices plus ou moins considérables. Dans un Essai de BibliotJie'que historique des Pays-Bas que nous avons en porte- feuille, on trouvera l'indication des écrits principaux concernant l'univer- sité de Louvain, si toutefois rien ne s'oppose à la publication de cet ouvrage qui a le tort de n'être qu'utile. (') Quelques-uns de ces privilèges seront mentionnés au fur et à mesure que l'oc- DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 7 Le 31 décembre 1432 l'université reçut des lettres des pères du concile de Bâle auquel elle envoya ses députés , comme elle le fit en 1551 au concile de Trente, en qualité de membre mar- quant de la république chrétienne ('). Un droit formidable que le sénat académique s'arrogeait à l'exemple des autres universités, lorsqu'il se croyait lésé dans ses prérogatives, c'était la suspension des leçons, mesure pro- pre à faire une sensation profonde sur une multitude nombreuse qui se voyait tout d'un coup privée de moyens d'instruction et par conséquent d'existence ou de fortune. Ce droit, tombé en désuétude quand Valère André écrivait, fut exercé le 6 juin 1 433, et voici la formule extraite des actes universitaires. ]Vos rector et universitas studii Lovaniensis , notum facimus omnibus et singulis prœsentes litteras inspecturis , quod quia casion s'en présentera. Pasquier, dans son dialogue intitulé Pourparler du Prince , donne une idée des avantages dont jouissaient les corporations enseignantes : « Je )) n'alléguerai les franchises , libertés et immunités qui furent octroyées à ceux qui )i occupèrent leur labeur à instituer la jeunesse , vu que les lois anciennes de Home )) ne sonnent dans leurs livres autre chose : même que pour salarier les docteurs i> régens , qui par l'espace de vingt ans , avaient dépendu leur tems en si louable 11 exercice , les voulaient exalter en titre et dignité de comtes. Mais que m'arrêtai- 11 je aux régens , si nous voyons qu'en France de toute mémoire nos rois (comme 11 patrons des bonnes-lettres) voulurent en chaque université établir juges spéciaux 11 et députés tant seulement pour la conservation des privilèges des écoliers ? et )) non point seulement pour eux , mais aussi en leur faveur , voulaient que ces » privilèges s'étendissent aux imprimeurs, libraires, relieurs, messagers et ( pour » vous dire succinctement ) en tout le reste des suppôts et autres qui , pour le re- » pos du public , avaient fait serment de fidélité aux recteurs d'icelles universités. « Recherches de la Fr. , édit. de Paris, i665, in-fol. , p. 874- (') Voy. la Seconde Partie. 8 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES propter certa statuta facta per oppidum Lovaniense et publi- cationetn certarum ordinationum ejusdem exindè secutas , dicta universitas in se et suis suppositis graviter lœsa et, quantum ad privilégia , libertates et honorem, ipsius etsuorum suppositorum ; quœ quidem gravamina propter publicam, fa- mam et divulgationem sine maxiino nostro opprohrio et prœju- dicio dissimulare non possumus : idcircô mandamus omnibus doctoribus , licentiatis , etc., ut cessent ab omnibus actibus scholasticis , publicis et privatis , etc. Dans ces occasions on convoquait aussi une assemblée générale des prélats, nobles, chanoines et notables personnes, bien qu'étrangères à l'université, à Louvain et ailleurs, pour qu'ils interposassent leur médiation entre les offenseurs et les offensés. En 1 455 , le 23 décembre , le chancelier de Brabant Gossuin Vander Ryt {^) et le conseiller Nicolas Cloppel, prirent part à de semblables négociations (^). La première fois que nous voyons l'université se mêler, à la réquisition du souverain, d'autres choses que de ses propres affai- res, c'est lorsqu'on lui donna à examiner l'office de la Vierge, rédigé pour les fêtes de l'Ordre de la Toison d'Or, sur le symbole de la Toison de Gédéon et déjà approuvé par l'évêque de Toul, chancelier de cet ordre. L'université approuva également cet office qui fut présenté sax duc Philippe-le-Bon en 1458 (3). C'était (') Troph. de Brabant, t. II, p. 36i. (=) Fasii Jcad., p. 336; Basilica Br. , P. I, p. i35. (') Histoire de V Ordre de la Toison d'Or, depuis son origine Jusqu'à la cessation des chapitres généraux, par l'auteur de ce Mémoire; Introduction, p. XXXI, DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 9 reconnaître qu'elle avait le droit de censure, et nous verrons tout à l'heure qu'il fut invoqué plus d'une fois par la suite. Au reste il était naturel de consulter un corps censé renfermer en lui de grandes lumières ; aussi les princes aimaient-ils à s'entourer de son suffrage. Lorsqu'en 1460 eut lieu l'aifreuse persécution des prétendus Vaudois d'Arras, persécution dont Jacques Du Clercq nous a laissé l'histoire d'une manière plus circonstanciée que nul autre écrivain (•), le duc PJiilippe-le-Bon a envoya en la ville de » Louvain en Brabant , oh il y a une université très-renommée » et des très-notables clercqs, quérir tous les plus grands clercqs )) qui y fuissent , et leur commanda de venir à Bruxelles f 2). . . » Cette assemblée fut renforcée de tous les hommes instruits qu'on put trouver dans le Brabant et les provinces voisines, et on lui exhiba les pièces des procès intentés aux malheureux accusés de vauderie (3). (( Lesquels procès, ajoute le chroniqueur, veus par )) lesdits clercqs , de ce qu'ils convenoient ni de leus opinions , » je ne peus rien çavoir , car, comme on disoit, ils ne furent pas )) bien unis ensemble : car aulcuns disoient que la vaulderie (') Ployez ses Mémoires que nous avons publiés pour la première fois , tom. III , et l'Introduction du tom. I^"', p. 12g. Il paraît certain que Boxhorn a eu connaissance des chroniques alors inédites de cet annaliste. Voyez son ouvrage intitulé : Neder- landsche Historié, Amst. 1789, pp. 6i — l5i. (') Du Clercq, tom. III, p. 49- (') Parmi eux se trouvait un gentilhomme respectable , Payen de Beaufort , dont descendent les comtes de Beaufort d'aujourd'hui. Un des membres de cette famille , résidant à Bruxelles et qui a épousé la baronne de Rosen , se distingue par son goût éclairé pour les lettres. Tom. Fil. 2 lo SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES )) n'estoit point réelle, les aultres que c'estoit illusion, et que » supposé qu'il y poeult y avoir aucune réalité par la permis- » sion divine, aussi y pooit-il avoir beaucoup d'illusion et qu'ils » ne faisoient pas tout ce qu'ils cuidoient faire ; les aulcuns aussi » disoient que c'estoit chose réelle et qu'ils alloient en la dite )) vaulderie , en corps et en ame , et que puisqu'un^ homme )) s'addonne à l'ennemy d'enfer. Dieu permet que l'ennemy d'en- )) fer ait sur lui cette puissance que de le porter en la dite vaul- » derie et ailleurs. » Si les sceptiques appartenaient en cette circonstance à l'université de Louvain, leur doute leur fait infini- ment d'honneur , car ce qui maintenant nous semble tout simple, était alors un prodige de raison. Du Clercq rapporte fort longue- ment les accusations auxquelles les Vaudois étaient en butte : on peut les retrouver encore plus au long dans un manuscrit de la Bibliothèque de Bourgogne dont nous avons donné l'extrait (' ) , et qui est désigné dans la Bibliothèque Protypographique de M. J. Barrois sous le n» 2127, avec ce titre : De la Création des Angels et de Vaulderie. Le n'» 2278 est vraisemblablement le même ouvrage. Ces livres manuscrits attestent la croyance contre laquelle avaient à lutter les esprits moins crédules et moins superstitieux. En 1476 une difficulté d'une nature très-importante fut sou- mise à l'université. Il fallait décider si le degré de parenté existant entre Maocimilien d'Autriche et Marie de Bourgogne (') Mémoires de Du Clrecq , tom. III , pp. 296 — 297. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. ii n'était pas un empêchement à leur union. Les docteurs pronon- cèrent la négative (•). La même année il y eut des troubles à Louvain 5 le peuple soulevé par un boucher appelé Paul Loenkens, donna une de ces scènes de désordre où se complaît la multitude , avide de toute espèce d'ivresse; il osa jeter ses magistrats en prison. Les membres les plus influens de l'université, au lieu de flatter les passions de la foule , eurent le courage de plaider en faveur de l'ordre légal, mais ils ne réussirent qu'avec peine (^). L'année suivante la faction de Loenkens ayant forcé l'arsenal et pris les armes pour s'opposer à l'entrée d^Engelbert de Nassau, envoyé à Louvain par Maxûnilien , afin d'apaiser les troubles ', cet acte de résistance fut considéré comme un crime de lèze- majesté digne du plus sévère châtiment. Désireux de sauver des hommes égarés, les théologiens P. à Rivo et Arnold. Phalisius , accompagnés de Rob. à Lacu ou Vanden Poel de la faculté de droit canon, allèrent trouver Maxhuilien et le supplièrent de par- donner aux révoltés. Ils ne purent empêcher cependant que les chefs ne fussent punis : ce ne fut qu'à force d'argent qu'on gagna les courtisans qui avaient de l'empire sur l'Archiduc, et qu'on l'apaisa lui-même (3). En 1489 nouvelle mission de paix. Les habitans de Louvain s'étaient déclarés pour les Flamands qui faisaient la guerre à {') Divœi Annales , p. 58. Les docteurs consultés furent Robert à Lacu , Joh, Papenhouius , Guil. Delphus et Theodoricus Persinus. (') Id. ibld, Vernulaeus, p. i85. (') Ibid. , p. 59 , Vernulaeus , p. 1 86. - 12 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Mammilieîi. Albert, duc de Saxe , vint investir cette ville. P. à Rivo , j^gidius Faber , Jo. Moederloosius , Nicol. Hesselius et Jo. Gossetus, députés de la part de l'université avec Theod. Tuldellus , abbé de Parc et quelques bourgeois, se rendirent auprès du jeune duc Philippe qui les renvoya à Albert, avec lesquels ils convinrent de certaines conditions, très-dures à la vérité, mais inévitables ('). En 1496 les principaux de l'université refusèrent de payer les nouvelles aides , se prétendant affranchis de toute autorité du prince , et comme la ville leur retenait leurs traitemens , Jean Vander Moere , abbé de Ste-Gertrude , conservateur des privi- lèges, excommunia le magistrat que l'université avait défendu vingt ans auparavant (^). Ce ne fut qu'en 1505 qu'une ordon- nance de Philippe , devenu roi de Castille, prescrivit au conser- vateur d'annuler son excommunication, avec défense de s'ingérer davantage dans les affaires de la ville (3). En 1525 l'université ayant été sommée d'acquitter la contri- bution à laquelle les ecclésiastiques avaient été soumis , et ayant de nouveau refusé d'obtempérer à cette réquisition, Marguerite , alors gouvernante des Pays-Bas , décida qu'en effet ce refus était légitime. Les docteurs de Louvain , même les plus opposés aux bonnes lettres, avaient sans qu'ils s'en doutassent, coopéré à la révolution qui éclata au XYP siècle dans l'Eglise et dans le monde intellec- (') Divœi Annales , p. 68, Vernulœus , p. 26. (') Vernulaeus , p. i86. (5) Ibid, p. 70. Pièces justificatives , litt. i^l DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. i3 tuel en général , soit en répandant les lumières par un enseigne- ment habile _, soit en dégoûtant de la barbarie , à force de ridicule et d'absurdité , soit enfin en donnant plus d'énergie au besoin d'innover, par une résistance maladroite ou brutale, Luther eut dès le principe et tant qu'il parut modéré, de chauds amis à Lou- vain , ainsi que nous le dirons plus bas , mais il y fut en même temps combattu avec acharnement et, par malheur, d'une ma- nière peu honorable pour ses adversaires. Dans une brochure de quelques feuilles, imprimée en 1521 , et dont Daniel Francus a pris un extrait, on lit à ce sujet une anecdote assez piquante. Les dominicains de Louvain s'étaient mis en frais pour faire un auto-de-fe ( ' ) des écrits de Luther. Chacun d'accourir afin d'être témoin de ce beau spectacle : plusieurs apportèrent des livres destinés aux flammes , mais ce n'étaient pas ceux du docteur anathème. Des étudians trouvèrent plaisant d'y substituer, l'un le Sermones discipuli , l'autre le Tartaretum , celui-ci le Dormi securè, celui-là le Paratum (^j et une foule de bouquins de cette espèce. Au milieu de cette scène, à la fois affligeante et (') C'est ainsi qu'il faut dire pour parler espagnol : l'expression auto-da-fe est portugaise. (°) Ces livres étaient dignes de figurer dans la bibliothèque de saint Victor, telle que la décrit Rabelais , et de servir à l'éducation de Gargantua : « Après en eut un autre vieux lousseux , nommé maistre Jobelin Bridé , qui lui leut Hugutio , Hehard, Grécisme , le Doctrinal, lesPars , le Quid est, le Supplementum , Marmotret , de Moribus in mensa seri>andis , Seneca de quatuor virtutibus cardinalibus , Passavan- tus cum commento et dormi securè pour les festes , et quelques autres de sembla- ble farine , à la lecture desquels il devint aussi sage qu'onques puis ne fourvea3. jnes-nous. 1) Gargantua, liv- I, ch. /t|. i4 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES risible un carme eut l'impudence de pisser sur le bûcher. Un des spectateurs indigné suivit le père jusqu'à son couvent, le prit à la gorge et le frappant du plat de son épée, le laissa pour mort. Cet emportement n'était pas plus sage que l'action du ceirme ('). La congrégation de V index fut instituée par le pape Paul IV, mais long-temps avant la censure des livres était en usage. Les annales de notre pays nous en fournissent un exemple curieux qui n'est rapporté que par Molinet. Olivier de la Marche avait chargé dans son honneur Messire Josse de Lalaing , père de Monseigneur Charles , en l'inculpant d'avoir favorisé les mutineries des Gan- tois contre Maximilien. Le fils de ce chevalier prit cette affaire à cœur {( si que, par l'ordonnance du Roy Philippe de Castille.... )) il constraindit la dame de la Marche , vefve de feu Messire )) Olivier, monstrer lesdits mémoires, lesquels sur ce pas (pas- )) sage ) fuerent meurement visités et examinés par illustres , très )) puissans personnaiges et gens du gTant conseil fort discretz et » bien entendus, lesquels ordonnèrent de trancher et mettre » hors du livre ce qui pouvait estre mis en la charge du mort. » Le décret de censure, donné par Charles de Croy, prince de Chimai , Pierre de Lannoi , seigneur de Fresnoi et Claude de Bonart, grand et premier écuyer du Roi, est daté du 22 jan- vier 1504 (=). (■) Dan. Francus, Dis. Acad. de Papist. Indicibus , p. 33, n. 12, Schelhorn , Amœnil. Liler. , tom. VU, p. 119 , Jrchiu. Philol. , tom. I, pp. 44—45- {■') Chroniques de Jean Molinet, e'dit. de M. J. A. Buchon, tom. V, pag. 240— 243. Nous avons de'jà rapporte' ce trait dans la Bibliothèque du publiciste et du ju- risconsulte. Il sera peut-être piquant d'en rapprocher ce passage de la vie du cardinal Ximènes DE L^UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. i5 Trente-cinq ans plus tard, six ans après qu'il eut défendu sous peine de mort de posséder ou de lire les écrits de Luther, l'empereur Charles-Quint ohXmi du pape une bulle qui approu- vait la mesure en vertu de laquelle il avait chargé l'université de Louvain de former une liste des livres dangereux. Les docteurs ayant terminé leur ouvrage, l'index fut publié en 1546 , sous ce titre (')• Mandement de l'Impériale Majesté donné en public en l'an 1546 , avec catalogue , intitulation ou déclaration des livres reprouvez faicte par Messieurs les docteurs en sacrée théologie de l'université de Louvain , à l' ordonnance et commandement de la susdite Majesté Impériale , Louvain 1546, in- 12. Ce ne fut pas néanmoins le premier index Lovaniensis. Celui à qui ce titre appartient est de 1540 {^). par Fléchier, liv. VI, p. 8i4) éd. de Hollande, passage invoqué par Bayle dans sa Dissertation sur les Libelles diffamatoires : « Une infinité de libelles couraient " alors par toute l'Espagne contre la cour de Flandres et contre Ximenes lui-même. » Les Flamands {à\\ Alvar. Gomez de rébus gestis Xi/nen. , lib. VII) qui n'étaient Il pas accoutumés à ces sortes de satyres piquantes et ingénieuses, en firent des Il plaintes , et le cardinal eut ordre d'en rechercher les auteurs et les imprimeurs , i> et de les châtier rigoureusement. Il fit faire par forme quelque visite chez les li- 11 braires , mais si légèrement que personne n'en fut en peine. Il était d'avis de lais- » ser aux inférieurs la liberté de venger leur douleur par des paroles ou par des Il écrits qui ne durent qu'autant qu'on s'en offense et perdent leur agrément et leur Il malignité quand on les méprise. /Alphonse (de) Castille , gouverneur de Madrid , 11 ayant surpris quelques-uns de ces ouvrages injurieux contre le cardinal Adrien 11 et contre La Chaux , ambassadeur de Charles , il les leur fit voir et ils en eurent » un très-sensible déplaisir : surtout Adrien en fut quelque temps inconsolable » (') Llorente, Hist. crit. de F Inquisition , tom. I, p. 462 ; Archiv. philol., tom. II, p. i83. {") Fasti Acad. , p. 36o. i6 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Les années suivantes parurent aussi : Die catalogue oft inventarissen van den quaden verboden boecken en van andere , goede die men den jongen scholie- ren leeren magh, na advys der universiteyt van Loven. Lov. 1550 , in-4o. Item en français. — Ordonnantie ende Edicf des Keysers op hef zelve , ib. 1550, in-4o. — Den selven met de cataloghe ende intitulacie van quade verboden boeken , ib. 1550, in-4". Les titres de ces livres sont détaillés au long dans le catalogue d'Ermens, n°s 4198, 4199, 4200 et 4201. La censure des écrits à^Èrasme publiée dans le fameux Index expurgatorius du duc ô^Albe , imprimé en 1571 , n'est qu'un extrait de celle plus étendue dressée en 1552 par Jean Hentenius, au nom de la faculté de théologie de l'université de Louvain , pour être mise sous les yeux du concile de Trente ('). On ne se borna pas à condamner des livi'es pour combattre les progrès de l'hérésie ; au mois de novembre 1545 le sénat académique régla qu'on ne serait point immatriculé dans l'uni- versité ni admis à la jouissance de ses privilèges avant d'avoir prêté un serment conçu en ces termes : Item Juro me ex animo detestari universa dogmata Martini Lutheri et aliorum quormnlibet hœreticormn , quatenùs doc- trinœ veteris et catholicœ ac Romance Ecclesiœ adversentur : et (') Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque dite de Bourgogne , e partie , pp. 25 — 36. OEuv. d'Erasme , in-fol. , tom. X, col. 1781 — 1860. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 17 sequi velle ac retinere fidem veterem Ecclesiœ prœtactœ , sub obedientid unius summi pastoris romani pontificis. Disposition qui fut approuvée par un bref du pape Pie IV, en 1561 ('). L'établissement des évéchés résolu par Philippe II ^ trouva peu de faveur dans l'université (2), qui craignait peut-être que sa suprématie n'en souffrit, embrassait les sentimens des moines et des abbés et voyait toute innovation avec inquiétude. Le mé- contentement s'accrut par l'érection d'une université à Douai ^ ville préférée, quoique le magistrat de Mons, consulté sur cet objet, eût indiqué Maubeuge (^) et que Tournai eût manifesté quelques prétentions (4). On disait que par cette nouveauté le cardinal de Granvelle et Viglius voulaient saper l'ancien édifice ; cependant le projet de cet établissement avait été conçu dès l'an- née 1530, mais le crédit de ceux de Louvain, alors très-grand, en avait fait différer l'exécution. N'ayant plus le pouvoir de s'y opposer , ils prirent du moins des moyens honorables afin que la concurrence ne leur fut pas préjudiciable , et ils sollicitèrent auprès des Etats pour qu'on donnât à leur académie une extension nou- velle , en nommant d'autres professeurs , en augmentant leurs honoraires et en embellissant les écoles (5). C'était combattre à armes courtoises. Après avoir, malgré quelques oppositions qui étaient dans l'esprit (') Val. Andr. , Fast. Acad. , p. 862. (') Hist. de la reyhrm. des Pays-Bas , tom. I, p. loa. Q) Vinchant et Ruteau, Annales de la province et comte' d' Haynau , p. 4 '5. (4) Fasti Acad. , p. 358. (5) Haraeus, tom. Il, p. 12. Tom. VU. 3 r8 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES stationnaire des corps privilégiés, fait en général preuve de sa- gesse, l'université montra du courage civique. Le terrible duc d^Albe avait ordonné l'enlèvement du jeune comte de Buren, fils du prince di Orange , et qui étudiait à Louvain sous la conduite de Cornélius Valerius, professeur au collège des Trois-Langues et son précepteur, auquel, à son arrivée à Madrid, il écrivit luie lettre conservée par Valère André ('). Le sénat académique se mit en mouvement , et envoya des députations avec les représen- tations les plus énergiques sur ses privilèges (^). Comme le duc di'Albe était en campagne , les députés s'adressèrent à son affidé Vargas, qui présidait le consejo de las alteraciones , appelé le conseil des troubles ou le conseil de sang. Cet homme aussi brutal que cruel, leur répondit, assure-t-on, dans un latin dont la bar- barie est passée en proverbe, et qui n'était peut-être que de l'espa- gnol : Non curamus (os) privilégias vestros. Il y parut bien par les effets. Cependant l'université battue sur ce point , ne se laissa point décourager et voulut frapper un grand coup. Il parait qu'elle eut la plus grande influence sur le rappel du duc d^Albe et qu'elle chargea une personne sûre , qui se rendait en Espagne , de (') FastiAcad., p. 365. M. le peintre Geedts , de Louvain, a maintenant (de'- cembre i83o), dans son cabinet, un tableau d'Otto Fcenius , où est repre'sente' en pied et en petites proportions ce jeune prince alors écolier. Rien n'est plus simple que son costume , qui semble être de serge ou de camelot gris , ou d'une autre e'toffe modeste. (») Voy. entre autres, Privilegium quod rector , doctores , magistri , scholares , aliive uniuersitatis extra muros oppîdi Lovaniensis ad judicium evocari aut trahi nonpossint, per Martinum V ; et le chapitre des Fasti ylcad. , pp. 16—17 , sur le Privilegium tractûs. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 19 lettres pour le roi catholique , de peur qu'en les expédiant par une autre voie, elles ne fussent interceptées. Cette anecdote si importante a été consignée dans le Synopsis monumentorum , arch. Mechl. de M. Vande Velde , ancien professeur à Louvain, et qui avait fouillé dans les archives de sa compagnie, archives aujourd'hui détruites ou dispersées ('). C'était cependant le duc à'Alhe qui avait porté la défense de fréquenter les universités étrangères {^) ! Il ne parait pas que cet acte ait offensé, par sa hardiesse, la susceptibilité de Philippe II, que Vernulœus appelle le second fondateur de l'université, puisque ce monarque, dans une dépê- che au cardinal de Granvelle, datée du l^r avril 1570, lui ordonna d'insister auprès du souverain pontife pour qu'il favorisât une école qu'on pourrait regarder comme le boulevard de la foi catholique , l'exemple et la lumière de l'Eglise , l'avancement du saint ministère, etc. D'autres lettres sont conçues dans le même sens (3). Un professeur en droit de l'université, E Ibertus Leoninus ,T^r'\i (i) Il en dit quelques mots , tom. I, p. 122 , et tom. III , pp. io25 — 1026, il cite un extrait des actes de la faculté de théologie qui contient la résolution des docteurs. Voy. Pièces justificatii'es , litt. C. (=) Placaet van in geene vreemde universiteyten te studeren uytgenomen, 1669, in-4°. Ce placard est du 4 mars, et fut renouvelé par édit du 22 décembre 1755 , 1; interdisant sous de fortes peines, à tous sujets de S. M-, de quelque état ou con- 11 dition qa'ils fussent, d'aller faire des cours de philosophie publics ou privés ail- ]i leurs que dans l'université de Louvain, ou dans d'autres universités soumises h >' son obéissance , sans une permission par écrit du gouvernement. " Neny , Mémoires , édit. de 1785 , tom. II, p. 208. (3) Vernulaeus , p. 196. 20 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES une part active aux événemens qui signalèrent la révolution. Cet homme, dont on vante unanimement la modération et les lumières, fut envoyé l'an 1575, par Requesens à Bréda, pour traiter de la paix avec le prince à^ Orange , et montra beaucoup de talent dans cette négociation et les autres (■). Il fut qu'on lui confia un des signataires à la pacification de Gand , de la part des catholiques, en 1576, et lorsque Don Juan se disposa à ratifier ce traité, il voulut ouïr les députés des Etats sur les scrupules qu'il pouvait donner au roi d'Espagne et à lui ; pour lever ces scrupules on lui exhiba cinq instrumens testificatifs, dont un était soussigné et scellé par le doyen de la faculté de théologie de Louvain, en date du 25 décembre 1576, un autre par les docteurs en droit civil et canon de ladite université , le 20 du même mois. Ces documens attestaient que la pacification ne dérogeait en rien à la religion catholique romaine , ni à l'autorité du roi d'Espagne, et l'édit perpétuel conclu , le 12 février suivant, men- tionne expressément cette approbation à l'art. 2 (2). Des rivaux aussi habiles que redoutables entrèrent bientôt en lice avec l'université. Les jésuites obtinrent en 1584, la permis- sion d'enseigner, laquelle leur fut confirmée en 1615, sous certai- (') Haraeus , tom. II , pp. 219—222. Voy. l'Éloge de Leoninus , dans Fasti Acad. , p. 190. {') Haraeus , tom. II, p. 242 ; J.-F. Le Petit, la Grande chronique de Hollande , etc., tom. II, p. 328, col. a. , édit. de 1601 ; Satyre Me'nippe'e, édit. de 1726, tom. II , p. 363 , Cf. Eeuwigh edict en accord aengegaen met Don Jan en de Staeten, om. de troebelen neder te leggen , door de cryghs Iwyden veroorsaeckt. Antw. , Plantin , 1677 , in-4°. Il y a des e'ditions flamandes de Bruxelles et de Liège , une en allemand , de Franc- fort, chez F. Bassée, el d'autres en français, de Bruxelles et d'Anvers, etc. '^ DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 21 nés restrictions qui n'empêchèrent pas de fréquens débats dont nous toucherons un mot dans la seconde partie ('). L'influence extérieure de l'université alla depuis en s'affaiblis- sant; la domination espagnole et autrichienne la renferma le plus possible dans un cercle littéraire , jusqu'au jour où un cri d'aleirme s'éleva en faveur de l'intégrité des doctrines religieuses, mais la résistance ne précéda que de peu d'instans la chute de ce corps dont l'existence est mise de nouveau en question. Avant de finir ce chapitre, il nous faut de toute justice^ ajouter que l'ancienne université de Louvain, fondée pour les études et les arts de la paix , eut quelques droits aux lauriers de la guerre. En 1542, quand Longueval et Van Bossein (^), le premier général français, le second, chef de l'armée du duc de Gueldre, se présentèrent devant Louvain pour en faire le siège , des pro- fesseurs furent adjoints au magistrat , afin de poiu'voir à la sûreté de la ville , et l'on invita les étudians à prendre les armes en leur donnant pour chef, academicd auctoritate, un jeune gentilhomme portugais appelé Damien à Goes , et en leur permettant de lui choisir un lieutenant qui fut le frison Severin Feiten. Cette (') Foppens , dans son Supplément aux œuvres diplomatiques de Mirceus , tom. IV, pp. 3io — 3i3, a inséré ces pièces. Voy. aussi Pièces justificatives , litt. D, no XX. Les Analectes de M. Gachard, I, 378 — 877 , contiennent un Avis du Grand-Conseil de Malines , rendu au prince de Parme, gouverneur- général des Pays-Bas, sur l'admission de la Socie'té de Je'sus dans ces provinces, 20 avril i588. Voyez aussi Placards de Flandres , III, 43. (') Rosheim, Roshem, Rosshem ou Rossum. Voy. Pontus Heuterus, lib. XI, Rer. Belg. Tout ce qui est relatif à l'expédition de Van Rossem a été transcrit par Erycius Puteanus, pp. 178 — 179, de Historice Belgicœ liber singularis, Antw. , i636, in-24. 2 2 SUR LES DEUX PREMffiRS SIÈCLES petite guerre a été célébrée en vers par Livinus Torrentius ( ' ) , depuis évêque d'Anvers. La pièce qui aux yeux des biblio- graphes a le mérite d'être très-rare , ne contient aucune cir- constance digne d'être rapportée. On a aussi imprimé une relation intitulée : Damiani Goes urbis Lovaniensis obsidio. Olisip. 1546 , in- 12 (2). Et en flamand : WaeracJitige geschiedenisse welcke Damiano à Goes toege- comen is als de vianden met Merten Van Rosshem voor Loven toaeren, 1760, in- 16. La ville ayant été menacée de nouveau en 1572, 1590 et 1622, les étudians coururent chaque fois aux armes, et ils le feraient encore si une occasion honorable leur en était offerte (3). De tout ce qui précède, il résulte que l'université, conseil du prince dans les matières de doctrine, s'immisçait quelquefois dans les affaires civiles , mais presque toujours sans outrepasser le (') Jean Seruilius ou Knaep a écrit en prose l'expédition de Van Rossem , contre Anvers. La brochure de Torrentius est un in-12 de 4 feuillets, imprimé chez Du- meus , à Anvers , en 1 45'2 , sous ce titre : Gelrogallorum grassado in Lovanienses , per Marlinum à Roshein; ab eximie spei œdulescentulo Flandro posteritati prodita. (2) Un exemplaire de cet ouvrage , donné par M. Van Hulthem au chevalier Brito , ambassadeur de Portugal aux Pays-Pas , plus curieux de livres que de diplo- matie , eut une destinée assez singulière. Le navire qui le portait avec la bibliothè- que de M. Brito fit naufrage en vue de Lisbonne; mais on repêcha ce livret qui reve- nait du Brabant dans sa patrie et , magnifiquement relié , il fut conservé plus précieusement que tout autre , en qualité de liber immersus Neptunoque detractus. (') Haraeus, tom. I , p.624; Vernulseus, pp. 186 — i^o\Ya[hre h.xiàré , Fasti Acad., p. 36o. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. aS cercle de ses attributions, souvent même dans un but d'utilité, et que jamais elle ne donna l'exemple de ces usurpations tumul- tueuses, de ces empiètemens ambitieux dont l'université de Paris, entre autres , se rendit coupable. La différence de position expli- que, en quelque sorte, cette disparité de conduite. L'université de Paris, en effet, placée dans une cité qui absorbe depuis des siècles toute la France, en face d'une cour imbue des principes de l'absolutisme, où pullulaient les courtisans et les cavaliers, enne- mis nés des gens d'études et de spéculation , ne pouvait éviter une lutte sans cesse renaissante , supporter d'intolérables mépris , fermer les yeux à de flagrantes injustices, et s'abstenir de récla- mer sa part d'un pouvoir mal défini , dont tout le monde abu- sait impunément. Notre université au contraire, sur un théâtre moins bruyant, loin des ricaneries courtisanesques et des rauques prétentions des hommes d'épée, dans un pays libéralement gou- verné, 011 les droits de chacun étaient mieux définis, n'ayant point à combattre d'aussi nombreuses rivalités _, devait se renfer- mer dans une modération plus grande et s'abstenir d'incursions violentes dans le monde politique. FIN DU SECOND MÉMOIRE. O39999OO9O9e99O3O98OO®G999999®9®(9@9399O0@9dO9O®OOOOOO<99d9®9O®SOO9O9GO999OOOOOd PIÈCES JUSTIFICATIVES. LiTT. A. Petr. A Thymo, MS. m fol. ccccxiii verso. De certîs prebendis Unipersitati studii Lovaniensis collatis. Universis présentes litteras inspecturis , Philippus , Dei gratiâ Lotfaaringiae , Brabantiœ et LymburgiEe dux , Sacrique imperii marchio , nec non de Liney et Sancti-Pauli cornes , salutem et omne bonum cum notitiâ veritatis. Humilem supplicationem egregiorum venerabiliumque et circumspectorum virorum , rectorum , doctorum et magistrorum almae universitatis Lovaniensis , filiae nostraî unicœ et cordialis (') , providorumque fidelium nostrorum Jacobi Utenlyemyngen (') et Gerardi de Haenwiich {^) , magistrorum bui'genslum , scabinorum et consulum supremi oppidi nostri Lovaniensis , Leodiensis dioce- sis , suscepimus , continentem quod , etsi recolendae memorias , praecarissimus dominus noster et frater Johannes , dux et marcbio ducatuum et marchionatus praedictorum , necnon Hannonise , Zelandiae et Pontini (?) cornes , Dominusque Frysiœ , cupiens nuper in et sub ditione ducatùs nostri Brabantiae , et in dicto nostro oppido , loco utique insigni , amœno et ad hoc apto , nostras aliasque C») Imitation des rois de France. Pasquier, Recherches , p. 8H. (a) Jacques Uten Liemengen fut conseiller en 1422, 24, 40, écbevin en 1423, 25, 29, 31 , 33, 39,43, bourgmestre patricien en H428, 1428, 30, 32,34, 38,42,49,52,57,59,64, 68 el 7< , doyen en 1436, 41 , 50 53; Divtsus , Rer. Lov.. p. 20, C'est sans doute lui qui alla combattre les Hussites en 1421. Ibid, p. 105. Ilavait épousé Marguerite dOppendorp. Septem tribus patriciœ Lo- vanienses , éd. l^SS, p. 9 et 66 ; Antiquitates Lov. auctore Guil. Boon , MS, p. 502. (3) Bourgmestre de la bourgeoisie en 1438. Sept trib. patr. Lov., p. 66. Tom. Fil. 4 26 PIÈCES JUSTIFICATIVES. patrias , tàm vicinas quàm longé latèque dispersas maderi per prudentiœ fluenta et irrigai'i , ut sapientiae cedat imprudentia et per disciplinata cuncta crescant ia pace , animarum salute et qulete. Adeô pênes sanctissimum dominum nostrum modernum dominum Martinum divinâ providentiâ papam quintum , instare curavit , ut , ejus requestà mediante , idem sanctissimus dominus noster , ex clementia et liberalitate sibi innatis, iu dicto oppido nostro Lovaniensi stu- dium générale et iiniversitatem erigere voluit (sic) et plantare in singulis licitis , pi-aeterquàm in theologiae facultatibus , prsedictum studium multimodis et variis privilegiis decorando ; et liis non contentus prœfatus noster frater partem jurisdictionis seu imperii in suis tune ditionibus , nunc nostris , ad eum spectan- tibus , rectori et dictœ fîliae nostrae universitati applicare voluit et applicuit cum. effectu , prout hsec et alia tàm in apostolicis praedicti sanctissimi domini nostri quàm domini et fratris nostri supi-adicti litteris , visa sunt latiûs contl- neri. Et , quod majus erat , supradictus frater noster , prout et plurles dixerat , habuit in conceptu dictam filiam nostram universitatem taliter consolidare quàd inanteà dissoivi non valeret aut dispergi , quin immo magis magisque crescere deberet et augmentari , et hâc de causa proposuerat , uti fecisset , ut speratur , nisi morte proch ! fuisset circumdatus , certum numerum canoni- catuum et prebendarum ducatùs nostri Brabantiae ad ipsius tune , nunc nostram collationem seu praesentationem , aliamve disj)ositionem spectantium , tatiter dictse nniversitati , filiae nostrae , applicare , quôd dùm dictos canonica- tus et prebendas vacare per mortem potissimè contingeret , nulli prasterquàm doctori aut magistro , qui in altéra canonum , legum , medicinœ et artium facultatum regere et légère inibi deberet , per eundem fratrem nostrum et ejus successores in anteà conferri valeret , ut sub spe sic aliquod bonum beneficium consequendi , quilibet doctor , magister et studens liberiùs , avidiùs et libentiùs ad laborandum in vineâ domini et legendum ac studen- dum incessanter et magis proficiendum , se applicaret et aptarel ; timeantque verisimiliter rector et universitas , nec non magistri burgensium , scabini et consules supradicti , quod nisi affectus ssepèdicti domini et fratris nostri , ad effectum deducatur ac per nos desuper liberaliter et gratiosè provideatur , tractu temporum , quod absit , ipsa filia nostra pati posset dissolutionem et scissuram , quod in modicum. honoreni nostrum et patriae nostrae Brabantiae redundaret ; supplicantes humillimè ut desuper attendere , providere et intendere dignaremiir opportune : notum facimns , quôd nos postquàm litteras PIÈCES JUSTIFICATIVES. 27 de quibus suprà , per dilectissimum et fidelem cancellarium nostrum , ma- gistrum Johannem Sont ('), ia artibus magistrum et utriusque juris doctorem , aliosque nostros consiliarios , cum maturitate fecimus examinari ; attendentes disciplinam et scientiam summè fore appetendas , ne egestas et ignominia nos iuvadant , tanquàm disciplinas desertores , juxtà illud Osece prophètes : tu scien- tiam et disciplinam repulisti et ego repellam te. Quod si, lege teste , non sit amor qui vincat paternum , in filio tamen nil cadere potest quod pater magis diligat quam disciplinam ; cum filius propriè non diligitur , nisi disciplinetur , immô summa gloria patris est filius sapiens ; nec sine causa , quià juxtà Grego- rium in moralibus , cor quod sine disciplina est , exaltari non valet ; bumana namque mens , sicut ob defectum scientiœ malè elevata in infimis premitur ; sic pressa , disciplina mediante, in sublimibus elevatur. Et Isidorus : doctrinâ excellentior est natura. ^ristoteles quoque interrogatus in quo disciplinati discrepant ab indisciplinatis, ait, sicut différant viventes à morluis. Et Cato : sine doctrinâ vita est quasi mortis imago. Cui Sapiens prerumpens in haec verba : si scientia animœ tuae placuerit , consilium te custodiet , et prudentia te servabit ut eruaris à via malâ et ab homine qui loquitur perversa , nedum dictis sed et factis applausus est. Legimus nempè Salomonem non divitias , non longa tempora hujus vitae , sed prudentiam à deo expetiisse et impetrâsse. Audiens enim sapiens ^ sapientior erit , et intelligens tabernacula possidebit ; fructus quoque prudentiae est omnibus opibus longé magis pretiosa {petriosus) , nec omnia quae desiderari et appeti possunt , huic valent comparari. Quam si quis dilexerit , glorificabitur ab eâ et amplexendo ( amplexando ) eam , erit capiti suo gratiarum augmentum et corona inclita proteget eum. Fingitur enimverô dicere Sapientia : per me reges régnant et legum conditores juste decernunt ; per me principes imperant et potentes decernunt justitiam. Ego diligentes me (') Troph. de Brabant , tom. II, p. 360. Basilica Br-ux. , P. I, 59. P. II, p, 28, J. A. Eombaut. Bruxelles illustrée^ lom. IT , pp. 77, 78. Il fut enterré à S"-Guag. I 22 ;... « Dus Albanus , postquàm régis nomine per annos sex inlegros Belgium admiuistrâsset , i8 decembris iSyS hinc discessit Non possumus hâc occasione non memorare , quuni nusquàm alibi ejus rei exstet inemoria , illustre S. facultatis theologias factum, tempoi'e actis inscribetur. Domini sub juramento , ut calamitatibus patriae » succurrerent , per litteras indicârunt regiœ majestati statum miserum patriae ; 11 et expedire 1 ut pro j4lbano alius gubernator mittatur. Harum litterarum non 11 fuit conscius notarius (seu Bedellus) facultatis ; sed omnes et singuli magistri 11 facultatis eis subscripserunt ; quià res erat magni momenti. Et decanus cum 11 Senensi {Antonio de Conceptione, Lusitano , ordinis prœdicatorum , anno iSy i >i doctore renunciato ) curârunt sic litteras mitti , ut non esset periculum inter- » ceptionis. Constat autem eas regiœ Majestati datas esse in manus. Post dis- " cessum Albani , facultas juramentum relaxavit , permisitque ista prudenter M per opportunltatem dici. Litterarum tamen copiam , ad perpetuamrei memo- j> riam, voluit per notarium et bedellum suum inseri in librum litterarum 1. facultatis. Quod factum est sub decanatu D. Michaclis (Baii) , anno 74 ( 1 574)' " Desuntnobis illœ literœ. » PIÈCES JUSTIFICATIVES. 07 LiTT. D. Extrait d'un inventaire des chartres et diplômes, reposant aux archives de Louvain et dressé par le pensionnaire Cuypers en 1696, 1699. ( Voy. au vol. précédent des Mémoires de l'Académie, la notice sur les archives de Louvain, pag. 4.) V, 126 verso; 1428. Acte van Philips 9 oct. 1428 , waerby aen de stadt en de nniversiteit geconfereert worden diversche prebendien in de kercke van S^'^-Peeters en de andere aen de Canonincke , etc. (latyn ). C'est la pièce cotée ici litt. A._ H. V , i36 ; 1430. Induit van Eugenius IV , confirmeerende d'acte van Philips , de dato 9 octob. 1428. (Latyn. ) m. -IX , 1 ; i43i. By induit van syne Helicheyt Eugenius IV , van nonis martii i43i ; wordt ter bede van het magistraet gepermitteerd het doceren der théologie (Latyn. ) La bulle d'institution de la faculté de théologie insérée dans les Privilégia est des ides d'a- vril , 1443. ÏV. X , 65; i43i. Commissie tôt het stellen van conservateur der universiteyt van quinto nonas martii i43i . (Latyn. ) 38 PIÈCES JUSTIFICATIVES. V. ^ , 179 i 144G. Op vertooch van borgemeesteren heeft Eugenius IV toege- staen dat de vruchten van de legenten en docenten een d'eene lesse meer als aen d'andere soudeu inogen worden toegevoecht pro rata laboris. Induit van i4 kal. apr. i446. (Latyn. ) VII. X , 35o verso; ibo-j. Bj extract uyt het getermineerde tusschen de stadt ende d'universiteyt prima martii 1 507 , by Margaretha van Oisten- ryck blyckt art. viii , dat d'universiteyt in tyde van noot moet waecken. VIII. IX, iSg; t52j, 23, 22. By acte van modificatie van de jaeren i522 ende iSaS en vonisse van i522 , 8 juny blyckt dat de universiteyt niet en maclihouden table d'hôte. IX. ï, 278; i53o. By vonnisse van den grooten raede van Syne Maj. van den 8 oct. i53o , is verstaen dat noch de philosophie , noch de rechten , geestelycke ofte by wereltlyke en magh worden gedoceert binnen Dornick oft elder. (Fransch. ) x,343rerso,i532-i68o. Den Hecre conservateur aen suppost van de universiteyt hebbende verleent brieven van mandement op pêne van ex- communicatie ten laste van den pachter van d'accynse van de stadt in ordine van exemptie van de bier accynse , vyordt geageert tôt cassatie ten hove , ende op 1 1 sept. 1680 beco- men interdictie , conform brieven van maintenue te voren geexpedieert , anno i532. PIÈCES JUSTIFICATIVES. 39 XI. , 70 , i532. Vonnis van den raede van Brabant van 4 july iSSa waerby het magistraet gemainteneerd wordt in het recht van presen- tatie totte cleyne lessen , enz. , tôt achterdeel van de faculteyt van de godtheyt. XII. , 61 verso ; 1537. Jon' Lodewyck van der Tommen sustineert supposl van de universiteyt te wesen , dit wordt gecassert by vonnisse van den raede van Brabant van 24 dec. iSSj. XIII. 81 : i538. Règlement van Carel den Vyfden , van den aS dec. i538 , tusschen de stadt en de universiteyt over het debiteren van wyn en de bier. XIV. 3Î9 ; i538. In cas van dispuet weder ieimant , moet worden gehouden voor suppost van de universiteyt afte nyet , decideert den raede van Brabant prout latiàs by acte van denselve raede van i5 febr. !538. XV. , 365Tjerîo; i55j. By vonnisse van den groote raeden van Mechelen van 19 nov. i552 , is verstaen dat die van de universiteyt nyet en moeten betaelen het werfgelt van den gesouten visch door Mechelen passerende. XVI. 210 verso,- i552. By vonnisse van den raede van Brabant van 4 july i552 , is verstaen dat die van de faculteyt van de godtheyt niet en syn gequalifieert totte lesse in directis. 4o PIÈCES JUSTIFICATIVES. XTII. iir, ii-ji iSSg. Consent van het magistraet van 5 jan. iSSg totte amortisa- tie van het collegie Druitii.... XYIII. XI, J79; iSSg. Consent by het magistraet 4 martii lôSg tôt directie van het collegie Winckelii. XI, 386 -uerjo. Statuten en de ordonnantien van het collegie Winckelii. (Latyn. ) XI, a94- Clausulen testamentair van de Heeren Winckel, senioris et junioris. (Latyn.) XIX, MU, 40; 1573. By brieven van 5 april iSjS worden de stad ende d'univer- siteyt alhier genomen ondei" de protectie van Syne Maj. voor soo veele als sy ten selven daege hadden gehandeld met den prince van Oranjein het belegh van Loven. (Fransch.) XX. V , 21 ; i584. Acte van Philips waerby de jesuiten wordt toegestaen in Brabant , Limborch , Falquemont , Daelhem , enz. , te mogen domicilieren , enz. (Fransch.) XXI. m, 216; i587. Consent van het magistraet van 19 sept. 1687 tôt amortisa- tie van het collegie Divei. XXII. X , 70 ; 1487. By brieven van mandement van den roomschen coninck Maximiliaen en de van synen sone Philips van den v jan. 1487 > i595. PIÈCES JUSTIFICATIVES. 4i wordt gecasseert feytelyke procédure van den Heere conser- vateur, met order van te saisiseren de goederen temporael van den conservateur. (Fransch.) XXIII. Apostille van de Heeren Staten van 17 nov. iSgSwaerby blyckt dat d'universiteyt heeft gecontribueert in de bede. LiTT. E. Extrait de la Chronique inédite de Dinterus. Cet extrait appartient proprement au premier Me'moirej mais comme ce n'est gue depuis sa publication que j'ai eu entre les mains un MS. de Dinterus , force m'a été de rejeter ici le fragment qui se rapporte à la fondation de l'uni- versité de Louvain ; je le tire du tom. V , pp. 8299 , 33o4 , de la copie exécutée autrefois pour l'Académie. De Erectione generalis studii Lovaniensis. (Lib. VI). Cap. 227. Sanctissimus in Christo pater et dominus noster Martinus papa quintus , V idus decembris , pontificatûs sui anno nono , a° i425prsedicto, persuaslitteras apostolicas more romanee curiae bullatas, ut litterarum scientia Deoactore magis magisque et uberiùs refloreat , ad instantes et humillimas preces suse sanctitati repetitis vicïbus pro parte illustris principis Joannis , Lotharingiœ , Brabantiae Limburgii ducis sacrique Imperii marchionis , nec non Hannonise , HoUandia , Zelandiae Comitis et Frisiae principis , inquam , catholici et reipublicse atque Tom. VIL 6 42 PIÈCES JUSTIFICATIVES. communis boni aiithoris incliti , suggestas , in oppido suo Lovaniensi , Leodien- sis diœcesis ac sui ducattis Bi-abantice , loco vinetisj pi'atis , rivulis , frugibus et fructibus ac aliis circà victualia necessariis referto , aeris dulci et bonâ tem- perie situato , loco quidam spatioso et jocondo et ubi mores burgensium sunt benigni , studium générale piè et ex suœ miserationis innatâ clementiâ erexit. Quod diversis libertatibns exemptionibus et privilegiis , ad aliorum generalium studiorum instar, fulcitum decoravit. Ad cujus (juidem studii prosecutionem ac ipsius de cjetero confirmationem , de spectabilibus et egregiis doctoribus , licentiatis et magistris in omni litterarum scientià , prseterquàm in sacra tlieolo- già , eruditis sufEcienter providit aut provideri fecit , qui siquidem doctores et licentiati et magistri lecturas suas , quilibet in suâ facultate , et alios consuetos actus scholasticos secundâ die mensis octobris proximè futurâ , quœ erit anno domini 1426 , ad dei laudem et honorem inchoabunt , et ut tàm pium tàmque salubre principium laudabiliter inclioandum , deo propltio effectum consequi prosperum laudabilius valeat et votivum. Ad quod doctores et ma- gistros quoslibet et scholai-es hilariter invitât , ipsos et eorum quemlibet ab omni injuria et violentiâ , dùm opus fuerit , per ipsum et ofBciatos suos ubique suorum ducatuum terrarum , ditionum , tàm per terram quàm per aquam , depensari curabit et tueri , bannitis et proscriptis exckisis. Quod quidem générale studium sanctissimxis dominus Eugenius papa quartus ad illustrissemi principis et domini nostri domini Philippi , dei gratiâ Burgun- dice , Lotharingiae , Brabantiae et Limburgii ducis , nec non Flandriae , etc. , comitis , humilem precum instantiam , supradictâ restrictione sublatâ , ipsius sacrae theologias facultatis adjunctione ad orthodoxes fidei propagationem , justis , sanctis et rationabilibus causis animum suum ad hoc moventibns, piè et sanctè ex benignitate apostolicâ , duxit posteâ misericorditer ampliandum. Quod quidem. studium , deo adjuvante et coopérante , de spectabilibus , egregiis , doctoribus , magistris , licentiatis , regentibus et stipendiatis multitudineque scholarum valdè floret . Subsequenter verô rector et universitas studii , burgi- magistrique scabini et consules oppidi Lovaniensis praadictorum incorporationes nonnullarum prebendarum et ecclesiarum à sede apostolicâ obtinuerunt ad provisionem doctorum et magistrorum ineâdem universitate regentium. PIÈCES JUSTIFICATIVES. 43 LiTT. F. Conduite de l' Université relativement aux impôts. Extrait des Recherches historiques , etc. , no 5 , pag. 37 et suiv. ( an- née 1788). it L'Université de Louvain , sans être un corps étranger à la province de Brabant , dont , au contraire , elle est un membre très-distingué , est cepen- dant exempte des charges de cette province. » Cette exemption n'est pas une suite de sa constitution ; mais un privilège qu'elle tient du souverain et des Etats de cette province...... 11 Lorsqu'il arriva qu'à la suite d'une guerre , la nécessité l'emportant sur la faveur , l'Université, malgré le privilège d'exemption , ne pouvait se refuser à contribuer aux charges communes de l'Etat ; les arrangemens qu'elle pre- nait alors , et les circonstances qui accompagnèrent cette contribution, ne démontrent pas moins que l'Université a toujours été traitée et considérée comme un corps , un établissement du duché de Brabant. 11 Premièrement , quand le cas de nécessité pour laquelle on exigea la con- tribution , paraissait douteux , l'Université fit deux choses : elle s'opposa aux charges qu'on s'effoi'ça de lui faire porter ; mais conciliant en même tems l'at- tachement à ses droits avec la fidélité due au souverain et avec l'amour de la patrie , elle compensa le défaut de contribution par une somme accordée li- béralement , et par forme de don gratuit. 11 Voici une preuve de ce que nous avançons : Philippe-le-Bel étant dé- tenu à Gand par les Flamands, en i484i Masimilien , son père et tuteur , se mit en devoir de délivrer le jeune prince de cette fâcheuse détention ; les Etats de Brabant lui consentirent , à cet effet , le douzième denier de tous les revenus et biens situés dans le duché de Brabant. 11 On députa à Louvain , pour que l'Université , aurait voulu consentir à cette charge ; mais il ne fut pas possible de l'effectuer. L'Université protesta qu'il n'était pas en son pouvoir de permettre qu'on porterait atteinte à ses privilèges : On aurait tort sans doute de blâmer ce procédé de l'Université , après que l'empereur Charles-Quint lui-même avait déclaré , dans la diète d'Augs- bourg de l'an i548 , qu'il n'était pas permis à aucune puissance , quelle qu'elle puisse être , d'enfreindre les privilèges , immunités et exemptions accordés aux universités légalement établies i> Lorsque , au contraire , la nécessité était évidente , et qu'une contribu- tion était demandée , par exemple , pour la nécessaire défense du pays , de laquelle , selon l'expression du même empereur , personne ne se doit excuser , voici les arrangemens que l'Université prenait alors. Il Comme , dans un pareil cas , la faveur devait céder à la nécessité , l'Uni- versité concourut , aussi bien que les autres corps brabançons , à porter les charges de l'Etat ; mais en contribuant , elle n'oublia pas de demander un acte de non-préjudice , que les États de la province ou de la ville de Lou- vain lui firent délivrer. Nos souverains même n'hésitèrent pas à lui accorder de pareils actes ; ils reconnaissaient donc le privilège d'exemption , comme un droit inviolable , que la seule impérieuse nécessité pouvait faire cesser ou suspendre. 11 Outre cette précaution , l'Université , dans la vue de faire remarquer encore davantage son exemption, ne contribua point avec le clergé de la province i> Toujours dans le même esprit — régulièrement e//e ne calcula pas sa quote sur la taxe des états. i> Sa contribution était réglée , tantôt à l'intervention du chancelier de Bra- bant , envoyé à Louvain pour ce sujet; tautôt elle traita séparément avec les étals de la province ; quoiqu'il y ait des cas auxquels l'Université , lorsque son droit n'en souffrit rien , a été imposée indistinctement avec les autres corps et particuliers brabançons — 11 Outre ces négociations.... l'Univei-sité traita souvent au sujet des contri- PIÈCES JUSTIFICATIVES. 45 butions , immédiatement avec nos souverains ou avec leurs gouverneurs-gé- 11 Selon le calcul de quelques-uns , la somme des dons gratuits et des contri- butions volontaires , accordées de la part de l'Université , excède même de beaucoup , ce que cette même université a jamais reçu en pensions ou sa- laires des pi-ofesseurs , ou autrement en argent , de la part du gouverne- ment, valeur en capitaux. Nous ne garantissons pas ce calcul, mais la chose est indubitable, au moins si l'on y joint les frais énoi'mes soutenus par l'université et ses suppôts , dans trois , quatre sièges de la ville de Louvain et autres circonstances. » LiTT. G. Ouvrages traitant des privilèges des Universités en général. Johann, p^olh. Bechmanns I. C. et antecessoris jenensis , Tractatus de studiorum privilegiis, Jense , T. M. Gotzius , 4°- Christophori Besoldi Dissertatio de studiosis , magistris , licentiatis , docto- ribus , eorumque privilegiis et immunitatibus. Tubingae , Typis Philiberti Brunnii , i63i , i6°. BoETn Eponis de honorum academicorum utilis et insignibus Oratio. Duaci , r564 , 8». Tractatus de jure universitatum , omnibus legum studiosis , et in foro et in scbolis versantibus maxime utilis ac necessarius. Authore Nicolao LosjEO , Taurinensi, I. C. Mediolani , i6ig , 8° , Ant. Chard. — Lugduni , 1627,8°. Tractatus de privilegiis studentium autore Horatio Lutio Calliense. Accedit Caroli GiRARDi , eruditissima et elegantissima epistola de juris voluminibus re- purgandis ; en bibliolhecâ Casparis Bartlni , Patavii , i564 , 4°- — Francof. , apud D. et D. Aubrios , lôaS , 12°. De scholasticorum , bibliopolarum , atque cœterorum universitatum om- 46 PIÈCES JUSTIFICATIVES. nium mlnistrorum , jratorumque privilégiis , liber I Autore D. Peiro Re- BUFFO de Montepessulano , jurium doctore et comité. Parisiis , P. Vidovaeus , i54o , 12° , item iSjS , 4°- Pétri Rebuffi Montepessulani , J. C. Celeb. in privilégia et immunitales universitatum doctorum , magistrorum ac studiosorum , Commentationes enu- cleatissimae. Antv. Arn. Coninx , i583, 4°- Th. ScHREVELii Diatribae continentes tùm quae iid laudem et comménda- tionem scholarum. spectant; tùm quas ad eariim œconomiam. Lugd. Bat. Elzev. , 1626 , S°. Casp. TiiuRMANNi Bibliotheca academica , de rébus et juribus academia- rum , etc. , Halîe-Magdeb . , i^ioo , 4°- FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES. TROISIÈME MÉMOIRE SUE LES DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNrVERSÏTÉ DE LOUVAIÎV. TROISIEME MEMOIRE DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN, yC ^^ttrott ^^V ^^ci|-yenB«r() LC DAT»S LU SÉANCE DU 9 JDIllET ) 83 1 . BRUXELLES, M. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1831. TROISIEME MEMOIRE SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. SECONDE PARTIE. HISTOIRE INTERNE DE L'UNIVERSITE. § III. Des Études. Le métaphysicien Bonnet désirait que les hommes adonnés aux travaux de l'esprit , pussent se rendre compte des procédés qu'ils avaient employés dans l'acquisition de nouvelles idées , retracer la route où ils avaient marché, si tortueuse qu'elle eût été, se ressouvenir des causes qui avaient mis en mouvement leur activité, l'avaient ralentie , réveillée ou exaltée , et qu'ils fussent , en conséquence , en état d'écrire d'une manière exacte et suivie l'histoire de leur attention. Nul doute qu'un pareil travail ne dût être d'ime grande et sérieuse utilité. Appliqué à l'intelligence Tom. VII. I V^ 2 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES complète de l'homme, consacré non pas à quelques individus isolés dans un point imperceptible du temps, mais à une société tout entière, durant une période étendue, n'aurait-il pas bien plus de prix encore? Malheureusement les matériaux de ces annales de la pensée révélée dans ses opérations les plus intimes, sont tout autrement rares que les documens biographiques et bi- bliographiques dont se compose ordinairement l'histoire littéraire. Ils demanderaient dans celui qui voudrait les recueillir encore plus de philosophie que d'érudition, et d'ailleurs ils ne peuvent être convenablement fournis que par l'observation de ce qui est, par l'expérience sur le vif, et non par la reconstruction conjec- turale de ce qui fut, par l'interprétation de la lettre morte. Si les détails qu'on va lire ne forment point un tableau com- plet, ils peuvent jusqu'à un certain point éclairer' la voie de l'entendement et servir comme de pierre d'attente pour des re- cherches plus approfondies. C'est tout ce qu'on est en droit d'exiger d'un Mémoire qui n'a pas la prétention d'être un livre. Nos premières écoles furent fondées dans des monastères ; celles de Liège, de Lobbes, de Gembloux et d'Utrecht paraissent avoir eu de la réputation dès le commencement du règne des Car- lovingiens ('). Les progrès furent extrêmement lents jusqu'au milieu du quinzième siècle : alors le comble de la science était d'avoir parcouru le trivium et le quadrivium. Le trivium, d'où les écoles élémentaires et les petits collèges prirent le nom de scholœ triviales, comprenait la grammaire, la rhétorique et la (') J. Launoius, De scholis celebrior. Lutet. Paris. 1672, 8°, pp. io5, ii3, 169. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 3 dialectique ; le quadriviu'm était composé de l'arithmétique, de la géométrie, de la musique et de l'astronomie ('). Quoique cette classification des connaissances humaines nous semble aujour- d'hui insuffisante, elle n'était pas dénuée déportée et de grandeur , et supposerait une instruction avancée, si les études convena- blement dirigées, ne s'étaient pas contentées d'un fantôme de la science au lieu de se proposer la science elle-même. Ne laissons pas échapper une observation importante : au moyen âge, tandis que dans le monde politique tout était local, indi- viduel , isolé , le monde littéraire se mit de prime-abord en pos- session de cette unité de généralisation qui paraît ne devoir être le fruit que d'un grand perfectionnement. Les sciences formaient entre elles une vaste synthèse, tout tendait au triomphe de la théologie ; plus tard l'analyse vint séparer , reconnaître , coordon- ner ces parties si étroitement, si confusément unies. Il en résulta le même avantage que de la division du travail. Là où l'industrie est dans l'enfance , il faut faire un peu de tout pour obtenir quel- que bénéfice , tandis que dans les pays oii elle est forte et mûre, une seule branche de commerce suffit pour occuper un homme et l'enrichir ; mais de même que la division du travail poussée au delà d'un certain terme , nuit aux capacités personnelles , en profitant à chaque opération particulière , de même un esprit trop spécial perd en étendue et en justesse. Il ne fallait donc pas s'en tenir à l'analyse, bien qu'excellente en soi, mais revenir à cette synthèse primitive, pourvu qu'on en changeât l'objet. (•) Ginguené , Hist. litt. d'Italie , I , i49 ; Roquefort, Gloss. de la langue romane ; Ducange , etc. , aux mots TEivitiM et quadrivium. 4 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES c'est-à-dire qu'il fallait éclairer une science par l'autre, détermi- ner les rapports encyclopédiques du savoir humain au lieu de le morceler et de le tronquer; qu'en un mot il fallait faire ce qu'on tente aujourd'hui, ou plutôt il ne le fallait pas, puisque l'heure n'était point sonnée et que les phénomènes de l'intelligence ont leurs lois comme ceux de la nature extérieure. Le trivium et le quadrivium réunis s'appelaient aussi les sept arts ('). L'africain Martianus Capella, qui florissait au cinquième siècle, peut-être même au troisième, et dont Grotius , âgé de quatorze ans , commenta les écrits avec l'érudition d'un homme fait (^) , a célébré ces sept arts et montré en quoi ils consistaient. Il a dû jouir d'une grande autorité, puisque Grégoire de Tours f qui termine le dixième livre de ses histoires en priant les prêtres de ne point supprimer ses propres ouvrages, et de ne pas faire des palimpsestes des copies qui en tomberaient entre leurs mains, ajoute : « Qui que tu sois, ô prêtre du Seigneur, si (■) 11 Toutes les études, dit Saint-Foix, se rapportaient à la religion qui les sanc- tifiait : le but de la grammaire était de mieux lirel'Ecriture-Sainte et de la transcrire plus correctement : celui de la rhétorique et de la dialectique , d'entendre les Pères et de réfuter les hérésies : celui de la musique , de pouvoir chanter dans les églises , car alors on était musicien quand on savait le plain-chant. On y enseignait encore l'arithmétique , la géométrie et l'astronomie : et toutes ces sciences composaient les arts libéraux , qu'on appelait Tri^'ium , carrefour à trois rues , parce que ces con- naissances n'étaient que des moyens d'arriver à de plus sublimes. » Ce qu'on lit dans le texte est le correctif de cette dernière observation. Essais sur Paris, p. 339 du t. III des OEtw. compl. de l'auteur. Paris , 1791 , ou plutôt 1778 , car ce n'est e/az5^ dans ce sens, appelle Homère lepa- rangon des philologues ; tantôt il a été un érudit livré à des recher- ches longues, laborieuses, profondes, un Varron^ un Eratosthène d'Alexandrie ; tantôt enfin un grammairien attaché aux formes du langage, à l'enveloppe de la pensée. Le vrai philologue, suivant (') Privilégia , etc. , i jSa , 4° , P- I » pag- 96 ; Valerii Andr. , Fasti Acad. , aSg. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. g nous , réunit toutes ces choses et embrasse proprement l'étude de l'antiquité classique. Creuzer partage en quatre époques l'histoire de la philologie. La première qui date de la renaissance des lettres a pour caractère spécial, cet enthousiasme passionné qui exclut l'indépendance de la critique. C'est l'âge du sentiment ; c'est celui des Pétrarque et des Boccace. La seconde où brillèrent les Scaliger et les Saumaise, sacrifia surtout à l'archéologie : c'est l'âge du réalisme, ou, comme le dit Ast, du matérialisme. La troisième discuta les textes eux-mêmes, demanda des éclaircissemens aux mots les plus indifférens en apparence , et reconstruisit la grammaire et la syntaxe de chaque langue , de chaque dialecte, de chaque auteur ; alors paraissent les Tib. Heinsterhuys , les Valkenaer , les Ruhn- kenius, les Brunck, âge du jugement selon Creuser, du forma- lisme, d'après Ast. Enfin l'époque actuelle, résumant toutes les autres, joint la philosophie à la philologie^ le rationalisme au réa- lisme, et disons aussi le jugement au sentiment qu'il rectifie sans l'éteindre. Au moment où l'université de Louyain fut fondée , la première de ces époques ne luisait pas encore pour nous. La connaissance des anciens était presque nulle; on les citait bien quelquefois, mais rarement d'après les originaux; on s'en rapportait avec confiance à Boëce (■), à Isidore de Séville , etc. Vives se plaignait encore en 1531 des compilateurs et des abréviateurs , qui étaient (') Imprimé en latin et en flamand, à Gand, en i485, et en français, à Bruges, en 1477. De La Sema , Dict. bibl. choisi du XV^ siècle , II, 281 ; (Van Praet) Notice sur Colard Mansion , 3i. Tom. VII. 2 lo SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES cause qu'on négligeait de recourir aux sources en j&attant la paresse et l'ignorance dont les courtisans sont bien plus habiles , bien plus assidus de nos jours, a Ità nunc Hieronymus , Augus- tinus, Clirysostomus et prisci illi ac primi religionis nostrœ scriptores , non ex suis ipsorutn monumentis cognoscuntur , sed ex collectaneis sententiarum Pétri Lombardi ('), ex Catenâ aureâ divi Thomse , et aliis rapsodiis ejus notœ. Nacti sunt et medici siios decerptores flosculorum ex libris Galeni, Hippo- cratis , Avicennee. Consuit centones jureconsultorum Tribonia- nus. Detruncatus est Lutetiœ Aristoteles et traditus vix dimi- diatus.... ('■) ». Le latin d^ Alain de Lille était plein de pureté, d'élégance à côté du jargon que parlaient les prétendus savans. Cet auteur, vers le milieu du treizième siècle, cite Donat , qui à ses yeux n'était pas un grammairien , mais la grammaire personnifiée ; il parle aussi de Dindimus {^Didymus^ , d'Aristarque et de Pris- cien ; le tout peut-être sur ouï-dire ; mais par la suite il ne fut pas plus question de Donat et de Priscien que de Caper, Phocas , Diomède : le grammairien par excellence était Alexandre de Ville-Dieu; Servius , Acron , Porphyre , Festus , Varron , (■) Le pape Adrien VI, n'étant encore que théologien à Louvain , composa Quœs- tiones et exposidones in quartum sententiarum, Parisiis , Badins, i5i2 et i5i6, Romse , Marcellus, iSaa, fol. Ce livre a été mal cité par Kônig, Bibl. vêtus et noi'., et Oldoinus s'est trompé en disant, p. 3o6 de VAthenœ Rom. , qu'Adrien avait travaillé in quatuor libres sententiarum. (') De corruptis artihus , 1612, 8", lib. I, p. 49- Voici, par exemple, un livre qui donnait aux prédicateurs l'apparence de l'érudition en leur épargnant la fatigue des recherches : y^Mtori'fafei Aristotelis , Senecce , Boelii, Platonis, etc.,pro usu thematum prœdicatorum ad populum. Antv. G. Leeu, 1488, 4°' DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 1 1 Marcellus , se voyaient remplacés par Hugutio {^) , Papias , le Catholicon de Jean Balbi ou de Januâ le Brachilogus , le Grœcismus (=) , Jean de Garlandid (3) , etc. Ces ouvrages qui jouirent d'une longue et opiniâtre célébrité, qui luttèrent long-temps contre les manuels plus corrects ou plus élégans des restaurateurs des lettres, sont à cette heure totale- ment ignorés , quoiqu'il ne sqit pas inutile cependant de se former une idée des livres qui ont servi de guides à la jeunesse pendant plusieurs siècles , et qui lui ont été pour ainsi dire imposés , attendu l'influence qu'ils ont dû nécessairement exercer sur les habitudes subséquentes des esprits ainsi que sur le développement de leurs facultés. Une histoire philosophique des livres classiques dans les divers âges littéraires serait un travail digne de nos pen- seurs érudits. Il est traité avec détail des vieux glossateurs dans une disser- tation de /. Hollings mise au devant du trésor de Robert Etienne , imprimé à Londres^ en 1735 , et qui se retrouve dans les éditions de Baie, 1740, et dans le trésor de /. M. Gesner , Leipzig, 1749. (') Appelé Hugacio dans le premier chapitre de D'Oudegherst , par une faute que M. J.-B. Lesbroussart a conservée. (=) Per Ehrarduni Bethuniensem. Le Duchat, Remarques sur Rabelais , I, 90 , cf. Le passage cité dans le second Mémoire, p. i3, note 2. (') Vives, de corruplis artibus , lib. II, p. 73. Kah?,ixàv , uniuersale , lipa.xvXô'yoq , qui brevis est in sermone. Voici un passage d'Erasme analogue à celui de Vives : Num par esse judicas committere ut intereanl , tion dicarn Cicero , Quintilianus et hujus generis cœteri , sed Cyprianus , Hieronymus , Augustinus , ut pro his legatur Catholicon, Holcot , Bricot et Gorra. » De Conscrib, epist. I, 348; D. Robert Hol- kot , ou Holcoth , anglais , né dans le Northampton , religieux dominicain , mou- rut en i349' Bricot et Gorra sont des écrivains ejusdem farinœ. 12 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Le discours préliminaire du glossaire de Ducanye fournit aussi des renseignemens à cet égard. Le Catholicoîi de Jean de Gènes portait un titre à la mode ('), au moyen âge , et fut imprimé pour la première fois en 1460, à Mayeuce. Judocus Badius , d' Ascii en Brabant, le réimprima à Paris et y fit quelques corrections ainsi qu'il en avertit dans l'épître dédicatoire, adressée en 1506, à Adam de Kempen. Catholicon genuense, dit-il, opus sanè magnum ; minus tamen quam in fronte minari videtur , exhibens : cùm, m,ultis idfla- gitantibus , recognoscendum augendumque recepissem , cœpi accuratius singula adnotare , etc. Ce livre, qui n'est pas tout-à- fait aussi méprisable qu'on pourrait le croire, après quelques pages de grammaire contient Dictiones quœ sœpe iiiveniuntur in Bibliâ et in dictis sanctorum et etiam poetarum secundum ordinem alphabeti ordinatè subjunctœ. La première édition se divise en deux parties, la première qui se compose de 64 pages, comprend V orthographe , V étymologie , la diasyntactique et la prosodie. Le vocabulaire qui commence au mot Aima, et finit au mot Zozimus , occupe toute la seconde. Philippe Bosquet , dans ses notes sur le traité de Gerson , de laude scriptorum , prétend que malgré les critiques amères d^ Érasme qui trouvait la latinité de Balbi ridicule, le Catholicon n'était pas d'un petit secours dans les matières théologiques. De son côté Leander Albertus ayant à vanter les hommes célèbres de l'ordre des frères pécheurs , ne pouvait se dispenser de (') De même que les doctrinaux , les sommes, les miroirs , les fleurs , etc. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. i3 louer Jean de Gênes qui était dominicain, et il le loue en effet pour avoir ouvert la voie aux lexicographes venus après lui('). Érasme , qui était surtout choqué de la grossièreté des formes, saisit toutes les occasions de mettre en pièces le Catholicon , avec d'autant plus d'acharnement que les ennemis des bonnes lettres se retranchaient derrière des livres de cette espèce , quoiqu'ils commençassent à être remplacés par d'autres mieux conçus, mieux exécutés (^). Jean Balbi, noble génois, mourut vers l'année 1298. Papias , né dans la Lombardie, passe pour avoir vécu dans le même temps que lui ; d'autres néanmoins le font vivre un siècle plus tôt , mais la seconde de ces assertions n'est pas plus fondée que la première. Outre quelques épîtres, il a laissé un vocabulaire, qu'il intitule lui-même Elementarium doctrinœ erudinientuin, ouvrage où il y a autant de fautes que de mots au jugement de Jos. Scaliger (3). Quant à Hugutio ou Ugutio qui a été copié par l'auteur du Catholicon, il n'y a également que peu de chose à en dire. Il était pisan et devint évêque de Ferrare ; venu après Papias , il le meta contribution. On place sa mort aux environs de l'an 1212. Érasme ne l'épargne pas plus que les autres compilateurs de son (') De viris illust. ord. prœd., lib. IV. (^) « Deum immortalem! quas nœnias adducit ajfctor Catholicon c?e hacvoce tris- tegon (tristegiirn) ! ô miserum illud sœculum! qiium ex hujus modi lib ris , velue ex adytis , petebanlur oracula literarum! » Oper. ad acta apost. , 20, 9, V. 5ii , F. n. 10. u Jàm quanta insulsiîis , immà impudentiîis délirât super hâc voce (melota) quisquis Jïiit aucior operis insulsissimi quod vocant Catholicon! » Ad espist. ad Hehr. II, 37 ; VI, 1017 , E , n. 45. (3) Scalig. altéra, Groning. 166g, p. 177. i4 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES espèce. Voyez, par exemple, le dialogue de Thalie et de la Barbarie. « THA.LIE. Comptez toujours quand même vous n'en viendriez pas à bout. LA BARBARIE. Le premier de tous est le Florista , qui a emprunté son nom des fleurs. THALIE. Ce n'est pas des plus odorantes. LA BARBARIE. Vient ensuite Papias. THALIE. Très-docte en effet et que vous feriez bien de placer au pre- mier rang. LA BARBARIE. Puis Hugutio. THALIE. Excellent 1 LA BARBARIE. Puis Michael Modista. THALIE. Exquis ! DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. i5 LA BARBARIE. Puis Jacohus Glosarius. THALIE. Admirable!! LA BARBARIE. Et Johannes de Garlandiâ que je mettrais au-dessus d'eux tous, et qui se distingue tellement par l'élégance de l'expres- sion, par la sublimité des connaissances, que peu de personnes sont en état de le comprendre ('). » Ce fragment satirique est précieux en ce qu'il désigne les livres de grammaire et de théologie qui avaient la vogue aux Pays-Bas. Érasme est plein de traits pareils , et de ses écrits on extrairait un histoire littéraire de son temps presque complète. Ce Joannes de Garlandiâ , loué ici d'une manière ironique , était né en Angleterre 5 il fleurit sous Harold, vers 1040, mais Dom Rivet le revendique comme français. Ses synonymes et équivoques virent le jour à Cologne en 1490; quatre ans plus tôt un autre de ses écrits avait paru à Anvers (^). On se servait pareillement dans nos écoles du Mammothreptus , Mammotrectus ou Mammotractus de Jean Marchesini, imprimé par Pierre Schoeffer en 1470. Dans le Synodus grammaticorum , Erasme explique ce titre : Mammotrectus vulgo corruptè dic- (■) Erasmi Opéra, ï , 892. L. {') Johannis de Garlandiâ metricus de verbis deponentibiis libellus cuni commento . Antv. Ger. Leeu. i486, 4°- i6 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES tus , cùm vero nomme dicatur Mammothreptos , quasi dicas aviœ alumnum ('). Marchesini lui-même rend compte de l'éty- mologie de ce titre , dans son prologue : (c Et quia morem gerit talis decursus pœdagogi , qui gressus dirigit parvulorum , Mammotrectus poterit appellari. )) Martin Georges Christgau a consacré à ce livre un savant Mémoire propre à faire connaître l'état de la république des lettres aux temps de la découverte de l'imprimerie, et publié en 1740 (^). Le livre Ae Marchesini est destiné comme le Catholicon à faci- liter l'intelligence des Saintes-Ecritures, des hymnes sacrées et des homélies, mais ce n'est pas un dictionnaire ainsi que plusieurs se le sont imaginé. Il fut achevé en 1466. Rabelais ne Va pas oublié et l'a placé dans la bibliothèque fictive de St.-Victor, sous ce titre : Marmotretus de hahoinis et singis cum commento Dorbellis {^). Ailleurs il y revient , comme on a pu le voir au Mémoire précé- dent (4). Dans le dialogue ou Colloque cité tout à l'heure , Érasme fait encore mention de VOvidius per allegorias expositus , ce qui Sur J. de Garlandia , consulter , Hist. Litt. de Fr. , VIII , 85 ; A , Le Glay , Cat. rais, des MSS. de Cambrai, n° 867. (') Le nourrisson de l'aïeule fiAiJ.iJ.vi, avia , dpezrôç alumnus. Opéra , l, 824 — 25 , F— A. {') Martin. Georg. Christgau Commentatio historico-literaria de mammotrecto , statumrei literariœ circa inventa; typographiœ tempora illustrante , Franco/, ad Via- dram , 1^4° 1 4°- Voyez La Sema Santander, Me'm. sur l'origine et le premier usage des signatures et des chiffres , tom. II , p. 278 de l'Essai de Jansen sur l'origine de la gravure , etc. (') Pentagruel , ch. VII. (4) Pag. i3, 2 note. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 17 rappelle involontairement V Ovide en belle humeur de Benserade. Cet auteur, traduit par ColardMansion, parut à Bruges en 1484, in-folio, avec les moralités de Thomas Waleys .('). On l'a remarqué : les anciens auteurs latins étaient à peine connus , -encore moins savait-on en apprécier le mérite relatif. Henri de Gand qui mourut en 1293, dit que de son temps V AlecGandréide de Gautier de Lille, surnommé de Châtillon, leur était préférée dans les écoles (^). Cependant les épîtres familiaires de Cicéron furent imprimées à Louvain vers 1476, Juvénal et Perse en 1475, les Bucoliques et les Géorgiques de Virgile la même année, dans la même ville, l'Enéide en 1476, quelques (') (Van Praet) Notice sur Colard Mansion , 23 et ^o. Notre savant confrère y a insère' la liste des impressions de ce célèbre typographe , à laquelle il a joint un^ac- simile de ses divers caraétères. Je n'y vois rien de pareil à ceux de deux pièces que j'ai entre les mains et dont une du moins a e'té , selon toute apparence , im- primée à Bruges en 1488 , temps auquel on ne connaît pas dans cette ville d'au- tre imprimeur que Colard Mansion. La première est un cahier de trois feuilles in-folio dont la première page porte : Bit is ghemaecht te Brugglie Int iaer ons Heere duysent vier Hondeit acht en taGhtentich Deu Sestiensten dach in meye. C'est le pardon accordé aux Brugeois par Maximilien , roi des Romains. Le carac- tère gothique en est beau, ferme et régulier. L'autre pièce est un placard in piano d'un caractère plus petit; c'est l'interdit jeté sur ceux de Flandre par le pape, en 1488. Le papier de ce placard a pour marque un cœur couronné, et du-dessous les lettres D. K. Nouvelles archiv. histor. des Pays-Bas, VI, 78. {f) « Qui liber in scholis grammalicorum tantœ dignitads est hodie , utpree ipso ve- terum poetarum lectio negligatur. » Henricus Gandavensis apud A. Mirœum , Bibl. Eccl. , i65 , Archiv. Philol. 1 , 8. Tom. Fil. 5 i8 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES écrits de Lucien, en 1500, le poëme de Claudien sur l'enlève- ment de Proserpine à Utrecht vers 1473 , Vegèce, dans la même ville vers 1473 ('), etc. Chose étonnante! dans les différentes bibliothèques de Bourgogne , dont M. /. B. Barrois a offert les catalogues au public avec tant de goût, de désintéressement et de magnificence [^) , on ne rencontre la désignation d'aucun texte des écrivains latins ou grecs de l'antiquité, quoique ces bibliothè- ques fussent des plus célèbres de l'Europe ! Pour en revenir aux livres didactiques destinés à l'enseigne- ment des langues, on usait encore dans les classes, au commen- cement du seizième siècle , du Glossarium latino-saxonicum de l'anglais Aelfricus, du dictionnaire de Salonion, abbé de St.-Gal, ensuite évêque de Constance , du Guilielmi Britonis , ordinis fratrum minorum opusculum difficilium vocabulorum Bibliœ , de la grammaire de Maximianus , du partionale et combinale qrammaticœ et de Guidonis de Fontenaïo , Biturici, magna synonyma , grammaticœ regulœ , epitheta , differentiœ vocabu- lorum (^) , mais nous ne voudrions pas assurer que ces derniers écrits , en usage en France , en Allemagne , en Angleterre , fussent aussi répandus en Belgique. L'on s'y servait certainement d'un vocabulaire latin-flamand, très-curieux, dont nous ignorons (') La Sema , Dict. , Maittaire , éd. de 1798 , 1, 5i i — 524. (2) Bibliothèque protypographique ,Vavis , i83o, in-4°. M. Barrois qui cultive les lettres pour elles-mêmes et leur consacre une partie de sa fortune , s'occupe en ce moment de la publication de la partie inédite des Mémoires historiques de Robert Macquereau. Si la chambre des députés de France dont il faisait partie , a sujet de déplorer son absence, la littérature s'applaudira de l'avoir enlevé à la politique. (') De Causis corruptœ latinitatis in Cangii Gloss. , I , XLI — XLVII. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 19 l'auteur, et qui fut imprimé à peu près en 1477 à Louvain, par Jean de Westphalie('), ainsi que du Gemmula vocabulorum (^) et d'un recueil de Carolus Virulus ou Charles Manneken , sur l'art épistolaire (3). Virulus fut régent à Louyain, pendant 56 ans de la pédagogie du Lys, dont nous parlerons plus bas et dont il peut être regardé comme le fondateur. Il y mourut en 1493, octogénaire (4). Dans ses leçons, il se servait de ses formules, (^Érasme censure avec raison pour leur barbarie. (( Déjà, » écrit- il, (c en Italie la saine littérature avait commencé à renaître, quand on lisait encore à Louvain, avec applaudissement, les épîtres d'un certain Virulus qui gouverna pendant longues années la pédago- gie du Lys ; épîtres que présentement personne ne daigne prendre entre les mains. )) Ce passage se trouve dans le traité de Conscri- bendis epistolis (^), qui parut, pensons-nous, en 1522. Une grande révolution s'était donc accomplie dans l'espace de peu d'années. (') La Serna , Dict. bibliogr. , III , 466. (2) Imprimé à Anvers, en 1488, par Gérard Leeu ; ib. , 1494? par T. Martens. (3) Caroli Viruli Formulas epistolares , Lovanii , Conrardus de TVestualia , i^n6 , ï" decembris , fol. Cette édition est calquée sur celle de Jean Veldener, imprimeur de Louvain, exécutée la même année et qui est la première. La Serna, o. c. III, 455 , 457- Foppens se trompe en croyant que les Formulœ ont été imprimées pour la première fois en i48a , Bibl. Belg. , I, i63. Il y a des éditions de Paris , 1490, de Deventer , i5o3, etc. (4) Fasti Acad. , 261. (5) 1 , 353 , B — D. Ce jugement est intercalé entre les deux passages qui suivent : « Mœc prodigiosa barbaries illi sœculo imputanda est , quo prorsus extinctis omni- bus bonis literis , impure regnabat inscilia , publiée simul ac privatim : quum gravis et copiosus auctor esset Mammœtrectus , opulentum quoddam copice cornu Catho- licon Apud Hollandos ; orbis lumen habebatur Engelherlus quidam, qui suis 20 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Quoi qu'il en soit , Virulus n'était pas sans avoir quelque idée de pédagogique et de l'art de se mettre à la portée des jeunes intelligences en se faisant petit potu" elles , comme Jésus dans l'Évangile. Vives trouve qu'il n'était dépourvu ni de moyens naturels, ni de zèle, mais qu'il lui manquait le temps et le lieu. Ayant sous sa conduite une multitude d'enfans que leurs parens et leurs proches, gens de toutes conditions, venaient souvent visiter, il était obligé de converser avec ces étrangers, et de les inviter à sa table , selon les habitudes hospitalières du pays. Quelques heures avant le repas il s'informait avec adresse des matières dans lesquelles ses convives étaient le plus versés. L'un était matelot, l'autre soldat, celui-ci laboureur, celui-là maniait le marteau, l'alêne, ou la truelle du boulanger. Alors il lisait ou méditait quelque chose sur chacun de ces métiers. Ainsi préparé il s'asseyait à table, mettait ses hôtes à l'aise en leur parlant d'ob- jets qui leur étaient familiers, en obtenait dans quelques minutes des renseignemens qu'il n'aurait jamais eus sans cela , donnait à son instruction un caractère plus pratique et remportait dans la classe avec plus de bonhomie et de gaieté , moins de pédan- tisme et d'estime pour les futilités sérieuses ('). epistoliis nihil aliud docebat pueros , quant inepte scrihere- » Il s'agit sans doute d'Engelbertus Cultificis ou Mesmakers , de Nimègue , fondateur et premier prieur du couvent des Dominicains à Zwoll , et mort environ l'an i^^i. Foppens , Bibl. Belg. , 1 , 262. Dans le Polyhistor , de Morhof , il y a un chapitre exprès sur les écrivains épistolaires , et où des éloges mérités sont donnés à Érasme. Luhecœ , 1747, I, 279. (') Vives , de tradendis dise. , lib. IV, ubi suprà , 336. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 21 L'Ars epistolandi (') de Fr. Niger le disputait aux formules de Virulus. Nous allions nous rendre coupables d'une grave omission en passant sous silence le Doctrinale puerorum ^Alexandre de Villedieu autrement nommé Alexander Gallus ou Dolensis , dominicain breton du treizième siècle, dont la grammaire a été imprimée plus de cinquante fois seulement dans le premier âge de l'imprimerie. Il est donc aisé de la consulter. Nous dirons seulement qu'elle se divise en douze parties ou chapitres : 1. Déclinaisons. 2. Noms hétéroclites ou irréguliers. 3. Degrés de comparaison : positif , comparatif, superlatif. 4. Genres : masculin, féminin, neutre. 5. Conjugaisons. / 6. Verbes irréguliers ou anomaux. 7. Modes des verbes déterminés. 8. Régime des mots. 9. Construction. 10. Règles de quantité pour la versification. 11. Acceus. 12. Figures grammaticales. Cet ordre est encore , à peu de choses près, celui que l'on suit actuellement, et les vers de cette grammaire ne sont pas plus mauvais que ceux de la grammaire de Port-Royal et de la géo- graphie artificielle du père Bujjier. Mais c'est dans le détail des (') Antv. Ger. Leeu , 1489 , 4°- 22 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES règles que Villedieu est vraiment barbare ('). Son livre a tous les défauts de ceux qu'on vient de mentionner : diffus et incomplet , hérissé de futilités difficiles, manquant de liaison et de suite, substituant au latin antique le jargon du cloître , n'annonçant aucun but pratique, ressemblant, en un mot, à la plupart des règles monastiques dont le sentiment religieux, l'intention morale, l'enthousiasme, la gravité, firent insensiblement place à de pué- riles formalités, à des observances vaines. Or, tous les écrits dont nous avons parlé furent rédigés dans des couvens ou monastères : ils devaient se ressentir de leur origine. Pour avoir une idée de la manière dont on instruisait les enfans dans les écoles flamandes , on fera bien de consulter : Opus minus prime partis Aleooandri cum questiunculis de optimis moribus et virtutibus interposais , etc., Antv., Michael Bellen de Hoochstraeten , 1511,4°, dern. sing. Qui. On lit au commencement : Modus erudiendi pueros in hac prima parte Alexandri observandus. (c In prima lectione hora sexta mane pueri dUigenter textus )) suos prime partis memoriter reddere sciant. Deinde commen- )) tum intus prima vice légère et intelligere curent, prseterea (') Le grand d'Aussy passe en revue divers e'crits intitulés Doctrinal et s'occupe spécialement de celui d'Alexandre , Notices et Extraits , V, 5i2 — 54 !• Cf. Meyeri Annales , éd. prima , log. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 25 » vocabulorum significationes : et de moribus questiunculas » preceptores pueris diligenter déclarent pro quo mercedem non )) modicam ab altissimo récipient. Hora nona sciant per intel- » lectum reddere minores congruitatum régulas. Deinde majores )) régulas optimas cum practica quœ in opusculo quintupartitio )) grammaticali compendiose et lucidissime absolvuntur. Quibus )) auditis dum aliquid jam sapiant alternatim parvam materiam )) in vulgari lingua dictis regulis respondentem habeant illamque )) ex vulgari in latinum juxta régulas auditas traducant et se- )) quenti die eadem hora reddent. Alia hora, puta facto prandio, » septeni vel octeni petitiones sub pena faciant , in materiis )) auditis, mutuo querendo, disputando una septimana in regulis )) minoribus et majoribus ; alia in textu et ejus commente : et in » questiunculis de moribus ut infra notatur per dictas. Hec enim V vexatio mirabilem dabit pueris intellectum , redditque eos « promptos, exercitatos et audaces, preterea latine loqui as- » suescent : rationibus arguere et causas defendere inardescent. )) Proque Victoria atque gloria obtinenda multo ferventius stu- » dendo laborabunt. Alia hora post petitiones in regulis dictis )) audiant. Hora quarta aut quinta in alio capitulo de preteritis » scilicet verborum et supinis fiât auditio. Hec sub correctione )) magistrorum meorum dicta sunt ut ipsi vel aliquid addant aut » mutent, prout pro loco, tempore aut qualitate puerorum expe- » dire viderint. » Ces conseils, qui ne sont pas dénués de bon sens, sont suivis d'une espèce d'emploi du temps, jour par jour, pendant cinq semaines. On a imprimé aussi à Anvers : 24 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Opus minus secunde partis Alexandri introductorium ad opus majus ejusdem perutile. Antv. , Henricus Eckert de Hom- berch, 1504, 4°, dern. sign. Rij. Cette édition contient des avis analogues à ceux qu'on vient de lire, et les règles grammaticales y sont appuyées par des exemples indiqués ainsi : Scriptura. . . , Gregorius.. . , Virgilius ..., Therentius... , Cicero..., Horatius... , Psalmus in Evangelio... , Boetius..., Salustius... , Ovidius , Cato... , Plautus... , etc. Alexandre de Villedieu qui avait détrôné Priscien, se vit dé- trôné à son tour par Jean Despautère de Ninove, mais ce ne fut qu'après une vigoureuse résistance. Le grammairien flamand pas- sait pour un usurpateur, et il fallut bien du temps pour le légitimer aux yeux des partisans de son rival. Dans une épître à Martin Dorpius et à Nicolas de Bois-le-Duc, datée du 10 juillet 1513, et mise au devant de sa syntaxe (') , il fait ses doléances sur l'ex- travagante opposition qu'il rencontrait. Il faut lire aussi sa récri- mination contre un de ses adversaires (^) et la préface de la pre- mière partie de la grammaire (^). Despautère qui blâme avec raison l'effroyable prolixité de son prédécesseur, ne s'est pas contenté lui-même à moins d'un gros in-folio. Ce qui força Sébastien Novimola, autrement Niemeulen, (') Parisiis , Rob. Stephanus , iSS^, fol. 182 — 183. (=) Ib. 599. (3) C'est dans cette préface qu'il dit : « Post linguce ladnœ à Gottis (sic) reliquis- que barbaris miserabiliter laniatœ ac propemodum extinctœ , per neotericos instau- rationem a divino numine prœstitam , Alexandri Doctrinale doctissimo cuique visum est puerorum lectione indignum , lUpote ?iimis tenebrosum , citra utilitatem prœlon- gum , plerumque etiam barbarum , insufficiens etjalsum. » P. 24. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. aS de Duysbourg, d'en publier un abrégé à Anvers et à Cologne en 1539, et Gabriel Prateolus ou Dupréau , à Paris en 1562; ib. 1601 , 8°. Adolphe de Meetkercke et Fr. Nansius de Bruges en firent un épitome plus commode et rédigé dans un meilleur ordre, en y ajoutant des vers pour aider la mémoire. Ce livre parut chez Plantin, en 1571, in-4°, mais sans le nom des auteurs. On a de Huhertus Sussannœus , collectanea in fi,guras Despauteri , Paris, 1543,8°. Livin Crucius ou Van den Criiyce , d'Audenarde , donna une édition de V Oi^thographia Despauteri , Parisiis, typis J. Badii, 1530. L'art épistolaire {ars epistolica) fut imprimé dans la même ville chez Vascosan, en 1536. Ce genre d'ouvrages, comme nous l'avons vu , obtenait la vogue. Les moyens de faire correspondre les hommes entre eux étaient de jour en jour plus recherchés. De toutes parts on tâchait de sortir de l'isolement intellectuel qu'avait entretenu l'état politique de l'Europe. Le meilleur des abréviateurs de Despautère est Simon Vere- pœus de Dommel en Brabant, et on l'emploie encore de nos jours en Belgique dans nombre de collèges ('). (') Verepaeus dans sa préface datée de l'année iSGg, dit : Cum inslitutiones hœ grammaticœ superioribus annis, ob rabidum martis furorem atrocissime tune temporis in Belgio nostro sœvientis , pariim adhuc tîim exposilœ in lucem prodiissent : et ta- men intelligerem eosdem Jion mullo post , in célèbres Germaniœ scholas et acade- mias jamesse receptas , atque etiam à Belgis passim in scholis enarrari: hoc multorum judicio incitatus , ïd nostri esse muneris existimaui , ut easdem elimaliores paulà in publicum proferrein. Tom. Fil. . ' 4 26 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Despautère avait étudié à Louvain dans la pédagogie dite du Castrum ou du château. Là il eut pour maître Jean Custos ou De Coster de Brecht, auteur lui-même d'une grammaire qui coûta tant de larmes à Juste Lipse et sans doute à bien d'autres ('). Il sortit de ce collège maître-ès-arts en 1501, et obtint le qua- trième rang à la promotion de cette année. Il enseigna ensuite dans le collège du Lys d'où De Coster sortit premier en 1 496 , puis il ouvrit des écoles successivement à Bois-le-Duc , à Bergh- St.-Winox et à Commines, dans lesquelles il forma plusieurs élèves qui se signalèrent plus tard par leurs talens littéraires (^). Une fois en possession, Despautère ne fut pas moins difficile à expulser qu'il ne l'avait été à introduire : on eût cru que chacun le mettait sous la protection des souvenirs du premier âge et que la maturité lui tenait compte même des dégoûts dont il avait abreuvé l'adolescence. D'ailleurs l'esprit de routine qui est com- mun à presque tous les hommes grands et petits, est une des plus fortes raisons de stabilité et fait vivre longuement jusqu'à ce qui paraît n'avoir en soi aucun élément de persistance. Ce grammairien n'est point compté parmi les chefs de la ré- (') De J. Lipsii vita et scriptis commentarius , p. lO. G.-J. Vossius , Lalinœ gramm. prœm., raconte que des personnes conside'rables avaient engagé J. Lipse à rédiger une grammaire, lui assurant qu'on la ferait rendre classique dans toutes les écoles des Provinces-Unies , par un décret des états-généraux. Sed à genio sito impetrare nonpoterat, ut se demitterel ad tetricas hasce minutias , pueritiœ captai accomodandas, (a) Bihl. Belg. , II , 627 , 623 ; (J.-L. Bas.) Catalogus omnium primorum in générait et solemni philosophiœ et artium promotione , etc., Mechl. 1824» in- 12, p. 19. La promotion de Despautère n'y est point marquée à l'an i5oi. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 27 forme littéraire qui s'opéra vers ce temps, quoique l'on con- vienne qu'il rendit d'utiles services à la cause de l'insurrection de la pensée contre le despotisme de l'ignorance. Il sera nécessaire de reprendre les choses d'un peu plus loin. En 1381 les ducs de Brabant JVenceslas et Jeanne rendirent, concernant les écoles de Bruxelles, un édit qu'on trouvera dans les pièces justificatives sous la lettre B. Dans cet acte où l'on reproduit un édit du duc Jean III , on voit que les écoles étaient divisées en grandes et petites , les unes destinées aux garçons, les autres aux filles. Mais les parens qui avaient des enfans des deux sexes pouvaient choisir les unes ou les autres. Ces écoles très-peu nombreuses , étaient sous la surin- tendance de l'écolâtre de S*<^-Gudule ou du recteur commis par lui. On n'y enseignait que la grammaire, la musique et les bonnes mœurs. Toutes nos grandes villes en avaient de pareilles, mais ceux qui les fréquentaient auraient pu dire : quod scio prodest nihil, idquod nescio, ohest. La réforme se préparait ailleurs. En effet, depuis Gérard de Groot (*), au milieu du quatorzième siècle, il s'était formé à Deventer une école destinée à faire revivre aux Pays-Bas, et même dans une grande partie de l'Allemagne , le goût de l'antiquité qui venait, pour ainsi dire, d'être retrouvée en Italie. Cette école a été (") En 1827 , la société provinciale d'Utrecht , qui a bien voulu inscrire notre nom sur ses registres, proposa, pour sujet de prix, l'histoire de l'institut des frères de la vie commune fondé par Gérard De Groot (Geert Groete) ou Gerardus Magnus : sujet digne d'être traité par les littérateurs les plus habiles. 28 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES louée par Duinbar avec cet enthousiasme de panégyriste qu'on a bien de la peine à ne pas suspecter. ZwoU avait aussi son institution littéraire , mais elle jouissait d'une autre espèce de célébrité, par son attachement aux vieilles méthodes, par son respect fanatique pour les traditions de la gothique ignorance de nos ^ères. Érasme, qui parle avec estime de Deventer_, se moque de Zwoll ( ' ) quoique le pape Adrien VI y ait étudié , dit-on , les rudimens de la langue latine , sous Antonius Liberus (^) , et que Thomas à Kempis ait pu exercer de l'influence sur cette école ; en effet Meiners et Heeren assurent que Rodolphe Agricola reçut sa première éducation à Zwoll sous Thomas, et M. H. A. Erhard le repète (^). L'auteur de Vlm^itation de Jésus-Christ {^) , étudia lui-même dès l'âge de treize ans à De venter, ville que le jésuite Rosweyd, par une dénomination trop souvent prodiguée , appelle (') Dans le dialogue de Thalie et de la Barbarie , déjà rappelé, Érasme fait réciter ces lignes mesurées à la maligne déesse : ZwoUenses taies , quod corum theutonicales Nomen per partes ubicunque probantur et artes , Et quasi per mundum totum suDt nota rotundum , ZwoUensesque solo proferre latinica solo Discunt clericuli nimium bene verba novclli, etc. Opek. I, 893, a, B. (î) Hamelmann. Oper. I , lxxxix , cclxxxv , cccxxiii , cccxl , et les notes de C. Bur- mann, sur la vie d'Adrien, par G. Moringus, Analecta hist. de Hadr. VI, 5. (') Meiners, Lebensbeschr. , Zurich, 1796, II, SaS. — Heeren, Geschichte des studiums , etc., Goettingen , 1801 , II, iSî. — H.-A. Erhard, Gesch. des fViede- raufbluehens wiss. bildung , Magdeb. 1827 , I, 374- Voy. ci-après p. 29 , n" 5. (4) Malgré les efforts du savant M, Gence , nous croyons cet ouvrage bien acquis à Thomas à Kempis. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 29 l'Athènes de la Germanie inférieure ('). Le petpe Adrien y acheva également ses humanités , car on peut concilier l'assertion de Vernulœus avec celles de Valère André et de Moringus (^). Dumbar donne une longue liste des élèves distingués sortis de cette école. Il en expose ensuite la discipline intérieure , nomme ceux qui la dirigèrent et transcrit un long passage d'un discours prononcé par Perizonius en 1708, discours où la rhétoricpie a, selon l'apparence, fardé la vérité (^). Trente-six ans après la publication de l'ouvrage de Dumbar, Eioervinus Wassenbergh mit au jour ime harangue de Urbe Daventria, eruditionis in Belgio maire et conservatrice celeberrima (4). L'école de Deventer dut un grand éclat à Rodolphe Agricola ou Huesman (^) qui, par l'ascendant de son exemple et l'influence (■) F'ita Thomce à Kempis , p. 1 08 , à la fin des Vindiciœ Kempenses , Antv. , 1 62 1 . Melchior Adam dit de cette école : Ludus ea œtate in illis gentihus celeberrimus. Cf. Durand , Hist. du XVP siècle , 1 , 1 7 1 ; De Burigni , Fie d'Érasme , 1 , 14. (0 Vernulaeus , Acad. Lov. , 1667 , 4° ) P- ^^^i ^ibl. Belg. , I, 22. (') Het herkelyk en wereltlyk Deventer , etc. , door Gerhard Dumbar, secretaris der stad Deventer, 1782 , fol. pp. 3o3 — 3o6. Voyez à la fin de ce Mémoire, Piècts justificat. , litt. A. (4) Daventriœ , 1 768 ; 4''- (5) Le Franciscus Agricola , qui figure dans les troubles de Flandre au XIV" siècle, s'appelait Fr. Ackerman. Sur R. Agricola, consulter J.-F. Schoepperlin , Epistola de Rud. Agricoles, meritis in elegantiores literas , Jenae, 1753," 4°- — Oudheden van Groeninge , fol. SSg. — Chr. Meiners, Lebensbeschr. ber. maenner, II, 332. — J.-G. Eichorn , Geschichte der litteralur von ihrem ansang bis atif die neusten zei- ten , tom. II, P. 2 , p. 627. — /. Bruckeri Hist. crit. philos. , 2' éd. , IV , 35 — 3g. A. Teissier , Les éloges des hommes savans , Leyde , 1715 , 1 , 219. — Mirœi Elogia , Antv , 1602, 12", 126. — Saxii Onomasticon, II, 47° ^t Analecl., 597; — Pope Blount , Censura. — Clément , Bibl. , 1 , 78. — Sanderus , Bibl. , MS. , 1 , 212, 243 , II , 172. — Suffrid. Pétri , De script. Frisiœ , dec. VIII , c. 4- — Bayle , Dict. crit. 3o SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES de ses disciples , força l'université de Louvain à prendre part au mouvement qui s'opérait dans la république des lettres. Cet homme extraordinaire dont nous parlerons plus en détail dans une bio- graphie choisie des savans qui ont appartenu à notre université , après avoir reçu en 1465 le bonnet de maître-ès-arts au collège du Faucon, et obtenu le titre tant célébré de Pritmis (') qui fait encore la gloiie de la vieillesse de quelques-uns de nos prédé- cesseurs, alla en France et en Italie. A Ferrare il entendit Théo- dore Gaza (2) expliquer Aristote , devint un helléniste habile , prit — Hoeufft, Parnasus Latino-Belg. , p. 2. — Ph. Melanchton , Orat. de vita Agri- coles, etc. En 1828, l'université de Groningue mit au concours l'éloge de R. Agricola , Narratio de vita et scriptis Rodolphi Jgricolœ ; MM. Pie Namur , de Luxembourg , élève de l'université de Louvain , et M. T. -P. Tresling , étudiant à celle de Groningue , obtinrent une mention honorable. Le dernier a fait imprimer son travail sous ce titre: Kita et mérita Rudolphi Agricolœ , Groningœ , M. Smit , i83o, in-S", de XIV et io3 pp. Nous en extrairons la note suivante qui est à la page 67: II Cl. Heeeen, Geschied. derclass. lilerat. gedurende de middeleeuwen , vertaald doorM, E.-G. Lagemahs, tom. II, p. 172 et 178, atque Cl. Van Swinderen, Maand- schrift, caet. p. 280, qui Meikers , Lebensbeschreibungen beruehmter maenner, Secutus esse videtur , scripserunt Agricolam Thomam a Kempis prœceptorem ha- baisse. Hoc magis conjecisse , quani certo certius accepisse viri clarissimi mihi viden- iur, quia nuspiam apud alios scriptores de hac re mentiojit. Credo potius Agricolam , Groninganœ scholœ , illo tempore nondum prœclarœ , discipulum fuisse. Si enirn in inclytis sanctce Agnetis Jralrum œdibus literarum principia didicerat , hoc certe scriptores non prœtermisissent. Nimirum , Thomas a Kempis v'el Van Kempten ( pro- prie Thomas Haemmerlain iiVe Malleolus ) , tanlamjamam consecutus est , ut om- nium nostratium in mentibus versetur ac vehementer laudetur. (') Catalog. omnium primorum , etc., i5. (^) Dans notre De J. Lipsii vita et scriptis commentarius , qui fait partie de la collection de l'Académie , au lieu de Theodori Gazce , p. 4 > on a imprimé T/ieodori Bezœ , ce qui est bien différent. Ces gaucheries typographiques ne DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 5i le goût de la belle littérature dans les écrivains des bons siècles, et mérita l'éloge que lui a donné Ramus d'avoir développé dans les jeunes gens la faculté logique plutôt que la vertu parlière , comme s'exprimait l'auteur des Essais , en ne se contentant pas de leur expliquer les poètes et les orateurs d'une manière pure- ment grammaticale, mais en leur apprenant à réfléchir sur les maximes et sur les faits (■). (c Nous prenons en garde les opinions V et le savoir d'aultrui, et puis c'est tout ; il les faut faire nostres. )) Voilà ce que disait Montaigne (2) et ce que se proposait Agricola. Il apprit ensuite l'hébreu , mais auparavant il revint dans son pays où il donna des leçons de grec à Alexandre Hegius , régent de l'école de Deventer (3). Celui-ci continua son maître, et intro- duisit le premier aux Pays-Bas l'enseignement classique de la littérature grecque, si profondément ignorée qu'avant lui l'on disait proverbialement, chaque fois que l'on rencontrait des ca- ractères grecs grjEccot est non legitur. Hegius, plus désireux de former de bons élèves que de réputation , n'a presque rien sont pas un des moindres incouvéniens attachés de la profession d'hommes de lettres , et elles sont surtout difficiles à e'viter, lorsque, comme nous, on n'habite point le lieu où l'on fait imprimer ses ouvrages. (') Oratio de conjungenda eloq. cum philos. , apud Bruckerum , IV , Sg. (') Essais, liv. I, ch. 24. C'est la réponse à ce vers grec, conservé par Stobée et allégué aussi par Montaigne : (') Melchior Adam , I, 12. — Saxii Onomaslicon , \l, 487. — Eichorn , o. c, tom. III , P. II, 883. — Jacobi Revii Bavenlriœ illust. lih. FI, Lugd. Bat. , i65i . 4", r2g — i3o. Revins dit qu'Hegujs dirigea 36 ans l'école de Deventer et la Bibl. Belg. seulement 3o. Il devait yavoir dansce même temps des écoles assez consi- dérables à Anvers , puisque le magistrat de cette ville en oiFrit la direction à Agricola , qui refusa de l'accepter. 52 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES écrit ,mais il a fait beaucoup écrire et bien. C'était vraiment du latin qu'on apprenait dans son école. Par malheur les améliorations ne se font que lentement ; Hegius malgré son mépris pour la barbarie, dut composer, en quelque façon, avec elle, ainsi que /. Zinthius (') son collègue, et lorsqu'^'rasme étudiait à Deventer, on y lisait toujours Ebrard, sans doute l'auteur du Grœcismus, et Joamiis de Garlandid (^). L'élan n'en était pas moins donné. L'alarme se répandit dans Louvain, toute cette littérature pro- fane, tout ce beau langage, toutes ces nouveautés, disait- on, allaient infailliblement altérer la pureté de la foi. Le moyen d'ail- leurs d'être un bon théologien et un grammairien habile (^)! Appeler barbarie la science en honneur n'était-ce pas bouleverser le monde entier ? Il n'y avait rien de bon à augurer de ces pré- tendus réformateurs; partant anathèmes. Ce n'était pas au fond si mal raisonné. Il est certain que si les bonnes lettres , loin de nuire à la vraie religion sont pro- pres à en relever la sublimité, elles devaient nécessairement (') Ou Joannes Seinthemius , comme l'appelle B. Rhenanus, congre gationis Sancti Hieronimi DaPenlriœ. On imprima de ce professeur en i5o4 (typis Badii ) , Com- mentarii grammatici in doctrinale Alexandri. M. Jansen cite , sous le rapport calli- graphique , Dicta prime partis Alexandri Joannis sytithen , Daventrice. Richard Paffroed, circà i497î ^°- Essai sur la grav. , II, loo. {') Il Ea schola tune adhuc erat barbara : prœlegebatur Pater meus, exigebantur tempora , prœlegebatur Ebrardus et Joannes de Garlandia , nisi quod Alexander Hegius eî Zinthius cœperant aliquid melioris literaturœ invehere.n Infronte, tom. I, operum. Compendium vilœ D. Erasmi. ' Q) Quoties mihi, raconte Vives, Joannes Dullardus ingessit ; quanta eris melior grammaticus , tantô pejor dialecticus et theologus .' De Causis corr. Artium , lib. II , p. 'jT.. Jean Dullaert , ne' à Gand, devint professeur au coUe'ge de Beauvais , à Paris. Bibl. Belg. II ,633. A, Sanderus , De Gandv, erudilione claris , 70. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 33 porter un coup mortel à la religion telle qu'un grand nombre l'entendaient alors , et par conséquent renverser leur fortune et leur crédit. En effet , à la renaissance des lettres deux faits se manifestent, deux faits dont le second peut-être n'a pas été bien observé. Dégoût de la science actuelle , enthousiasme pour l'antiquité nouvellement révélée, et, par conséquent, point de libre examen en matière de littérature ancienne; mais en même temps indépendance de la critique dans les choses de la vie par suite de la comparaison de la société grecque et romaine avec la société moderne , et de la fermentation qu'excitait dans les esprits une foule d'idées et d'impressions inattendues. FIN DU TROISIÈME MÉMOIRE. Tom. VII. as9aaaoo8»aa9999e9e3aa3eaooa9a9«89eo9a9e9099eoao9oaos909eo99ao9ea999oeeoo PIECES JUSTIFICATIVES. LiTT. A. Ecole de Deventer. — Extrait du discours de Perizonius dont s^ appuie Dumhar et qui est allégué plus haut, page 28. At non siverit id debitus patriœ amor , ut harum terrarum , ut Daventrije quondam mese mentionem turpi hîc involverem silentio. Ea enim est undè lumen affulsit, quod paulatim in flnitimas se urbes et regiones longé latèque diffudit , atque ipsum tandem Erasmum, decus nostrum et ornamentum praeci- puum , suo illustravit splendore. Etenimi eodem tempore , quo Peîrarcha jàm senex secundâ omnium existimatione celebrabatur , Gebhardus Grotius ( Geert Groot ) , seu, quo nomine notior est , Gerardus Magnus , consulis Daventrien- sis p^erneri Groftï filius, redux jàmdudùmex Academiâ Parisiensi , quum cœlebs esset et ecclesiae devotus , Sodales instituit seu Fratres, ut dicebantur , communis vitoe , qui utiles quosque veterum. libros non ipsi tantùm legerent sed et in usum juvenum studiis operantium , sœpiùs describerent , atque ità copiam eorum desirantibus , sed maxime pauperibus , facerent. Quippè quum nobilissima ars œneis literis scriptores excudendi et in multa spargendi exemplaria , nondum esset reperta , ex hoc instituto prodiêre quàm plurimi qui deinceps prœcipuas in bis terris scholas tenuerunt, aut idoneis ingenii ac diligentise suœ monumentis, quasi signum quoddam ad capessendum alacriter dignum animorum cultum , primi hîc locorum extulerunt : quin ipsa illa bonarum artium gymnasia per totam ferè Belgicam et Westphaliam , quse ingenti tune simul adolescentium numéro et egregiâ floruerunt disciplina , bine potissimùm sunt profccta. Daventriense enim verô prae cœteris commune quoddam Belgicas tune Athe- nœum aliquot millia juvenum undiquè accurrentium sinu suo excepisse ac formasse aliquando tradltur. Nunquàm tamen magis ad famam latissimè spar- 36 PIÈGES JUSTIFICATIVES. gendam insurrexit , quàm qnum Alexandrum Hegium , suum qnondam alum- num , sibi habuit prœfectum. Ille enim est qui grœcas in hâc orbis terrarum plagâ literas , ab Rudolpho Agricolâ acceptas , excitavit primus ; ille ad quem potissimùm tanquàm professorem humaniorum literarutn hîc unicum et tacito omnium quasi consensu , ex opidis et regionibus variis adolescentuli mitte- banlur à suis , aut proficescebantur ultrô : ille , qui non tantùm propriis doctrinse et ingenii laudibus sed ipsorum etiam discipulorum gloriâ , omnium exsuperavit famam. Ex Isocratis ludo meros artis oratoriae principes extitisse ait Cicero : Hegiies. disciplina in publicum literati orbis theatrum prodierunt com- plures , cùm prœcipuae dignitatis viri , tùm varias erudltionis principes. Ab eo enim, ut paucosmemorem, scientiae atque adeo fortunée su ae prima hauserunt initia Ultrajectinus ille Adrianus , pontificatum dein maximum evectus , Erasmus porrô Roterodamus omnium sui temporis eruditorum facile primus ; He-nnannus Buschius , yir nobilis ex Monasteriensi diaecesi , qui Heidelbergae , LovANii , Lipsiae , Marpurgi eloquentiam publiée et feliciciler docint , Johannes , deniquè Murmellius Ruraemundianus , ipsius etiam Hegii successor , sed post- quàm Monasterii et Alcmarae scholas magnâcum laudejàmgubernâsset. Quanta doctrinae lux ex tàm tenui scintilla ! LlTT. B. Écoles de Bruxelles. — Placard de Wenceslas et de Jeanne ducs de Brabant. A Thymo , MS. II , fol. 264 verso. Wenceslaus van Behem bij de gracien God Hertoghe van Luccemborch , van Lotteriike ende van Lymborch , Marcgrave des heylichs riicx , ende PIÈGES JUSTIFICATIVES. 57 JoHANNE bij der zelver gracien Hertoghinne der hertochdomme , ende Marcgra- vinne des marcgreefscap \oirschreven : Doen cont allen den gène tegenwoirdich ende toe te comene , die dese letteren zien selen ende hoiren lesen , want salegher gedenkenessen onze lieve heere ende vader Jan hertoghe van Lottriike , van Brabant ende van Lym- borch , in voirledenen tiiden verleende ende gegheven hadde ; den scolaster onser kerken van Sinte Goedelen in Bruessele , siine weerdeghe oepene brieve inhoudende sekere ordinancien , poenten ende verclaringlien van den scolen koghen en nederen onser stad van Bruessele , dair deken ende capitel onser voirscreven kerken , aldoe huere consent toe daden met aenhanghere huers zeghels : de welke brieve wij oie nae der hand geconfirmeert hebben niet onsen brieven dair dore gliesteken daer af de tenuere hier nae volghen : Nos JoHANNES dei gratia Lotharingie , Brabantie et Lymburgie dux , Univer- sis ad quos présentes littere pervenient, tam presentibus qiiam futuris. Notum esse volumus quod cum nobis constiterit jam diu inter nostram ecclesiam et scolasticum ejusdem Bruxellenses ex una parte , et opidanos nostros opidi nostri predicli ex altéra , ortam fuisse materiam questionis , eo videlicet quod dicti nostri opidani aliqui ad instruendum liberos suos irrequesito predicto scolastico , ad cuius officium tam de jure quam de antiqua consuetudine spectare dinoscitur ordinare et providere de rectore vel rectoribus omnium scholai'um , tam maiorum quam minorwn, infra opidum nostrum et libertatem eiusdem ; Bruxellenses clericos ad scolarum regimen seipsos ingerentes indebite , proté- gèrent ac foverent , inibi de die in diem predictorum clericorum numéro aug- mentato. Nos qui dictam ecclesiam et scolastriam. , tam ex principatu quam ex patronatu tenemur defendere et amplecti , fide dignorum relatibus plenius in- formati quod predicti regiminis talium minorum scolarum usurpatio et erroris ejusdem multiplicatio a quibuscunque inducte vel défense , non solum in ecclesie nostre predicte atque scolastrie eiusdem preiudicium , pueororumque dicti nostri opidi profectus dispendium , verum etiam in nostri vergere videantur tam dominii quam patrocinii lesionem. Cupientes etiam ut , inter predictos nostros capitulum et scolasticum et opidanos quivis in posterum scismatis scrupulus sopiatur , puerorumque profectui succurratur , prudentum fretri consilio , decernimus pro nobis nostrique successorLbus ordinantes , quod deinceps nullus cuiuscunque status absque predicti nostri scholastici vel rectorum maiorum scolarum Bruxellensium institutione , infra dictum nostrum opidum vel eius 58 PIÈGES JUSTIFICATIVES. libei'tatem pueros cuiu^cunque sexus erudire présumât. Et llcet ab an tiqua consuetudine juriconsona et approbata due scole tantum modo esse consuewerunt in Bruxella , una superioi' masculorum et alia puellarum , nichilominus tamen ob favorem et quietem nostrorum opidanorum predictorum volumus quod noster dictus scolasticus vel rector maiorum scolarum Bruxellensium , ab eodem statutus vel pro tempore statuendus , quatuor subrectores instituât in dicto nostro opido et quintum in Molenbeke ad masculos , et quatuor subrectores vel rec- trices ad puellas , de primis démentis usque ad Donati introïtum et non ultra fideliter instruendos. Et ex tune masculi ad scolas majores confluera teneantur ; ibidem in grammaticalibus , musica et moribus informandi. Quintum insuper subrectorem vel rectricem instituât dictus scolasticus vel vectore maiorum scolarum ab eo statutus vel statuendus ad puellas , tam in moribus quam gram- maticalibus et musica fideliter imbuendas. Ordinentur autem scole prenotate in locis predictis nostri opidi ad maiorem commoditatem nostrorum opida- norum predictorum , predictarum minorum scolarum débita propinquitate vel distantia observari. Nolumus autem masculos in scolis maioribus vel minoribus simul cum puellis frequentare , nisi dunitaxat si qui nostrorum opidanorum predictorem plures habuerint liberos utriusque sexus. Tune illi pueri ad paren- tum arbitrium , quas scolas voluerint simul poterunt frequentare , ordine tamen de introïtu Donati supra scripto plenius observato. Teneatur insuper rector maiorum scolarum subrectores vel rectrices minorum scolarum earumden examinare , visitare , in scolarum ofScio reprehendere , ab ofScio destituere , quotiens pro profectu puerorum viderit oportunum. Et quia nullus cogi débet propriis stipendiis militare , volumus quod subrec- tores et rectrices decem scolarum minorum predictarum duodecim solidos Taonete pro tempore cuiTcntis , pro se et rectore maiorum scolarum pro pacto cuius- libet pueri utriusque sexus recipiant annuatim. Cuius summe tertiam partem rectori maiorum scolarum sepedicto délibèrent et persolvant. Si quis igitur , contra nostri presentem ordinationem , scolas tenere vel regere infra predictum opidum nostrum vel ipsius libertatem ultra predictorum mino- rum scolarum numerum attemptare presumpserit , aut predicto maiorum sco- larum rectori rebellis ex titerit in executione sui oflScii supradicti, vel etiam de tercia parte sibi superius ordinata , de quolibet suo vel sua scolari respon- dere et ad plénum satisfacere renuerit , talis transgressor per nostrum Amanum Bruxellensem presentem et futurum , totiens quotiens transgredi repertus PIÈCES JUSTIFICATIVES. 5g fuerit , pena centum solidorum irremediabiliter puniatur. De quibus centum soli- dis si persona transgrediens fori fuerit ecclesiastici , partem mediam ad nos et aliam ad fabricam ecclesie nostre predicte volumus pertinere. Si vero fori secularis extiterit centum solidorum predictorum emenda nobis totaliter cedat. Hecautem omnia et singula per nostros Amanum présentera et futures precipi- mus , volumus absque interemptione fieri inviolabilité!' observari hiis diebus et temporibus successivis. In quorum omnium testimonium et munimen présentes litteras sigilli nostri caractara ( caractère ) duximus roborandas. Nos vero deca- nus et capitulum ecclesie Bruxellensis sepedicte , ad quos juredictio personarum fori ecclesiastici infra dictum opidum Bruxellense pertinet et pertinere dinosci- tur ab antiquo , attendens in premissis (promissis ) mentis serene magnifici prin- cipis domini nostri ducis supradicti , pro pace et tranquillitate confovenda inter suam ecclesiam et opidum Bruxellense rite et laudabilem ( laudabiliter ) conceptum et statutum , hiis consensum et assensum nostrum prebemus , et quantum nostra interest , pro nobis nostrisque successoribus ea observare pro- mittimus et facere firmiter observari. Et in horum testimonium sigillum nostre ecclesie j una cum sigillo nostri domiui prenolati duximus apponendum. Datum anno domini millesimo trecentesimo vicesimo. Sabbato aute festum apos- tolorum Symonis et Jude. ITEM. Wenceslaus de Boemia et Johanna dei gracia Luccemburgensis , Lotharingie , Brabancie et Lymburgie Duces Sacrique Imperii Marchiones , notum facimus tenore presentium universis , quod nos concordiam inter nos- tram ecclesiam Bruxellensem et scolasticum ejusdem ecclesie parte ex una et opidanos nostros nostri jam dicti Bruxellensis opidi ex altéra , videlicet super jure scolarum ipsius nostri opidi , quarum dispositio ad ipsum qui pro tempore fuerit , scolasticum , ab antiqua , notoria et hactenus observata consuetudine , noscitur pertinere , sicut in litteris quibus présentes nostre transËguntur , latius vidimus contineri , per nostros pie memorie predecessores factam et ordinatam debitaque meditatione provise pensatam , confîrmamus , ratificamus et tenore presentium eandem , solido stabilire cupientes et mandantes funda- mento , ac si verbo tenus presentibus insereretur , irrevocabiliter approbamus. In cujus rei testimonium présentes fecimus nostrorum sigillorum appensione mûnii-i. Datum Bruxelle duodecima die aprilis. Anno domini millesimo trecen- tesimo sexagesimo primo. Ende want bij verouderen des tiits, die voirs. saken alsoe verdonkert wa- 4o PIÈCES JUSTIFICATIVES. l'en dat hier af tusschea den scolaster voirs. sinen rectore oft ondermeester op deen ziide , ende de meesteren van den nederen scolen op dander , twist ende tebat {débat) bernert waren den voirs. scolaster hem becronende dat de voirs. meesters van den nederen scolen , hem ende sinen overmeester met onderdanich ende ghehoirsam siin en wouden noch betalen jaerleex trech van der kinder loen nae inhouden der voirs. brieve. Den voirs. meesteren van den nederen scolen dair tieghen segghende ende hen becroeneade , dat de voirs. scolaster hen jaerleex te Sinte Jans misse , huer scolen woude doçn resigneren , die hy hen gegheve hadde ende dair zy in neeringhen bii der goeder liede kindere in ghestelt VFaren ende ontsetten sonder huer mesboren, dair oie grote onghesteltheit der kindere af comen soude. Segghende oie de selve meester van den nederen scolen , dat boven tgetal van den scolen, in den voirs. brieven verclaert , dat de voirs. scolaster ge- doochde , alrehande personen kinder te leerene ende meer scolen te hou- dene , dair zy inné vonrecht wordcn , ende huere neeringhe verloren alsoe sy seyden. Mids den welken die ondermeesters voirs. enen tiit wedersegt hadden den overmeester gheldinghe te doene van den aendeele , van den voirseide loene, hem toebehoirende. Soe eest dat nieds tractate , ende mid- delinghen ons raeds , van onsen weghen dair toe ghedeputeert des dekens ende çapitelen onser voirs. kerken , ende oie der scepenen ende des raeds onser stad Bruessel, omme te verhuedene voirtane deser gheliike tebatte,- oie omme oirboer ende profiit onser voirs. stad ende der goeder lieden kin- dere , de voirs. partyen hier af ghesleten , ende vereent siin in der manieren dat hier nae volght. In den iersten , dat die overmeester ofte rectoer van der hogher scolen altoes ten tiide siinde , die meesters van den nederen scolen visiteren ende examineeren sal nae inhouden der voirs. onder brieve. Ende zii selen hem dant in onderdanich siin , alsoe dic^e als hiis begt ; ende gevoelde hy oft vonde enegen van hen onorboirlec der kinderen of der nederscolen te re- geerne , dat ghebret sal die overmeester bringhen ende thoenen voir den scolaster , die capittel ende voir den raed der stad voirs. Ende vintmen dan ter waerheit dat die onorboirlec es ware , ter scolen ende den kinderen als voirs. es, soe sullen die scolaster, sen tiide siinde af doen ende anderen or- boirlec zy , ende weerdich dair toe in des gheens stad zetten , altoes bii raide van der stad , sonder eenich ghenyeten oft voerdeel dair af te nemene ; ende PIÈCES JUSTIFICATIVES. 4i iu negheenre andere manieren , en sal die scolaster noch siin rectoer , ene- geii meester van den nederen scolen af zette moeghen , noch siin scole doen resigneren in eneghen toecomenden tiiden. Item. Al eest dat in den voirs. brieven beprepen es, van tweelf scellinghen die elc kint gheven soude tsiaers van scoelghelde , dair af in den nederscolen , deen derdendeel hebben soude , soe es om aile donckerlieit , die nieds verwan- delinghe vanden ghelde hier naemaels dair af comen mochte te vercleerene , ende te verhuedene overdraghen , dat elc kint ter scolen gaende , bijnnen Bruessel , jaerlecx gheven sal van scoelghelde viifoude grote tornoyse der munten sconinx van V^rancheruke , oft die weerde dair af, te tween termiuen , dat te verstane telken halven jare derdalven ouden groten , vanden welken viif ouden groten voirs. de meesters vanden nederen scolen gheven ende betalen selen jaerlecx, den overmeester onderhalven ouden groten der voirs. munten, van. elken hueren kinderen ; dat altoes dair inné voei'zien , waert dat zy eneghe arme kindre hadden ;• die gheen scoelgelt machtich en waren te ghevene noch en gaveu mids armoede noch profiit dat scoelghelds weert ware dat zij dair af met gehouden en selen siin den overmeester yet te ghevene. Ende waert dat eenic h vanden meesteren voirs. beyde vander hogher scolen ende van den nederen scolen in eeneghen toecomende tiiden ghebreck hadden dat men hen met en belaelde tvoirs. scoelgeld in der manieren dat voir verclaert es, ten terminen dat valt soe willen wij ende bevelen onsen amman van Bruessel ten tiide siinide , dat hij de ghene die in ghebreke siin pande ende bedwinghe mietten rechte van onser stad volcomelec te betalene sonder des ander ghebod van ons oft verzueck van onser stad te verbeydene. Item , want onse voirs. stad van Bruessel bij der gracien gods zeere gemeeret es ende gemenichvul- dicht van volke , zint der tiit , dat de ordenance van den voirs. ouden brieven gemaect was , ende wel behoeft meer scolen , dan dair doe geordinert waren , soe es dair af overdraghen ende geordineert dut van nu voirtane , bynnen Bruessel siin selen , dertien neder scolen ende met meer , behoudelec dien dat dergoeder liede kindere , die nayen leeren voirhuer meestersen , nayen lesen ende scriven moeghen aise zij vander scolen ghesceden selen siin , oft af gestaen , onghecalengiert , gheliic dat heer bracht es ; maer anders en sal de scolaster , nyemên oirlof gheVen kinderen te leerene , ofte eenege scolen meer stellen , het en ware dat omme orboir der ghemeynre stad ende der kindere bij ons , bij der capitelo ende by der stad van Bruessel , eendrachtelec overdraghen Tom. Fil. 6 42 PIÈCES JUSTIFICATIVES. ware. En de altoes es onse meynînghe ende openbaerlec overdraghen , soe wanneer eneghe van den derthien nederscolen , valeert oft verstarft van eene- ghen den glienen dièse nu houden , oft dièse namaels houdeu selen , dat die voirs. scolaster , oft overmeester ten tiide siinde , eenen eersamen tailvfeerde- ghen man van noeden name , die dair toe orboirlee zij , in des geens stad zelten sal die gestorven es, ten lanxten bynnen eenre maent , nae des geens doot , die aflivich worden sal siin , son der enich ghenieten dair af te nemene , oft te hebbene heymelec , oft openbaei',in enegher manieren. Welke, ordinancien verclairnessen ende pointen voirscreven , her Jan van Yssche (') , scolaster nu ter tiit, onser voirs. Kerken van Sinte Guedelen , in teghenwoirdiclieit van onse raids , des dekens ende cappitellen der voirs. kerken , voir hem ende voir siin nacomeliughe , op deen ende die scepenen , ende raid onser voirs. stad van Bruessel voir hem ende voir huere poirteren ende inghesetene , op dander zyde ghelooft hebben te boudene vaste ende gestode , tôt eweliiken dagen in aider vormen ende manieren voirs. In welker die getughenessen hebben wij Hertoghe ende Hertoghinne voirs. onse seghele aen dese teghenwoirdeghe letterendoen hanghen. Willen oie ende bevelen onsen gheminden den deken ende capittel onser voirs. kerken van Sinte Guedelen , den voirs. scolaster ende oie onsen geminden den scepenen ende raid onser voirs. stad van Bruessele , want aile dese voirs. saken bij huerer aire raide wille ende consent geschiet siin ende overdragen dat zij oie huere seghele metten onsen in claerre getuygheniesse ende ev^^egher gedinckenissen , aire de voirs. dinghen den teghenwoirdeghen brieve ance hanghen. Ende wij deken ende capittel der kerken van sente Guedelen , ende Jan van Yssche sco- laster vanderzelver kerken ; ende wy scepenen ende raid der stad van Bruessel , want aile die voirs. dinghen bij raide hulpen ende toedoene, onser gheneede- gher heeren ende vrouwen van Brabant ende huers wiis raids voirscreven ; ende bij onser aire wille ende consente ghescliiet siin ende overdraghen in aile der vormen ende manieren dat boven gheschreven es. Soe hebben wij ten begeer- ten onser lievere heeren ende vrouwen voirs. ende omme de meérre vesticheit hier af, in ewegher getughenessen der waerheit ; dats te wetene wy, deken (I) Jean van Issche ou de IVithem ^tait fils naturel de Jean II , duc de Brabant et de Catherine de Coesselaer, Rombaui, Brux ill., U, 69; Troph. de Brab. i, 369. PIÈCES JUSTIFICATIVES. 43 ende capittel den zeghel ten saken der voirs. capittelen , ende wij Jan van Issche scolaster voirs. deu onsen , ende wij scepenen ende raid der stad van Bruessel , der selver stad seghel desen tegenwoirdegen letteren aen gehanghen. Gegheven te Bruessel , wijftiene daghe in sporkille , int jair ons heeren als men screef , 1 38 1 , FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES. QUATRIÈME MÉMOIRE SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. QUATRIÈME MÉMOIRE SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN, rC ^^aton ^P? ^^eiff«;«lJ«rg LU A LA SÉANCE DC 10 DÏCEMCBE (831. BRUXELLES, M. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1832. QUATRIEME MEMOIRE SDR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. SECONDE PARTIE. § IV. II. PHILOLOGIE ET PEDAGOGIQUE. Érasme et ses Contemporains. Il y avait environ 72 ans que le pape Martin V, à la sollicita- tion du duc de Brabant Jean IV ('), avait consenti à l'établis- (') Le frère de ce prince, Philippe, comte de S'-Paul , qui était allé à Rome dans l'intention de faire ensuite un pèlerinage à Jérusalem , ne fut pas sans influence sur les déterminations du souverain pontife , comme nous l'apprenons par des pièces con- servées aux archives de Louvain : et c'est là le secours pour lequel les habitans de cette ville lui témoignèrent leur reconnaissance , quand il vint s'y faire inaugurer , en lui offrant trois coupes d'argent doré. L'écolâtre de S'-Pierre , envoyé à Rome de la part de la ville , avait été porteur de lettres de recommandation pour le comte de S«-Paul ; fait consigné dans le manuscrit de G. Boon qui , par inadvertance , pag. 396 , appelle cet écolâtre Guillaume Bout au lieu de Guillaume Neefs ou De Neefs. La présente note rétabht ce qu'il y a d'incomplet ou d'inexact dans l'anecdote racontée au Tom. Fil. 2 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES sèment de l'université de Louvain, lorsqu'en 1502 Erasme y vint pour la première fois. Il n'y apportait pas encore le titre de doctor bullatus qu'il reçut plus tard à Turin ('); mais il n'avait pas besoin d'autres titres que ses connaissances et son génie pour tenir le premier rang dans la république des lettres, a Je sais fort bien, écrivait-il, en 1500, à Anne de Borselen ('), que le bonnet ne me donnera pas plus de science, pourtant force m'est de sacrifier au préjugé dominant, puisque non- commencement de notre second Mémoire , pag. 2. — Nous croyons devoir avertir ici que les archives de Louvain , qui nous avaient été ouvertes avec la plus grande facilité , il y a deux ans, sont maintenant fermées. Nous avons offert récemment à la régence de les mettre en ordre ; mais on nous a poliment remercié , en nous répondant qu'on ne pouvait nous fournir de local convenable pour cette opération. (i) Taurini in Alpibus Cotiis theologiœ doctor factns est. Beatus Rhen. , Compend. vitœ Erasmi. J. Middendorp, Acad. celeb. Col. 1602, tom. II, pag. 91. Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne , pag. 23. Erasme, selon Valère André , fut créé docteur en 1S03 et immatriculé à Louvain le 31 août 1316, date qui, dans les Notices citées , a été inexactement et mal à propos substituée à l'autre. J. Jortin, The Life of Erasmus, Lond. 1808, 1, 20 , ne parle pas de cette promotion et place le voyage d'Italie en 1307 (n. s.). Leclerc le met, lui, en 1308, s'appuyant sur les lettres d'Érasme , qui , pour le dire en passant , sont souvent mal datées. Valère André , au lieu de in Taurinensi academia , écrit in Ticinensi, ce qui a occasionné un erratum inutile. De son côté , M. Noël, dans l'article d'Érasme , Biogr. Univ., XIII, 228 , fait de ce savant un docteur de l'université de Bologne. Ceux qui étudient l'histoire littéraire en détail savent seuls combien il est malaisé d'échapper à de pareilles mé- j)rises. Pour nous , chaque fois qu'il nous arrive de reconnaître les nôtres , nous cher- chons avec empressement l'occasion de nous en accuser. Cf. De Burigni , J^ie d E- rasme , 1 , 113. (=>) Cette Anne de Borselen ou Borssele avait épousé Philippe de Bourgogne, sei- gneur de Beveren , fils d'Antoine le grand bâtard, et dont elle eut Adolphe de Bour- gogne, seigneur de la Vère. Le père d'Anne était Wolfart de Borselen, comte de Grand-Pré , et sa mère Charlotte de Bourbon. Wolfart avait épousé en premières noces Marie d'Ecosse. Hist. de l'ordre de la Toixond'Or, pag. 94, 104, 110, 126, 583, etc. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 3 seulement aux yeux du vulgaire,, mais encore à ceux des cory- phées de l'érudition, on ne peut passer pour docte à moins d'être appelé tnagisfer noster ('). » Cette simple réflexion décèle tout Erasme, dont on a déjà pu deviner le caractère par les jugemens rapportés plus haut. Elle montre combien était supérieur à ses contemporains cet homme qui, né dans une contrée encore peu avancée en civi- lisation ('), condamné à l'obscurité par la misère, au préjugé par le fanatisme, réunit en lui la finesse aimable, l'élégance exquise, l'inexorable bon sens à^ Horace, au comique modéré de Térence et à la malice plus acérée de Lucien C). Aussi ces (i) Cl Duo quœdam pernecessaria jamdvdwm sentio , alterum ut Italiam adeam , quo scilicet ex loci celebritate doctrinulœ nostrœ nonnihil auctoritatis acqiiiratur ; alterum ut DOCTORis novien mihi imponam, ineptiim quidem utcunque. Neque enim , ut inquitHoratius, statim animum mutant qui trans inare currunt, neque me vel pilo doctiorem magni no- minis umbra fecerit : verum , ut nunc tempora sunt , ita inorein géras , quando nunc non dicam vulgo, sed etiam iis qui doctrinœ principatum tenent , nemo doctus viideri potes t nisi MA6ISTER NOSTER appelletur . . . . » Oper. III, 8S B. (2) Dans une de ses lettres , Erasme traite assez durement ses compatriotes : n In Hollandia cœlo equidem jimor , sed epicureis illis comessationihus offendor. Adde homi- num genus sordidum, incultum , studiorum onmiujn contemptum prœstrenuum , nullum eruditionis fructum, invidiam, summum.» Il est vrai que dans ses Adages, relevant une expression proverbiale de Martial qui appelle auris batava une oreille peu exercée , une oreille béotienne, il repousse avec chaleur ce qu'elle a d'injurieux. Oper. II, 1083 F. Au dialogue intitulé Ciceronianus , il donne même une liste des littérateurs distingués de la Hollande. 1 , 1013 — 14. (^) Cette tournure d'esprit lui était commune avec son père , qui , à cause de sa jo- vialité, avait reçu le surnom d'Eutrapel ou de Facétieux, en flamand Praet, lequel est entré dans le titre d'un recueil de contes de Noël du Fail , appelé sur le frontispice le feu seigneur de la Herissaye , Rennes, Noël Glamet, 1603, 8°; et dans celui d'un autre ouvrage plus ancien, intitulé : les Baliverneries d'Eutrapel, Lyon, Pierre de Tournes, 1349, in-12. Le Camus, évêque de Belley, appelle l'art de plaisanter avec 4 SUR LES DEUX PREMIERS SIECLES trois auteurs faisaient-ils ses délices au milieu des travaux in- grats auxquels il se livrait moins par choix que par une né- cessité de sa position. Hardi, quoiqu'on l'ait accusé de faiblesse ^ puisqu'il osa s'attaquer aux abus protégés par les puissans du jour, il ne dépassa point la limite qui sépare de la licence la liberté des idées, et comme Voltaire , il ne prépara qu'avec les armes du ridicule et au moyen de la réforme littéraire , une ré- volution ensanglantée bientôt par la fureur des partis et le heurt des passions politiques. Comme Voltaire il était surtout choqué de l'absence du goût et de la violation des convenances , am- nistiant volontiers des erreurs mises sous la garantie de la po- litesse et de l'esprit. Comme lui il gourmandait les préjugés de son siècle et vivait en paix avec eux, lorsqu'ils n'étaient point pei'sécuteurs. 11 n'est pas jusqu'à l'ironie, expression habituelle de la figure de Voltaire qui ne se remarque dans les traits d'Ji- rasmeQ), mais moins amère, moins poignante. Enfin à ces deux écrivains fameux, placés dans une époque de transition, fu- rent imputés tous les maux qui se mêlèrent aux bienfaits qu'eux seuls rendirent possibles, et quoiqu'JE'rasme ait montré plus de sagesse et de réserve avec plus de courage réel que le philo- agrément la vertu d'Eutrapélie. Voyez, parmi les lettres d'Érasme, une lettre de Dom. Baudius à P. Merula, III, 1917, D. {,) Le fameux Albert Durer avait commencé le portrait d'Érasme, à Bruxelles, mais il ne paraît pas qu'il l'acheva d'abord. Il le termina ou en fit un autre vers 1526. HI, 721, B\ 944, F. Les portraits d'Holbein ont été si souvent gravés qu'il n'est personne qui ne les connaisse. Oper. IV, 39-4. Quentin Metsys fit aussi son portrait pourMorus. III, 384, 5. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 5 sophe de Ferney, il put dire également : ma vie est un combat ('). Il a' avait pas encore engagé la lutte en 1502, année où nous trouvons, pour la première fois, des traces de son séjour à Lou- vain. En effet ses succès n'étaient point assez grands pour éveiller l'envie et, quoiqu'il eût visité l'Angleterre et la France (') Ou'on nous permette de transcrire ici le portrait d'Érasme que nous avons crayonné ailleurs : Je reconnais Dans un moine batave un bel-esprit français. Oui, sans doute, pour nous tu chantas la Folie; Voltaire applaudissait à plus d'une saillie Déguisée en latin dans tes savans écrits Par d'ignorans docteurs mutilés et proscrits. Comme à lui je te vois cette lèvre moqueuse Dont Pigal a saisi l'expression heureuse. Avec cet œil perçant qui regarde en pitié La moitié des humains trompant l'autre moitié. Qui donc t'a révélé cette grâce enjouée, Que ChauUeu chez Ninon n'eut pas désavouée ? Tu devanças ton siècle et pourrais aujourd'hui Éclipser maint soleil qui naguères a lui. R.... sait beaucoup, mais tu sus davantage. Ce n'est qu'un érudit , tu fus encore un sage , Et peut-être à Louvain , sans trop de vanité , Tu pourrais professer en l'université. Tu n'y trouverais plus ce fougueux canoniste Qui de tes gros péchés avait enflé la liste , Cet âpre Hentenius, maintenant oublié; Dans ces lieux, si l'Erreur n'est pas sans allié, Si la droite Baison , soumise au Pédantisme Ne se traîne souvent qu'après un syllogisme, S'il est quelques abus , du moins de toutes parts , Les lils de saint François, effrayant nos regards. N'accourent plus, pressés de soutenir leur thèse. Brûler un raisonneur dans l'espoir qu'il se taise i^Épîlre d'un Parisien à la statue d'Érasme. Paris, 1825, in-8».) 6 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES où l'on avait su l'apprécier, quoiqu'il eût donné au public une esquisse de ses Adages Ç') et quelques essais poétiques, sa ré- putation était loin d'avoir l'éclat dont elle brilla par la suite. Il était alors âgé de trente - cinq ans, et déjà l'étude et une santé naturellement faible avaient avancé pour lui l'heure de la vieillesse, puisque dans un petit poëme qu'il appelle lui- même équestre ou alpestre, pour l'avoir composé en traversant les Alpes à cheval, il laisse échapper ces plaintes : Quem nuper hune Erasmum J^idîsti média viridem florere juuenta JYunc is repente versus Incipit urgentis senii sentiscere damna Et alius esse tendit , Dissimilisque sui; nec adhuc Phebœïus orbis Quadragies rei^exit Nataleni lucem , quœ bruma ineunte calendas Qidnia anteit noi^embres. Nunc mihi jam raris sparguntur tempora canis (=) . (i) Parœmiorum id est adagioruni collectio. Parisiis, Joh. Philipp. , 1300, -4°. Mel- chior Adam, dans la J^ie de B. RJienanus , dit : k Lutetiœ Erasnms adagioruni divul- gatione cœpit magis quam antea inclarescere . Faustus etiam Andrelinus — Epistolas suas adagiales conscripsit. Uter ah altero provocatus , a Faustone Erasnms , qui adagia prope latince grœcœqtie linguœ omnia collegit etdigessit; an ah Erasmo Faustus, qui quam plurima paucis rerum arguinentis contexuit, incognitunt est... » Erasme porte lui-même, dans une lettre datée de l'an 1304, ce jugement sur son travail : k Pœnitet enini prioris editionis, vel quod typographorum culpa sic est mendosa, ut studio depravata videatur ; vel quod instigantihus quibusdam, prœcipitavi opus , quod mihi nunc denmm jéjunum atque inops videri cœpit , posteaquam grœcos evolvi auctores . Oper. III , 96 , B. Adrien Barlandus a fait un abrégé de ces Adages , Coloniœ , 1324, 3". Àntv., Mich. Hillenius, 1326, in-S", ib., 1327. (2) Oper., IV, 735. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 7 Ces vers prouvent deux choses, d'abord que le voyage d'Ita- lieu eut lieu avant l'année 1508 où le place Leclerc ('), puis- i\VL Érasme , né le 28 octobre 1467, n'avait pas encore quarante ans lorsqu'il l'entreprit, et qu'en conséquence on est fondé à croire ce voyage postérieur à l'année 1505 oii Valère André veut qu'il ait été reçu docteur en théologie à Turin ('); ensuite, que quand bien même le caractère à^ Érasme ne l'aurait pas rendu l'ennemi de ces crises bruyantes et tumultueuses si chères à ceux qui s'imaginent que tout mouvement est un progrès, toute convulsion un pronostic de vie, la faiblesse de sa constitution et ses habitudes valétudinaires lui auraient imposé la loi de s'en tenir éloigné. Érasme fit différens séjours à Louvain. Il raconte qu'il y étudia la théologie sous Adrien Florissoon , depuis le pape Adrien VI (^), et que lui-même y donna des leçons de littéra- ture sacrée et profane, ainsi qu'il le pratiqua à l'université de Cambridge, sans être cependant membre du corps académique (^). (i) J. Leclerc a enrichi sa Bibliothèque choisie , tom. V, sq. , de la biographie chro- nologique d'Erasme , refaite avec incomparablement plus d'exactitude , d'étendue et de recherches par John Jortin, archidiacre de Londres , recteur de S'-Dunstan et vi- caire de Kensington. Nous avions aussi , pour satisfaire au vœu de l'Académie, entre- pris ce travail en ce qu'il pouvait concerner plus particulièrement les Pays-Bas. (2) Voxjez la note 2 de la page 1 . (3) C. Burmann. Analect. hist. de Hadr. Sexto, pag. 17, n. 1. (4) Beati Rhenani Etist . ad Carol. V, et Epist. Erasjii Servatio ik umine operdm. Dans cette dernière il dit : «... Cantelbergiœ , menses complures docui grœcas et sacras H- feras , sed gratis et ita facere semper decretcm est. « En écrivant à Ammonius , il rend compte de ces leçons de Cambridge d'une manière plus précise : Les pères aussi sages que celui de Jacques de Lalain (^) étaient en efiFet très-rares en Belgique (') La préface d'un écrit de Nie. Leonicenus, intitulé : Libelhis de epidemia , quam vulgo morbum gallicum vacant, P^enetiis , Aldus Manutius , 1497, in-4° , offre ce pas- sage.... ) Éd. de 1822 , tom. XI , pag. U3. 12 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES quoiqu'il soutînt que l'ignorance des langues avait anéanti ou dépravé toutes les sciences, jusqu'à la théologie, la médecine et la jurisprudence ('), et qu'on devait s'habituer dès le principe à s'exprimer avec clarté et avec correction. Persuadé, plus encore que Montaigne , que c'est un bel et grand agencement que le grec et le latin, il désirait aussi qu'on ne l'achetât pas trop cher et que l'usage fût le premier maître de l'enfance, a Tel est, écrit-il, quant aux langues, la flexibi- lité de cet âge, qu'un jeune allemand peut apprendre en peu de mois à parler français, et cela sans qu'il s'en doute et en fai- sant tout autre chose 5 même, plus on s'y est pris de bonne heure, plus le succès a toujours été certain. Si on obtient ce résultat, lorsqu'il s'agit d'une langue barbare, sans règles, où l'orthogi'aphe donne un démenti continuel à la prononciation, et qui a des consonnances et des mots qui appartiennent à peine à une voix humaine , combien ne serait-il pas plus aisé de réus- sir en grec ou en latin?... )) Sans relever ce jugement sévère sur la langue française qui dépouillait chaque jour sa rudesse ('), nous (■) Oper., I, 301, D. (^) Ce jugement était sévère, mais Érasme en le portant, n'était point guidé par le préjugé national qui a fait dire à l'illustre Bilderdijck : Maar weg met u, 6 spraak van basicrd klanken, fVaarin hijeen en vaische schakels janken , yerloochnares van afkomst en geslacht , Gevormd voor spot die met de waarheid lacht , Wier slaamlarij hij eeuwig woord verbreken , In 't neus gehuil zlch zelf niel uil diirf spreeken : yerjoielijk fransch alleen den duivel waard , Die met uw aapgegrijns zich meesler maakt van de aard DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. i3 reviendrons sur les idées à^ Erasme, relatives à l'enseignement des langues, et nous les comparerons à celles d'autres écrivains qui s'adressaient également aux Belges et sortaient de l'université de Louvain, à laquelle nous devons tout ramener dans ces mémoires. Erasme répondant à l'objection accoutumée des mères que l'étude achève d'énerver les tempéramens déjà faibles , remarque " Loin d'ici jargon aux sons bâtards , glapi par les hyènes et par les chacals , renié par ta postérité comme tu as renié ton origine , créé pour la moquerie qui se joue de la vérité. Ta prononciation nasillarde et mal articulée sait à peine se faire entendre. Exé- crable français ! tu n'es digne que du diable , toi qui veux t'emparer du monde avec tes contorsions de singe, n L'auteur célèbre de V Apprentissage de TVilhehn Meister , lui qui a si ingénieuse- ment apprécié, en publiant le Neveu de Rameau, les écrivains français du XVIII'' siècle met ces paroles dans la bouche d'une amante abandonnée , l'une des héroïnes du roman que je viens de citer : « Je hais la langue française , je la hais du plus profond de mon cœur. Tant que dura notre douce intimité, il ne m'écrivit qu'en allemand, dans cet allemand si franc , si énergique , si cordial ; mais sitôt qu'il eut formé le dessein de me quitter , il employa le français. J'en fis la remarque et compris ce qu'il méditait. Ce qu'il eilt rougi d'exprimer dans sa langue maternelle, celle-là lui donnait le moyen de l'écrire sans blesser sa conscience. C'est un langage de réserve , d'équivoques , d'arti- fices ; en un mot c'est un langage perfide. Dieu soit loué ! Je n'eusse pu trouver une autre expression pour rendre le mot jaej-^rfe et tout ce qu'il comprend. Notre pauvre treulos , le faithless des Anglais ont auprès de lui toute l'innocence du jeune âge. Perfide signifie trahir avec volupté , avec insolence , avec malignité. Oh ! combien on doit crain- dre une nation dont la richesse du langage est telle qu'un seul mot renferme tant de significations diverses. C'est bien la langue du monde ; elle mérite de devenir univer- selle , afin que chacun acquière l'heureuse facilité de tromper ses semblables. Une lettre française, â la première lecture est toujours douce et agréable; elle paraîtra, si vous le voulez , pleine de chaleur , passionnée même ; mais prétez-y plus d'attention , vous n'y trouverez que des phrases et des phrases maudites. De cette époque date ma haine pour la langue des Français et leur littérature; haine que j'étends même aux expressions de la tendresse la plus noble et la plus délicate. Aussi je frissonne malgré moi , lorsque j'entends prononcer un seul mot français. » i4 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES qu'il est une manière d'enseigner bienveillante et accorte qui de l'étude fait un véritable jeu; tout ce qu'il dit sur ce chapitre est aussi ingénieusement écrit que pensé sensément. Il y trouve l'occasion de parler avec indignation des maîtres sans pitié qui exerçaient sur leurs élèves un despotisme sans excuse. Nous tra- duisons en partie ce paragraphe. L'exagération est ici autorisée par la situation du personnage , excuse qu'on ne peut alléguer en faveur de Bilderdijk. Au reste , Érasme ne s'est point attaché comme ce poète et comme Goethe , au caractère moral de la langue française , mais seulement à sa forme externe et matérielle. Un auteur peu connu et dans lequel on trouve assez fréquemment des traits à la Montaigne , Jacques Tahureau, gentilhomme du Mans , qui florissait en 1530, a pris en main la défense des langues modernes, et comme le nom d'Erasme intervient dans cette discussion , nous en transcrirons une partie. C'est au second dialogue du Deinocritic , pag. 174 verso et suiv. Paris , 1372 : K Le Cosmophile. Si ne le gaigneras-tu pas contre Erasme, car encore qu'il n'eust rien dit qui vaille , si est-ce que pour autant qu'il a escrit en latin et que tu parles en français , il sera toujours estimé d'avantage que toy. Le Democritic. Je ne veux pas dire qu'Erasme n'ayt esté homme entendant beaucoup de bonnes choses , et fort disert en la langue latine , et qu'il n'en mérite quelque louange : car la congnoissance des langues n'est pas seulement utile et louable , mais aussi nécessaire pour les honnestes , profitables et politics enseignemens que l'on y peut voir , joinct les grans et beaux se- crets que nous ouvrent les langues tant grecque que latine : mais aussi je veux bien soustenir qu'il ne faut point estre si profond admirateur des estrangers que nostre langue maternelle en soit , pour cette curiosité , amoindrie ou desprisée , ainsi qu'elle a esté anciennement par je ne sais quels braves sillogisateurs d'argumens cornus , qui donnoient la moitié plus de gloire à quelque petit maistre-ès-ars crotté , ou autre bour- geon de scolarez pour deux ou trois mots de latin desgorgez en une dispute ambiguë , qu'ils n'ont faict aux autres, lesquels estant parfaits en notre françois nous ont retiré tout le meilleur des obscurs estrangers et facilement expliqué en nostre vulgaire » Le même Tahureau a fait une oraison adressée au roi sur la grandeur de son règne , ainsi que sur Vexcellence de la langue française. M. Daunou lui a consacré un bon article dans la Biogr. Universelle. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. i5 « A en croire les Ecossais, personne ne se complaît davan- tage à battre que les maîtres français. Qu'on leur demande pour- quoi, ils répondent, comme on le disait autrefois des Phrygiens, que ce n'est qu'à force de coups qu'il est possible de corriger les gens de cette nation. Si la chose est vraie, c'est ce que je laisse décider à d'autres j je remarquerai cependant qu'il y a moins de différence entre les nations qu'entre les caractères individuels. Car il est des enfans qu'on tuerait plutôt que de les corriger en les frappant, et qu'avec de la bonté et de douces paroles, on mènerait à sa guise. J'avoue que tel était mon naturel autre- fois. Mon maître qui me témoignait une affection particulière, parce que, répétait-il souvent (je ne sais pourquoi), il concevait de moi de brillantes espérances, ayant voulu enfin éprouver jusqu'à quel point j'endurerais les verges, me reprocha un jour une faute à laquelle je n'avais pas même songé, et me fouetta. Adieu dès ce moment tout mon amour pour l'étude; je tombai même dans un accablement tel qu'il s'en fallut peu que je ne contractasse une maladie de langueur, et je n'en fus pas quitte à moins d'une fièvre quarte ; s'étant aperçu de son erreur, il la déplorait avec ses amis : j'ai failli, disait-il, perdre ce carac- tère avant de le connaître. Car il n'était dépourvu ni de lumières, ni de connaissances, et n'avait point, du moins je le crois, le cœur méchant. Il revint à résipiscence, mais tardivement pour moi. Qu'on se figure après cela combien d'heureux caractères sont victimes de ces bourreaux ignorans, mais enflés de l'opi- nion qu'ils ont de leur science, chagrins, ivrognes, farouches, frappant par plaisir et assez cruels pour trouver de la volupté dans les tourmens d'autrui. De pareils hommes sont faits pour i6 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES être bouchers ou bourreaux, et non pour former la jeunesse. )> Érasme, dont l'enfance avait été malheureuse, se ressouve- nait, en traçant ces lignes, des mauvais traitemens et des per- sécutions auxquels il avait été en butte, surtout pendant les trois années qu'il passa à Bois-le-Duc (') chez les Fratres collationarii ou quêteurs. Ceux-ci en effet, dès qu'ils voyaient un enfant d'un caractère prompt et d'un esprit éveillé, comme le sont tous ceux qui ont les dispositions les plus prononcées, s'appliquaient par des coups, des menaces, des reproches et d'autres moyens de même espèce , à lui ôter tout ressort et toute énergie : ils appe- laient cela l'apprivoiser et le façonner à la vie monastique. Aussi, ajoute Érasine, en agissant de la sorte, se rendaient-ils agréa- bles aux Dominicains et aux Franciscains , dont les ordres au- raient infailliblement péri, si ces frères n'avaient recruté pour eux ('). L'auteur poursuit : « Les maîtres qui martyrisent le plus im- pitoyablement leurs élèves, sont justement ceux qui n'ont rien à leur apprendre. Car que feraient-ils dans leurs classes, s'ils (') Les frères de la vie commune, vinrent de Zwoll à Bois-le-Duc en 1-426, et se mirent à enseigner les humanités. Une école célèbre s'établit dans la même ville , et Georges Macropedius ou Lanckvelt , de Gemert, lequel mourut en 1362, en eut la direction. De cette école sortirent Guill. Enckevoord, qui devint cardinal; François Sonnius et Martin Rithove , le premier évèque de Bois4e-Duc , le second d'Ypres , Jean Van Gorp ou Goropius Becanus , Simon Verepseus , Christophe Vladerach , etc. (J.-F. Foppens) , Hist. episc. Sylvœd. , pp. 306, 307. Quant au mot collationarii, Du Gange ne le donne pas, et je ne l'ai trouvé que dans Erasme. Voyez Y Apocalypse de Meliton. On sait ce qu'était autrefois la Collace à Gand. ('■) Oper. m, 1822 F, 1823, A. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 17 n'abrégeaient le temps à force de battre et de quereller? J'ai connu, et même dans son intérieur, un théologien de grande réputation, qui, à son gré, n'imaginait jamais rien d'assez cruel pour ses disciples , quoiqu'il eût sous lui des surveillans dont les mains n'étaient pas oisives. Il croyait qu'il n'y avait que ce moyen de vaincre la présomption et de contenir l'étourderie. Jamais il ne dinait avec ses écoliers que le repas, au rebours de la co- médie qui se dénoue toujours d'une manière agréable, ne finît par les larmes de ceux qu'il faisait déchirer de verges, n'épar- gnant pas même les innocens, afin de les habituer aux coups. J'étais un jour à ses côtés lorsqu'au sortir de table, il cita, sui- vant sa coutume, devant lui, un de ces enfans qui était, je pense, âgé au plus de dix ans, et venait de quitter sa mère pour l'école. Le théologien commença par lui dire que sa mère était une femme d'une piété profonde et qu'elle lui avait recommandé par- ticulièrement son fils. Puis, afin d'avoir une occasion de lui in- fliger le fouet, il lui reprocha je ne sais quelle insolence dont la pauvre créature était bien incapable, et fit signe de le battre à l'homme auquel il avait confié la direction de son collège, et qu'on appelait, en conséquence, son satellite. Celui-ci jeta aus- sitôt le condamné par terre, et se mit à le frapper, comme s'il avait commis un sacrilège. En vain le théologien cria-t-il à plu- sieurs reprises : c'est assez ! c'est assez ! le bourreau que sa fureur rendait sourd, ne mit fin à cette torture qu'au moment où la victime allait perdre connaissance. Alors le théologien se tourna vers nous : Il n'avait rien mérité, dit-il, mais il était bon de l'humilier. Ce furent ses paroles. » Erasme cite encore des traits d'une barbarie plus raffinée, et Tom. Fil. 3 i8 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES qui eussent été difficilement soufferts dans l'université, dont les écoliers formaient un corps formidable; quoiqu'ils ne fussent pas exempts des verges, ainsi que nous l'avons vu précédemment en un cas de meurtre ('), où cette peine était certes moins un châtiment qu'une faveur. A cette éducation sauvage et barbare, Erasme oppose un en- seignement sagement gradué et donné par la bienveillance. Il désire que dans les commencemens on mette sous les yeux des enfans la peinture des objets dont on les entretient. De cette façon ils apprennent sans effort à connaître les noms et les ca- ractères des plantes, des arbres, des animaux. Une foule d'ex- plications amenées par la circonstance se groupent autour de ces notions si simples, et le cœur trouve l'occasion de se former en même temps que l'esprit. Il est certain que les premières leçons d'un enfant lui sont données par la douleur, le besoin et le plaisir. Le jeu surtout fait naître, développe ses pre- mières idées; c'est par lui qu'il acquiert des notions de forme, de figure, de distance; c'est par lui que sa mémoire commence à se manifester ; de sorte qu'on peut dire que chaque fois qu'il joue, il apprend. Laissons parler l'auteur lui-même. (( .J'ai déjà dit que les langues s'enseignaient par l'usage sans tout le dégoût qui accompagne ordinairement cette étude. Tien- nent ensuite l'écriture et la lecture (et remarquez l'ordre dans lequel Érasme place ces exercices). Quelque peu d'ennui s'y attache. Mais c'est du maître qu'il dépend en grande partie de (i) Second Mémoire , pag. 5. 11 sagit d'un certain Rosleu , natif de La Bassée. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 19 le faire disparaître et de rendre même ce travail une source d'agré- ment. Il y a des enfans qu'on désole en leur montrant longue- ment à connaître et à lier leurs lettres, ainsi qu'à retenir les premières règles de la grammaire, tandis qu'ils brûlent d'aller en avant. Avec de l'adresse il n'est pas impossible de leur épar- gner ces repoussantes lenteurs, et les anciens nous ont en cela donné l'exemple. Quelques-uns faisaient des lettres en bonbons, afin que les écoliers dévorassent en quelque sorte leur alphabet. L'enfant nommait-il exactement une lettre, elle lui servait de récompense. D'autres employaient des lettres sculptées en ivoire, qui servaient de jouets aux marmots, ou bien ils recouraient à d'autres objets dont on s'amuse particulièrement à cet âge. Les Anglais sont des archers fameux et n'ont rien de plus pressé que d'apprendre à leurs enfans à tirer juste ('). En conséquence un père ayant remarqué cette passion nationale dans ses fils, eut l'ingénieuse idée de leur faire cadeau d'un arc et de flèches magnifiques, sur lesquels étaient tracées des lettres, et au lieu de but, il les accoutuma à viser premièrement à des lettres grec- ques, secondement à des lettres latines. Celui qui en touchait une et l'articulait, recevait outre des applaudissemens un prix. (') Les Anglais ont consacré par leurs fictions poétiques, ce penchant de leurs pères, lis arment la mort d'une flèche et non d'une faux. Témoins ces vers d'Young : Insatiate Archer ! could not one sujjice ? Xhy shoft Jlew thrice , and thrice my peace was slain , And thrice , ère ihrîce yon moonhad filVd lier horn. « Insatiable Archer, ne te suffisait-il pas d'une victime? trois fois ta flèche a volé, et trois fois la paix de mon cœur a été troublée, avant que la lumière eût rempli trois fois le croissant de la lune. » 20 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES tel que des cerises ou quelque chose de pareil. L'avantage qu'on peut tirer d'un amusement de cette nature, est d'autant plus grand, si deux ou trois camarades du même âge s'y livrent ensemble, car alors l'espérance de la victoire ou la honte de la défaite excitent plus d'ardeur et d'émulation. Par ce moyen, des enfans en moins de quelques jours ont appris correctement la forme et la prononciation de toutes les lettres , ce que le vul- gaire des maîtres peut à peine enseigner en trois ans, à force de coups, de menaces et de mauvais traitemens. Cependant je n'approuve pas que cette adresse dégénère en subtilité, et que, par exemple, on mette en œuvre, dans la même vue, les dés ou les échecs, puisque ces jeux étant au-dessus de l'intelligence des enfans , ce ne serait point leur faciliter la connaissance des lettres, mais plutôt à une difficulté en ajouter une autre )) Des idées analogues se retrouvent dans le petit traité de ratione studii, dédié à Petr. Viterius , qui enseignait les humanités. Érasme, afin d'aider la mémoire et l'intelligence, propose de re- présenter le plus brièvement possible dans des tableaux, cartes ou tables suspendus aux murs de l'appartement des enfans, les choses les plus difficiles et les plus utiles à retenir, afin qu'ils les aient devant les yeux même en s'occupant de tout autre chose ('). Il veut aussi que des sentences, maximes, apophthegmes remar- (i) Les planches grossières de la Bihlia pauperum et de quelques autres ouvrages xylographiques du XV° siècle , étaient destinées à parler aux yeux de l'ignorance. C'est ainsi qu'aujourd'hui même , dans quelques provinces de la Russie , les signes suppléent à la connaissance de la lecture. Un voyageur raconte qu'en Livonie, il aperçut un poteau destiné à interdire le passage d'une allée de parc. A défaut d'une inscription qui serait restée inintelligible pour la plupart des passans , on avait imaginé des hiéro- DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 21 quables par le sens et la concision , soient inscrits au commen- cement et à la fin de chacun de leurs livres ou cahiers, d'autres gravés sur des anneaux, ciselés sur des vases, tracés sur les portes et murailles, et peints même sur les vitres ('), afin que l'élève ne puisse faire un pas sans recevoir une leçon. Mais bien qu'ail- leurs l'auteur insiste sur l'efficacité de l'usage dans l'étude des langues , et que dans V Eloge de la folie il ait tracé un por- trait burlesque d'un grammairien ('), ici il reconnaît tous les droits de la grammaire, et la met d'abord entre les mains des enfans, pour leur apprendre le latin et le grec. Entre les gram- mairiens latins modernes, le plus exact lui semble être Nicolas Perotti, auteur du Cornucopia ; parmi les Grecs, les meil- leurs , d'abord Théodore Gaza , puis Constantin Lascaris (^). Érasme, en conséquence, traduisit la grammaire de Gaza, dont glyphes d'une espèce nouvelle. Une vue du chemin défendu était barbouillée sur le poteau , et on y avait représenté une charrette dont le conducteur , arrêté par les agens de police , était renversé par terre , frappé à grands coups de bâton et baigné dans son sang. Lettre de M. Léon Renouard sur la Livonie, Nouv. Revue Germ. , janvier 1831 , pag. S7. (') ï^oxj. ma dissertation sur la peinture sur verre, dans les Mém. de l'Académie, p 4 . (') Jortin croit qu'Erasme avait en vue Thomas Linacer, savant médecin anglais et bon helléniste , en traçant ces lignes : , 9o C, 96 A.-B. Itaque jam triennium ferme literœ grœcœ me totum possident. DE L UNIVERSITE DE LOUVAIN. aj pays occidentaux, mais il était loin d'y être classique ou plutôt, vers l'époque où nous nous arrêtons, il y était presqu'entière- ment inconnu ('). Louis Vives, de Valence, qu'un long séjour naturalisa en Belgique, qui enseigna à Louvain, et dont Erasme faisait le plus grand cas, convenait avec lui qu'une langue s'apprenait mieux par l'usage que par les règles. (( Et s'il existait aujourd'hui, disait-il, des peuples parlant naturellement grec ou latin, j'ai- merais mieux vivre un an parmi eux que dix sous le maître le plus habile; mais le grec, le latin, l'hébreu, étant des langues mortes, l'usage devient impossible et la lecture des auteurs ne saurait y suppléer, puisque nous n'en savons pas assez pour en apprécier pertinemment la diction ('). )) Nicolas Cleynarts, de Diest, que l'université de Louvain compta parmi ses élèves, ne s'arrêtait pas à cette objection, bien qu'il tienne lui-même un des premiers rangs parmi les grammairiens. Son système mérite, à tous égards, d'être exposé en détail. Il prouvera qu'au temps où il vivait, on avait pressenti la plupart des perfectionnemens réels et imaginaires dont nos contempo- rains se font un titre pour se décerner à eux-mêmes les honneurs de l'apothéose philosophique. (') Lettres à M. -F. Delcroix sur l'étude du grec dans les Pays-Bas. Cambrai, 1828, in-B", et Mémoires de la Société d'Émulation de Cambrai, 1826 — 27, pag. 188 — 199 et 268—283. (') De causis corrupt. art. lib. II. Hermannus Schottenus , publia à Cologne , en 1526 : Ratio sive methodus latinum discendi sermonem, , arte , usu et exercitio , ut quis- que , nisi beotico ingénia rudior sit , hrevi tempore possit loquendo promptior fieri. In-12, dern. sign. G. 3. 24 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES C'est dans ses lettres (') d'une lecture si attrayante et si in- (') Ces lettres écrites en mauvais latin quant à la diction, mais d'un style animé , franc et de bon goût, ont eu cinq éditions. — Nicolai Clenardi peregrinationum ac de rébus Machometicis epistolœ elegantia- simœ. Lovanii, apitd Petrum Phalesium , anno 1550, cu7>i privilégia sign. de Lens. 41 feuillets petit in-8° , sans le titre, car. ital. Cette édition est très-rare. La dédicace de Jacques Latomus, le jeune , à François Hoverius , de Malines , ne se trouve pas dans les éditions postérieures , et c'est pour cette raison que je l'ai reproduite dans le quatrième volume de mes Archives. Le vo- lume contient les 60 premières pages de l'édition de 1566, il y a seulement une diffé- rence dans le rang des lettres à Hoverius. 1' et 3= éditions, Louvain, 1531 et 1561. La dern. sign. de celle-ci imprimée par I\. Velpius est Jij. La ¥ la plus complète, augmentée d'une seconde partie, que le botaniste L'Écluse avait rapportée d'Espagne , fut imprimée chez Plantin , en 1566. La première édition ne contient que les lettres à Latomus , l'oncle , et à Hoverius , la seconde et la troisième comprennent celles qui , avec celles-ci , forment le premier livre dans la quatrième , accrue de plus de moitié par L'Ecluse. La cinquième imprimée à Hanau , chez Wechel , en 1606 , est calquée sur la précé- dente et augmentée d'extraits d'Hubert Thomas , de Liège , qui dans sa vie de Frédéric 11 , comte Palatin , s'étend longuement sur les mœurs des Espagnols. Feller la préférait à celle de Plantin , parce que l'éditeur affirme qu'il y a corrigé les fautes de son prédécesseur : Menda editionis Jntuerpianœ manifestaria , audacter emendavimus statim; peut-être aussi à cause du supplément emprunté à Hubert Thomas. On a publié en outre : Nie. Clenardi nova methodns docendi piieros analphaheticos , brevi omnino temporis spatio latine loqtii, prœsertim intra privatos parietes : Item prœ- ceptiones aliquot latinœ linguœ exercendœ perutilis. Francof., apudNic. Bassœum, 1576, 61 pages in-12. Ce livre est précédé d'une lettre de Nie. Mameranus , de Luxembourg , à Louis N. , où il raconte que , passant par Louvain avec l'empereur , on lui communiqua des papiers trouvés dans la bibliothèque de Rutger Rescius , par l'intermédiaire de Jean Wamesius. Ce sont ces fragmens de correspondance qu'il a livrés au public. La lettre à Rescius qui commence ainsi : Hodie pascha est, se trouve pag. 96 de l'édition des lettres de l'an 1566. Le fragment de celle à Vasœus , à la pag. 166 ; mais de la pag. 27 à la pag. 53 , ce sont des pièces nouvelles , si je ne me trompe. On a de plus : ./, Lipsii quatuor epistolœ in omnibus fcrc editionihus omissœ , nunc denuo recusœ : DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. aS structive et où l'auteur parle de lui-même et des autres avec une bonhomie charmante, un abandon plein de grâce, que ce système se trouve établi, mais sans rien de la raideur systématique. Cleynarts , qui avait appris l'hébreu, mourait d'envie de con- naître aussi l'arabe : ce désir devint une passion d'autant plus vive que rien ne semblait lui promettre de la satisfaire. Il n'avait même jamais vu de caractères arabes et ne pouvait se procurer à Louvain, où il était alors, ni rudiment, ni alphabet pour l'étude préliminaire de la langue dont il se formait une idée si ravissante. Le hasard lui mit entre les mains le Psautier de Nébio. « Voici, écrit-il, comment je m'y pris dès ce moment, et apprenez de moi ce que les Grecs entendaient par une édu- cation autodidactique ('), c'est-à-dire celle où l'on se sert du pire des précepteurs, à savoir, soi-même. )) S'il me souvient de mon Salluste , dès qu'on est attentif tout va bien. Vous avez-là, Cleynarts , mon ami, le psautier complet de David ; inutile est d'attendre les pages qu'on doit vous envoyer de Venise, et les effets des promesses de Bomberg ("). Allons, accedunt Nie. Clenardi , super hospitiis et moribus Hispanorum epistolœ. Roterod. , Is. Van Ruynen , 1705 , in-8°. l^oy. ma. Bibliotheca Lipsiana , pag. 198. (■) On cite des exemples célèbres de semblable éducation, tel que celui de Valentin Jameray DuTal. On peut y joindre celui de Jean-Théophile Koelling, autrefois berger et actuellement instituteur à Zerbst. La biographie de cet homme estimable , écrite par lui-même, a été imprimée en 1823. La Nouvelle Revue Germanique en contient une traduction abrégée. 1831 , sept. , pag. 1 — 23. (^) Fameux imprimeur belge, établi en Italie. Le passage suivant éclaircira notre texte: k Forte per id temporis J^enetias profecturus eratamicissinius Daniel Bomhergus., vir sic de literis hehraïcis meritus ut nonien suum omnium seculorum memoriœ conse^ craverit sempiternœ. Cumque pro sua humanitate qua prceditus est insigniter, ad me Tom. Fil. 4 26 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES lisez. — Impossible. — Lisez, vous dis-je. — Et comment, s'il vous plaît? Je n'ai encore vu de ma vie une seule lettre d'arabe, et je pourrais être comparé à Mahomet, dont on fait ce conte, je veux dire cette histoire très-véridique. L'ange Gabriel descendit vers lui, et, tenant ouvert le Koran qu'il avait apporté du ciel, il lui commanda de le lii^e. — Lire,, je ne sais, répondit Mahomet; mais l'ange le prit à la gorge, et de rechef lui enjoignit de lire. Gabriel ne lâchait pas et il s'en fallut peu que le bon Ma- hoinet ne suffoquât Si je suis' tout autrement fin que lui, il faut lui pardonner, il n'avait point vu le psautier de Nébio, ce bienheureux psautier qui me servit d'ouverture à l'étude de l'a- rabe. Or, voici comment : je n'ignorais pas que les noms propres d'hommes, de femmes, de montagnes, de fleuves, de pays, de villes, etc., s'écrivent chez les Hébreux et les Chaldéens avec le même nombre de syllabes et les mêmes lettres, quoique les Septante, comme l'observe très-bien Josèphe , aient tâché, dans leur version, d'adoucir l'âpreté de l'hébreu, en se rapprochant de la délicatesse de la langue grecque , et que Onkelos et Jona- than aient imité, jusqu'à un certain point, ces altérations de mots, même dans la traduction chaldéenne, ainsi qu'on le voit venisset Lovanium, ut ante ahitum vale diceret , mentor ulceris mei; unde fertne manum non tollerem, rogabani numqtiis esset F^enetiis peritus ai'abice : respondit ille tnedicos quosdam inter Judœos ver sari ^ qui lectitarent Avicennam nativa lingua : ibi protinus suhsiliebam gaudio , seroque triumphabam , quasi jam linguœ parteiti tenerem , nam illain velut apud antipodas sedeni habere putabam ; tain mihi alienum videbatur hoc bar- baricum idioma. Ne multa verba , promisit Bombergus se paginas aliquot e V^enetiis missurnm. arabicas : quod meo judicio perinde censebatur, ac si continuo futuriis essem yrammaticus, conspectis modo literis. n Epist. , 1S66, pag. 220. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 27 dans la Bible de Pagnini. Si par exemple , l'hébreu dit Salemo , Mose, ils écrivent en chaldéen Selome , Mose, mais non, comme les Grecs, Salomon, Moses. Ils n'usent pas non plus de ces tropes si communs parmi diverses nations. Car pour ne parler que de la Flandre et du Brabant, on y affecte une certaine aphérèse, en coupant sans façon la tête aux mots Joannes, Jacohus , Bar- tholomœus, dont on fait Hennen, Coppe , Meeus , métamorphose de noms qui ne se rencontre pas dans la traduction chaldéenne. Il ne me vint pas en l'esprit qu'elle pût être fort désespérante dans l'arabe, parce que je soupçonnais que cette langue s'écri- vait à peu près comme l'hébreu, et qu'on la lisait également de droite à gauche, chose dont je n'étais pas sûr; tant, malgré mon extrême curiosité , était grande mon ignorance. Ainsi , pendant qu'un écolier commence ordinairement par des prin- cipes non contestés, je ne débutai point par apprendre la vraie prononciation de l'alphabet , mais marchant de conjecture en conjecture , je me mis à la découverte des caractères arabes. » Ce que raconte ensuite Cleynarts, est fort curieux, quoiqu'un peu long. Nous l'abrégerons en disant que par une comparaison réitérée de l'hébreu qu'il savait, avec l'arabe qu'il ne savait pas, ainsi qu'à l'aide d'une traduction latine interlinéaire, iï par- vint d'abord à trouver les lettres arabes dïins les noms propres ; puis, par une attention toujours soutenue et un travail infati- gable, il saisit des mots entiers qu'il lisait non de bouche, mais mentalement, leur véritable son étant pour lui un mystère j peu à peu il se forma un vocabulaire et devina la grammaire et même une partie des règles de la syntaxe , comme on dit que Paschal 28 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES enfant, devina les trente premières propositions d^Euclide. Rapporter ce qu'on apprend à ce qu'on sait est une loi de la nature ('). Abauzit, si l'on en croit M'^^ Necker, était né avec une mémoire médiocre, et cependant il était devenu un des plus savans hommes par la méthode qu'il avait adoptée. Il prenait pour étudier une science le meilleur ouvrage qui en traitât; il le gardait sur son bureau, il le lisait sans cesse et en faisait des extraits, jusqu'à ce qu'il s'en fût absolument pénétré. En- suite il lisait tous les autres bons ouvrages analogues, sans s'ar- rêter sur les idées qu'il avait déjà recueillies dans son premier livre, et il joignait seulement à son extrait les réflexions nou- velles ou les faits nouveaux j puis il relisait cet extrait, d'abord tous les mois, enfin toutes les années; cette méthode perfec- tionna sa mémoire, et la conserva dans sa fraîcheur, jusqu'à un âge fort avancé. Georges d' Haleivin , seigneur de Commines, qui fut en cor- respondance avec Vives et Érasme, dont il traduisit même en français l'éloge de la folie ( App. ) , avait aussi sur la grammaire des idées neuves et originales. Il pensait que presque tous les grammairiens qui vécurent depuis l'empereur Adrien , ou après l'an 150 de notre ère, avaient suivi une fausse route en prenant les règles et l'analogie pour la base de leur enseignement, tandis que l'usage et la lecture des anciens auteurs étaient les seuls {■) M. Jacotot , en la donnant avec raison pour base à sa Méthode universelle, en a malheureusement exagéré les conséquences. Ce novateur , qui a été l'objet de discus- sions si vives, aujourd'hui parfaitement oubliées, a été jugé en dernier lieu par Y Heidelherg . Jahrhuecher der Literatur , nov. 1830, pag. 1046 — 1061. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 29 élémens de la connaissance du latin. Il avait dédié son traité de Restauratione linguœ latinœ à /. Despautère , à qui il avait confié la direction de l'école de Commines. Sanderus , après Valère André, affirme que cet ouvrage fut imprimé chez Simon Cocus, à Anvers, en 1533, et donne la substance de ses six livres. Sweertius , Foppens et M, De Nélis, dans une note sur les Plautina de Martin Dorpitts ('), s'en rapportent à ce té- moignage qui semble en effet ne permettre aucun doute ('). Cependant, il est possible que Sanderus ait pris pour exécuté un simple projet. Car je ne sache personne qui ait vu le livre àiHalewin; aucun catalogue, à ma connaissance, ne le men- tionne ; et M. Van Hulthem, à qui rien n'échappe, M. G. Heber, ce bibliophile, qui s'en va, demandant à toute l'Europe ce qu'elle possède de curieux en fait de livres et de manuscrits, n'ont jamais pu le déterrer (^). Nous venons d'être témoins de la marche que suivit Cleynarts pour s'instruire lui-même. Dans le morceau qu'on va lire il nous révèle comment il enseignait les autres. Il était alors à Braga, ville épiscopale de Portugal. (( Si jamais Braga a porté réellement le nom d'Auguste, elle a du être appelée très-auguste pendant mon séjour; car Rome elle- même a vu à peine autant d'évêques, de cardinaux, de patriar- (■) Pag. 87 de la première partie des Analecta, dont il avait commencé la publication à l'imprimerie académique de Louvain, et dont les 192, -48 et 176 pag. qui ont été terminées, sont une rareté bibliographique. Archiv. VI, 340. {') Marchant et Jean Buzelinus vantent la bibliothèque de Georges d'Halewin. Flandr. 16S. Gall.-Fl. ,\,U. (3) De Gandav. erudit. claris , 1624, in-4'', pag. 43. 00 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES ches et d'autres dignitaires que j'en ai créés dans cette ville, en moins de rien. Ajoutez que des sénateurs, des consuls et d'autres magistrats (') allaient par les rues, ne dédaignant pas quelquefois d'acheter des laitues au marché Si ceci est pour vous une énigme, yous avez en moi un OEdipe. )) Il y avait à Braga une trentaine de personnes qui se mêlaient de belles-lettres; je ne m'en mis pas en peine, résolu que j'étais à établir une école sur des fondemens tout neufs. Voulant donc faire un essai de l'intelligence des enfans, j'entrepris d'enseigner publiquement quelques marmots tellement étrangers à la langue latine qu'ils n'en avaient jamais ouï une syllabe. Dès que la chose fut connue, la nouveauté du projet attira autour de moi une multitude qui s'accrut au point que l'auditoire ne put la con- tenir. Il n'y manquait en effet aucun âge ; de partout accouraient des gens de toutes sortes. Avec des enfans de cinq ans, des prê- tres, des esclaves maures, les uns et les autres déjà dans la matu- rité. Bien plus, des pères venaient en foule avec leurs fils, et ne témoignaient pas moins de déférence pour le maître que les écoliers les plus soumis. )) Seul au milieu d'esprits si divers, ne prononçant pas un (') Cet usage de désigner par des titres sacrés ou profanes les écoliers qui se distin- guent le plus, s'était conservé dans nos anciens collèges, ainsi qu'en France. De là dans une comédie : Je hais l'enseignement a()|.ielë mutuel Et de nos précepteurs le nouveau rituel; Pour fovnier mes neveux, j'ai besoin d'un jësuite. Les lils de Loyola m'ont eu sous leur conduite , Je fus même empereur dans cliacun de mes cours. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 3i mot qui ne fût latin et cela devant des personnes qui ne savaient point cette langue, j'eus la satisfaction de voir, en peu de mois, que grâces à un usage journalier on m'entendait assez couram- ment, et que les plus petits même babillaient en latin, eux qui rCen étaient pas encore à l'alphabet. Du reste, je me gardais bien d'offrir à mes jeunes élèves rien qui pût leur causer le moindre dégoût, et ce n'était point par antiphrase que mon école se nommait Ludus , attendu que je m'y jouais véritablement. J'avais trois esclaves Tant s'en faut que ce fussent de pro- fonds grammairiens; seulement ils avaient contracté chez moi l'habitude de me comprendre quand je parlais latin et de me répondre dans cet idiome , encore qu'ils péchassent contre les règles de Priscien ('). Je les menais dans ma classe, les faisais dialoguer devant mes élèves et causais avec eux d'une multitude de sujets, mon auditoire ne perdant pas une parole et regardant comme un prodige qu'un Africain parlât latin. — Allons, Lon- gue-dent, disais-je, saute; lui aussitôt de faire deux ou trois gambades et les spectateurs de rire. Toi , Nouveau , rampe : d'abord il se mettait à quatre pattes et les ris ne finissaient plus. Charbon ayant reçu l'ordre de courir, l'exécutait à l'instant. Ainsi j'enseignais mille choses moins de la voix que du geste, et les mots, à la faveur de ce badinage, se gravaient d'eux-mêmes (') Donat fut long-temps en vogue dans les écoles des Pays-Bas j on ne parle que de lui dans l'ordonnance de Wenceslas , rapportée à la fin du troisième Mémoire , et qui se trouve aussi dans la chronique MS. de Dinterus ; et c'est sur des feuilles impri- mées d'un Donat , que la ville d'Harlem appuie sa prétention à la découverte de l'imprimerie. 32 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES dans la mémoire des enfans : au commencement le moindre de mes soucis était de leur jeter à la tête les règles de la grammaire, très-peu récréatives par elles-mêmes. Je m'appliquais plutôt à ne faire sortir de cette foule que des mots latins et à imiter les mar- chands qui apprennent par l'usage les langues des différentes contrées qu'ils visitent. Durant les premiers jours je ne dictais rien. Les yeux attachés sur leur maître, les écoliers accoutu- maient leurs oreilles à entendre ses paroles. Se rencontrait- il quelque sentence, quelque adage susceptible d'être contenu en peu de lignes? ils circulaient aussitôt parmi mes disciples , comme un objet qui passe d'une main dans l'autre. Pendant ce temps-là j'exprimais la chose du geste; car j'avais bien résolu d'éviter la solennité , le faste dans l'enseignement et de rien préparer d'avance : tout ce qui s'offrait à moi servait de texte à mes leçons. (') )) Quand on compare ces procédés (') avec les méthodes barbares (') Archiv. IV , 87 et 198 et De la direction actuellement nécessaire aux éttides phi- losophiques, pag. 33 — ii. L'abbé J.-M.-L. Coupé a donné un extrait des lettres de Cleynarts , dont il a traduit de nombreux passages d'une manière plus que libre dans les P^ariétés litt. , hist. galantes, etc. , avril , 1783 , extrait reproduit par Y Esprit des Journaux. Il y a long-temps que M. Van Hultbem m'avait exhorté à donner une édi- tion de l'original avec des notes, des éclaircissemens et une traduction complète. .Te me serais rendu à une invitation si flatteuse , si le goût de la saine littérature qui faisait chaque jour des progrès , n'avait paru étoufifé tout à coup par les passions poli- tiques. Sur ces mêmes lettres, voir Morhoff, lib. II , c. 10, § 3S , Biblioth. Reimma- niana , pag. 949 , Heumann , o. c. pag. 394 , not. S. ( = ) La préface de Louis Aubery du Ma urier qui a laissé sur notre histoire des Mémoires très-précieux , imprimés en 1687 , présente quelques réflexions relatives à la gram- maire et qu'on croirait empruntées à Montaigne : « .... Le peu que je sçay dans les lano'ues , je l'ay appris à la maison par des maîtres ou par l'usage dans la conversation. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 33 qui régnaient alors et qu'on n'a point entièrement extirpées , on ne peut trop admirer le bon sens de Cleynarts. Il le prouvait plus encore en ne donnant pas sa méthode pour une panacée, un spécifique universel, et en ne promettant point d'infuser la science ou de la communiquer comme par attouchement, sans égards aux lois de notre intelligence, à la nature des choses en- seignées ou à la différence des capacités. Car si le noble désir d'améliorer luttait déjà contre les préjugés, les prétentions exor- bitantes du charlatanisme leur fournissaient une force nouvelle. L'essentiel est moins, en littérature comme en politique, de faire courir l'esprit humain que de l'aider à s'avancer d'un pas ferme et sûr, et Bacon eût voulu qu'on pût attacher à la pensée, non des ailes, mais du plomb. Du temps de Cleynarts, on débitait déjà que la science véritable était le prix de la course. Dans un dia- logue intitulé Ars notoria, le sage Erasme attaque ce travers : DÉSIDERIUS. Comment vont les études, Erasme ? Je n'ay jamais lu une seule ligne de Priscien ni des autres grammairiens ; les Syntaxes , les Clénards et les Despautères , que mon père appelloit les croix de la jeunesse , me sont des pays inconnus etc. Je convie donc ces messieurs de me laisser en repos, puisque j'avoue ingénuement ma faiblesse ; leur laissant très-volontiers en partage les huit parties d'oraison , toutes les grammaires et tous les dictionnaires , avec toutes les remarques et toutes les observations sur les langues : à condition qu'ils abandonnent aux esprits solides et expérimentés la matière et les choses qui sont au-dessus de leur capacité » Tom. Fil. 5 34 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES ÉRASME. Les Muses semblent me tenir rigueur; mais elles deviendraient plus faciles, si j'obtenais de vous ce que je désire. DÉSIDERIUS. Tout ce qui vous sera utile, vous pouvez l'obtenir. Vous n'a- vez qu'à parler. ÉRASME. Je suis convaincu que les sciences les plus relevées n'ont plus de secret pour vous. DÉSIDERIUS. Fasse le ciel que vous disiez vrai ! ÉRASME. Il m'est revenu qu'il existe une méthode universelle , au moyen de laquelle un homme est capable d'apprendre en un clin-d'œil tous les arts libéraux. DÉSIDERIUS. Et en combien de temps ce prodige peut-il s'accomplir ? ÉRASME. En quatorze jours, etc. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 55 Cleynarts ne faisait point de si brillantes promesses, et d'ail- leurs, quoique peu porté pour les études grammaticales, il a oc- cupé lui-même, ainsi que nous l'avons remarqué, un rang distingué parmi les grammairiens : il a eu pour le grec la même vogue que Despautère pour le latin , à plus juste titre que lui, puisqu'il est plus concis, plus net et plus élémentaire. Sa grammaire grecque, pour laquelle il s'aida des conseils de son ami Rescius , était en état de paraître dès 1529 et ne fut impri- mée qu'en 1530, à Louvain. Les éditions s'en sont multipliées à l'infini et plusieurs savans hommes, parmi lesquels on compte Frédéric Sylburg , Pierre Antesignanus , Henri Estienne, René Guillon, G.J. Vossius, ne dédaignèrent pas de les revoir. Celui- ci corrigea les rudimens de Cleynarts , par ordre des Etats de Hollande et de Frise, et c'est cette révision qu'on estime le plus. La grammaire de Cleynarts, plus ou moins corrigée et augmen- tée, fut reçue dans les collèges de France jusqu'au moment où Furgault publia la sienne , et encore soutint-elle quelque temps la concurrence comme la latine de Despautère contre le rudi- ment de Tricot ('). La syntaxe grecque de Jean Varennius , de Malines, publiée à Louvain en 1532, in-4o, chez Barth. Van Grave , et sortant des presses de Rutgerus Rescius, ne put nuire au succès de Cleynarts, bien qu'elle fut tirée de Budée, qu'elle ait eu plusieurs éditions et que Joachim CamerariusV ait annotée. Ce Jean Varennius donnait à Louvain des leçons particulières d'humanités et fut chargé d'expliquer l'Ecriture aux moines du (') Jourdain , dans la Biogr. Univ., IX, 30. 36 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Parc. Son opuscule sur les accens des Grecs, ne parut qu'après sa mort en 1544, à Paris, chez Jean du Tillet. Les Meditationes grœcanicœ , Lov. 1531, que Cleynarts des- tinait à ceux qui voulaient apprendre le grec sans maître, ne furent pas aussi recherchées que la grammaire, et ne contien- nent autre chose que le texte de la lettre de S^ -Basile à S^- Grëgoire , De vita in solitudine agenda, accompagné d'une version littérale et d'une analyse grammaticale. Nous avons déjà dit que Cleynarts savait l'hébreu, chose très- peu commune parmi les érudits de son temps, malgré les efforts du célèbre Wesselus Gansfortius de Groningue ('). Et ce fut cette langue qu'il tenta de répandre la première , en dressant sa Tabula in qrammaticam hebrœani,\jO\., 1529, in-8°; travail qui, malgré ses imperfections, obtint beaucoup de succès à cause de l'esprit de méthode qui y règne ("). Jean Quinquar- boreus ou Cinq-arbres, d'Aurillac, professeur d'hébreu au col- lège royal de France, en a donné une nouvelle édition avec des (') Il mourut en lASG. « Tanto cum promovendarum literarum hebraïcarwn studio flagrasse accepinins , ut, cum Ronia profectus , Nicolao V, pontifici gratissimus esset , isque amplissima TVesselo munera offerret, his omnibus repudiatis unicum modo pe- tierit et obtinuerit , Biblia Hebrœa , MSS. , sibi ut liceret a Bibliotheca P^aticana in Belgium asportare. » Bibl. Belg. 1163. (') Cleynarts s'en explique lui-même en ces termes : ) Oper. III, 187, F. Tom. Fil. 6 /,2 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Une autre lettre, datée de Bâle, le 24 août 1535, nous apprend combien de brigues puissantes, de sourdes cabales étaient jour- nellement dirigées contre le collège des trois langues, que l'étude de ces langues avait commencé à fleurir à Tournay, où Jacq. Ceratinus (') ou deHorn, mort en 1530, avait enseigné le grec; mais que les Franciscains de cette ville et l'université de Louvain, ne s'étaient point donné de repos jusqu'à ce qu'ils eussent anéanti l'ouvrage à peine ébauché : « Doraus, in hune usum eocstructa , prospectum habebat in hortum Fra^nciscanorum. Hinc illœ la- chrytnœ ("). » En l'année 1519, époque où Erasme se trouvait à Louvain, Guillaume Nesenus avait demandé à l'université l'autorisation d'expliquer gratuitement le géographe Pomponius Mêla. On eût dit, d'après Érasme , qu'il allait mettre le feu à la ville. S'il n'avait voulu que faire de sa maison, ajoute-t-il, un lieu de prosti- tution, personne ne s'y serait opposé. A cette occasion notre auteur remarque que l'université de Paris était moins défavorable aux. belles-lettres encouragées alors par François I^^', avec ma- gnificence (^). La célébrité que l'université de Louvain avait acquise depuis quelques années, avait enflé son orgueil et lui avait inspiré des projets de despotisme. (( Ante annos non ita multos frigehat hœc schola, nunc bonarum literarum com- mendatione facta celebrior, m,irum quas cristas erigit, quod attollit supercilium, quant meditatur tyrannidem. » (') F'oyez son article à la fin de ce Mémoire , et plus haut, pag. 39. (') Oper.m, IS09,^. (3) Ib. , S2.3 E. 33S F. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 45 Autre anecdote non moins piquante. En 1521, Vives ayant demandé la permission d'expliquer le songe de Scipion, le rec- teur et ses assesseurs le renvoyèrent à la faculté à qui appartenait l'interprétation des songes; ce qui n'annonce ni beaucoup de connaissance de l'antiquité, ni beaucoup de bon sens et de phi- losophie ('). Vers le même temps, l'uni\ersité d'Oxford offrait à peu près le même aspect. La hardiesse des novateurs religieux, l'imminence d'un schisme, faisaient envisager avec défiance toutes les inno- vations purement littéraires, auxquelles on supposait un autre but. Les ennemis du grec à Oxford se donnaient à eux-mêmes le nom de Troyens, ce qui força Thomas Morus à prendre la dé- fense de cette langue dans une lettre que Jortin a mise à la suite de sa vie à' Érasme ('). Elle est aussi de l'an 1519. A Cologne les partisans de la vieille routine étaient plus zélés encore. Un des Troyens les plus intrépides de Louvain, Jean Hessels, qui mourut en 1566, c'est-à-dire à une époque d'intolérance, dans son Brevis et catJiolica decalocji expositio ('), loue beau- coup le pape Grégoire-le-Grand, de sa haine superbe et de son suprême mépris pour les lettres profanes : (c 0 utinam multos (') Paquot, I, 117. Dans le roman de Tristan de Léonois , Thauor, roi de Cor- nouailles , fait un très-mauvais rêve , et mande vite un philosophe. « Or , dit M. de Tressan , les philosophes de ce temps-là , expUquaient très-bien les rêves et en faisaient quelquefois eux-mêmes, n (2) III , 338—363. Il y avait cependant long-temps que le grec avait été introduit en Angleterre par Théodore de Cantorbery , originaire de Tarse en Cilicie. Bede , Hist. 1. IV, c. 2 , Lingard , Antiq. de l'église anglo-saxonne. Paris , 1828 , in-8°, pag. 608. (3) Pag. 68. 44 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Gregorios mitteret Dominusl vere etenim magnus Gregorius omnes libros quos potuit habere Titi Livii comburi jussit , quia plurima in eis continentur de superstitionibus idolorum. An- tiqua quoque gentiliuni œdificia, quœcunque potuit, subvertit, ne essent reliquœ et memoria idolorum , sicut etiam Dominus Israelitis sœpius mandavit. » Quelques-uns des docteurs qui jouaient alors le plus grand rôle, pouvaient dire comme ce pontife : « Epistolœ ténor enun- tiat : non metacismi coUisionem fugio , non barbarismi confu- sionem devito : hiatus motusque etiam et prœpositionum casus servare contemno, quiq, indignum vehementer existimo ut verba cœlestis oraculi restringam sub regulis Donati ('). » Cela rappelle qu'à la mort du pape Clément IX, comme on désignait le cardinal Bona pour son successeur et que les Romains disaient : Papa Bona sarebbe solecismo , le P. Daugières, ap- partenant à l'ordre des jésuites, qui devait aux lettres humaines une grande part de son crédit, réfuta ainsi cette pasquinade : Grammaticœ leges plerunque Ecclesia spernit; Forte erit ut liceat dicere papa Bona ; P^ana solœcismi ne te conturbet imago , Esset papa Bonus , si Bona papa foret ('). Ce mépris des règles et de l'élégance, cette prédilection pour la barbarie, avaient indigné depuis long-temps le petit nombre (i) Fragm. d'une lettre de Grégoire dans sa vie, par Joh. Diaconus. Lib. IV, prœf. ad lihr. moral. Deut. 16. (2) Raynouard, Choix des poésies originales des troubadours. I, 13 — 14. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 45 d'hommes qui, persuadés que le mauvais goût avait égaré la raison, commençaient par le premier l'affranchissement de la seconde. Ils imaginèrent de combattre leurs adversaires avec leurs propres armes, et de pénétrer dans le camp ennemi sous le cos- tume ennemi. Ce fut l'origine des Epistolœ obscurorum viro- rum, recueil singulier dont l'histoire circonstanciée fournirait à un homme versé dans la connaissance des faits et de l'esprit littéraires du seizième siècle, un ouvrage de longue haleine et aussi piquant, pour le moins, que la dissertation sur V Eloge de la Folie , écrite par M. Jacques Scheltema ('), histoire qui sem- blait être la propriété de MM. Ernest Mûnch (') et R.-W. Rot- termund Q) , les derniers éditeurs de ces lettres , mais à laquelle ils ont renoncé, selon toute apparence. Resserré dans le cadre qu'il s'est tracé, l'auteur du Geschichte der Macaronischen poé- sie C*), M. F.-W. Genthe, n'a pu suppléer à leur silence. Le judicieux Buhle (^) estime que parmi toutes les satires qui parurent à cette époque , il n'en est aucune où la superstition , (■) Redevoering over den lof der zotheid van Desiderhis Erastnus, pag. 223 — 290 du n" 3 de la 2™" partie des Geschied- en letterkundig mengelwerk , Amst., 1818, in- 8". M. Scheltema a inséré au même recueil l'histoire de la statue d'Érasme : Geschie- denis van het standbeeld van D. Erasmus te Roterdam, pag. 101 — 124 du n" 1 du même ouvrage, et Bijlage, pag. 258 — 239 du n° 3. (2) Epistolœ obscurorum virorum aliaque œvi decimi sexti monumenta rarissima. Leipz. 1827, in-8°. (3) Epistol. obsc. viror. ad D. M. Ortuinum Gratium, vol. II : accessit huic edi- tionis epistolœ Mag. D. Passavanti ad D. P. Lyset , ad fidem edit. Londin. recogn. et prœf. Hanoverse , Helwig, 1827, in-8° major. (4) Halle imd Leipzig , 1829, in-S», pag. 167—171. (5) Hist, de la philos, moderne^ II, -413,— Geschichte der Neuern. philosophie , II, -467. 46 SUR LES DEUX PREAIIERS SIÈCLES l'esprit de controverse, la soif de dominer, l'intolérance, la dé- bauche, la turpitude , l'ignorance et la latinité barbare des moines mendians et des scolastiques , soient ridiculisés avec plus de fi- nesse que dans ces lettres. On peut avancer sans crainte, au jugement de ce même écrivain, que ce furent elles et V Éloge de la Folie, par Erasme, qui nuisirent le plus à l'autorité papale et monacale ('); car bien que les Hommes obscurs y paraissent sous l'aspect de véritables caricatures , on y remarque cependant une foule de détails dont il est impossible de méconnaître les origi- naux dans le type général du siècle, et qu'on reconnaîtrait en- core mieux dans les individus, si l'on pouvait ressusciter tant de noms oubliés, saisir toutes les allusions, comprendre le sel de chaque plaisanterie. PaulJove , tout évêque qu'il était, atteste que cette satire fut lue avec avidité en Italie ('), et ne fait pas difficulté de se ranger lui-même du parti des rieurs contre ce qu'il appelle Theologi cucullati. C'est à J. Reuchlin, que Paul Jove attribue ces lettres : Cir- cum,feruntur etiam prœter graviores libros , quanquam sup- presso nomine , ex ejus ofjicina ohscurorum virorum epistolœ , admirabili facetiarum, lepore conditœ. Jean-Conr. Dietericus a suivi cette opinion dans son programme De restauratione grœcarum, literarunt per Germaniam, auspiciis Jo. Reuchlini, {') Burckhard, De Ulr. Hutteni vita comment., p. III, 68. (^) Élog. c. 1-43, pag. 28S, Brucker , Hist. critica philos., nov. éd. IV, 367. Ce dernier écrivain , à propos des fureurs dont cette publication fut l'objet , dit : « Testis esse potest Nie. Weislingeri Huttenus delarvatus , in quo inaudita acerbitate historiam hvjus satijrœ persequitur. » DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 47 Giessœ , publié vers Tan 1661. D'autres ont regardé Eobanus ffessus comme l'auteur de ce piquant badinage, mais le plus grand nombre en fait honneur ou l'imputent uniquement au célèbre Ulric Von Hutten (') , qui n'écoutant que son amitié pour Reuchlin , entreprit de le venger des théologiens de Cologne. Jacq. Burckhard{^), le meilleur biographe de Hutten, et J.-G. Buhle, l'historien exact et profond de la philosophie moderne, adjoignent au héros de la réformation Crotus Rubianus ou Jean Jaeger, né en 1480, à Dornheim dans la Thuringe, et le Dii- catiana lui donne même tout le premier volume des lettres (^). Buhle dit qu'ils avaient si bien pris leurs mesures, qu'on mit sur le compte des personnes déjà nommées et ô^ Erasme , leur œuvre satirique; Burckhard, au contraire, ne fait pas difficulté d'y associer d'autres amis de Hutten, tels que Hermannus Buschius, le comte de Nuenaer, Jean Rhagius y^sticampianus ou de Sommerfeld, Jean Cœsarius, Reuchlin, Bilibald Pirckheymer, Jean Stromerus et même Eobanus Hessus , mais sans nommer Jean Glandorpius , cité par Freytag , et en écartant formelle- ment Erasme. Cette multiplicité d'auteurs, résulte en effet d'un passage de la lettre où Ulric Von Hutten, rend compte de sa vie à {') Jac. Thomasius, P. Manutii epist. prœf. Morhofius, Polyhistor, I, c. 23, § -43. (=) 0. c, Wolfenb. 1717, in-12, p. I, 16S— 173, p. III, 64—71. —Le même De fatis lingttœ latinœ comm. , p. I, pag. 322, p. II , pag. 440, sq. Cf. J. Hartzheim , Bihlioth. Colon., pag. 132—137. De Burigni , Fie d'Érasme , I, 227—233, et mes Archives philol. , II, 73 — 80, ainsi que Placeius , Chr. Aug. Heumann , De lihris ano- nymis et pseudonymis , et A. Barbier, Dict. , n" 20,339. (^) I, 31. Le petit article du Diicatiana sur les Epistolœ obs. vir., oflFre des détaiis à recueillir. 48 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Pirchheymer et elle répond à la nature de ces sortes de facéties où chacun met son mot, comme dans la parodie du Cid, di- rigée contre Chapelain. Malgré l'autorité de Burckhard , il est possible que plus d'un trait comique ou burlesque des Lettres des hommes obscurs , ait été recueilli de la bouche Ôl Erasme , qui n'était pas avare de sarcasmes dans la conversation ("), et qu'il ait fourni son contingent de traits mordans, de phrases baroques et d'allusions dérisoires. Ses dénégations ne prouvent pas grande chose sur sa complicité dans ce complot contre la barbarie (') : on sent assez que sa sûreté l'obligeait à dissimuler, et l'exemple de Voltaire qui désavouait hautement les pamphlets qu'il distri- buait ouvertement, nous montre assez comment on peut se tirer d'affaire en cette circonstance. Quoi qu'il en soit, la lecture des lettres excita la gaieté à^ Erasme, au point qu'à force de rire, il creva un abcès qu'il avait au visage Q). M. Weiss prétend que la plaisanterie y revêt quelquefois les formes de la plus haute élo- (') Il se peint ainsi lui-même : « In conviviis aut con fabulât ionibus amicorum nugor, quidquid in huccani venit , sœpe liberius quam expedit. n Oper. III, 1639. — Nonnun- quam in eodetn convivio , Carneadem referens , disputa pro Luthero et contra Luthe- rum )) Ib. 16S3. Il écrit à Pet. Mosellanus : « Ingenium tuum adamare cœpi, quod mihi tum sanuni et festivum esse videbatur, nani ingeniis hujus modi semper unice sum delectatiis. Ib,, A05. A. (2) Oper. III, 1622 , 1626, 1677. Érasme dans une lettre à J. Hoogstraet, déclare auteurs de celles des gens obscurs , errore salvo , dit-il , Reuchlin , le comte de Nue- naer, Hermann Buschius et Hutten , et il attribue à chacun d'eux , dans cet ordre, une des quatre premières de la première partie. III , -485, B. C. Il faut songer que ce pas- sage se trouve dans une espèce d'apologie où Érasme n'avait garde de se trahir lui- même, en supposant qu'il fît partie de ce que Brucker appelle Hutteni sodalitium. (3) Burckhard , o. c. , p. III , pag. 70 ; d'Artigny , Mémoires, 1 , 212 , n. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 49 quence ('), mais il est vrai de dire que cette facétie, un peu trop prolongée, est plutôt dans le goût du Gargantua que des Pro- vinciales. On a si bien attrapé le ton grotesque et sauvage des ignorans fourrés de l'époque que le prieur des récollets de Bruxelles, dupe de cette fidèle imitation, en acheta quantité d'exemplaires pour en gratifier ses amis , persuadé qu'une pareille publicité ne pouvait qu'être utile à la bonne cause. Il fallut la bulle du pape qui frappait ce livre d'anathème , pour lui dessiller les yeux ('). Erasme observe très-bien que le titre de lettres de gens ob- scurs , était mal choisi et avertissait les simples de ne pas se laisser prendre au piège. La plus large part de ridicule était faite au dominicain et in- quisiteur Hoogstraet (') , né dans la ville dont il portait le nom , et ennemi acharné de toute culture d'esprit, de toute liberté de pensée. A. la diète tenue à Francfort, en 1519, Hermann de Nue- naer , félicitant, au nom de la république des lettres, Charles d'Autriche , élu roi des Romains, lui dit : (c Ordonnez à ces frères, ivres de leurs titres orgueilleux, de prendre soin de leurs couvens, et de s'occuper chez eux, à gouverner leurs moines et à célébrer les cérémonies du culte, etc. )) Et un peu plus bas : (( L'unique fléau de l'Allemagne, daignez m'en croire, est Jacques Hoogstraet, quem si restrinxeris éçan ndvza ymIcx; homo prœter ingentem, (i) Biogr. Univ. XXI, 86. (2) Erasmi Ojoe?-. III, 1677. Cf. Jortin , The life of Erasmus , I, 83— 8S. (3) Jac. Echard, Hoogstrati vita , pag. 70, prétend que ce moine, loin de se tenir oifensé de ces attaques réitérées , fut le premier à en rire , mais c'est le contraire qui est vrai. Tom. VIL n 5o SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES suam audaciam, insigniter impudens atque temerarius. Otn- nes interroga , si libet, per Germaniam doctos viros. Omnes lœsit, omnibus œque infestus est ('). Mais ce que le comte de Nuenaer réprouvait en 1519, M. l'abbé Bax l'approuvait en 1824, puisque dans son catalogue àes premiers de la faculté des Arts , imprimé à Malines en cette année , ayant l'occasion de rapporter que /. De Hoogstraeten (c'est ainsi qu'il écrit ce nom), fut promu au premier rang en 1485, il ajoute : « Hœreticœ pra- vitatis per diœceses Coloniense?n , Moguntinam, , Trevirensem quœsitor scmma cum utilitate pkjEfuit. )) Foppens lui-même , qu'il cite, n'avait pas cru devoir ajouter cette remarque : il est vrai que Foppens ne vivait pas dans le siècle des lumières par excellence. Les lettres sont adressées à Orthuinus Gratins ^ surnommé de Deventer (') , parce qu'il y avait étudié sous Alexandre Hegius. Le mot obscur indigna ce personnage qui, au surplus, n'était pas sans instruction (^) ; aussi à la fin de son curieux recueil intitulé Fasciculus rerum expetendarum et fugiendarum, , (i) Foppens, Bihl. Belg., S17. Les débats d'Hochstraet ou Hoogstraet avec Reuchlin , sont racontés au long dans un livre fort bizarre , intitulé : Moguntina Reuchlini His- toria, publié par Herm. Vonder llardt. Helmst., 171S, in-12. (3) Dans la traduction, du reste très - élégante , des mélanges de Wieland , par MM. Loeve-Veimars et Saint-Maurice, pag. 33, au lieu de Yécole de Deventer, on a mis l'école de Winter; c'est-à-dire un nom d'homme inconnu pour un nom de ville connue. C'est ainsi que M. Cousin cite Hornanus au lieu de Junius { qui était de Horn ) , comme si l'on citait le /jami'ew au lieu de M. Cousin. Mais de pareilles vétilles échappent aux plumes les plus habiles et les plus exercées. J^oy. Nouveaux frag. philos., pag. 217. (3) Schelhorn , Amœnit. Hier. III , 313— 5S3, Arch. phil. II, 66. (2) J^oy. mon Histoire de l'ordre de la Toison-d'or , pag. 289. (») V, 101—129. Tom. VU. 8 58 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES plusieurs insulaires de l'Océan, sont si grandes qu'ils en enve- loppent tout leur corps ; en Scythie , on en voit encore qui , durant l'été , se transfigurent en loups , et quelque temps après reprennent leur première forme. Cette dernière assertion a donné beaucoup à penser à Nicolas de Boussul , maître ès-arts et docteur en médecine de l'université de Louvain, qui l'an 1527, fit paraître en cette ville un livre où, entre autres choses, il examine si la zone torride est habitable, et s'il est vrai que le peuple scythe ou tartare, appelé Neuri, peut se changer en loups et redevenir ensuite ce qu'il était. Il répond à l'une de ces questions que la zone torride est habi- table, et à l'autre que la métamorphose des Neuri en loups- garous se fait par une sorte de manie et de fureur, et qu'elle n'est qu'apparente. C'était l'opinion de /. de Chokier de SurletÇ). M. ffu Monteil, dont V Histoire des Français des divers états au XIV^^'^ siècle a été, quoique très-estimable, accueillie avec une exagération d'éloges qu'explique la rareté des bonnes et solides études, a extrait d'autres merveilles du Viateur , de notre compatriote Rubruquis et des anglais Mandeville (') et GlanviK^). Il faut qu'elles aient joui d'une bien grande popula- rité, puisque Shakespeare en a mis quelques-unes sur le théâtre. (') Faces historiarum. Leod., I6S0, fol., pag. 118 — 121. ('•) Il mourut en 1372 à Liège , où son épitaphe se voyait autrefois chez les Guillel- mites. La Sema, Dict. bihl. choisi du XV' siècle, III, 137, 138. Haraeus , I, 343. Dans sa relation se lit l'histoire de Mélusine qu'on retrouve dans Paraeelse et qui se rattache à l'histoire du château d'Enghien. Voy. mes Nouv. arch. hist. V, 108. {') 1 , 3-7. , DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 5g En effet Othello racontant ses voyages, parle d'hommes ayant la tête placée au-dessous de leurs épaules. It was my hint to speak , such was the process ; And ofihe cannibals tliat each other eat, The anthropophagi , and men whose heads Do grow beneath their shoulders. Act. I , se. 3. Cela n'empêchait point nos navigateurs et nos commerçans de faire un cours de géographie beaucoup plus exact et plus pro- fitable. C'est ainsi que Guill. Van Ruisbroech , moine de S'^-François, natif de Brabant, fut envoyé, en 1253, par le roi S^-Louis, au grand Chan des Mogols , et resta long-temps avec Marc-Paul le seul guide des voyageurs pour ces pays éloignés, quoiqu'il ait mêlé bien des fables à des renseignemens précieux et qui an- noncent avec un esprit d'observation peu commun, une con- stance surhumaine. Peut-être même ces fables ont-elles servi de passeport à la nouveauté de ses allégations géographiques. A son passage par la Crimée, il y découvrit les restes des an- ciens Goths qui parlaient une langue presqu'en tout semblable à son flamand, et depuis, Auger Busbeck, autre belge voyageur, a confirmé cette découverte. Maltebi^un ayant analysé la relation de Rubruquis , nous n'en dirons pas davantage ('). (') Précis de la Géogr. univ. de Maltebrun, liv. XIX; Archiv. VI, 296. Le second numéro de la Revue Uuiv., publiée à Bruxelles , contient un article de M. Ferdinand Denis , sur la poésie et la philosophie des voyages , depuis les temps antiques jusqu'au XVII' siècle, pag. 174—188. 6o SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Les dictionnaires historiques si multipliés par les modernes, doivent leur origine à un Belge , plutôt qu'aux Suidas et aux Hesychius. Hernian Torrentinus , dont le nom vulgaire était sans doute Vander Beke et non Torrentin , comme l'appelle M, Le Mayeur ('), naquit à Zwoll_, vers le milieu du XV^ siècle, et fit ses humanités à Deventer, sous Alexandre Hegius. Parmi ses ouvrages on remarque un commentaire sur le Doctrinal A' Alexandre de Villedieu (') , et un dictionnaire intitulé : Eluci- darius carminum et historiarum : vel vocahularius poeticus , continens Historias , Provincias , Urbes , Insulas , Fluvios et Montes illustres ; item vocabula et interpretationes Grœcorum et Hebraïcorum ; una cum vocalibus communibus Saraceno- rum in latinum translatis et aliis in fine adjunctis. Hagenaw, H. Gran, 1510, in-4'*. On lit à la tête de cette édition cette apo- strophe ridicule de la Grammaire à la Logique , laquelle , suivant Paquot , n'est pas de Torrentinus : En ego Graminatica tibi, Logice , sum inimica , Nam solcecismum semper profers syllogismum. Parus grammaticus equitat cum principe solus , Duin purus logicus currit vero sicut asellus. Ce livre, réimprimé souvent, a été corrigé et augmenté suc- cessivement par Robert ei Charles Estienne , ]par Frédéric Morel, savant imprimeur de Paris et parent des Estienne, et par l'an- (') La gloire belgique. II, 211 et 272. (>) Un autre écrivain appelé Antonius a Gemert Torrentinus, qui dirigea le collège de Bois-Ie-Duc , a commenté les vers de la grammaire de Despautère, 1573, in-4°, chez Jean de Turnhout. Bibl. Belg. 1 , 77. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 6i glais Nicolas Lloyd , du collège de Wadliam en l'université d'Oxford. Horatio Toscanella le mit en italien, en 1644 et D. de Juigné Broissinière le traduisit en français, et y fit des additions en 1644. Vinrent ensuite la Bibliothèque universelle de Paul Boyer, sieur du Petit-Puy, en 1649, et le dictionnaire de Moreri, en 1673; compilation qui a subi tant de métamor- phoses ; de sorte que Torrentinus est effectivement le père des dictionnaires historiques modernes ('). Nous n'étendrons pas non plus davantage dans ce chapitre consacré aux lettres, le tableau de la barbarie du XV™ '^ et XYI*"^ siècles, sur laquelle il nous faudra revenir quand il sera question des autres branches du savoir humain. Les auteurs qui l'ont attestée sont nombreux, et plusieurs ne doivent même leur re- nommée qu'à cela, car il y a des époques où le dégoût de la déraison ressemble à du génie et en suppose quelquefois. Erasme n'a laissé qu'un livre de son Anti-harhare ('), dia- (' j Bibl. Belg. 1 , 478 ; De Feller , Dict. hist. ; Paquot , Mémoires , 1 , 499— 501 , etc. (a) Nous nous contenterons d'en extraire ce passage qui se rapporte à notre troisième Mémoire : « Alius quod somniamt Gejmuiam , alius Margakitam appellat , hic Fioretuji , ille RosETCB inscripsit , at in medio, o bone Deus , ut nihil nisi carduos et lolium invenias ! Est qui spéculum operi suo nomen dédit , est qui omnium errorum sijham. CATHOiicoN ausus est appellare . Ineptius etiatn Mammotreptcm (on a donné ce nom à un des personnages obscurs des petites lettres) , velut haustum lactis gallinacei , pollicens. Sunt qui sosmas et suMMARtiM sumbas appellant , quasi lectori non sit alius scriptor requi- rendus , ubi taies sit nactus lacunas » Oper. X, 1716, E. Le Floretus est un recueil de dits moraux en vers léonins , imp. à Col. ISOl et 1520 sur l'éd. de Lyon, 1494, ïn-A". On l'a mal à propos attribué à S'-Bernard , parce que les Fleurs dont il est composé , semblent tirées des œuvres de ce saint. Il commence ainsi : domine Floeetus incipil liber ad bona cœptus, Sewper erit tutus, hujus monumenia secutus, DUCAIIANA, I, 33. 62 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES logué, comme la plupart des traités de Cicéron, et dont il place la scène dans un village du Brabant, ce qui veut dire Ander- lecht, lieu qui fut souvent son Tivoli, et où il logeait chez son ami le chanoine et écolâtre Pierre JVichman {'), comme à Lou- vain, chez Jean Paludanus ou Du Marais. Un autre livre plus abondant en renseignemens littéraires et composé de même en Belgique, est le traité de L. Vives ^ de Causis corruptionis ar- tium, déjà cité plus d'une fois et auquel il serait utile de joindre celui de Tradendis disciplinis , auquel nous avons déjà eu re- cours. Cependant, il ne faut pas prendre à la lettre toutes les plaintes des savans. Leur correspondance épistolaire surtout doit être lue avec précaution, parce qu'ils y mettent toutes leurs passions, tous leurs intérêts du moment et que les ressentimens de l'amour- propre tiennent dans leur existence plus de place que les trans- ports de la reconnaissance. En outre, la mobilité des impressions ou la nécessité de varier de ton avec les personnes, font que les assertions les plus contraires, les faits les plus contradictoires, se suivent dans des épitres familières ou étudiées, écrites à peu de distance l'une de l'autre , et souvent à la même heure. D'ailleurs, dans tous les temps, les petits esprits, les partisans intéressés des vieilles erreurs, les curieux et les sots sont en majorité, et il ne serait pas difficile de réunir encore des preuves de l'ignorance profonde d'un grand nombre d'hommes actuelle- {'J Son nom est écrit TVitchmanus , Oper. III, 69. II mourut le 18 février 1535, suivant son épitaphe rapportée dans le grand théâtre sacré de Brabant, tom. I, 2' par- tie , Uv. VI , pag. 297. La Haye , 1734 , in-fol. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 63 ment vantés, de leurs doctrines funestes et de leurs menées sourdes contre les efforts les plus louables. Pardonnons donc au XV'"e et XYI'"" siècles d'avoir eu leurs éteignoirs, si ce terme peut figurer ici. Toute révolution suppose une résistance, et plus le changement veut être complet, plus l'opposition est con- stante et opiniâtre. Elle le fut sans doute au temps où nous nous reportons par la pensée; mais dans les rangs opposés, il se présenta plus d'un champion intrépide : or, c'est moins par le nombre que par la valeur des combattans qu'il faut mesurer la force des armées. Erasme, lors même qu'il avait le plus de sujets de plainte, comptait des auxiliaires précieux qui le secondaient quelquefois à leur insu, et dans certains cas, malgré eux. Les uns voulaient bien du latin, du grec, de l'hébreu même : un beau style, une érudition choisie ne leur déplaisaient pas, seulement ils auraient désiré séparer la réforme des études de la réforme religieuse et philosophique. Les autres, au contraire, demandaient qu'elles fussent inséparables. Voici des notices sur plusieurs savans qui furent utiles aux lettres. Martin Dorpius, Yan Dorp ou Van den Dorp. Il était né à Naeldvryck en Hollande ('). Aubert Le Mire, dans ses éloges, dit que pro inge?iio gentis vir fuit comis et per humanus , ce qui prouve que le préjugé de VAuris Batava , {') Fasti Acad., 101. 64 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES n'était pas encore effacé, malgré les remarques à^ Erasme et le grand nombre d'hommes de talent que la Hollande avait pro- duits. A la promotion de l'année 1504, il fut le cinquième de la première ligne, ce que néglige de rapporter M. l'abbé Bax. De- puis, il professa pendant plusieurs années, et avec succès, la rhétorique et la philosophie, au collège du Lys; sur les conseils de Jean Briard, docteur en théologie, il se livra à cette science. Il y devint docteur en 1515, et porta dans l'enseignement théo- logique le goût des bonnes lettres qui y était trop souvent né- gligé. Versé dans la littérature latine et grecque, il était presque le seul alors qui se montrât favorable à cette sorte d'études. Erasme lui rend ce témoignage honorable et ajoute dans un autre endroit qu'il appuyait aussi fortement l'institution d'une chaire d'hébreu ('). Le commerce d^Erasme lui avait été fort utile, et le dominicain P. Manius, qui d'abord avait fait chorus avec les ennemis du sage de Rotterdam et que la lecture de ses écrits avait non-seulement converti , mais rendu son admirateur, mettait sur le compte d'Érasme une grande part des applau- dissemens obtenus par Dorpius ("). Erasme qui se souvenait de l'avoir encouragé dans les premiers efforts tentés par sa jeu- nesse, et qui aimait son caractère et son esprit, lui pardonna de s'être laissé influencer pendant quelque temps, par les intrigues et les suggestions perfides de la coterie théologique (^); il resta (') .1 Ex hilinguihus hic omnes trilingues reddimur Dorpius hebraicœ factionis dux est. » ( 1518 ), III , 307 , C. — " Dorpius optimis studiis semet oblictat. » { 1S20 ) , id. 567, B. Cf. 876, Z>/ QU,A; 1560, -E". (2) m, 582,^. (3) III , 383 , D. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 65 son ami jusqu'à sa mort, qu'il déplora plus que personne et dont il consacra le souvenir dans une longue épitaphe où nous re- marquons ces vers : Tristes camœnœ , candidis cum Gratiis Tantum patronum lacrimis desiderant. Locaniensis omnis opplorans schola Sidus suum requirit ('). Dorpius était en correspondance avec grand nombre d'hom- mes de mérite. Nous avons déjà vu que Despautère se plaignit à lui des persécutions que lui avait suscitées sa grammaire, ce qui prouve qu'il les condamnait hautement. Th. Morus l'avait en grand estime ('). La Bibliothèque Belgique ne rapporte qu'une partie de l'éloge qu'en fait Barlandus , qui était intimement lié avec lui ; nous le compléterons : ce Mire poetarum omnium, fa- bulas tenebat , oratorum et historicorum libres omnes ex- cusserat. Dialecticorum, argutias callebat , physices arcana pervestigaverat , in sacris literis nihil tam arduum et difficile de quo non subtiliter et accurate disputarit. Quam latinus et elegans planeque rom,anus illi sermo! Quam divinorum eru- ditio ! Solebam ego illum, officii causa nonnunquam, adiré , ac fere pomeridianis horis, nonnunquam non studentem ac libris immussantem inveni. Sereno cœlo descendebat mecum inpoma- rium , quod œdibus suis adjunctum, habebat, nec ullus intérim ^ duni ambulabatur , nisi de literis et recte instituenda juven- ') m, 899, c. ^) Ih., 222, C. Tom. FIL 66 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES tute un sermo erat, non ignaro id œtatis velut totius reliquœ vitœ jaci fundamenta. Quid de singulari ejus dicam innocen- tia? Nemineni sciens lœsit umquam , nulli hominum invidit, nihil quod non sanctum et honestum esset appetivit ('). )) Ce portrait confirmé par Érasme, n'est pas celui d'un homme or- dinaire. Voici la liste des écrits de Dorpius , qu'on ne peut apprécier équitablement que d'une manière relative : I. Dialogus Veneris et Cupidinis, Herculem animiancipi- tem in suam inilitiam, invita virtute propellentium. II. Complementum Aululariœ Plautinœ et prologus in Mi- lifem ejusdem. Réimprimé par M. DeNélis , à l'imprimerie de l'université de Louvain, pour faire partie du premier volume des Analectes, qui n'ont point été terminées, pag. 67 — 94 (^). Le prologue de VAulularia, est dédié à Jérôme Buslidius , prévôt d'Aire {voy. plus bas). Il s'excuse de vouloir entrer en lice avec Urceus Codrus qui avait traité ce même sujet; quelle apparence dit-il, qu'un vieillard lutte contre un jeune homme, un Hollandais contre un Italien, un philosophe contre un poète? M. De Nélis remarque très-bien qu'un Hollandais pouvait être expert en poésie comme un homme né en Italie, mais alors le Nord se reconnaissait encore barbare et eût regardé comme une témérité sans excuse, de contester la suprématie des compa- triotes des Médicis. (i) Chron. ducuni Brab. , C. 19-4. (2) P^oy. mes Nouvelles archiv. hist. VI , 3-40. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 67 Dorpius remarque qu'il avait dû à Jean Van Borsseel, de Middelbourg, l'avantage d'être en relation d'amitié avec Bus- leyden, et il vante en passant la belle habitation de ce dernier, laquelle était comme une espèce d'académie : i( .... In œdes tuas divertam, artificio quidem ornatissimas , sed Domini huma- nissima liberalitate ornatiores. » Dorpius avait l'habitude de faire jouer des comédies par ses élèves les plus instruits, et certes, une comédie de Plaute sup- posait dans les acteurs une finesse de tact, une élégance de manières et une pureté de goût peu compatibles avec les repré- sentations barbares des chambres de rhétorique, des confréries de la Passion et des mimes grossiers de ce temps. UAulularia fut jouée au collège du Lys, le 3 septembre 1508, à neuf heures du matin ; Ut intelligant politioris literaturœ amasii , Lova- nienses quoque non nihil in literis mussitare : ainsi le portait le programme, et, contre l'ordinaire, le style en était modeste, Politien a fait, pour défendre cet exercice, les vers suivans rapportés par Bayle dans sa Dissertation sur les libelles diffama- toires (') : Sed qui nos damnant , hisiriones sunt maxumi. Nam Curios simulant , vivunt hacchanalia. Hi sunt prœcipue quidam clamosi , levés, Cucullati , lignipedes, cincti funibus , Super ciliosum, incurfi ceruicum pecus , Quique ah aliis habita et cultu dissentiunt , Tristesque vultu vendant sanctimonias , Censuram sibi quandam et tyrannidem occupant, Pavidamque plebem territant minaciis. (■) Note C. 68 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Cette citation revient d'autant mieux à notre sujet que c'est pareillement dans un prologue pour une comédie de Piaule , les Ménechmes , que Politien s'exprime ainsi. Les jésuites, qui méprisaient aussi les moines et savaient profiter de tout ce qui est de nature à frapper l'imagination, avaient établi dans tous leurs collèges la coutume des représentations théâtrales et même des ballets. Il nous reste une foule de pièces écrites pour ces circon- stances, et toutes faibles qu'elles sont, elles paraissent en général infiniment supérieures aux essais dramatiques qui ont précédé le dix-septième siècle ; quelques-unes même annoncent le sen- timent de la poésie et révèlent quelque entente des passions ('). En 1587, le 20 juillet, le magistrat de Bruxelles avait fait ériger un théâtre contre le mur du cimetière de S*e-Gudule {"), pour que les écoliers de ces pères représentassent une comédie sainte. L'échafaud destiné aux spectateurs s'étant écroulé, leplé- ban de S^^-Oudule et l'échevin Pipenpoy furent tués, le seigneur de Pameel, président de conseil privé, le baron de Wesemael et d'autres furent blessés Q). En 1618, les jésuites de Bruxelles, pour célébrer la promo- (') M. Coupé, qui, dans ses Soirées littéraires, s'est plu à faire connaître les écri- vains latins modernes qu'il traduit seulement avec trop de liberté , aussi hardi à l'é- gard des idées que des mots , a analysé YHerodes infanticida , de Daniel Heinsius , tom. II , pag. 22 et suiv. ; tragédie de collège , mais où il y a pourtant des beautés. (^) Les cimetières servaient souvent de salles de spectacles et l'asile des morts de lieu de divertissement pour les vivans. Dans le Huetiana, pag. 62, on lit que les comédies de Villon se représentaient dans les cimetières des églises, aux principales fêtes de l'année. OEuv. de F. Villon. La Haye, 17-42, p. xxxj. (3) Harœus , II , -loi. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 69 tion du duc ô'Arschof, du marquis de Varambon et du comte de Furstenberg, comme chevaliers de la Toison-d'or, firent jouer une pièce intitulée : Vellus Aureum ('). L'auteur des Essais sur Paris (') rapporte, d'après le père Menestrier, que pour la solennité de la béatification de S'^-Ignace, ses disciples donnèrent un très-beau ballet, ou l'on voyait la ville et le cheval de Troyes, se mouvant par de secrets ressorts. M. G.-A-.J. Hécart n'a pas oublié les comédies des jésuites dans ses curieuses recherches.... sur le théâtre de Valenciennes , Paris 1816, in-8°, fig. (^). Il a parlé en outre de celles des PP. Augustins, qui se piquaient également d'avoir leurs Roscius; et il entre, à cette occasion, dans des détails fort amusans à lire, du moins pour les amateurs de l'histoire littéraire. Les vers ajoutés par Dorpius à VAulularia de Plaute, ayant été montrés à Georges dHalewin, par Despautère , qui dirigeait une école dans les terres de ce seigneur, il écrivit à notre au- teur pour lui demander son amitié, et il le fit avec une grâce et une rondeur que les personnes de son rang n'employaient pas toujours avec les hommes des lettres. « Tu igitur, mi Martine , et si oculis mihi incognitus es, cura ut calamomihi sis fam,iliaris. )) Il ajoute que Plaute est son auteur favori, son {■) Nouvelles archiv. hist. VI, 3S2, (=) OEuv. de S'-Foix, Paris, 1791 , III , 416. (^) Pag. S et suiv. Nous ne reprocherons pas à M. Héeart , d'avoir passé sous silence la Peatirde-Bœuf, comédie imprimée à Valenciennes, en 1710, et dont l'abbé de S'- Léger a donné une notice à sa manière dans V Année littéraire de 1773, tom. VIII , pag. 320 — 3-4o ; car qui peut se flatter de ne rien omettre et , en bibliographie , qui a tout vu , tout rencontré , tout retenu ? 70 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES maître de latin , son vocabulaire et son -père ! Celui-ci est un peu fort, il faut en convenir. L'édition originale du Tonius Aululariœ Plautinœ adjectus est extrêmement fautive, du moins c'est M. De IVélis qui l'assure, car je ne l'ai pas eue entre les mains ('). III. Oratio de Laudibus Aristotelis , adversus Laurentium Vallam. Habita, anno 1510. — Oratio de assumptione Vir- ginis Deiparœ, Lovanii, apud Theodoricum Alostensem , 1514; in-4o. lY. Oratio de Laudibus Divi Pauli de literis sacris ( pro- noncé avant de commencer l'explication de S^-Paul); Basil. Frobenius , 1520. V. Epistola de Hollandorum moribus , en tête de la lettre de Chrysostôme de Naples. Lovanii, T. Alost., in-4o. Cette espèce de préface qui n'a qu'un feuillet est peu importante. Scriverius l'a insérée dans ses Inferioris Germanice provincia- rum unitarum antiquitates . Lugd. Bat., 1611, in-4°, pag. 127, 128. Dorpius y promet un ouvrage sur la Hollande, de son maî- tre Joannes Delfus : (( De quo Joa-NNes Delfus, prœceptor mens, libelhim collegit, quem publico dignum forte aliquando émit- tam. )) Il remarque ensuite que Chrysostôme, pendant son voyage, semble n'avoir logé que dans les tavernes de chartiers, et dit avoir vu dans la bibliothèque de Tabbaye d'Egmont, d'an- (') Bibliotheca latina , Lips. , 1773, 1,8; J.-B. Levée, Théâtre complet des latins. II , 37S. M. Levée a préféré le supplément de Philippe Paré à celui de Dorpius , con- tenu dans une édition de Y Jubilaire . donnée à Anvers , en 1S37, avec celui d'Urceus Codrus. DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 7' ciennes chroniques où le nom de la Hollande était écrit Holt- LAND, idque a lignorum, copia. A la fin de la lettre de l'auteur italien, Dorpius a rassemblé Epitheta Batavorum , elles remplissent dix lignes. Voilà à quoi se borne tout son travail. VI. Oratio de laudibus sigillatim cujusque disciplinarum , ac amœnissimi Lovanii , academiœque Lovaniensis , dicta ka- lendis octohrihus , antio MCCCCCXIII , in frequentissimo totius academiœ conventu, cum, post œstivas studiorum, ferias, docendi audiendique officia publice renovanda indicerentur. Lovanii, Thebd. Alost., 1513, in-4o; et réimprimé par M. l)e Nélis , tom. lei' des Fragmensde ses Analectes, pp. 1-66, Tannée que le canal de Louvain à Malines fut achevé ('). L'usage de ces sortes de discours remonte à l'origine des uni- versités. La plupart du temps ce sont des lieux-communs, j'en conviens, mais quelquefois aussi on s'en est servi pour énoncer des idées ingénieuses, tandis qu'en d'autres occasions, ils con- statent l'état des études et la marche de l'enseignement. Dorpius se propose de traiter de la dignité et de l'utilité de la science : De disciplinarum prœstantia uberrimoque fructti , et il parcourt, en conséquence, le cercle des sept arts, commen- çant, de droit, par la grammaire qui, dit-il, avait changé de face : Ea viundior jarti , ornatior, decentior, venustior emersit; non illatinis vocibus lacera, non perplexa scribiligine involuta, non situ carieque verboruni obsita. Éloge qu'il faut restreindre , en se rappelant tout ce qui a été dit dans le troisième Mémoire. (■) Pag. 5i. 72 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Un moyen d'apprendre la grammaire, suivant Dorpius, con- siste dans les dialogues familiers tels que les colloques ôi' Erasme et de Vives : Porro hue accedunt domesticœ confabulationes quas cultissimas docere, quas suaves ac nulla ineptiarum labe in- fectas facere, grammatici sunt partes. A propos de la dialectique il se plaint de ceux qui en font l'arme du sophisme, jette, en passant, un trait détourné à Le- febvre d'Etaples, et se plaint de la France, qui envoyait aux Pays-Bas des chariots de livres meras sordes exhalantium. Le chapitre de la rhétorique amène l'orateur à faire un éloge magnifique di^neasSylvius, qui fut pape sous le nom de Pie II. Il y remarque que Rodolphe Agricola prononça à Ferrare un dis- cours sur le même sujet que lui, discours intitulé : Oratio dicta in studiorum ad hiemem i?inovatione , anno 1476. Voici le passage : a Rodolphus Agricola, ille Phrysiorum. atque adeo universœ Germaniœ decus, Ferrariœ consimili et ipse argu- mento orationeni hahuit ; sed quo euni audiret Hercules Es- TENSis, Ferrariœ dux, belli gloria clarissiinus , e principali solio descendens , inter auditores assedit, perinde atque unus quivis e vulgari turba. » Quant à la musique, tel est son objet : (( Considérât tonum, hemitonium , tropos, symphonias , diatessaron, diapente , in- quam, et diapason. Hœc metrorum tempora modosque ar- gutissime moderatur : hœc omnia instrumentorum gênera chromatico et harmonico accuratissime discriminât, v Nous nous étendrons davantage sur ce bel art dans un mémoire sub- séquent. L'astronomie s'unit étroitement à la médecine : (( Prœdicit item DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 70 quo tempore quod membrum aut noxiuin sit axit salutare in- cidere ferro; quo minuendus sanguis ; quando efficaces sint futurœ potiones, quando perniciosœ. )) Prescriptions rendues en vers ridicules dans les calendriers mis en tête des anciens livres de liturgie. Piscis habens lunam, noli curare podagram. Nil capi'ti noceas , Aries cum luna refulget; Non tangas aures, sed balnea tutius intres ; Non cephalam minuas , nec barbam radere debes. Maius amat medicos et balnea et scindere venas, etc. Parmi les merveilles de la physique, Dorpius compte la chute des pierres, des grenouilles, des pluies de sang, de lait, de terre: Qui fiât ut pluant lapides, ranœ, terra , lac , sanguis. Phrase qui excite la gaieté de M. De Nélis, lequel demande si la chose est jamais arrivée et trahit ainsi son ignorance en ces matières. Dans mon Essai sur la statistique ancienne de la Belgique , pre- mière partie, pag. 63 et suivantes, j'ai indiqué des observations faites autrefois sur des phénomènes de cette nature , dont Molinet apporte cet exemple : Jay veu et leu en livres Dune pierre pesant Deux cens cinquante livres Montaignes traversant Du ciel par ung tonnoire Comme il me fut compte Cheut ceste pierre noire En Ferret la conte ('). (') Les faictz et dictz , Paris, 1331, fol. cxui verso. La Recollection des merveil- Tom. VII. lo 74 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES Les arts libéraux passés en revue, vient le tour de Louvain et de son université. Il vante la douceur de la température , la beauté et la salubrité du site, la fertilité du sol, la fraîcheur des eaux, et il ajoute, en sa qualité de rhéteur : « Porro oppidi regio , tam amœna , etiani ampla est, spatiosa , nusquam conclusa aut sujfocata ; undique patentissimis foris , coinpitis, vicis , plateis; iisque ita patentibus ut nomen minime perdant. Locus tum,uUuum populariuni plane expers , quietis ac solitudinis custos , plurimos habens recessus , ineditationibus studioque aptissimos. Non fœdantur areœ , viarum strata , canalesve (honor sit auribus) hominum excreinentis : non lotio , non lutorum aggeribus. Non est Lutecia, sed Lovanium. )) M. De Nelis qui trouve cet éloge exagéré et faux, même en sa conclusion, cite, d'après Juste Lipse , le cadastre de Louvain fait en 1427, et d'où il résultait que cette ville était plus grande que Gand de trois verges, que Liège de huit, que Paris de dix, et que Cologne de douze. Son enceinte renfermait déjà de vastes solitudes, lesquelles au dire de Juste Lipse, qui atteste les recen- semens de l'an 1360, conservés aux archives, étaient jadis en- tièrement occupées par des maisons. Dorpius continue : (( Domus studiosorum usibus sane quam leuses , réimprimée à la fin de la Légende de Faifeu , édit. de Coustelier, et par M. Buchon , au commencement de V Histoire de Jacques de Lalain, et à la fin de celle des Ducs de Bourgogne , de M. de Barante, mériterait d'être publiée avec un bon com- mentaire. M. Buchon a bien ajouté quelques notes à cette chronique à la fin du règije de Marie de Bourgogne , mais elles sont insuffisantes et quelquefois inexactes : par exemple, à propos de la mort de Louis de Bourbon, évêque de Liège , M. Buchon , historien , adopte l'anachronisme de Walter Scott , romancier. Cf. mes Archives, III , -48. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 75 accommodée : non usquequaque 7nagnifi,cœ aut sum,ptuosœ. Hœc enim, quorsum, philosophantibus? » Quant à l'habitant : a Sermone est blandus, Tnoribus m,ansue- tus ac tnitis, commis , civilis , omnibus in rébus nitidus inagis quani splendidus. Quod autem divitiis non plurimtim abun- dant, quod frequentia desint emporta, quod adventicii desint mercatores , externarum deliciarum adventores, etc. » Le com- merce était, en effet, anéanti. Le panégyrique obligé des étudians et des professeurs, ter- mine la harangue. Dorpius dit que le nombre des premiers était plus considérable à Louvain que dans tout autre université, celle de Paris exceptée, a Numerosis quidem illis, si cuivis univer- sitati extra unam Parisiorum, conféras, tamen delectu magis , quam numéro œstimandis. » Dans cette partie du discours se lit une réflexion très-appli- cable de nos jours, où tout ce qui n'est pas immédiatement pra- tique est considéré comme inutile, et où l'on a peine à faire comprendre à la jeunesse qu'une éducation privée d'enseigne- ment philosophique et littéraire, croule par sa base. (( Procul, dit DoHPius, procul, hercle , procul abest ea perniciosa faci- litas, vel in discipulos recipiendi, qui non artibus legitimam navarint opérant : vel ad gradum sublimandi, qui sese pa- rum idoneos exhibeant. » Il n'en est plus de même actuellement, que le diplôme de docteur en médecine et en droit, s'accorde sans difficulté aux élèves les plus illettrés. Et nous nous croyons à la tête de la civilisation ! Malgré ces louanges officielles, Dorpius écrivait à Érasme en 1518, que, pour faire fleurir l'étude des langues à Louvain, 76 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES il eût fallu que l'enseignement y fût gratuit, mais, ajoute-t-il, nos maîtres ne sont guère enclins à donner ('). VII. Quoiqu'il fît un cas infini de ce grand homme, il blâma son Éloge de la Folie ('), ce qui obligea Erasme et Morus à lui adres- ser chacun une longue lettre. On a réimprimé l'une et l'autre à la suite de quelques éditions de VEncomiuni Moriœ. Elles sont datées de l'an 1515. 3Iorus le combat au moyen d'un argument ad hominem, en disant : « Si quis tuas, mi Dorpi , ecccutiat epistolas, nihilne reperire possit, quo tu ulluni hominum ge- nus aliquo mordaci dicto, perstrinxeris? a?i illud edentulum prorsus esse putas, quo in memorata epistola ad Menardum abbatem respergis antistites9... «En effet, dans cette dédicace placée au-devant du discours que je viens d'analyser, Dorpius disait à un abbé beaucoup de mal des prélats. (( Amabile pro- fecto est {quis negat?) sacrarum literarum studium; sed quod taw^en , uti plurimum eget, ita per paucos , ne dicam mdlos , habeat patronos , prœsertim lui similes, qui juxta parati sint beneficium impendere atque polliceri. Enim vero quotus- quisque est ex omni primatum globo, qui non assentatorem (^), aut equisonem , aut denique coquuni cuivis prœferat theologo , vel ab unguiculis noctes atque dies legem Dei ineditanti , sin oui velit seu sacerdotium seu dominici gregis curam commit- {') Érasme , Oper. III , 332. £. (2) 11 y a des traits beaucoup plus hardis dans la préface de Y Enchtjridion militis christiani, traduite en partie par Coupé, Soirées litt. VII, 277 — 283. f^oy. V Appen- dice A. (^) Ce mot remet en mémoire le personnage de LiebetrmU , que Goethe place à la cour de l'évêque de Bamberg , dans son Gœtz de Berlichingen. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 77 tere.... Proinde magna laus tua, prœstantissime pater, qui non illud arbitraris abbatem esse, ruri in principali arte deliciari, mulos atque equos, deserto Christ i grege, pascere, cœnobii septa cane pejus et angui odisse, quidqiiid est voluptatis ventri atque genio dicare , monachos procul e sublimi despicere, tam- que raro in conspectum admittere, ut solo nutu dignari, plane sit beare.... ('). )) Cette censure n'a pas moins d'âcreté que celle di Erasme , mais en prêchant la prudence à un ami, on prend sur lui une sorte de supériorité, et, sans qu'on s'en doute, l'amour- propre y trouve son compte. Jean Custos, De Gosier, ou Gosiers. Naquit à Brecht, en Brabant. Elève du collège du Lys, il fut le premier à la promotion de l'an 1496 ("), et enseigna les hu- manités au collège du château vers l'an 1498. Il fut ensuite recteur de l'école de Groningue, puis de celle attachée à l'église de N.-D. à Anvers. Dans sa vieillesse il se retira chez lui et se livra à l'enseignement privé. Il a écrit : I. Une grammaire latine souvent publiée et dont Despautère, qui suivit ses leçons à Louvain, a tiré parti. Martin Lipse la (') Le circonspect Sanderus ne va guère moins loin , car parlant de la bibliothèque de Raphaël de Marcatellis, abbé de S'-Bavon , il dit: n Sic virpretiosius fecit , ac melius profecto laudahiliusque quam si ( ut ah aliquibus etiam hodie factitari solet) melius {lisez MDLis), canibus , vulturiis , morionibus , scortis , aliisque id genus vanitatibus opes sacras impendisset. » De Gandav. erudit. claris, pag. 116. (2) Bibl.Belg., 623} Catalogus primorum , pag. \9 . Scriptores Antuerp. MS. I, Zibis. 78 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES retoucha et la publia à Anvers. Juste Lipse, dont Martin était le grand oncle, se plaint qu'ayant eu dès l'âge de six ans entre les mains les rudimens de Despautère , à dix on lui fit apprendre ceux de De Coster et perdre un temps précieux à se graver dans la mémoire des règles et des questions absurdes : In regulis aut quœstiunculis ineptis meliorem fere œtatis partem perdenti (') : ce qui ne donne pas une idée favorable de cette grammaire. Dans les écoles d'Anvers, on se servait vers ce temps-là, entre autres livres, des suivans : A. Elegantiœ vocabulorum ex Laurentio Valla, Frontone , Capro, Agrœtio Nonioque in ordinem alphabeticum redactœ a Jacoho Montano jamdudum recognitœ. Antverpise, Micli. Hillenius, anno 1526 mense julii, in-12.; dern. sig. G. 3. Ce manuel est en forme de dictionnaire. B. Augustini Dachi senensis philosophi et oratoris prœstan- tissimi in latinœ linguœ elegantias , ad Andream Capacaum senensem suum discipulum libellus isagogicus. Antverpiee, apud Mich. Hillenium in rapo, anno 1532, in-12; dern. sign., F 5. II. De Coster corrigea aussi les vers Ôl Alexandre le gram- mairien, c'est-à-dire à' Alexandre de Villedieu (^). Il mourut en 1526. (') De Justi Lipsii Vita et Scriptis Commentarius , pag. 10. {') Adam de Reckeaberg, auteur d'une dissertation De ineptiis literariis , y a inséré , comme de juste , un échantillon de la versification du Doctrinal; Exercitat., pag. 530 : Lac la eus ponit : allec ailecis habebit, Is post pone sAi , is mel , i^Lque dedere , Curtam pone salis , longam dant élis et OLis. Ul et IL dant is , Cohsdl , pdgii est tibl testis , etc. Cf. Jo. Georg. Walchius , HistoKia critica latinœ linguœ. Colon., 1734, in-12 , pag. 267. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 79 Je crois que c'était de lui que Cornélius Battus parlait en 151 7, sous le nom de Joannes Brechtius , ludi magister Anverpiensis, et qu'il appelait /awtor noster ('). Ce Battus était un jeune homme de mérite protégé par Érasme , et dont le père exerçait les fonc- tions de secrétaire de la ville de Bergen-op-Zoom (^). Jean Paludanus, De Palude, Dumarais ou Demarais. Il était de Cassel et occupa dans l'université une chaire de rhétorique (^). Barlandus , son successeur, qui fut au nombre de ses élèves, en parle en ces termes : « ... juvenis olim annos circiter XX natus in scholis audivi disserentem Joannem Pa- LUDAmiM, virutn mehercle magni judicii et latinarum literarum exiniie peritum, cui Lovanii, cum hotninem exuisset, nos tn rhetoricœ publica professione successimus {^). )) Érasme demeurait chez Dumarais, en 1517 (^), il l'appelle vir utriusque linguœ peritus , éloge q^ Horace croyait fait pour flatter Mécène. Ce professeur était fort lié avec Gérard, de Nimègue, Dorpius et Morus. C'est à lui que Gérard Lystrius dédia son édition de VEncomium, Moriœ. Il dit dans son épître dédicatoire qu'il a eu (■) Erasmi Oper. III, 1600, F, 1601 , A. ("■) Ibidem, 1779, C, 238 , 5; De Bu,rigni , F^ie d'JS'raswe, I , SO , 81 ; Gouthoeven , Cron. van Holland , 18 ; M.-Z. Van Boxhorn, Chron.van Zeeland , 1, -437 ; P. De la Rue , Geletterd Zeel., 141 ," 330 ; Oudh. en gestigt van Zeel., S2 , Paquot , II , 669 , ete. (3) Voyez plus loin le chapitre sur l'organisation de la faculté des arts. (4) Fasti Acad., %A1 . (5) Oper. III, 1658, E, 1837, B. 8o SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES le bonheur de passer quelques mois avec Érasme, et qu'il n'était personne au monde dont celui-ci parlât plus souvent, avec plus de plaisir et plus honorablement que de son cher Paludanus. (( Deum immortalem , quo ore, qua facundia solet ille re ferre tuam eruditionem , judicium , multo rerum usu collectant pru- dentiam, incredibile studium erga doctrina prœstantes viros , singularem inqenii candorem , sunimam vitœ comitatem, , ci- mlitatem iniram , morum inauditam suavitatem. , in amicitia fideni plusquam Pyladeam , ut tnagis te perspexerim illo te depingente, quamcum Lovanii publiée profitentem audirem. » A la tête de V Utopie de Thomas Morus , on lit une lettre de Paludanus à Pierre Gilles d'Anvers , et dix vers latins du même sur cet ouvrage. Dans sa lettre que Gueudeville a aussi traduite, il se plaint du sommeil des Belges, tandis que toutes les nations s'éveillent à la gloire et que le chancelier Sauvage et le prince Charles, son maître, aiment tant à protéger les lettres. Il ne faut pas confondre notre Paludanus avec trois autres des mêmes nom et prénom. L'un , né dans le Hainaut, enseigna à Gand , à Tournai et à Mons ; l'autre , dont le nom vulgaire était Vanden Broeck ('), naquit à Malines; le troisième à Diest ('). Il mourut en 1525, le 20 février. Jacobus Ceratinus ou Van Horn, ville dont le nom flamand signifie Cornet {-népaç). Son nom de famille était Teyng. Érasme et Adrien Junius , (■) BiU. Belg., 708, 709. (2) Paquot, III, 417. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 8i le premier surtout, lui donnent les plus grands éloges , sous le rapport du caractère et des connaissances. Erasme le jugeait ca- pable de soutenir la comparaison avec les professeurs d'Italie les plus habiles en latin et en grec, et il aurait voulu lui faire ac- cepter la chaire de grec du collège des Trots-Langues, dont nous ferons plus tard l'histoire. Ceratinus , qui désirait établir un semblable collège à Tournay ('), y enseigna le grec, mais, au dire à^ Erasme, la peste et la guerre le chassèrent de cette ville. Il donna des leçons par- ticulières de littérature grecque à Louvain, où il mourut dans la fleur de l'âge, le 20 avril 1530 {'). Il a écrit : I. De sono grœcarum latinarum. Colon. 1529, in-8°. Ce traité, dédié à Érasme , parut avec le dialogue de celui-ci : De recta pronunciatione. L'un et l'autre ont été réimprimés à Leyde , en 1736, dans le Sylloge scriptorum qui de lingtiœ grœcœ vera et recta pronunciatione com^nentarios reliquerunt , publié par Sigebert ffavercamp.Lugd.Bat. 1736-1740; 2 vol. in-S", t. ler. II. Il a traduit en latin le premier et le second dialogue de S^-Jean Chrysostôme , sur la dignité du sacerdoce, ouvrage en six livres, regardé comme le chef-d'œuvre de ce père de l'Eglise et dont S^-Basile et S^-Chrysostôme sont les interlocuteurs. Il est remarquable qu'Erasme, qui a donné une édition de Chry- sostôme, ne cite point la version de Ceratinus, à qui il se plai- sait à adresser des choses flatteuses dans d'autres occasions (^). (') Ployez plus haut. (2) Bibl. Belg., SOS; Sweertius , 3S8 , etc. (3) Erasmi Oper. VIII , 3. Tom. Fil. 82 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES III. Dictionarius grœcus prœter omnes superiores accessio- nes, quarum nihil est omissum, ingenti vocabulorum numéro locupletatus per utriusque literaturœ non vulgariter peritum Jacobtjm Ceratinum, ac ne libellorum quidem ac fragmentorum, quœ superiores adjecerant, hic quicquam desiderabis. Basileee in eedibus Jo. Frob. , anno MDXXIIII, mense julio; in-fol. Der- nière sign. V 5. Ce dictionnaire, basé sur celui d^Alde Manuce, est précédé d'un avertissement ^Erasme, qui en porte un jugement et mon- tre en quoi il surpasse les essais précédens du même genre. (c Des. Erasmus Roterodamus grœcœ literaturœ candidatis S. D. » Utinam Guilhelmo Bud^eo vel libuisset, vel vacasset huic négocia non nullain teniporis portionem decidere, prœsertim in annotandis grœcorum tropis et idiomatibus. Nec enim est alius grœcanicœ supellectilis ditior. Maino non parumdebemus, ac maie precamur invidœ febri, quœ studiosis eam utilitatem reddiderit maligniorem. Habes, lector, in hoc volumine quicquid diversis locis ac temporibus ab aliis fuerat additum, ne his quidem, prœtermissis , quœ nescio quis ociose , ut diximus, ad- jecerat. Ad smnmam autem prius œditorum accessit ingens vocabulorum numerus, ex optimis autoribus selectus per Jaco- BUM Ceratiivum, qui , quod est rarissimum, exactam utriusque literaturœ peritiam cum incredibili modestia copulavit. Hujus accessionem quum conferrem cum aliorum auctariis , quœ in proxima Gurmunth (G. De Gourmont, à Paris), œditione fue- rant addita (nam hanc Ceratinus noster non viderat) miro DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 83 modo vice ullam vocern ab hoc annotatam, comperi quant illi priores occupassent Basileœ Calend. julii anno 1524. » Ceratinus est le premier lexicographe grec en Belgique, selon l'ordre des temps. Puisque l'occasion s'en présente, je réparerai une omission en mettant au nombre des vocabulaires latins dont on se servait dans nos écoles au XV™'' siècle, un livre d'autant plus remarquable qu'il appartient au premier âge de l'imprimerie et à l'histoire de notre littérature flamande. En voici le titre : Vocabularius copiosus et singularis unus ex diversis, dili- gentissime theutonicatus féliciter incipit. Lovanii, typis Johannis de Westphalia, circa ann. \A11 ; in-fol. Un exemplaire de ce rare vocabulaire, provenant du prieuré de Bethléhem, est à la bibliothèque de l'université de Louvain. M. Delà Sema en a fait la description dans son Dict. Bihliogr. choisi du XF™" siècle. III, 466, n» 1396. Plus tard on se servit dans les classes du lexique de Jean Servilius ou Knaep, dont Foppens ne marque pas la date et qu'il n'indique que d'une manière incomplète. En voici le titre : Dictionarium Triglotton, hoc est tribus linguis, latina , grœca et ea qua tota hœc Inferior Germania utitur, constans : non tantum cas voces omnes quas latina agnoscit respublica, sed et prœcipuas quasque ab auforibus usurpatas phrases , vernaculo sermone expressas , continens. Joanne Servilio, col- lectore et interprète. Antverpiœ, apud Micli. Hillenium in rapo, MDXLVI; petit in-fol., 279 feuillets. Le privilège de Charles-Quint atteste que son conseil s'est fait représenter les attestations des théologiens qui déclaraient 84 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES ce dictionnaire pur de tout soupçon d'hérésie. Il est suivi d'une épitre de l'auteur à Michel Hillenius et Jean Steelsius, celeber- rimis, reique literariœ studiosissimis bibliopolis. Il y dit que l'on possédait plus de six cents grammaires et autant de syn- taxes, mais que l'on était moins riche en dictionnaires. Il ne cite point Ceratinus ce qui est digne de remarque. En réunissant de semblables renseignemens, nous suppléons en partie au silence gardé par les gens de lettres sur l'intéressante question proposée en 1818, et qui était conçue en ces termes : Quel était l'état des écoles et autres établissemens d'instruc- tion publique dans les Pays-Bas, depuis Charleinaqne jusqu'à la fin du seizième siècle 9 quelles étaient les matières qu'on y enseignait, quels étaient les livres élémentaires dont on s'y ser- vait, et quels sont les professeurs qui se sont le plus distingués aux différentes époques? On voit que l'université seule de Louvain peut fournir matière à un travail considérable. Theodoricus Alustensis ou Alostensis, TmERRi Martens ou Mer- TENS (fils de Martin). Célèbre imprimeur qui s'établit pendant plusieurs années à Louvain, et y fut l'ami de Dorpius et ^Erasme. Nous y re- viendrons dans le chapitre sur les moyens matériels d'instruction. Alardus Amsteledamus ou Amstelodamus, Alaert d'Amsterdam. Ce théologien était en même temps un philologue instruit et formé à l'école de Rodolphe Agricola, dont il réunit les œuvres DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN. 85 en deux volumes qu'on ne se procure pas aisément. Cologne, chez Gymnicus, 1539; in-8°. Il vécut à Cologne et à Louvain , où il étïiit en liaison avec Ruardus Tapperus , Jac. Latomus, Goclenius, Nannius ('), Erasme, Vives, Fr. de Cranevelt , etc. Il mourut à Louvain en 1544. On trouve dans la Bibliotheca Belgica la liste de ses écrits. Ils présentent généralement peu d'intérêt (^). Fratîciscus Craneveldius ou De Craneveld ou Van Cranevelt. Naquit à Nimègue, le 3 février 1485, d'une famille noble (^). Dans son enfance il suivit, au collège du Lys, à Louvain, les leçons de Despautère , et fut proclamé le premier de la faculté des arts en 1505 (^). Docteur en droit en 1510, il devint pen- sionnaire de la ville de Bruges, et en 1522, il entra au grand conseil de Malines (^). Agé de plus de soixante ans, il se mit à apprendre le grec, et y fit assez de progrès pour écrire à ses amis dans cette langue et traduire plusieurs ouvrages grecs en latin. Vives vante la dou- (') Sur Goclenius et Nannius voir plus bas l'Histoire du collège des Trois-Langues. (») Bibl. Belg., 38, 39, Mirœi Elogia, Decad. VII. (3) Cette famille fut admise parmi les patriciennes de Louvain. Elle porte de sinople à la grue avec sa vigilance d'or. Septem tribus palriciœ Lov., 175-i , in-12 , pag. 23 — 130. (4) Dans le Catalogus omnium primorum, pag. 21 , cette promotion est placée sous le signe F", qui signifie le Collège du Faucon. Ce catalogue est de M. Bax , mais aupara- vant on avait déjà publié : Catalogus omnium primorum.... ah anno 1-426 usque ad an- num 1741 inclusive. Lovanii, J. Jacobs (1741 ) , in-12; 8 pag. non cotées. (^) Suppl, aux troph. de Brab., II , 317. 86 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES ceur de ses mœurs et la rectitude de son jugement. On a de lui quelques traductions indiquées par Foppens. Il était lié avec Érasme, Vives, Barlandus , Morus, Nannius et d'autres gens de lettres. Il mourut en 1564, le 4 octobre ('). Jacques Latomus ou Masson. Son article sera placé à la faculté de théologie. RUTGERCS ReSCIUS. Voyez le chapitre du collège des Trois-Langues. Jean Louis Viatès. Paquot a rédigé sur ce savant un fort bon article, auquel nous renvoyons ("). Né à Valence en Espagne, vers le commencement de mai 1492, il étudia la philosophie à Paris, au collège de Beauvais, et y perdit son temps sous Gaspart Lax et Jean Dullard (^), profes- seurs attachés aux vieilles et vicieuses méthodes , et dont toute (') Erasmi Oper. ,111, S81,Z>, 602, F, 603, v^, 61S , £", 833, y/, 875,5, 876, Cf. Mirœi £■%««, Decad. V; Sweertius, 242, Vernulaeus, 290, Fasti Acad., 181 , BiU. Belg., 290 , etc. (,) i^ 117—123. (3) roy. le 3" Mémoire , pag. 32 , note 3. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 87 l'habileté consistait dans une dialectique vétilleuse et infatigable. Il quitta Paris en 1512, fit un tour à Bruges et vint à Lou- vain, oii il se perfectionna dans les langues grecque et latine, sous la conduite Ôl Erasme, qu'il nomme toujours son maître, et pour qui il conserva toute sa vie une amitié inviolable. Il donna dans la même ville des instructions particulières sur la littérature et l'histoire à des jeunes gens de qualité, parmi lesquels on compte Guillaume de Croy, évéque de Cambrai, ensuite archevêque de Tolède et cardinal, Jérôme Ruffault, depuis abbé de S^-Pierre, de Gand, Antoine de Berghes, etc. On lui permit d'enseigner en public le 5 mai 1 520 ; mais il parait qu'il n'avait pas une véritable vocation pour l'enseignement, et que la nécessité seule lui avait fait suivre cette carrière ('). L'année suivante il demanda la permission d'expliquer le Songe de Scipion, et nous avons déjà rapporté la réponse qu'on lui fit. Ayant obtenu ce qu'il sollicitait, il continua d'enseigner à Lou- vain tant dans l'école académique que nous nommons les Halles, que dans une maison particulière qui, après avoir appartenu à un oncle de ma femme, est occupée aujourd'hui par M, Jean de Ryckman, dans la rue de Diest, vis à vis celle de Marengo. En 1522 il expliquait le matin, dans la première, l'histoire na- turelle de Pline, et après midi, dans la seconde, les Géorgiques de Virgile, se disposant en outre adonner, chaque jour, une troisième leçon sur Pomponius Mêla. (') Erasmi Oper. III, 667 C : Sed is, opinor, abhorret ah istius modi provincia. Cf, 730 , F. 88 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES On croit qu'il aida Erasme dans la correction de Senèque le philosophe : il est sur qu'il lui fournit des additions pour ses proverbes. Vives quitta Louvain en 1523, et après avoir passé le reste de sa vie en Angleterre et dans diverses villes des Pays-Bas, il mourut à Bruges le 6 mai 1540, âgé seulement de 48 ans et 2 mois, mais usé de travaux. Vives, considéré comme philosophe, doit nous occuper ail- leurs ; comme philologue il est mis au rang de ceux qui rallumè- rent le flambeau des saines études et rattachèrent la littérature à tout ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme. Son éloge fut proposé en 1827 par l'université de Louvain. Paquot rend un compte détaillé de tous les écrits de Vives, recueillis dans les deux volumes in-folio imprimés à Baie, en 1555. Il ne connaissait pas l'édition des œuvi'es complètes de Vives, faite à Valence, en 1782, par les soins de l'archevêque de cette ville, Sabian-Fuero. Au lieu de répéter ce qu'il a dit, nous tirerons de quelques ouvrages de Vives les particularités qui ont le plus d'analogie avec le sujet que nous avons entrepris de traiter, I. Linguœ latinœ exercitatio. Ces dialogues dédiés à V'mî&MÏ Philippe , fils et successeur de Charles-Quint, et datés deBréda, le jour de la Visitation de la Vierge 1538, et non 1543, comme il est marqué dans l'édition de Jean Steels, d'Anvers, 1544, in-12, sont au nombre de vingt-cinq. Je ne citerai que l'édition de Brème, 1618, avec un commentaire philologique et moral de Mathieu Martinius, et celle de Gouda, 1662, in-12, avec des notes extraites de T. Freigius DE L'UJNIVERSITE DE LOUVAIN. 89 et de M. Martinius; parce que Paquot les passe sous silence, ainsi que la réimpression de J. Steels, dont nous venons de par- ler. On peut recourir à lui. Les colloques A^ Erasme, qui parurent en 1519 à Bâle, à An- vers et à Louvain, se lisent encore avec plaisir aujourd'hui. Il y règne une plaisanterie fine et polie, quoique courageuse, une philosophie railleuse sans être amère, une abondance et une facilité extrêmes. Chrétien TJiomasius (') raconte qu'Isai'e de Puffendorf, frère aîné du célèbre publiciste et qui fut ministre de Suède, à Paris, portait toujours avec lui dans ses voyages un exemplaire des colloques. « Et comme je m'étonnais, ajoute- t-il, qu'un homme d'état eut affaire d'un livre de collège, il me répondit que les plus expérimentés trouvaient beaucoup à ap- prendre dans les Colloques et X Eloge de la Folie, et j'ai vérifié par moi-même la vérité de ces paroles. » Mais si Erasme a obtenu des éloges quelquefois outrés, il a rencontré aussi des censeurs plus que sévères. Jos. Scaliger pré- tendait que ces colloques n'étaient pas d'une latinité assez pure ("). Sans doute Horace et Cicéron auraient pu y trouver à reprendre comme dans toutes les productions latines modernes, et ils au- raient renouvelé la scène que Boileau a esquissée dans un dia- logue inachevé. Toutefois, dans le latin de convention qu'il nous est donné exclusivement de parler et d'écrire, il est difficile de {') Histor. plen. juris naturalis, S3. — On a cité le colloque où Érasme décrit la foire d'Anvers; ce colloque n'existe pas. J^oy. mon Mémoire sur le Commerce au XV' et X V I' siècles , pag. 108. (=) Scaligerana altéra, Groningse, 1669, pag. 73. Tom. Fil. 12 90 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES citer un ouvrage plus remarquable pour la variété et la flexibilité des tours, l'abandon et l'abondance du style. Malheureusement les savans ne voulaient point confesser leur impuissance, et par des critiques dures et tranchantes, ils croyaient faire entendre qu'ils avaient retrouvé le secret de l'antiquité et qu'ils répétaient le siècle d^ Auguste. Dupes de cette illusion de l'amour-propre, ils s en allaient, décidant avec Joachimus Fortius Ring elbergius , que le plus sublime effort de l'esprit humain est de bien écrire en latin ('), et avec Melchior Inchofer, que les bienheureux parlent vraisemblablement latin dans le ciel (') , se préparant ainsi à eux-mêmes une sorte d'apothéose ou de canonisation littéraire. Quoi qu'il en soit, les dialogues de Vives sont loin d'avoir l'atticisme de ceux Ôl Érasme , et l'on n'y trouve que rarement de ces critiques de mœurs qui rendent si précieux le livre du Voltaire du seizième siècle. Voici peut-être le seul trait de ce genre qui mérite d'être relevé. Dans le dialogue sur l'ivresse Ebrietas, Vives, comme s'il habitait encore parmi nous, se plaint de l'indifférence des Belges pour tout tiavail de l'intelli- gence qui ne peut pas s'évaluer immédiatement en florins, sous et deniers (^). « ... Nusquam eruditio minus habet precii quam in Bel- (') J.-F. Buddei Selectœ juris nat. et gentium, pag. 333. Exerc. De cultiira ingenii, cap. 1,3, 19. J.-G. Walchii Historia critica latinœ linguœ , prœf. vêtus. (^) Cap. 2 et -4, lib. V. Historiœ latinitatis, Walchius, 1. c. (^) Cette tendance a été combattue avec une grande force de raison , dans une bro- chure anonyme de M. Tandel , aîné, intitulée : Plan d'une université pour la Belgique , accompagné de réflexions sur la surveillance en matière d'instruction publique , et sur l'usage de la langue maternelle. Bruxelles, Demanet, 1831 , in-8° de 64 pag. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 91 gica : non aliud esse rentur virum eruditione prœstantem, quant sutura vel textura. Abstemius. » Atqui student hic multi, et non infelici profectu. Glaucia. » Deducunturaparentibusparvifiluadscholas tanquam ad opificmm , quo parent sibi deinceps victum. Ipsi etiam scholastici, dictu incredibile , quatn parvi institutores suos faciant, quant prosequantur honore exiguo et prœntiis adeo tenuibus , ut doctores insignes ac printi nominis tolerare sese vix possent ('). )) En effet le mouvement intellectuel n'entraînait pas les masses et ne se communiquait qu'à un petit nombre d'hommes privi- légiés. (") M. J.-B. Lesbroussart , dont le fils, nous l'avouerons , quelle que soit notre amitié pour lui , n'a pas fait en se plaçant à la tête de l'instruction, tout ce qu'on était en droit d'en attendre , répétait souvent que la devise d'un professeur devait être partout , et principalement en Belgique , ce passage de Virgile : Grandia sœpe quihus mandavimus hordea sulcis Infelix lolium et stériles dominanlur avenœ. Pro molli viola , pro purpureo narcisse Carduus et spinis surgit paliurus aculis Fci.oG. V. La justice exige cependant que nous disions que ces mots perdaient chaque jour de leur vérité , et que nous avons eu , moins que personne , l'occasion de les appliquer. 92 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES A la fin du dialogue intitulé : Vestitus et demnbulatio matu- tina, lequel est le neuvième, il est fait allusion aux deux fontaines grecque et latine, qui sont encore dans l'ancienne maison de Vives, et dont parle suffisamment Paquot : (( M. Bibemus vinumf B. Minime vero, sed cereyisiam, et QUIDEM TENUISSIMAM EX FLAVA ISTA LoVANIEWSI : VEL AQUAM PURAM ET LIQUIDAM, HAUSTAM E foilte latlnO AUT grceCO. M. QuEM TXT fontem latinum vocas? quem grœciim? B. Jllum qui juxta por- tai*! EST, grœcum solet nominare Vives : ulteriorem illum la- tinum; causas ipse reddet tibi, cum illum cowvenies. )) Le vingt-unième roule sur les cartes, Ludus chartarutn seu foliorum, et il aurait pu être utile à M. De Paulmy ou à M. Le Grand d'Aussy, s'ils avaient exécuté leur plan d'une histoire complète de la vie privée des Français ('). On y voit que les jeux de cartes espagnols n'avaient ou n'ont pas encore de dix , qu'au lieu de cœurs, carreaux, trèfles, piques, les cartes y pre- naient les noms de souverains d'or, mortaises, bâtons, épées; que dans les deux premières séries les plus basses l'emportaient, et qu'il en était autrement dans les deux autres. Viennent ensuite les règles du jeu de triomphe , dont l'origine est espagnole, II, LiBRi XII de disciplinis, hi de corruptis artibus doctissimi viRi notis, illi de tradendis disciplinis , cujusdam studiosi Oxo- (') Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, C. — Précis d'une hist. générale de la vie privée des Fr., pag. 388 — 394. — Rabelais, au moyen d'une de ces énuméra- tions de mots qu'il affectionnait et que M. Nodier a imitées en écrivant le pastiche intitulé : Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux, a dressé une longue liste des jeux connus de son temps. Ghap. XXII du livre \" de Gargantua. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 90 NIENSIS ANNOTATIONIBUS ILLUSTRATI, CUM INDICE COPIOSO, Oxoniœ, 1612; in-12. Cette édition n'est pas mentionnée par Paquot. Vives fut professeur de rhétorique au collège du Corps du Christ, à Oxford, et attira à ses leçons toute la cour, le roi Henri VIII et la reine sa femme ('). Cette réimpression est un hommage à sa mémoire. Les sept livres : De corruptis artium, sont datés de Bruges, au mois de juillet 1531 , et dédiés au roi de Portugal. Il y. passe en revue les sept arts, ce que Morus appelle ah- solutum Cyclopœdias orbem ahsolvere (') , et y combat la bar- barie, en proposant ses propres vues sur l'enseignement, sans se laisser éblouir par l'autorité des noms célèbres , ni par celle du temps. Dans le premier livi'e il revient à ses plaintes sur ceux qui ne voient dans le savoir qu'un métier : Sunt qui eruditionem suscipiunt , tanquam facultatem quandam numi aut honoris quœrendi, pag. 47. Il déplore l'abus avec lequel on prodiguait les titres académi- ques. Pourvu que l'on payât, personne n'était exclu (^); de là (■) D. Twinus, Apolog. Antiq. Oxon. Acad. lib. III, § 210, pag. 328. (2) Erasmi Oper. III, 4^49, E. Rabelais fait dire àTIiaumaste , à propos de Panurge, qu'il luij a ouvert le vray puis et abime de Encyclopédie. Pantagruel, Ht. II , chap. XX. (3) Brantôme , parlant d'un chevalier du S«-Esprit dont les généalogistes ne savaient point vérifier la noblesse , dit qu'ils remontrèrent au roi n qu'il valoit mieux qu'on le passast , comme ont faict les maisires-es-arts en la rue au Fer, un qui ne scavoit guières et que les docteurs passent aysement pour un friant disner et bon vin doctoral, » OEuv, compl., 1823, III, U4. 94 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES une nuée de docteurs qui auraient dû retourner sur les bancs, (( Nomment mihi vel unum Us ducentis annis rejectum , qui versatus prœscripto tempore in scholis, certam illam pecuniam dependerit , quacunque œfate, conditions;, ingénia, peritia, moribus.... De licentiatis juris nihil scilicet possum, dicere : sed hoc fortassis risu magis dignum, quœrunt ubique lites, quos nutricent , pueriliter cavillando , et homines in odio illo deti- nent, molesti et clientibus et adversariis et judicibus. Illud dolendum magis quod annis omnibus tôt batalarii, licentiati , magistri medicœ hrtis , ex academiis in vicos atque urbes, tanquam carnificum manus emittuntur Videas in eis pueros m,agistros , qui pedagogo adhuc indigeant, pag. 60.» Ces abus n'étaient pas de nature à relever le professorat déjà fort dédaigné par la multitude, (c Ea persuasio adnostram usque œtatem pervenit, ut potiorem ac prœstantiorem esse vulgus existimet discipulutn magistro, p. 63. )) Dans le même livre ^ Vives s'élève contre le préjugé qui fait croire à la supériorité des anciens sur les modernes. Dugald Stewart qui s'arrête sur ce passage, remarque que de tous les écrivains du seizième siècle. Vives semble avoir entrevu le plus clairement la carrière nouvelle qu'allait parcourir l'esprit hu- main. Ces lignes, suivant lui, n'auraient point déparé le Novum organum, de Bacon (') : (( Falsa est enim atque inepta illa quorundam similitudo, qtiam, multi tanquam, acutissimam at- (■) Hist. abrég. des sciences métaph., I, 89. Cf., notre Essai sur la statistique an- cienne de la Belgique , 2'' partie : L'Homme externe. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. gS que oppositissimam excipiunt nos ad priores collatos, esse ut NANOS IN HiTMERis GiGANTiiM. Nou est ita : ïieque nos sumus nani, nec illi homines gigantes : sed omnes ejusdem staturœ et qui- dem nos altius evecti illorum benefcio, maneat modo in nohis, quod in illis, studium, attentio animi, vigilantia et amor veri; quœ si absint , jam non nani sumus nec in gigantum humeris sedemus, sed homines justœ magnitudinis , hum,i prostrati, pag. 19. )) A la fin du second livre, l'auteur porte un jugement sur quel- ques écrivains modernes j critique hardiment les mensonges pieux qui déshonoraient l'histoire sacrée ; prononce que la légende est le plus inepte des livres, et se montre un peu plus indulgent envers nos historiens profanes. (( Sed sunt aliqui paulo digniores historici nomine ut Frosardus gallus, aut Monstreletus, aut Pmiippus CoMMiNius, aut Valera hispanus. )) Je doute que l'on partage, spécialement par rapport à Commines ^ le reste de son opinion. (.iAt isti oniittunt sœpe prœcipua , et quœ ad exempla, quœ ad rerum usum conducerent : dicunt de nugis, de rébus levissimis : ut in caritate annonœ quanti abbas quidam triti- cum vendiderit, aut quomodo proventus monasterii auxerit; ut in prœlio , quornodo tniles aliquis gladium amiserit aut in pedes descendent , aut in equum ascenderit celeriter. » Cette critique porte plus sur nos anciennes chroniques que sur les auteurs cités par Vives, et l'on conçoit qu'un savant habitué à l'imposante unité historique des anciens, ait été choqué de ces traits individuels que l'art peut négliger , mais que la vérité re- cueille et dont le talent et une haute raison savent faire usage. Il termine par quelques mots sur les romans de chevalerie, mots 96 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES que le héros de Cid Hamet Benengeli n'aurait point pardonnes et que nous avons peine à lui passer nous-même. (c Si verna- culis scrihunt linguis, unus est totius orationis color fuscus et dilutus , unus hahitus , sine sole , sine ulla gratia et cultu, te- nere ut lectorem dimidium horce vix possit. Idcirco nec eos , nisi homo curiosus legit, et cognoscendi temporum cupidus. Qui vero relegant, non inveniunt, ut satius ducant lihros lé- gère aperte mendaces et meris nugis refertos , propter aliquod stili lenocinium , ut Amadisum et Florisandum Hispanos, Lanci- LOTUM et Mensabi rotundam gallicam , Rolandum italicum : qui libri ah hominibus sunt otiosis conficti, pleni eo mendacioruni génère, quodnec ad sciendwn quicquam conférât, nec adbene vel sentiendum de rébus , vel vivendum, tantum ut inanem qtiandam et prœsentem tiiillationem voluptatis : quos legunt tamen homines cotyuptis ingeniis ah otio, atque indulgentia quadam sui : non aliter qtiam delicati quidam stomachi, et quibus plurinium est indultum saccareis modo, et melleis qui- busdam condituins sustentantur , cibum omnetti solidum res- puentes, pp. 91, 92.» Au livre quatrième, l'auteur trace un portrait satirique des prédicateurs de son temps, mais que les monumens qui nous restent et les recherches de plusieurs écrivains, entre autres de Dreux du Radier (') et de l'abbé diArtigny ('), nous prouvent (1) Récréations hist., I, 183—213. (=) Caractère des prédicateurs du XV' siècle, dans le troisième vol. des Nouv. Mém. d'hist., de crit. et de litt. , pag. 218 — 2-48. Vorj. aussi les Mémoires de Nicéron , la Biblioth. française de l'abbé Goujet et Y Essai historique sur V éloquence de la chaire , DE LUNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 97 n'être pas exagéré. Olim qui dicebant erant callentissimi usus et totius prudentiœ communis , iractandorum animorum peri- tissimi artifices. Qui nunc dicunt, quam dispares , imperiti, ignari vitœ , imo etiam communis sensus : qui sint affectus , aut quemadmodum vel impellendi , vel revocandi omnino nescii! Neo cui rei, quce verba, quod genus orationis sit adhi- bendum norunt, omnia bene convenire omnibus rati. Senten- tias habent plumbeas , frigidas, jacentes , segnes , quœ animos dejiciant citius quant excitent : argumentatiunculas colligunt ab illo exercitio scholastico , quœ ventilant quidem et titillant interdum, nunquam feriunt aut cœdunt. Dispositio fusa et dissipata : nihil dicunt suo loco : actio immoderata, nihil pro re aut tempore ; non in voce, non in oculis et ore , non in manu et digitis , non in gestu et statu corporis universi : quœ illi ita habent cognita, ut nulla esse arbitrentur, nec interesse saltitent dicentes an sedeant. » Erasme est plus gai, en raillant les mauvais prédicateurs par l'organe de la Folie ('). On n'ignore pas que le breton Olivier Maillard, prédicateur du duc de Bourgogne et de Louis XI, et v^Henri Estienne n'a pas oublié dans son Apologie pour Héro- dote, prêcha en 1500, à Bruges, le cinquième dimanche de carême; que ce sermon a été imprimé et qu'en marge on a marqué par des hem! hem! les endroits où il était de la bien- par B. de Roquefort , en tête du Diction, biogr. et bibl. des prédicateurs , par l'abbé de la P.... Paris, 1824, in-B". (■) Archiv. II, 80. J.-B. Menken, De charlataneria eruditorum, pag. 203 et p. 237, de la traduction française de Durand. Tom. VII. i3 98 SUR LES DEUX PREMIERS SIÈCLES séance et même du devoir d'un prédicateur de s'arrêter pour tousser ('). Jean Brucjmans de Kempen, se fit en Hollande la réputation d'un grand orateur sacré , en s'efforçant de réconcilier les Hoecks et les Kabeljaauws , et donna lieu à ce proverbe ; Vous parlez comme Brugmans ! Al gond ghij praeten als Brugmans. Il est croyable , malgré cela , qu'il n'était pas moins grotesque que Menât , Maillard et B ariette , et que c'est précisément en se con- formant au mauvais goût de la multitude, qu'il acquit tant de célébrité. Il mourut à Nimègue, en 1473. Erasm^e a composé un traité exprès en quatre livres. De ra- tione concionandi , intitulé Ecclesiastes (^), où il enseigne pré- cisément le contrepied de ce qu'on faisait de son temps, si l'on en juge d'après ses lettres et son Éloge de la Folie. Il aurait fallu le faire lire au cordelier Médard qui , pendant la diète d'Augs- bourg, en 1530, traitait sans façon Erasme de diable, dans ses sermons et disait : (( Il vient de paraître un nouveau docteur » qui s'appelle Erasme, ma langue a tourné, je voulais dire un » âne. Or, cet âne a la hardiesse de corriger le magnificat. Il a )) été l'avant-coureur des troubles qui affligent le monde chré- )) tien, de toutes les hérésies nouvelles, du refus qu'on fait de )) payer la dîme , des insultes dont on accable le souverain pon- )) tife et de la révolte des paysans en Allemagne. )) Ces paroles extraites d'un panégyrique de la Vierge, furent prononcées devant (■) Arch., V, 341. (=>) Oper. V, 767—1099. DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 99 Ferdinand, roi des Romains, la reine de Hongrie, sa sœur, le cardinal de Trente, l'évéque de Constance, l'évêque de Vienne, qui furent indignés de son audace et qui le chassèrent. Mais, à son retour à Cologne, il fut reçu en triomphe dans son couvent ('). Nous avons déjà fait quelques emprunts aux livres de Vives , De disciplinis ; nous y puiserons plus d'une fois encore par la suite. Mais avant de mettre fin à ce paragraphe, nous rappro- cherons de l'ouvrage du disciple Ôl Erasme, le Libellus de utilitate et harmonia artium tum futuro jurisconsulto , tum liberalium disciplinarum politioris ac literaturœ studiosis utilissimus , authore Nicolao Brontio, Duacensi, Antuerp., apud Simonem Cocum, 1541, in-12, dern. sign. I, nu, figg. en bois; non que cet opuscule, dédié à Charles de Croy, prince de Chimai, soit comparable au traité que nous venons d'extraire, mais parce que l'auteur, tout médiocre qu'il était, s'efforçait de concourir au triomphe d'une littérature plus polie, et avait saisi l'enchaîne- ment de toutes les connaissances humaines, dont les rapports semblent avoir échappé à ceux qui, au lieu de nous doter d'un vaste centre d'instruction, reviennent à la conception malheu- reuse de facultés séparées ! ') Soirées littéraires, VII , 209. FIN. PIÈCES JUSTIFICATIVES. LiTT. A. Traductions de quelques ouvrages c/'Erasme, non indiquées dans la France Littéraire de M. Quérard (') , tom. III, pag. 27. 1. — Colloque d'Érasme . intitulé Abbatis et Erudit^. Trad. en vers par Cl. Marot. 2. — Colloque d'Érasme , intitulé Virgo Microydfioi; . Trad. en vers par le même. Ces versions insérées pag. 289 — 348 du 4" vol. des OEuwres de C. Marot , Paris , 1823 , in-i8, sont tirées d'une édition particulière des deux colloques, imprimée in-i6 , sans lieu ni date , mais avant i58o , puisqu'il en est parlé dans la biblio- thèque de Lacroix du Maine. On trouve dans plusieurs recueils , des traductions séparées de quelques col- loques ; par exemple : Le checalier sans chei'al , est traduit dans le Vil" vol. des Soirées liit. , par Coupé, pag. 264 — 277. 3. — Colloques d'Érasme ,fort curieusement traduits du latin en français pour l'usage des amateurs de la langue. A Leyden , chez Adrian Vingart , i653 , ia-i2 , 36o pag. , sans la préf. et la table. Ce volume contient dix colloques et commence par Vïx^uofxrla. 4. — Entretiens familiers d'Érasme ( traduits du latin par Chappuzeau) . Paris , Jolly , 1662, in- 12. C) Cet ouvrage utile, quoique nécessairement incomplet et parfois inexact, est d'une rédaction trop négligée dans les courtes notes qui l'accompagnent. — Pour être juste, il faut remarquer que d'après le plan de M. Quérard, la plupart des traductions mentionnées ici, ne pouvaient être in- diquées dans son dictionnaire. 102 PIÈCES JUTIFICATIVES. Chappuzeau a joint à sa ti'aduction des sommaires et des remarques; mais il n'a traduit que ce qu'il appelle Trois décades , c'est-à-dire trente entretiens. A. Barbier. 5 — 7. — Trad. des coll. en allemand , par Juste Alberti. Augsbourg , i545, fol. , et Francf., i56i , in-8<>. — En espagnol , Tolédo , i53o , in-S". — En hol- landais,par And. VanOosterbeeck. Utr., i6i3 , in-4° ; et Campen , i644,in-4°- 8. — Erasinus 's familiar colloquies , by N. Bailey. London , ij^aS , in-8°. g. — Le chevalier chrestien, composé en latin par Érasme , traduit en fran- çois par Esiienne Dolet. Lyon , Dolet , i54a , in- 12. 10. — Le ckei>alier chrestien , premièrement composé en latin par Érasme , et depuis traduit en françois (par Louis de Berquin). Lyon, Est. Dolet, i542, in- 16. C'est une réimpression du livre qui suit : 11. — Enchiridion du ehewalier chrestien , aorné de commandemens très-salu- taires , par Désidéré Érasme , de Moterodame , ayec ung prologue mer^'cilleusement utile de riouueau adjousté (tr. du latin, par L. de Berquin, gentilhomme du pays d'Artois, brûlé en i52g), par Martin Lempereur (célèbre imprimeur d'Anvers), i529,in-8°. F^oy. une note de M. A. Barbier , sur cette édition. Dict. des Anon. 1 , 384 , n° 5077. Voy. aussi II, Sag, n° 10,822. Nous avons déjà remarqué plus haut que Coupé a traduit , en partie , la préface de V Enchiridion dans les Soirées litt. Vil, 277—284. 12. — Codicille d'or, ou petit recueil tiré de l'institution du prince chrétien, composé par Érasme , mis premièrement en françois sous le roi François V' (peut-être par L. de Berquin) , et à présent pour la seconde fois (par Claude Joly , chanoine et chantre de l'église de Paris). Amst., Elzevier , i665 , in- 18. Cet ouvrage a été traduit en danois , par Paulus Eliœ , vulgairement appelé Pouel FandeKaabe , si célèbre dans l'histoire de la réformation du Danemarck. F^oy. la Diss. de Christ. Olivarius , sur ce carme. Haunise , 174* > pag- iSg, et mes Archii>., I, pag. 2g, note 3. i3. — Les faits et gestes mémorables de plusieurs gens remplis d'une admirable doctrine et condition , traduits du latin d'Érasme en vers françois , par G. Hau- dent. Lyon, Benoist Rigaud , i557,in-i2. 14. — Le vray moyen de bien et catholiquement se confesser; opuscule fait premièrement en latin par Érasme , et depuis trad. en françois ( peut-être par Louis de Berquin). Lyon, i542,in-i6. PIÈCES JUSTIFICATIVES. io3 Voy. une note de Barbier, Dict. des A non. III, 45 1 , n° 19,506. i5. — Erasnte Hoterodanie , de la déclaration des louanges de follie, stile faces - sieux et profitable pour congnoistre les erreurs et abus du monde. Paris , Gaillot- Dupre' , iSao , in-4° , avec fig. grav. en bois. Cette traduction de l'Éloge de la Folie est probablement celle d'HalIuin , dont Érasme fut très-me'conteut , parce que ce traducteur lui fait dire des choses auxquelles il n'a point pensé. Elle a dû paraître dès iScy. f^oy. les lettres d'Erasme, liv. i3, lettr. 9. M. de Burigni , dans sa p^ie d'Érasme , ne fait connaître aucune édition de cette traduction. Il ne cite non plus celle qui parut anonyme sous ce titre { F'oy. n° 16). A. Barbier. Halluin ou plutôt Georges d'Halewin , est le personnage dont il est fait men- tion dans le texte. 16. — La louange de la sotise , déclamation d'Érasme de Hoterdam , mise en français. La Haye , chez The'odore Maire, 1642, petit in-ia. 17. — Éloge de la Folie , nouvellement traduit du latin , par M. Delà Veaux. Bâle, Thurneysen, 1780, in-8°, figg. d'Holbein. 18. — Lob der Narrheit aus dem lut. ( von W. Gli. Becker ) mit den Holbein Jlguren. Basel, Thurneysen, 1780, in-8°. ig. — Lob der Narrheit deutsch iibs. mit anmerhk. (von Ch.-F. Rasca). Frankf. und Leipz., lySS , in-8°, figg. d'Holb. 20 — 26. — Autre trad. ail. , par Sb. Franck, s. 1. ni a. in-4°. — En anglais, par Th.Chaloner, Londi-es, i549, '■^■4°' got^.; Id., par un anonyme, Ijondres, 1709 et 1735 , in-8°, figg- ; Id., par W. Kennet , Londres, 1748, in-12 , avec 48 pi. — En hollandais, Amst. , 1597, in-12; Id. , par J. Westerbaan , La Haye, lôSg, in-8'', Amst., 17 10, in-8°. — En sue'dois , par Sm. Lundberg, Stokh., 1728 , in-8°. — En bohémien , par Gr. Gelenius. Mon confrère à la Société des bibliophiles français , M. de Monmerqué , dont la littérature est si variée et assaisonnée de tant de goût et d'érudition , a remarqué dans le sixième volume de nos Mélanges (') , à propos du Dialogue du fol et du sage, que le but d'Erasme, en écrivant r£/og:e de la Folie, était différent de celui de l'auteur du dialogue , puisqu'Erasme veut montrer que (') Us ne sont imprimés qu'à trente exemplaires, dont un pour la bibliothèque du Roi. io4 PIÈCES JUSTIFICATIVES. tous les hommes, sans en excepter aucun , sacrifient plus ou moins à la folie , tandis que le vieux rimeur dirige principalement ses traits contre ceux qui , absorbe's par le soin d'augmenter leurs richesses , oublient qu'ils doivent bientôt les abandonner. M. de Monmerqué fait observer encore qu'un écrivain italien , Hortensio Landi , dans ses Paradoxes , traite le même sujet qu'Erasme et que Charles Estienne a imité l'ouvrage singulier de Landi , ce qu'il prouve en extrayant un passage de la déclamation pour le sot qui se trouve dans l'ouvrage intitulé : Paradoxes , ce sont propos contre la commune opinion , débattus en forme de déclamations foreuses , pour exerciter les jeunes esprits en causes difficiles. Paris , par Charles Estienne, i554 , in-8° de i58 pag. L'ouvrage italien avait paru en 1543 , c'est-à-dire , bien long-temps après la déclamation d'Érasme , dont l'ori- gine est également italienne , puisque l'auteur improvisa , en quelque sorte , cette piquante satii'e en voyageant à cheval en Italie. L'ouvrage intitulé : Fleurs morales et sentences préceptiues par Jean Bosquet, montais, Mons , Rutgher Velpius , in- 12 ( i58i ), Contient aux pages iio B. — 1 12 .x/ .• aucuns épigranimes pris d'Érasme, dulivre de l'enseignement du prince chrestien. TJindex de Philippe II, de l'an i5yo, contient l'indication de diverses tra- ductions d'Érasme , en français , flamand et espagnol , mais malheureusement ces désignations sont vagues et incomplètes. Voici , au reste , ce que l'on trouve dans ce livre (') : Pag. 76. Le cheualier chrestien, par Estienne Dolet. Koy. plus haut, p. Pag. jg. La langue d'Érasme en français , et tous ses autres livres traduicts des latins , condamnés ou défendus aux catalogues latins. Pag. 83. Van de bereydinghe totter dood , by Erasmus. Ibid. De manière van bidden. Ne serait-ce pas la traduction du traité intitulé : Modus orandi Deum ? (') Index librorum prohibitorum , Ant. , Chr. Plantin, 1570, in-i2. Cet Index signale aussi, mais toujours avec le même défaut de précision, quantité de livres aujourd'hui très-rares, tels que chansons, pièces de théâtres, satires relatives à la réforme. Plusieurs recueils de chansons qui y sont énumérés manquent à la liste curieuse donnée par M. F.-J. Willems, Mengelingen , pag 291—295. PIÈCES JUSTIFICATIVES. io5 Pag. 85. Colloques familières d'Érasme, en françois-flameng. Apud Latium , anno Sg. Pag. 86. Erasmus van die eendrachticheyt der kerken. Antuerpice, by Wouter Van Lyn, anno 33, ende Liesvelt. Pag. 89. Lingua Erasmi , int vlaemsche , b y Simon Cock, anno 55. Pag. 91. Den derden psalm van Dauid, by Erasmus. Apud Mariam Ancxt, Antuerpice , anno 5i. Ibid. Den kersten JRidder , hy Erasmus. Pag. 92. Een sermoon Erasmi, van de onbegrypelycke bermherticheyt Gods , by Liesi>elt ende Hendrick Peeterssen. Pag. 93. J^an de suyverheyt des Tabernakels , by Erasmus. Pag. 96. Een uuytlegginghe van t' pater noster , by Erasmus . Pag. 98. Confessionario , o manera de confessar , de Erasmo , en romance. Ibid. Colloquios de Erasmo, en romance , y en otra qualquier lengua vulgar. Pag. 99. Enquiridion del cauallero christiano de Erasmo, en romance, y en latin , o en otra qualquier lengua . Ibid. Exposicion del paier noster , de Erasmo. Ibid. Exposicion del Psal. Beatus vir , literal y moral, de Erasmo. Ibid. Exposicion sobre el Psalmo Miserere mei Deus y cum invocarem, del mismo Erasmo. Pag. 102. Lengua de Erasmo , en romance , y en latin , y en qualquier lengua vulgar. Pag. io3. Manera de orar de Erasme, en romance, y en latin, y en otra qualquier lengua vulgar. Ibid. Moria de Erasmo, en romance, y en otra qualquier lengua. Pag. 104. Paraclesis , o exortation de Erasmo. Pag. io5. Querella de la paz , de Erasmo, en romance. Ibid. Silenos de Erasmo. Pag. 106. Viuda christiana de Erasmo. Tom. Fil. 14 PIECES JUSTIFICATIVES. Des Archives de l'ancienne Université de Louvain. Extrait de la Notice sur le dépôt des Archives du royaume de Belgique , pai- L.-P. Gachard, Brux., i83i , in-S", pag. 88. « Les Archives de cette corpoi-ation , dont l'influence e'tait grande dans les affaires ecclésiastiques , qui avait des relations directes non- seulement avec les souverains et les gouverneurs-ge'ne'raux des Pays-Bas , mais avec la cour de Rome et les e'vêques tant nationaux qu'étrangers , devaient être riches en mo- numens intéressans pour l'histoire : il est fâcheux que, en 1794; elles aient été dispei'sées comme beaucoup d'autres. i> La partie qui existe au dépôt , y a été réunie en iSio ; ce qu'elle offre de plus remarquable sous le rapport historique j ce sont : » 1° La collection des registres aux Actes de l'Université , qui commence à i432 et finit à 1778. Elle est incomplète : les volumes 5 à i3, 27 et 36 qui embrassent les années i^g5 à 1587, i68g — 1696, 1744 — '74^' manquent. On trouve , dans ces registres , non-seulement les résolutions du corps en gé- néral et des députés du corps de l'université , mais beaucoup d'autres pièces , telles qvie des letti-es des papes , des nonces et des évêques , des dépêches du gouvernement , des rapports sur les affaires concernant l'université, etc. ; » 2° Les registres aux Actes de la faculté de théologie , de 1 63 1 à 1 778 ; il 3» Les registres aux Actes de la faculté des arts, de 1426 à 1791 , avec lacunes de i447 ^ 14^2, et de i5ii à 1572; » 4° Les registres contenant les Nominations faites par l'université et la fa- culté des arts , en vertu de leurs privilèges , de i5i5 à 1794- 11 Nous avons de plus des registres aux statuts , aux prestations de serment , aux immatriculations , aux annotations des grades conférés , aux actes de dis- cipline , etc. i> PIÈCES JUSTIFICATIVES. 107 LiTT. C. Extrait d'une brochure intitulée : Réponse à un ami ( Jean- Baptiste Méan, conseiller-maître de la Chambre des comptes) , qui demandait des éclaircissemens sur une célèbre Académie quHl y aurait eu à Malines, au XI I^ siècle , et sur l'époque des Constitutions des Chambres de rhétorique de la même ^?^7/e (par M. Henri-Marie-François- Jacques de Viyario , né à Malines, licencié-ès-droits, avocat, puis substitut-procureur- général au grand-conseil de S. M. à Malines, avocat fiscal de la cour ecclésiastique de la même ville , greffier de la cour féodale ; décédé célibataire à Malines, le 9 février 1810). 1787, in- 12 de 76 pag. Cette re'ponse inse'rée pour la première fois dans l'Esprit des Journaux , du mois de mars 1781 ,pag. 262, est cite'e dans notre premier Mémoire, p. i2,n° r. (c Quoique plusieurs auteurs , et entre auti-es Adrien Romanus , Ferry de Locres , Michel Neander et Henri Kanden Coelput , dans sa chronique manu- scrite de Malines, fassent mention d'une Acade'mie qui aurait existé en 1128 ou 1129, il paraît toujours que Jacques de Middendorp est le plus ancien qui en ait parlé , et connu la source dans laquelle les autres ont puisé cette anecdote. i> Le savant père DuSollier paraît cependant avoir cru que Vanden Coelput, écrivant vers i638 , était l'inventeur de cette Académie, car en parlant de ce chroniqueur dans ses Acta Sancti Rumoldi , pag. 100, il s'exprime ainsi " Malines était alors à peine une bourgade : son chapitre n'acquit qu'en 1 134, l'autel ou droit de patronage et se plaignant de son mauvais état en 1249 , résolut le jeudi après la S'-Barthélemi de cette année , que les chanoines étant in scholis , auraient les revenus entiers de leurs bénéfices , sauf la portion du vicaire i> La dignité d'écolâtre , fut cependant connue dans le chapitre de Malines , io8 PIÈCES JUSTIFICATIVES. dès i25o qvL'Arnou de Zellaer en était revêtu. Le chapitre transmit ce droit au magistrat, en i445 > ^t cette transmission fut confirmée par actes du i3 sept. i448 et 24 juillet i45o ; en conséquence de quoi la grande école (') fut réta- blie par le magistrat , lequel , par autre acte du 1 2 mars 1 63o , remit sous cer- taines conditions ce droit à l'arclievêque , qui depuis , commit un des chanoines de son église métropolitaine pour écolâtre ; mais tout cela ne prouve encore rien en faveur de la célèbre Académie de Middendorp et de ses adhérans n LiTT. D. Quelques historiens c/'Erasme. La ]^ie A' Érasme , par de Burigni , a été traduite en allemand par J.-F. Reiche qui y a fait des additions. Halle , 1782 , 2 vol. in-S". On se proposait de publier à Bruxelles, en i83o, l'ouvrage manuscrit de l'abbé Claude Joly, conservé à la bibliothèque dite Ae Y Arsenal , à Paris , et contenant l'histoire de la renaissance des lettres sur la fin du quinzième siècle et le commencement du seizième , avec les éloges d'un grand nombre de savans de ce temps et particulièrement la vie d'Erasme qui en fut le premier restau- rateur. Outre la p^ie d'Érasme , par Jortin , déjà citée , nous connaissons en anglais : Samuel Knight D. D. prebendary of Ely , and chaplain in ordinary. — The life o/'Erasmus; more particulary that part of it which he spent in England , ■with an Apendix containing original papers. Cambr., 1726, in-8°. A. Laycey. — Life o/'Erasmus, with an account of his writings reduced from the larger work of Jortin. London , i8o5 , in-8'' , portrait par Audinot. C. Butler. — The hfe of Erasmus. London, iSaS , in-8°. En allemand : Adolf Muller. — Leben des Erasmus von Rotterdam. Hambourg , 1828 , in-8°. (') Ces mots grande école ( hooge school ) ont causé l'erreur de Middendorp , parce qu'en Alle- lagne et en Hollande, ils signifient une université. (DeR g). PIÈCES JUSTIFICATIVES. 109 En hollandais : R.-W.-J . Baron van Pahst , tôt Bingerden. — Lqfrede op Erasmus , aan welke, in den jare 1 8 1 2 , een buitengewone zilveren eerpenning is toegewezen . Dans les Werken der Holl. maatsc. van fraaije kunst. en wetensch. Haag , 1816, III, 1—72. Il est étonnant que les compilateurs $Ana (') , n'aient point songé à faire un Erasmiana; les matériaux ne leur auraient pas manqué. LiTT. E. Sur le portrait du comte de Buren. Dans le second Mémoire, pag. 18, note i , nous avons dit que M. Geedts , peintre à Louvain , possédait dans son cabinet un portrait du comte de Buren , peint par Otto Vœnius. C'est du moins ce qu'affirme M. Geedts, qui est con- naisseur. Mais alors il faudrait supposer que ce portrait (simple esquisse sur bois) , n'a pas été pris d'après nature , car le comte àe Buren fut enlevé en 1667 de l'Université , et Otto Vœnius ne naquit qu'en i556 , de sorte qu'il aurait eu à peine onze ans , lorsqu'il aurait commencé ce tableau , si c'eût été d'original. Le jeune prince est en pied , figure de petite proportion , costume d'écolier , simple bure grise ; la franchise et l'innocence régnent sur son front , dans ses yeux , sur ses lèvres , et il offre dans toute sa personne un contraste frappant avec ses portraits gravés après qu'il eut recouvré sa liberté. Le chagrin et la captivité l'avaient alors courbé sous une vieillesse anticipée. (') M. Hécart de Valenciennes, qui s'occupe depuis longues annëes d'une bibliothèque des Ana et des Esprits , en a fait tirer à quelques exemplaires , un spécimen ou table intitule'e Ànagrapheana sive Biographiœ pecuUaris librorum Ana dictorum , iisque affinium prodromus , a Johanne-Gisle- berto Phitakaer D. medic. Norimb. ac R. Societ. nal. curios. collectorum. Valenceuis , lypis H.-J. Prignet, sumptibus collectons, 1821 , 44 pag. in-12, avec le supplément. Le titre à''Anagrapheana , qui est ici féminin, comme on le voit à la pag. 35 ^ est barbare; les deux tiers en sont grecs , l'autre est une terminaison latine au pluriel. Le second titre , Spiritus , genii, eclogce , n'est pas meilleur, et la latinité de la courte préface est inexcusable , mais M. Hécart n'a point travaillé pour le public, et la critique ne doit pas avoir de prise sur ses loisirs. MO PIÈCES JUSTIFICATIVES. P^ernulœus , à la pag. 176 de sa Description de l'uni^'ersité de Louvain , édition de 1667 , consacre ce petit ai-ticle au comte de Buren : Philippus , princeps Auriacus , cornes Nassot>iœ , Baro Brœdœ , ex Academia, UBi STUDiORUM CAUSA agebat , anuo 1 567 , 20 sept. Albani Ducis mandata in Hispaniam , pro peiison^ ejus securitate ad Philippum //, regem abductus , inde anno i5g5 res'ersus. Pro ejus securitate! Ces mots sont d'une grande naïveté. On ne sera pas fâché de trouver ici une copie du tableau appartenant à M. Geedts. II!V DES PIÈCES JUSTIFICATIVES. ERRATA, Decxième Mémoire. Page S, ligne 18, Bassée , lisez La Bassée. Troisième Mémoire. Page S, ligne 4 , à la note Cappellam, lisez Capellam. — 11, — 13, et 16, dissertation de J, HoUings , lisez dédiée à J. Hol- lings. Ibid , — 16, les éditions Visez V édition. — 12, — 20, Bosquet , lisez Bosquier. Ibid, — 23, frères pécheurs ,\\sez frères prêcheurs. — 31 , - — 1 , à la note, attachés de , lisez attachés à Ibid, -^ 7 , vu fojvoui; , lisez ijy /xij vouç. — 32, — -l, à la note, s!/w*Aew, lisez iSyw^AeM. — 36, — 16, Rurœmundiamis lisez Rurœmimdanus. DE LA PEINTURE SUR VERRE AUX PAYS-BAS. DE LA PEINTURE SUR VERRE, AUX PAYS-BAS, SUIVI D'UK MIMOIBE SUR ItS T^;^TATIVES ÏAITF.S AU SI-.IN DE L'ACiDh.MlE POUR LA PUBLICATION DES MONUMENS INÉDITS DE L'HISTOIRE BELGIQUE; LV DANS L\ SÉANCE I)U 19 NOVEMBBK 183L M J'écris cecy, estant dans uoe chambre, dans un lict , » assailly d'une maladie si cruelle ennemie , qu'elle « m'a donné plus de mal , plus de douleur et de tour- u mens, que ue receust jamais ung povre criminel >' estendu à la gesne. » Bbantôme, avertiss. des Rodoinontades espng. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1832. DE LA PEINTURE SUR VERRE AUX PAYS-BAS. Que les arts doivent nous rendre la nature, c'est là une de ces sentences qui dispensent de réfléchir, et qui, pour être répétées à satiété , n'en investissent par moins d'une certaine autorité les juges les plus incompétens ; maximes spécieuses dont l'examen serait cependant opportun. La nature! ce mot est imposant, mais vague. La nature! sans contredit il faut s'efforcer de la peindre! Distinguons toutefois, au risque de passer pour un de ces anciens champions de l'école, toujours armés de distinctions et de subti- lités dialectiques. Faut-il peindre la nature telle qu'elle est ou telle qu'elle nous affecte? Yoilà tout simplement la question, et ici point de détour, point de logique cauteleuse! Or, nous di- sons que la représentation de la nature en elle-même est impos- sible, si l'on exige qu'il y ait identité parfaite entre le modèle et la copie ; nous disons de plus que si cette représentation pouvait exister, ce serait tant pis pour nos plaisirs, puisqu'il n'y aurait de chaque objet qu'une copie réelle, et que toutes les autres s'écartant de la vérité, seraient condamnées d'avance. Tom. Fil. i 2 DE LA PEINTURE SUR VERRE Que nous reste-t-il donc? La représentation de la nature, en tant que celle-ci agit sur nous, en d'autres termes, la traduc- tion naïve, animée, de l'impression qu'elle produit sur notre imagination, sur nos autres facultés, ou celle des modifications que notre intelligence passionnée fait subir au monde exté- rieur : et, dans ce cas, le degré de vérité doit être plus haut encore, car le monde que nous concevons est bien plus notre propriété que celui que nous regardons. De là, la possibilité d'intéresser et d'être vrai en saisissant les points de vue les plus opposés; de là, cette espèce de vitalité dont nous sommes frappés dans les œuvres qui s'écartent le plus de ce que tout le monde touche et voit; de là, le plaisir que cause, par exemple, la pein- ture sur verre, laquelle demande à l'esprit des concessions bien plus fortes que la peinture sur toile ou sur tout autre surface opaque. Ces figures, vivifiées par la lumière qui les pénètre et qui semble descendre du ciel dans nos églises gothiques ; ces tableaux qui se rembrunissent des ombres du soir ou des nuages orageux, et s'allument des rayons du soleil et des feux du matin; ces émaux étincelans, cette architecture fantastique qu'ils em- bellissent, ces images diaphanes et découpées par le fer, le plomb des vitraux, et les meneaux de pierre, est-ce la nature abso- lue, est-ce la réalité matérielle et physique? Personne assu- rément ne sera tenté de répondre d'une manière affirmative. Et pourtant, malgré la singularité de ses procédés, malgré la bi- zarrerie des conditions qui lui sont imposées, l'art peut aussi atteindre à la vérité, si l'artiste s'est transporté franchement sur son terrain, s'il est inspiré et s'il reproduit avec chaleur son inspiration. AUX BAYS-BAS. 3 Il y a entre la peinture sur verre, le christianisme et les temples gothiques, une harmonie étroite et parfaite; les immenses fenêtres en ogives, les rosaces gigantesques, sont le cadre na- turel et unique de ces tableaux singuliers qui offrent, en quelque sorte, à travers leur poétique réseau, une perspective éloignée du ciel, tel qu'on le comprenait au moyen âge, où Dieu était comme le chef tout-puissant d'un système de féodalité univer- selle, au milieu de ses barons et féaux, des pompes et des pre- stiges de la chevalerie : observation qui dépose contre le mauvais goût de ces amateurs empressés de ravir à nos édifices sacrés leurs derniers vitraux, pour en orner des constructions profanes qui , par leur destination et leur affectation de décrépitude anti- cipée, manquent entièrement l'effet qu'on voudrait leur faire produire. Le croirait -on? On est redevable à la peinture sur verre d'une grande et importante révolution en architecture. Jusqu'au commencement du XIII™'^ siècle, les voûtes et les fenêtres des églises ne se terminaient qu'en arcs à plein-cintre, et dans celles-ci l'on n'employait que rarement et partiellement du verre coloré. L'emploi de l'arc en ogive construit sur le triangle équilatéral, donna une nouvelle direction à l'art. Cet arc qui de tous, exige le moins de contreforts quand on l'adopte pour les voûtes, offrit aux architectes, comme l'observe M. Sul- pice Boisserée , la possibilité d'élever les bàtimens à une hauteur extraordinaire, et jointe à cet avantage, la peinture sur verre leur permit de pratiquer de vastes fenêtres, sans donner trop de jour, là où ils auraient été réduits à construire des massifs. Par ce moyen, ajoute cet écrivain plein de goût, ils purent éviter 4 DE LA PEINTURE SUR VERRE toutes les masses inutiles; ils purent, pour ainsi dire, faire des murailles transparentes et donner une légèreté prodigieuse à leurs édifices ('). D'un autre côté Érasme, dont les idées sur l'éducation auraient transporté Jean Jacques s'il les avait connues, pré- tendait faii'e entrer les vitraux dans son système pédagogique. Il voulait que l'on offrit aux enfans des peintures sensibles des objets confiés à leur mémoire où à leur intelligence, et que pour les instruire à leur insu, on traçât, par exemple, des sentences dignes d'être retenues sur des vases, sur les murs, les portes et jusque sur les vitres. Et in parietibus aut vitreis etiani fenes- tris depinges, quo nusquam non occurrat oculis , quod erudi- tionem adjuvet {^). La Belgique a des droits fondés à l'invention de la peinture sur verre, ou du moins, Yasari en fait l'aveu, de ses procédés les plus ingénieux. Blaeu même n'hésite pas à lui en accorder l'en- tière possession (^). Les mosaïques en verre, telles que celles dont Muratori fait mention , d'après une vieille chronique , sous l'an 802, n'appartiennent pas à l'art dont nous parlons, quoi- qu'elles aient pu lui préparer la voie. Et fenestris et vitro diversis coloribus conclusit atque decoravit : tels sont les mots appliqués au pape Léon, qui venait de construire à Rome une nouvelle (') Mémoire sur l'architecture au moyen âge , dans le Kunsthlatt et dans le Mes- sager des sciences et des arts , sept, et octobre iSaS , pp. 3o6 — 3i8. (2) De Ratione studii ^ Oper. I, 622. Quatrième Mémoire sur /es deux premiers siècles de l'univ. de Louvain. (3) Belgii Atlas , p. 10. AUX PAYS-BAS. 5 église. Warton, dans son histoire de la poésie, a fort bien re- marqué, et M. Cornelissen après lui, au tome septième des An- nales Belgiques, qu'assortir des verres colorés et exprimer des figures sont deux opérations absolument différentes. Warton croit qu'il lui serait facile de prouver que l'usage de la seconde fut apporté de Constantinople à Rome, dans le X""= siècle; ce qui n'empêche point qu'à Jean Van Eyck, suivant l'opinion com- mune, ne soit due la découverte des émaux, ou verres à deux couches, qu'il substitua aux verres colorés dans leur masse ('). On enlevait avec la meule, dit M. Brongniart ('), la couche co- lorée ; on mettait à nu la couche limpide , en lui donnant exacte- ment les contours de l'objet à représenter; on recouvrait cette place creuse et incolore de la couleur que l'on voulait donner à l'objet, et l'on avait ainsi un ornement ou tout autre chose d'une couleur différente de celle du fond sur lequel il était peint (^). (') Mémoire sur le commerce aux XJ^" et XVI' siècles . p. 32. (') Rapport à l'Acade'mie royale des beaux-arts , sur les différentes classes de peinture sur verre , et sur l'état actuel de cet art; par M. Alex. Brongniart, membre de l'Acad. des sciences. — Rei>ue française , juillet 1828, pp. m — i44 '■ ^e ^«^ peinture sur verre , à l'occasion de ce rapport (par M. Vitet). — A.- A.. MonteiX, Hist. des Franc. , 1 , 333 — 338. — Les Fastes universels de M. Buret de Longchamp , ouvrage loué avec tant d'exage'ration et de le'gèreté, contiennent sur les frères Van Eycl, un article où il y a plus d'erreurs que de mots. En géne'ral , le livre est plein d'un bout à l'autre d'ignorances aussi grossières. (^) Ceux qui ne veulent pas croire aux ide'es originales , découvriront peut-être quelque affinité entre cette méthode et celle indiquée par Pline xxxv , 1 1 : « Encausto pingendi duo fuisse antiquitus gênera constat, cera et in ebore cestro, id est viri- culo. » Mais cette peinture au cestre sur l'ivoire , paraît n'être qu'une espèce de sgraffito , où un fond noir découvert donne les ombres , et des hachures égratignées. forment le relief des objets. 6 DE LA PEINTURE SUR VERRE Si l'on en croit L. Guicciardini , les Belges perfectionnèrent la manière d'unir les vitraux à l'aide du plomb, et Arnoul Vander Horst, de Nimègue, établi à Anvers et formé à l'école de l'Italie, inventa l'art de cuire les couleurs appliquées sur le cristal en les rendant inaltérables. Ce qui faisait dire à Jacques Yan Eyck , en 1651 : Belga lei'es oleo dqcuit Jirmare colores , Et coquere accenso vitrea picta foco ('). A partir de la fin du XV'"^ siècle, les vitraux peints se mul- tiplient non-seulement en Belgique, mais dans toute l'Europe, et attestent des progrès sensibles dans les artistes jusque vers le déclin du XVI™'^. Des souverains, de grands seigneurs gratifiaient les églises ou les monastères de belles verrières, qui étaient con- sidérées tantôt comme des monumens de piété et de magnifi- cence, tantôt comme des titres et des documens héraldiques. C'est ainsi que Butkens, dans ses introuvables Annales gé- néalogiques de la maison de Linden, a fait graver à la p. 112 un vitrage qu'on voyait encore en 1626, dans l'église de Heu- kelem , et où étaient figurés , avec leurs quartiers , Otton d'Arkel et Isabeau de Linden , sa femme , lesquels vivaient à la fin du XI V'^^ siècle. Le costume de ces personnages est extrêmement remarquable et le dessin, s'il est fidèlement copié, digne d'éloges. Pareillement, J.-F.-A.-F. De Azevedo Coutinho y Bernai, dans la Tahle généalogique de la famille de Corten, (■) Urb. Belg. centuria , p. 9. — Le Mayeur , La gloire Belgique, II, i44— '5o. AUX PAYS-BAS. 7 a décrit les vitraux de l'église de N. -D. au delà de la Dyie, à Malines, et a donné la gravure de celui qui représentait Gaspar Schets, à côté de sa femme Catherine d'Ursel, avec la date de 1566 et leurs quartiers, selon l'usage invariable de ce temps. L'auteur des Monumens anciens, t. II, p. 97, offre aussi à ses lecteurs des inscriptions et armoiries copiées sur les vitraux du cloître du prieuré du Bois-Seigneur-Isaac ('). Déjà dans son premier volume, p. clxiv, il avait, au moyen d'un vitrage de l'église de S^e-Waudru, à Mons, établi l'alliance de Dessus-le- Moutier avec Paissant. Le Messager des sciences et des arts , publié naguère avec tant de zèle par M. De Bast , contient dans ses livres d"^^ et 10™^ du VI™^ volume, p. 411 , la gravure d'un vitrage exécuté, si on en juge par le style, au XVII™'^ siècle, en mémoire de Guill. Beukels, l'inventeur de l'art d'encaquer le hareng. Cet homme utile y est peint au milieu des attributs de son métier, des armoiries de sa ville natale et des magistrats qui honorèrent ainsi l'industrie. M. de S^-Genois remarque, à la page Ixii de son premier volume, que Marie de Luxembourg, après la mort de Françoise, épouse de Philippe de Clèves et sa sœur cadette, étant devenue héritière (■) A cette occasion l'auteur dit : « Ce genre de monumens e'fait très - commun dans la Belgique. Il en reste encore dans plusieurs villes. Les vitres de S'=-Gudule, à Bruxelles, de S'°-Waudru , à Mons, de la cathe'drale à Tournay , et un grand nombre d'autres ont très-heureusement échappé aux fureurs des vandalistes du XVIIl' siècle. Elles présentent des tableaux très-majestueux , et qui prouvent que les Belges ont surpassé tous les peuples de l'Europe dans cette manière de pein- dre. » Bien que M. S'-Genois ne soit point une autorité en esthétique , sa conclusion sera facilement adoptée. 8 DE LA PEINTURE SUR VERRE d'Enghien, donna à l'église de cette ville une grande vitre très- bien peinte , qui représentait une annonciation avec une in- scription de ses titres et de ses armes , et qui fut placée près du reposoir du Saint-Sacrement. Il ajoute qu'elle en donna une autre qui fut placée au-dessus du portail. Autrefois, dans l'église de Wasmes^ près de Mons, on voyait une verrière ornée du portrait en pied d'Ide De Chièvres, épouse du fa- meux Gilles De Chin et qui, selon toute apparence, était un ouvrage du XV™*^ siècle ('). Le savant bibliographe Van Praet, dont le nom s'associe à tous les travaux érudits de son époque , a donné dans ses Recherches sur Louis De la Gruthuyse , la description et le trait d'un vitrage de la chapelle de La Grut- huyse, en l'église de N.-D. à Bruges ('). Ces verres peints, détruits en 1788, avaient été précédemment dessinés pour M. Van Huerne de Puyenbeke, et M. Rudd les avait fait graver dans sa Collection de plans de la ville de Bruges. Les ravages du temps, les invasions de l'étranger, les guerres civiles, les fureurs des iconoclastes (^), la suppression des ordres religieux et d'autres causes de destruction, n'ont pas eu le pouvoir de nous priver entièrement de ces témoignages précieux du génie de nos pères, dont les premiers essais furent bien antérieurs au règne de (1) (Delmotte). Recherches historiques sur Gilles , seigneur de Chin; Mons, 1826, in-8", p. i5. n PP. 72-75. (3) Strada , qui décrit d'une manière circonstanciée , les excès commis par eux dans la cathédrale d'Anvers, a soin de signaler cette circonstance: v-Specularia, novo pic- tarœ gênera illuminata, baculis confringunt. » Le mot novo appliqué à l'année i566, ne doit pas être pris à la lettre. AUX PAYS-BAS. 9 Charles-Quint, quoi qu'en ait pensé le doyen P.-J. Heylen ('). Guicciardini, dans sa description d'Anvers, met à la tête des peintres sur verre : Théodore Jacobs Felart (Willaerts)? Théodore Stas, de Gampen, et son fils Jean, Jean Ack, d'Anvers, Corneille, de Bois-le-Duc , Corneille Van Dael, d'Anvers, qui peignait aussi sur cristal, Josse Verege, d'Anvers, dont l'empereur Charles-Quint fai- sait un cas particulier, Jacques De Vrindt, autrement Floris, d'Anvers; Théodore, ou Thierry Van Zyl, d'Utrecht, qu'il appelle Jean. Les vitraux des différentes églises d'Anvers ('), sont énumérés, (') De inventis Belg. dans le t. V des anciens Mém. de l'Acad. Hist. , p. 99. (") Voyez Description des principaux oiwr. de peinture et sculpture , actuellement existons dans les e'glises, couvens et lieux publics de la ville d'Anvers (5' édition). Anvers, Gérard Berbié, in- 12. II. en flamand, avec quelques différences, 1766, in-i2. La tour de l'église des Jésuites a été gravée par Jean De la Baer , qui peignait aussi sur verre. Pour le dire en passant, il paraît par les comptes de ces RR. PP. qu'ils dépensèrent plus de cinq millions de florins , tant au bâtiment de leur église , qu'à celui de la maison professe. Le clocher seul coûta 5oo,ooo florins. Tout cet argent fut levé sur leur crédit particulier ou fourni par les aumônes et les dons des fidèles , surtout des affiliés et des dévots de la ville ; attendu qu'ils n'eurent la per- mission que d'emprunter 200,000 florins par la voie ordinaire. Ces détails, puisés dans une note manuscrite de M. F.-J.-J. Mois, lui venaient de bonne source. Cependant , remarque-t-il , bien des personnes refusent de croire que ces bons pères de i585, époque où leur établissement à Anvers, à 1621, que leur église fut achevée et consacrée, c'est-à-dire en 36 années, aient pu ramasser tant d'argent pour des dépenses extraordinaires , et réduisent le tout à y5o,ooo florins environ ; mais ces personnes sont dans l'erreur. La somme de 5, 000,000 serait aujourd'hui Tom. TII. 2 lo DE LA PEINTURE SUR VERRE d'après un manuscrit de la bibliothèque de Bourgogne, à la fin de cette notice, énumération à laquelle nous avons ajouté quel- ques éclaircissemens dont M. Cornelissen, si familiarisé avec la théorie des arts et doué d'un goût si délicat, si fin, si exercé, nous a fourni les principaux. Ce savant fait observer qu'il faut étalilir une distinction entre les vitraux exécutés avant et après les ravages des iconoclastes. Ceux-ci, qui en général ne peuvent être réputés les plus beaux, sont naturellement assez bien con- servés, tandis que les autres, comme dans la cathédrale de S*-Bavon et dans l'abbaye de S*-Pierre à Gand, ont été pres- qu'entièrement détruits ou horriblement mutilés, à moins que leur position élevée ou quelqu'autre hasard heureux ne les aient dérobés à la fureur des sectaires. Les vitraux de l'église de S^-Jean, à Gouda, jouissent d'une réputation méritée. On en a une description détaillée en prose et en vers hollandais par Théodore Gerards Hopkoper, trésorier de cette église, qui s'est contenté de la vile prose, et par Thierry Vermy, maitre d'école à Gouda et qui, en sa qualité d'homme de lettres, a préféré le langage des dieux ('). bien insuffisante pour un pareil objet. — Le 20 janvier 1773, on dressa un e'tat officiel de toute l'argenterie trouve'e dans les maisons et coUe'ges des jésuites. On y compta inde'pendamment des vases sacrés , etc. Pour la maison professe à Anvers 26,675 onces i3 deniers. — le collège de la même ville 2,i5i — 12 — — la maison dite ConwciMj, ibid. 288 — 8 — et pour les jésuites de tous le pays 102,166- — 4i ^^"S ce qu'il avait été facile de soustraire ; ce qui fait une valeur brute d'environ 664,079 francs ! Notes MSS. (') Beschryving en uyllegging der konstrycke glas en , binnen de groole en heer- AUX PAYS-BAS. ii Ces vitraux furent peints, de 1555 à 1668, par : Adrien de Vrye, de Gouda, 1594, 1597, Guillaume Thybaut, de Harlem, 1570, 1597, Gautier Crabeth, de Gouda, 1557, 1561, 1562, 1564, Et Thierry -Pierre Crabeth, son frère, 1555, 1556, 1557, 1559, 1571, 1572 (■); Thierry Van Zyl, d'Utrecht, déjà nommé, 1551 , 1556, 1559, 1560, Daniel Van Tombergen, de Gouda, 1655, 1657, Corneille Kok, de Leyde, 1601, 1603, Corneille Kussens, d'Amsterdam, 1597, Nicolas Janse, de Rotterdam, 1601, Alexandre Van Westerhout, 1634, Un fils de Daniel Van Tombergen, 1668, Un élève de Thierry Crabeth, 1556, Un élève de Gautier Crabeth , 1581. Des cartons furent fournis par : Joachim Uytenwael, d'Utrecht, Lambert Van Noord, d'Amersfoort, 1551, 1559, Swanenburg, bourgmestre de Leyde, 1603, Et Henri Keyser, ingénieur de la ville d'Amsterdam, 1597. Christophe Pierson dessina ces peintures en petit sur parche- min, en 1676, Les mêmes vitraux furent donnés par de grands personnages : Philippe II, roi d'Espagne, lycke St.-Jans-kerk tôt Gouda. Gouda, Dirck Boekhoven, 1681 , in-4"j 3 pi. et 4o pp. sans les prélim. et le titre. Cf. Walvis. Beschry^'ing van Gouda, pp. Sîô seq. (') Ces deux peintres ont excelle' en ce genre. 12 DE LA PEINTURE SUR VERRE Marguerite d'Autriche, duchesse de Parme, gouvernante des Pays-Bas, Guillaume I^» , prince d'Orange , Les Etats de Hollande, Les villes principales et les premiers corps de la province, ainsi que quelques particuliers, soit séculiers, soit ecclésiastiques. Les vitraux de Gouda, que le délabrement du monument dont ils font partie menace d'une ruine totale , ont éveillé la sollicitude éclairée de M. le comte G.-K. De Hogendorp ('), qui rappelle les vers de Vondel en l'honneur de Gautier Crabeth : Offert JVauter met Elias , Doove verf schijnt hemelsch wer ; Eet hij 't Paaschlam met Messias Zijn penceel , vol aard en zwier , Draaft te moedigcr en stouter. Va-t-il avec Elie offrir un sacrifice? De son docte pinceau merveilleux artifice, Ses plus ternes couleurs brillent des feux du ciel. Offre-t-il au Sauveur l'hostie expiatoire? Son talent plus hardi d'une nouvelle gloire Couronnera son front , etc. M. De Hogendorp semble croire que l'art est perdu, préjugé vulgaire, accrédité par Houbraken lui-même, et assure que les peintres sur verre qui se signalèrent en Hollande pendant la dernière moitié du XVI™^ siècle, n'eurent pas d'imitateurs, quoi- (■) Bijdragen tôt de huishouding van staat in het koningrijk der Nederlanden. IV« deel , pp. 2^9 — 252. AUX PAYS-BAS. i3 qu'il suffise de nommer Thybaut, Kussens, Gaan, Loeck, Vander Cuil, Verhaast et plusieurs autres. Les archives de l'abbaye deTongerloo, compulsées par Heylen, lui apprirent qu'en 1553, la peinture de plusieurs vitraux de 685 pieds quarrés fut adjugée à Frédéric van Amsterdam, dem,eurant à Herentals loffelyk gebakken sonder pincheel daeraen te bessingen ('). C'est-à-dire, que Frédéric d'Amsterdam s'engageait à cuire convenablement sa peinture, sans se con- tenter d'employer le pinceau à froid. Cela eut lieu sous Arnold Streyters, 33™'' eibbé de Tongerloo, et grand amateur des beaux- arts ('), La seconde fenêtre à la droite du chœur en regardant l'autel , dans l'église de S^^^-Waudru, à Mons, a été donnée par l'arche- vêque de Cambrai Buisseret, pour remplacer, dit-on, celle que le diable avait brisée en se sauvant du corps de Jeanne Delcroix , exorcisée par ce prélat. Celui-ci y est représenté en habits archi- épiscopaux et agenouillé sur un prie-dieu, dans un temple de style grec (^). Jean Cousin, en son Histoire de Tournay , partie III, p. 1 66, décrivant l'église cathédrale de cette ville, en rapporte cette par- ticularité, que je n'entreprendrai pas d'expliquer : (( La plupart » des verrières ont deux singularités , à savoir qu'elles sont » excellemment damassées en diverses manières , et qu'elles ne (') De iiiventis Belgarum , p. gcj , n. b. {') Chorogr. sacr. Brah. I, 33 1. (3) Archw. du nord de la France , mars 1882 , les hommes et les choses , p. 1 16 , note communiquée par M. H. Delmotte, bibliothécaire de la ville de Mons. i4 DE LA PEINTURE SUR VERRE » sont pas transparentes ni en couleur ni à la lueur du soleil, )) c'est-à-dire que quelque soleil brillant qu'il puisse faire, les )) rayons du soleil n'éblouissent aucunement ceux qui les re- )) gardent directement, et les couleurs des verrières ne parais- )) sent point sur le pavé ni sur autre chose à l'opposite d'icelles ; )) qui sont deux grandes et rares incommodités pour tous ceux V qui se trouvent en prière dans ladite église. Il y a au-dit )) circuit douze verrières principales , èsquelles on voit un » merveilleux artifice, tant en la peinture diversement et fort )) ingénieusement damassée, qu'es pourtraits des personnages )) tirés en toute perfection. Es cinq verrières du côté de septen- )) trion, est peinte l'histoire de la restitution de l'évêque par- « ticulier par l'entremise de S'-Bernard, et la solennelle et » joyeuse entrée de l'évêque Anselme en la cité de Tournay. )) Aux six verrières du côté de midi est pourtraite d'une excel- )) lente peinture l'histoire de la bataille entre Sigebert, roi de )) Metz ou d'Austrasie , et son frère Chilpéric , roi de Soissons , » lequel s'étant sauvé à Tournay, avec sa femme Frédégonde, » et y ayant été assiégé quelque temps, et depuis délivré par )) la mort de Sigebert, que Frédégonde envoya tuer, donna à )) perpétuité à l'évêque et église de Tournay, la seigneurie et )) domaine de la ville. La douzième verrière est une verrière à )) la mosaïque , au milieu de la chapelle de Notre Dame flamande )) ou flamengue, qui contient en une partie la peinture de l'arbre )) de Jesse, et en l'autre la peinture de l'offrande que les Fla- )) mands du diocèse souloient faire à N.-D. en cette chapelle » tous les ans, à la procession de Tournay. )) Ces vitraux sont attribués à Jacques De Vriendt, surnommé Floris, déjà nommé; AUX PAYS-BAS. i5 peut-être appartiennent-ils à Luc. Adriaens, dont il sera question plus bas. Le monastère des Célestins, fondé à Heverlé près de Louvain, par Guillaume De Croy, sire de Chièvres, gouverneur de Charles- Quint, était orné de vitraux magnifiques qui furent détruits par la soldatesque, mais dont le père Nicolas Dele Ville, prieur de ce monastère, voulut laisser le souvenir à la postérité dans une brochure intitulée : Elegiœ et commentarii in mysteria D.-N. Jesu-Christi , sive amhitus claustralis Heverleensis {hoc est) pictarum ibidem in vitris imaginum prœfata mysteria mon- strantium, descriptio. Lovanii, Andr. Bouvet, 1667, in-S*^ ; brochure qui a été fondue dans la Chorogr. sacra Brab., dern. éd., t. II, pp. 177-184. Le cloître de Heverlé était carré, et chaque côté percé de dix fenêtres, dont chacune était divisée en trois parties; au milieu était représenté un mystère de la vie du Sauveur; sur les côtés une figure accompagnée d'ornemens et d'inscriptions; dans le haut, deux prophètes avec un passage de leurs prophéties, re- latif au mystère ; en bas, un trait de la vie de S^-Célestin, avec un distique qui lui servait d'explication. Prophéties, distiques, pas- sages du vieux et du nouveau testament, tout a été exactement recueilli par le P. Dele Ville. Je regrette seulement qu'il ait omis de nous apprendre les noms des peintres qui travaillèrent aux vitraux. Egalement, près de Louvain, existe l'abbaye de Parc. Son cloître offrait encore, il y a trois ou quatre ans, des vitraux très- remarquables dont Jean Macs, abbé en 1635, l'avait enrichi. F. Eustache De Pomreux du Sart, en a composé la description i6 DE LA PEINTURE SUR VERRE en distiques précédés d'une dédicace à l'abbé J. Macs, également en vers latins. Les vitraux représentent en quarante-deux sujets, la vie de S^-Norbert, les saints de l'ordre des prémontrés et les armes de tous les abbés jusqu'à l'année 1635. On trouve aussi cette description dans le Chorographia sacra Brahantiœ, t. I , pp. 270-273. Le ton général de ces peintiures que j'ai vues, est un peu roussâtre, et répondait du reste par son défaut d'éclat, au demi-jour du cloître. Elles furent vendues récemment par les derniers moines propriétaires de l'abbaye, à un M. Dansaert de Bruxelles, lequel, dit- on, devait les revendre à un Anglais, pour une valeur triple du prix qu'il en avait payé lui-même ('), M. Heylen observait, il y a long-temps, que les Anglais s'at- tachaient à nous dépouiller de nos meilleurs morceaux en ce genre. Sanderus vante les vitraux de l'église des Récollets de Lou- vain , où étaient représentés les mystères de l'incarnation et de la passion, avec les armoiries d'un grand nombre de ducs, de comtes et d'autres personnes d'une haute naissance ('). Philippe-le-Hardi , qui fonda en 1383 la Chartreuse de Dijon, fit exécuter à Malines les vitres de l'église peintes en grisailles , par un certain Henri qu'un écrivain français appelle Glusomak , (') Malgré la fragilité de ce genre de peinture et son mérite relatif nécessairement dépendant des localités, les vitraux ont toujours été payés par les amateurs un prix considérable. Le cardinal de Richelieu offrit 18,000 livres , seulement de ceux du fond de l'église de S'-Pantaléon de Troie. Voyage lin. de deux bénédictins , Paris , 1717 , in-4'', I, çfi. (=) Chorogr. sac. Brab. , III, i33. AUX PAYS-BAS. 17 sans doute pour glasemaeker , prenant pour un nom propre, celui d'un métier ('). En 1783, époque de la suppression des dames blanches ou carmélites chaussées de Namur, on voyait encore dans leur église de magnifiques vitraux. Les figures du duc Charles de Bourgogne et de la duchesse sa femme , y étaient peintes avec une délica- tesse et une vivacité de couleurs admirables; les armoiries de ces illustres personnages n'y étaient pas oubliées , et on y lisait cette inscription : Ut sis propitia , tibi do , o F'irgo Maria , Rhenenses mille , ut pater (Philippus Bonus) uowrat ante. O Regina, mater Saluatoris , Natum tuum precare pro nobis (°). L'église collégiale des SS. Michel et Gudule, à Bruxelles, est peut-être l'édifice du pays qui a conservé les monumens de la peinture sur verre les plus dignes d'admiration. La chapelle du St-Sacrement de Miracles, dont l'autel est loin d'être un (') Notice d'un manuscrit rare et pre'cieux, contenant les dessins des tombeaux des ducs de Bourgogne , qui sont à la chartreuse de Dijon , avec l'explication de ces dessins, par J.-P. Gilquin, peintre de M. le duc. L'année littéraire, 1776, V , ig8 — ?.io. Ceux qui ont eu le bonheur de visiter le cabinet de M. Denon , se sou- viennent d'y avoir admiré des fragmens du tombeau de Philippe-le-Hardi , détruit avec d'autres en 1792. M. L.-J.-J. Dubois, p. i53 du Catal. des Monumens, fait im seul personnage des sculpteurs Claux de Vouzonne et Jacques De la Barce , au lieu que Gilquin les distingue. Archii'. pliil. , I, i43. Claux de Verne et Claux de /^oi^sonne n'étaient qu'un même artiste. Emeric David, Revue encycl. t. IV, p. 109 et t. VII , p. 1 15. Le même , Essai hislor. sur la sculpture franc. , pp. 67, 58. (2) GaUiot, Histoire.... de Namur, III , 255. Tom. Fil. 5 i8 DE LA PEINTURE SUR VERRE chef-d'œuvre, fut rebâtie en 1539 et bénite le 23 avril 1542. On fait honneur des vitraux qui la décorent au pinceau de Rogiers, de Bruxelles, dont G. Fricx rapporte l'épitaphe en vers latins ('); c'est là l'opinion commune, mais J.-A. Rombaut ne la partage pas, attendu que, d'après Van Mander, Rogiers mourut d'une fièvre chaude en 1529, et que les plus récentes dates de ces vitraux, comme on va le voir, sont des années 1546 et 1547. Guicciardini , qui était contemporain, affirme d'ailleurs qu'ils sont l'ouvrage de Jean Ack, d'Anvers, et Vasari est tout aussi positif. 1. La première de ces fenêtres, derrière l'autel, fut donnée par l'empereur Charles-Quint et par Isabelle, son épouse, qui y sont peints. Elle porte cette inscription (') : Carolus Quintus liomanorum Itnperator semper uéugustus , Hispaniarum Rex , Asiœ et Africœ Dominus, Belgii Princeps démentis simus et Isabella ejus uxorP. C. QUARTERIA. Castella , Austria , Burgundia , Flandria. 2. La deuxième fenêtre fut donnée par Ferdinand, frère de C) P- 79- (') J^oyez les planches lithographiées par M. Dewasrae-Pletincx. AUX PAYS-BAS. ig Charles-Quint. Il y est figuré avec son épouse Anne de Hongrie , dont le nom ne se trouve cependant pas exprimé dans cette légende : Ferdinandus Dei gratta Romanorum Imperator, Dalmatiœ , Croatice Rex , Hispa- niarum Infans , udrchidux Austriœ , Caroli V Imperatoris frater , ponijussit , i546. Les autres fenêtres offrent également les portraits en pied des princes qui les ont données et dont les noms sont spécifiés dans les inscriptions suivantes : Franciscus Christianissimus I Francorum Rex et Eleonora Caroli V^ Impera- toris Germanice soror, ejus conjux , sacro-sancto Eucharistiœ sacramento man- daverunt poni i546. Maria Caroli V Cœsaris semper jéugusti soror, vidua Ludovici Dalmatiœ , Croatice , Bohemiœ , Hungariœ Régis , qui pro Jidei catholicce defensione in belle contra barbaros fortiter pugnando occubuit, ponijussit i547- Joannes Dei gratia Lusitaniœ et Portugalliœ Rex et Catharina uxor ejus charis- sima , Caroli f^ Imperatoris soror , poni cura\'erunt , tS/^y. Dans la partie supérieure de ces vitraux si remarquables par la vivacité des couleurs, la richesse de la composition et le bon goût des accessoires, est retracée l'histoire du sacrilège des juifs 20 DE LA PEINTURE SUR VERRE en 1370. Il y avait autrefois du côté du chœur deux autres fenêtres où étaient les portraits de Philippe II et de son épouse Marie, fille de Jean III, roi de Portugal; de Maximilien , roi de Bohême et de son épouse Marie d'Autriche. I. Philippus Dei gratia Archidux Austriœ , Caroli V Imperatoris semper Augusti JiUus , 1 549. QUARTERU. Castella , Castella , Portugallia , Castella. Maximilianus Dei gratia Rex Bohemiœ , Archidux Austriœ , Ferdinandi Cœsaris semper Augusti Jîlius et Maria Austriaca Caroli V , Imperatoris Jilia ejus uxor , i549- La chapelle parallèle qui est sous l'invocation de Notre Dame de la délivrance , n'a plus que quatre fenêtres; la cinquième, offrande de Philippe IV, ayant été murée. Elles sont peintes, et quoiqu'inférieures à celles dont on vient de parler, on a soup- çonné long-temps que Rubens avait présidé à leur exécution. D'autres les ont attribuées à Abraham Van Diepenbeeck, ce qui est cause de la confusion où est tombé l'abbé Mann, qui nomme d'abord cet artiste, et quelques lignes plus bas Jean Delà Baer, d'Anvers, ajoutant qu'il avait suivi les cartons de Théodore Van Thulden, de Bois-le-Duc. C'est à eux en effet qu'on a obliga- tion de ce beau travail, et l'on en a obtenu la preuve lorsqu'au AUX PAYS-BAS. 21 mois de juillet 1771, on trouva dans les greniers de cette cha- pelle les cartons originaux avec les noms des artistes et la date de 1 650. Suivant les comptes de l'église pour les années 1 662- 1665, on paya à J. Delà Baer 1390, et à Th. Van Thulden 300 florins, somme qu'aujourd'hui le plus mince apprenti dé- daignerait d'accepter. Sur la première fenêtre à partir de l'autel, est peinte la présentation de la Vierge, et au bas l'empereur Ferdinand III, avec son épouse Éléonore : Ferdinandus III D. G. Romanorum Iniperator Plus , Félix , yliig. Bex Germaniœ , Hungariœ , Bohemiœ , Sclauoniœ , etc. Archidux Austrias , Dux Burgundice , Brahantiœ , Stiriœ , Carinthiœ , Carniolœ , Marchio Moraviœ , Dux Luxemburgiœ Ac superioris et inferioris Silesiœ , Wittembergœ et Teckce , Princeps Suewiœ , Cornes Habsburgi , Tlrolis , Ferretis , Kiburgi et Goritiœ , Lantgrai'ius Alsatiœ . Marchio sacri Romani Imperii , Burgovice Ac superioris Marchiœ Sclai>onicœ , Portus Naonis et Salinarum , Pacata Germania , asserto Imperio , Avita religione propagata , Perpetuwn Augustce domus suœ In DeiparcB cultum 2 2 DE LA PEINTURE SUR VERRE Pragœ et Viennœ nuper erectis orbi notum Etiam Germaniœ inferioris urbe principe sacrœ ejus prœsentationis monimentum Testatum esse 'voluit , Anno salutis i65o. Au-dessous du soleil tracé sur la même fenêtre, se lit cette devise : Orbi sufficit unus , qui rappelle celle plus ambitieuse encore de Louis XIV : Nec pluribus impar. Le sujet de la deuxième fenêtre est le mariage de la Vierge, et au-dessous l'empereur Léopold : Leopoldus D- G. Romarorum Imperator Plus , Félix , Augustus Rex Germaniœ , Hungariœ , Bohemiœ , Sclavoniœ , etc. Archidux Austriœ , Dux Burgundiœ , Brabantiœ , Styriœ , Carinthiœ , Marchio Moranœ , Dux Luxemburgiœ ac superioris et Inferioris Silesiœ , Wittembergœ et Teckœ , Princeps Suevice , Cornes Habsburgi , Tirolis , Ferretis , Kiburgi et Goritiœ , Lantgravius yilsatiœ , Marchio sacri Romani Imperii , Burgovice , Ac superioris et iriferioris Lusatiœ , Dominus Marchiœ Sclauoniœ , Portas Naonis et Salinarum , AUX PAYS-BAS. ^3 Honon j4.ugustœ cœlorum Hegince , Ut Romani Imperii Ita regnorum suorum et provinciarum Dwœ tutelaris , Sed pecuUari nuncupatione Pannoniœ ads^ersus Barbarorum irrup- tiones , proai>itce pietatis suce In sacra ejus sponsalia Monimentum , Susceptis imperii sui auspiciis , Dedicat, anno salutis i658. La troisième représente l'annonciation, et au bas les archi- ducs Albert et Isabelle avec leurs patrons : Serenissimi Principes Alhertus et Isabella Austriœ Archiduces Burgundiœ , Lotharingiœ , Brabantiœ et Limburgi , Lucemburgi, Geldriie Duces , Flandriœ , Artesiœ , Burgundiœ . Hannoniœ , Hollandiœ , Zelandiœ , Namurci , Zutphaniœ Comités , ' Sacri Rom. Imperii Marchiones , Frisice , Machliniœ , Ultrajecti Domini et Dominée. Munificentissimis et beneficentissimis Patrice parentibus , Ista sacrce annuntiationis Deiparœ Icon, Gratitudinis et memoriœ ergo dicata est Anno i663. a/f DE LA PEINTURE SUR VERRE La quatrième enfin représente la Visitation de la Vierge, et au bas l'archiduc Léopold : Serenissimus Princeps Leopoldus Guilielmus , Imperatoris Cœsaris Ferdinandi III Augusti frater unicus , Archidux Austriœ , Dux Burgundiœ ,. Belgarum et Burgundiorum pro Philippo IV Hispaniarwn , Jndiarumque Bege Gubernator , Sacello huic , jam pridem a Serenissima Isabella Clara Eugenia Hispaniarum Infante , Belgii et Burgundiœ Principe , Ad Deiparœ cultum designato , Primum lapidem posuit Anno salutis M DC XL , IX hakndis junii Illustri pietatis auspicio , Eodem cuni anno prcesentissimam Divœ liberatricis opem sensit , Cameraco a Francorum obsidione liberato , Serifata Belgica. Sur la verrière au-dessus du portail de l'église , Jacques Floris a peint le jugement dernier. Jean Ack, déjà cité, passe pour avoir exécuté les vitraux placés au-dessus des deux portes pratiquées dans les croisillons, et qui sont dans la manière large et brillante des peintures de la chapelle du St-Sacrement. La fenêtre à gauche, quand on fait face au chœur, représente l'empereur Charles-Quint et sa AUX PAYS-BAS. 25 femme, tous deux à genoux sur des prie-dieu, avec un grand luxe d'ornemens, l'autre Louis; roi de Hongrie et la reine Marie, sœur de Charles-Quint. On y lit cette inscription : Ludouico Dalmatiœ , Croatiœ , Bohemiœ et Hungariœ Régis , qui pro cathoUcœ Jîdei Defensione in bello contra barbaros — Fortiter extincto .... Maria Ejus uxor, Cœs. sor. rSSg. J'ignore quel artiste peignit sur les vitraux du chœur : L'archiduc Maximilien et Marie de Bourgogne; Philippe-le-Beau et Jeanne de Castille; Charles-Quint et Ferdinand, son frère; Philippe II et son épouse; Philibert de Savoie et Marguerite d'Autriche avec sa devise : Fortune, iafortune fort une ('). La plupart de ces figures sont agenouillées, et tout uniforme qu'elle est, cette pose me semble la plus convenable, en ce qu'elle associe à la dévotion des fidèles ces morts célèbres, ces puissances éteintes qui reviennent, en quelque sorte de l'autre monde, pour assister à nos solennités religieuses et intercéder en notre faveur. Je la préfère à ces attitudes de théâtre qu'on donne à la plupart de nos portraits modernes. En 1770, une de ces fenêtres offrait encore dans son rond- (') Sur cette devise voir Not. et extr. des MSS. de Bourg. , p. 17 , et Noui>. Arch. VI, 3o2. Tom. FIL 4 26 DE LA PEIiNTURE SUR VERRE point l'image de l'archange S^^-Michel, au milieu des armoiries des sept lignages de Bruxelles. Erycius Puteanus les a fait gra- ver p. 41 de son Bruxella septenaria. Cette peinture avait été placée en 1387 dans l'ancienne chapelle duS^-Sacrement, avec des vers flamands qui sont parvenus jusqu'à nous ('). Les recherches qui précèdent et les indications qui suivent nous mettent en possession d'un nombre assez considérable de peintres sur verre nés en Belgique. Il s'augmenterait sans doute si nous parcourions successivement toutes nos anciennes églises , si nous soulevions la poussière des archives locales, et si nous allions à l'étranger revendiquer les richesses qui nous appartien- nent. Plusieurs de nos artistes, en effet, y ont laissé des vestiges de leur savoir-faire; pour ne citer ici que Bernard Van Orley, nous rappellerons que ce fut lui qui exécuta les vitraux de la chapelle d'Orléans, dans l'église des Célestins, à Paris ('). (( Ces vitraux, observe M. Lenoir, offrent des difficultés vain- » eues bien singulièrement (par un procédé que nous avons )) enseigné tout-à-l'heure). Dans un ornement où l'artiste avait )) besoin d'une draperie bleue, semée de fleurs de lys, il s'est » servi d'un verre, non pas bleu dans sa pâte, mais seulement (■) Basilica Bruxell. , Mechl. 1743, in-j2, I, 4") 6°, 97- Rombaut , Brux. ill. , I, 75, 96, i5i, 219 , 26r;Fricx, Descripl. de Brux., \'j^'i,\n-\i, p. 72; Pierre DeCaf- meyer, Véritable hist. du très-saint Sacr. de Miracle, Brux. 1785; l'abbe' Mano , Abrège' de l'hist. de Brux., II, i56 — 168; Chorogr. sacr. Brab., III, 241; Me'm. sur le commerce aux XV^ et XV I^ siècles , p. laS. (^) Lenoir , Traité histor. de la peinture sur verre , à la suite de la Descr. hist. et chron, des monumens de sculpt. réunis au Musée des mon. franc. , Paris , an VIII, in-8°, p. 38i. AUX PAYS-BAS. 27 » bleu sur les deux faces, puis, il y a fait creuser des fleurs » de lys qu'il a peintes en jaune, et, après cette opération, il a » ombré le tout comme il convenait. Ils ont été détruits en )) partie. » Renier Adriaenssen, qui fut doyen de la confrérie de S*-Luc, à Anvers, en 1 702, peignait à l'huile sur verre, à peu près comme on fait les verres d'optique pour la lanterne magique. Nous terminerons cette notice en remarquant que ce n'est que par un préjugé populaire que l'on croit communément le secret de la peinture sur verre perdu sans retour. Il n'y a point de se- cret, ou s'il y en a un, on le connaît : les procédés sont là, il ne manque que des hommes habiles pour les employer, mais que ces hommes se présentent, il leur manquera encore les circon- stances heureuses qui excitent l'émulation, enflamment le talent. Les vitraux ne répondent plus, quoiqu'on en dise, à nos besoins ni à nos goûts anti-poétiques. Il en est des peintres sur verre comme des architectes improprement appelés gothiques : ils appartiennent à un autre siècle que le nôtre ('). (') M. Jean d'Huyvetter, possesseur d'une collection de raretés à Gand, a fait graver un vitrage dans ses Zeldzaamheden , Gent, 1829, in-4° ; mais malheureuse- ment l'échelle du dessin est si petite qu'on ne distingue aucun détail. Du reste , le cabinet de M. d'Huyvetter contient des vitraux de toutes les époques , de sorte que l'on peut y suivre les progrès successifs et la décadence de la peinture sur verre. On y en rencontre qui nous rappellent l'école des Van Eyck et de leurs élèves ; d'autres se rapprochent des compositions gracieuses de Memling et de Luc de Leyde. Viennent ensuite ceux de l'école de Piubens , dont les compositions moins symétri- ques , sont d'une variété et d'une vivacité de couleurs qui nous prouvent qu'à cette époque l'art du verrier n'avait point encore dégénéré. V. Nouvelles observations sur la peinture sur verre, par Alex. Lenoir , Paris, 1821. — Le Messager des 28 DE LA PEINTURE SUR VERRE Extrait d'un manuscrit de la bibliothèque de Bourgogne , in- titulé : Annecdotes (sic) pittoresques, ou nouvelle description des églises, etc., d Anvers, ainsi que des monutnens de pein- ture, de sculpture et d'architecture qu'on y trouve encore, le tout examiné sur les lieux et remis dans un meilleur ordre. In-fol. cartonné, pap. 155 feuillets écrits en tout ou en partie. Ce manuscrit provient de M. François-Jean-Joseph Mois, fils de François Mois, échevin d'Anvers, et de Marie Auvray, né à Anvers, le 22 janvier 1722. Je l'ai mentionné p. xxxj de la pré- face de mon édition de Vander Yynckt, et il a été rédigé en 1 775, sur la description inédite composée vers 1748, en flamand, par Jacques De Wit, habile peintre d'histoire, originaire d'Anvers, mais né à Amsterdam, où il mourut en 1755 ('). sciences et des arts , nov. et décem. tS'i^, p. 365. — LcMayeur, la Gloire belgique , II, i44 — '5o. — Annales Belg. , VII, 17. — On voit au musée de Bruxelles quel- ques fragmens de verres peints. Je ne puis m'empêcher d'exprimer le regret de n'avoir pu consulter le MS. qui faisait partie de la bibliothe'que de Jos. Ermens, et qui est indiqué dans son cata- logue sous le n" 6049 , avec ce titre : Liste alphabe'tique des imprimeurs , libraires , relieurs , peintres sïjr verre , vitriers et tous les autres artistes inscrits dans la confrérie de St. -Luc , à Anvers. MS. en 3 vol. in -4°, cependant j'y ai suppléé , autant que je l'ai pu , en mettant à contribution un autre manuscrit. Il est étonnant que M. J.-C.-E. Van Ertborn qui a écrit une notice au sujet de cette confrérie de S'-Luc (notice que ses amis ont voulu faire passer pour un ouvrage), n'ait pas dit un mot de la peinture sur verre. Geschiedkundige aantekeningen , etc. Antw. 1806, in-8". — Item, 1832, in-8". — Item en français, Brux. i8i4. in-12 , 47 pag. (1) Dans le catalogue de M. J.-B. Verdussen , dont les livres furent vendus en 1776, on trouve marqués, p. 336, n" i4, deux MSS. in-4°, sous ce titre : AUX PAYS-BAS. 29 Le traducteur, s'il renchérit sur les fautes de style de son original, en a redressé les erreurs de fait, ce qui est plus essen- tiel. Il y a fait aussi quelques additions qui ne sont pas sans importance. La peinture sur verre excite surtout sa sympathie d'amateur, a Les anciens peintres sur verre , dit-il, ayant eu une » si grande part à la gloire de l'école flamande, méritent qu'on )) en fasse mention dans une description pittoresque. Les vitrages )) même où ils ont le plus exercé leurs talens, ne peuvent être )) oubliés, ayant, pour la plupart, été donnés par des personnes )) du premier rang , soit pour éterniser quelque événement mé- )) morable arrivé de leurs jours, soit par dévotion pour l'en- )) droit où ils sont placés Il est vrai que depuis bien du temps » le nombre de ces fenêtres peintes est très-diminué dans nos )) églises. C'est une raison de plus de faire mention de celles )) qui subsistent encore. Elles suffiront pour faire voir jusqu'à )) quel point de perfection l'art de peindre sur verre a été exercé )) en cette ville, et feront regretter peut-être qu'il se soit tota- )) lement perdu dans nos provinces. Les regrets ne peuvent que )) croître quand on voit l'ineptie du mauvais goût poussée si » avant que de souffrir qu'on transporte ces peintures ailleurs. » Tels t)nt été les vitrages du cloître des Dominicains, peints )) par Abraham Van Diepenbeeck, ceux du cloître des Grands » Carmes, exécutés par différentes mains, et ceux du cloître Description des principaux ouvrages de peinture et sculpture dans les églises , cou- vens et lieux publics de la ville d'Anvers, avec des additions et notes MSS. de J.-B. Verdussen. — Eenige memorien wegens de schilder-konst en beldhouwerye te zien in O.-L.-V. kerke hinnen Antwerpcn. MSS. 3o DE LA PEINTURE SUR VERRE )) des Minimes , peints par le même Van Diepenbeeck. » Quelque sèche que soit la nomenclature des deux auteurs, nous en extrairons tous les renseignemens qui concernent notre sujet, en leur conservant l'ordre où ils se trouvent placés dans le manuscrit. ÉGLISE DE NOTRE-DAME. Chapelle des aumôniers ('), à droite du grand portail, en entrant. a L'un des vitrages qui éclairent cette chapelle, représen- tait autrefois les sept œuvres de miséricorde avec les portraits des aum,ôniers au-dessous, le tout peint en 1635, par Ahraham Van Diepenbeeck. Cette fenêtre a été ôtée pour sa vétusté ; mais on en conserve encore le dessin en grand, fait par le même artiste, dans la Chambre du S^-Esprit, qui est une de celles qui appartiennent à ces messieurs (les aumôniers). )) Dans l'autre vitrage il y avait une adoration des bergers , peinte par Jacques de Vriendt, dit Floris, frère du fameux François Floris. Cette fenêtre a été également détruite )) Au-dessus du grand portail est une grande croisée |entière- ment peinte , au milieu de laquelle est représenté d'un côté V em- pereur Charles-Quint , et de l'autre Isabelle de Portugal, son épouse. Ces princes sont à genoux sur un prie-dieu, et ac- (•) S'-Genois (Monumens anciens , II, i56 — 158) a recueilli les noms des aumô- niers-généraux d'Anvers. AUX PAYS-BAS. 3i compagnes de leurs patrons. On y lit l'inscription suivante : In dwi Caroli Quinti Imperatoris , Ccesaris Augusti , Christianissimi , orbis Monarchœ , Archiducis Austriœ , Ac dwœ Isabellœ Augustœ Imperatricis Incomparabilis ac ejus conjugis gratiam . )) Ce vitrage a été donné par Robert Tucher, second bourg- mestre en 1622, 1628, 1629, 1630, 1632, 1640, et premier en 1626, 1634 et 1637 ('). On y voit encore ses armes, mais on n'y trouve plus de date. Dans la grande nef, vis-à-vis l'autel des merciers, » On voit une vitre peinte par C'est un don du corps de métier A côté de celle-ci il y a une autre fenêtre peinte avec la date de 1537. Chapelle des curés , dite des mariages. )) Le vitrage à côté de l'épitre représente la cène, et tout à l'entour on voit les armes de la maison de Nassau-Orange , qui l'a fait placer. )) Voici ce qu'en dit M. N. Cornelissen, Annales Belgiques, t. VII, p. 12 : (( Ce tableau représente la cène, au moment même où le (') Troph. de Brab. II, 520 ; sepiem tribus palriciœ Antverp., 42 — 45. 32 DE LA PEINTURE SUR VERRE » Sauveur institue l'Eucharistie ; le donataire (?) est à genoux , )) les mains jointes, et dans l'action d'adorer le mystère qui )) semble s'accomplir sous ses yeux. Ce personnage est Guil- )) laume 1^^, prince d'Orange. Les armoiries de seize familles « auxquelles cette illustre maison avait été alliée, sont des » deux côtés de la fenêtre; les armes de la maison même sont )) au milieu, et dans un fragment d'inscription le mot Nassau )) s'est parfaitement conservé ; mais la date de la construction )) n'est plus indiquée. )) Cependant, comme le prince et l'écusson sont décorés du )) collier de la Toison-d'or, on peut naturellement inférer de » cette circonstance que le tableau n'a pas été peint avant 1 555 , )) et les événemens subséquens ne permettent pas de croire )) qu'il ait pu l'être après 1563; or, s'il est plus que probable )) d'après plusieurs indices, que déjà avant la première époque 1) le prince pencliait pour certains dogmes de la réforme, com- » ment expliquera-t-on le motif qui l'a porté à rendre osten- )) siblement un hommage public aussi solennel au dogme de la )) présence réelle adopté par la communion de Rome, et rejeté )) par celle de Genève? — A moins qu'on ne veuille insinuer » que l'idée du sujet provient exclusivement du peintre ou des » marguilliers qui auront dirigé la construction du tableau. )) Le travail appartient évidemment à cette époque, par la )) forme des caractères et par la manière, le style et la com- 1) position. M. Van Brée, pour l'opinion duquel nous avons en )) général une grande déférence, a examiné avec soin le tableau, » qui d'ailleurs a dû avoir été lithographie, et il semble croire que )) le portrait du donataire (?) est celui du fils du prince d'Orange , AUX PAYS-BAS. 33 )) de ce comte de Buren que le duc d'Albe avait fait enlever de )) l'université de Louvain, et conduire en Espagne; mais sur )) quoi le savant professeur fonde-t-il cette opinion ? Sur ce que » le portrait ne ressemble guère à ceux que nous avons du » prince ? Mais il faut observer que ce n'est là qu'une copie de » seconde ou peut-être de troisième main; ce que nous vou- )) drions cependant bien concéder, c'est que, brisée pendant )) le sac de l'église, en 1566, cette tête a été repeinte ou )) même qu'une autre y a été substituée ; mais toute l'économie )) de la composition entière indique que le type primitif du prince )) agenouillé subsiste ('). » Il a échappé à M. Cornelissen que l'examen des quartiers du donateur doit lever toute espèce de doute sur sa personne, puis- qu'ils déterminent son père et sa mère. Ne pouvant vérifier la chose en ce moment, je me contenterai d'observer que les con- jectures ne devaient pas nécessairement s'arrêter entre Guil- laume \^^ et le comte de Buren, son fils; ne peut-on pas aussi porter sa pensée sur Henri de Nassau, comte de Yianden, baron de Bréda et de Diest, etc., lequel mourut le 14 septembre 1538, après avoir reçu le collier de la Toison-d'or, au chapitre tenu à Middelbourg, en 1505? On voit donc en dépit de l'aimable ignorant qui présidait à l'éducation du marquis de la Janotière, que le blason peut être bon à quelque chose, et qu'il est possible (■) Note de M. N. Cornelissen. 11 n'y a pas de milieu; si le tableau n'a pas e'té peint de i556 à i564, il n'a pu l'êlre avant la prise d'Anvers, par Alex. Farnèse , en i585. Qu'on l'examine et qu'on dise si cela est soutenable. Tom. Fil. 5 34 DE LA PEINTURE SUR VERRE de faire tourner au profit de questions intéressantes tout ce qu'il va chercher dans les vieilles sépultures : ^11 that heralds rahe from coff in 'd clay. Byron , Chjld Harold , 1,3. (( Derrière la chaire de vérité est une ancienne fenêtre peinte en 1539, mais elle a déjà souffert beaucoup par le temps. )) Au-dessus du petit portail entrepris en 1 648, est une grande fenêtre peinte par Jean-Baptiste Vander Veken, sur les dessins d'Henri Van Balen, à qui ils furent payés 500 florins. On y lit cette inscription : Philippo ///, Hispaniarum Indiarumque Monarchœ , affectas sui in liane œdem et urbem , cultusque erga tronam {patronam ? ) deiparam simbolum po- sait , régis mandato , D. ^Iphonsas De Cave , Marchio de Bedmar, P. M. consiliarius et Legatus in Belgio «o MDC XXI. Chapelle de la Circoncision. )) Il s'y trouve deux anciens vitrages. Le premier est un don d'un roi de Portugal et de la reine, son épouse : on y voit encore les armes et portraits de ces princes ; mais l'inscrip- tion en est détruite. L'autre est un don de Henri VII, roi d'An- gleterre. Celui-ci a également souffert par le temps ; cepen- dant, on y distingue encore le portrait du roi et celui de la reine son épouse, à genoux sur des prie-dieu, dans leurs habits royaux AUX PAYS-BAS. 35 et accompagnés de leurs patrons. Ils sont placés sous une arcade de riche architecture, et tout à l'entour, en forme de bordure, on a peint les armes d'Angleterre, de France, etc., avec les roses rouge et blanche. M. Florent Van Ertborn, ancien bour- gmestre d'Anvers, dans l'intention d'aider à la conservation matérielle de ce monument, en a fait en 1818, graver le trait. Cette gravure fut mise en vente chez L.-P. Delà Croix, impri- meur-libraire, à Anvers. Sur ce vitrage, moins ruiné que l'au- tre , on déchiffre à grande peine ce fragment d'inscription : Septimus j4nglorum rex priidens rexque beniguus Henricus regnum belli virtuie recepit Crudeli Brito (') superato marte iyranno , Connubioque domum clarus conjunxit utramque ('). Elisabetha fuit conjux et regia proies , Nobilis Eduardi régis pia Jilia quarti, Femina progenie illustris decoraque forma , Perpétua in miseris démens cunctisque benigna. » La grande fenêtre de cette partie de la croix est un don des archiducs Albert et Isabelle, comme le dénote l'inscription : Albertus et Isabella Clara-Eugenia , Archiduces Austriœ , Belgarum Principes , pro sua erga Deiparam Basilicœ et urbis tuielarem affectu et cultu , more progenitorum , posuerunt anno Dom. 1616. )) Au-dessus de la chapelle de la circoncision on voit encore (•) M. Cornelissen qui rapporte ce qui reste de cette inscription lit Victor. (") Cornelissen : Elisœ, 36 DE LA PEINTURE SUR VERRE quelques vitrages peints, l'un desquels porte l'inscription sui- vante : Godefridus Bullonius a° 1096 coll. canonicorum Antverp. instituit, équités XII creauit. Fr. F^ander Zjpen , L. Beyerlinck , Aub. Mirœus , J. Dinghens , canonici Anti^erpicnses , anno 1616 , P. P. )) Les trois fenêtres au-dessus du maître-autel , sur lesquelles on voit encore (1775) quelques figures, mais trop dérangées pour en discerner l'ordonnance et le sujet, furent données par le roi Philippe II, à l'occasion d'un chapitre de la Toison-d'or, tenu en 1555 (et dont j'ai rapporté minutieusement ailleurs toutes les particularités). On y lit cette inscription : D. O. OT. Anno MDLT^ Philippus Hispaniarum , Angliœ et Franciœ Rex , etc., Dux Burgundiœ , Brabantiœ presens , sui ordinis comitiis hac in cède celebratis , /// has fenestras Christo servatori dicatasjîeri j assit. » On voit encore un autre ancien vitrage peint, placé au côté septentrional du chœur, et qui porte l'inscription suivante : D. Wilhelmus de Berckem, miles, et Domina Sapientia de Roggemans dicta de Beggarde , conjuges , posuerunt a° ligi. R. D. Anthonius de Berckem , canonicus H. E. et officialis pietatis ergo restau- rai'it anno i655. AUX PAYS-BAS. 87 ÉGLISE DE S^<5-WALBURGE. » On ne trouve plus dans cette église (1775) aucun vitrage peint qui mérite attention. ÉGLISE DES RÉCOLLETS. )) Même observation. Epitaphe de la famille de Floris ou de Vriendt , qui a produit un peintre SUR VERRE. Elle était placée dans le cimetière de cette église. D. O. M. " Hier lecht begraw Cornelis de Vriendt, alias Floris. steenhouder , sterj. a" i538, den 17 septemb. , ende syne huys^rouw Marguerite Goos , sierf. a° iSjy, den 11 octb., ende syrien sone François Floris, sterf. a° iSyo, den I octb. , ende hunnen sone Cornelis Floris , beltsnyder en architect , sterf. a" iSjS , den 20 octb., met Elisabeth Michiels , syne huyst>rouwe , sterf. a° iS^g, den 23 april; ende Jacob Floris , gelasschrit^er , sterf. a° i58i , den Sjunii, met Mechtil Jacobson syne huysurouwe , sterf. a° i58o; ende Susanna , dochter van Cornelis Floris , sterf. .... , ende Cornelis Floris , Cornelissone , schilder en beltsnyder, sterf. a° 161 5 , den 12 may, ende Jan Floris, sone van Cornelis Floris , den derden, sterf. a" i65o , den i meert. B. V . D. Z. » ÉGLISE COLLÉGIALE ET PAROISSIALE DE S*- JACQUES. y) Le vitrage peint à côté de l'autel du vénérable est de Vander Veecken, sur le dessin de Henri Van Baelen. )) Les vitres de la chapelle de la Vierge sont très-bien peintes par Abraham Van Diepenbeeck. L'une représente la visitation. )) La fenêtre peinte de la chapelle voisine de celle de la 38 DE LA PEINTURE SUR VERRE St'^-Croix, est très-ancienne et peut-être le plus ancien mo- nument de ce genre que possède Anvers. Elle est décorée des armes et portraits de la famille noble de Vander Werven. Le sujet du milieu est la dernière cène. )) Dans la grande nef vis-à-vis la chaire, est une vitre peinte, représentant une adoration des mages. C'est une belle copie de celle du maitre-autel de S^^-Michel. )) A côté de celle-ci il y a encore une autre fenêtre peinte, mais trop délabrée pour en reconnaître le sujet; il en est de même de quelques autres de cette église. ÉPITAPHE DE HENRI VAN BAELEN , QUI A FAIT LES DESSINS DE PLUSIEURS PEINTURES SUR VERRE. CbRISTO RESURGBNTI SylCR. Integrœ vitœ viro , pictori eximio , Henrico Van Baelen , cujus virtutem pru- dens imitatur posteritas , penicillum mirabiiur longior œtas. Margarita Brieis conjugi ly junii i632 denato , Pos. et obiit aS octobris i638. Horum tuique te memorem vult , bénigne lector, beata spes mortalium. ÉGLISE DES DOMINICAINS, )) Les vitres du chœur furent toutes peintes par Abraham Van Diepenbeeck, et représentent la vie de S*-Paul. ÉGLISE DES MINIMES. )) Autrefois toutes les fenêtres des cloîtres étaient peintes par Abraham Van Diepenbeeck. Elles étaient au moins au nombre de quarante. Les sujets étaient tirés de la vie de S^-François de AUX PAYS-BAS. og Paule. Elles ont été achetées par des Anglais qui les ont em- portées dans leur pays. JARDIN DE l'ancien SERMENT DE l' ARBALETE. » Dans la salle de réunion se voyaient plusieurs anciens vitrages; la plupart sont détruits ou au moins fort délabrés. On y distingue cependant encore plusieurs dates de 154... 155... » ÉGLISE DE l'abbaye DE st-BIICHEL. )) Du côté de la Chapelle de S^^'^-A.nne est un vitrage au milieu duquel est représentée une St^-Catherine avec la date de 1632. Cette figure qui est petite et seule au milieu de cette fenêtre, est bien peinte, mais dans une manière qui diffère un peu de celle d'Abraham Van Diepenbecck. » La fenêtre de la chapelle de S^-Herman-Joseph est peinte et représente une sainte famille avec la date de 1548. ÉGLISE PAROISSIALE DE s'^-ANDRÉ. » L'an 1553, l'abbé de S^^-Michel, Grégoire Dagis, donna à cette église un vitrage peint et apprêté en Frise. ÉGLISE DES CARMES CHAUSSES. )) Les trois fenêtres peintes placées dans la partie septentrio- nale du chœur furent données par la nation espagnole. )) La première représentait la généalogie ( ou la S^e-famille ) de IV. S.; 4o DE LA PEINTURE SUR VERRE » La seconde la S^^-Viercje , fontaine de miséricorde ; » Et la troisième sa mort et son assomption. Elles étaient très- anciennes, mais le peintre n'en était pas connu, et quoiqu'elles eussent souffert de l'injure du temps, elles trouvèrent des ama- teurs et prirent le chemin de celles du cloître. )) Les douze fenêtres des bas-côtés représentent les mystères de la vie de la Ste-Vierge. Elles n'ont point été placées suivant l'ordre habituel, mais apparemment selon que les peintres les terminaient, l'une plus tôt, l'autre plus tard. Voici comment on les rangea primitivement à partir du petit portail méridional. » L La présentation au temple, par Abraham Van Diepen- beeck. Don de Jacques Sasbout et de son épouse Gertrude Zou- telande. » IL Uannonciation, peinte en 1623 et donnée par dame Marie Laermans, veuve de Jean De Vos, écoutette de Schelle et de Niel. )) IIL La Visitation , donnée par César Vander Goes et Eli- sabeth Van Volden, son épouse. )) IV. La nativité, donnée en 1622, par Jean Ram. )) V. La circoncision, donnée en 16..., par Nicolas Rockocx. » VI. U adoration des mages, donnée par un gentilhomme Florentin et son épouse. » Cette fenêtre a beaucoup souffert. On n'y voit plus (1775) que les portraits des donateurs, le reste est effacé. )) La première en entrant par le côté septentrional, représente la famille de la Vierge, peinte par Abraham Van Diepenbeeck , et donnée en 1623 par Jean Van Eversdyck et Antoinette Canis, son épouse. AUX PAYS-BAS. 4i » II. La naissance de la Vierge; donnée par Philippe De Goddines. )) III. La purification ; donnée par Godefroid Houtappels et Cornelie Boot, son épouse. » IV. La pentecôte; donnée par Charles Hellemans et Mar- guerite Gonzales, son épouse. )) V. La mort de la Vierge; donnée par Louis Clair issen et Marie Noirot, son épouse. » VI. La Vierge couronnée par la S^^-Trinité ; donnée en 1622, par l'évéque Malderus. CLOÎTRE DES CARMES CHAUSSES. C'est des vitraux de ce cloître, selon toute apparence, qu'a voulu parler l'auteur de la Description de la province de Ma- lines, préface, p. vin, note, quand il a dit : « L'on voit à présent » sortir de notre pays avec grand profit les vitres peintes ; puis- )) qu'il n'y a pas long-temps que dans un couvent de carmes on » a vendu à un Anglais toutes celles de leur cloître pour 2250 » florins, lequel profitable exemple a été suivi par les domini- )) cains (du même endroit, sans doute); » et il pouvait ajouter par les minimes. » Ire. Fenêtre vers le chapitre du côté du nord : le prophète Elie qui feî^me le ciel pour trois ans; peinte en 1592, par Jacques Floris. Ce ne peut être le Jacques Floris dont on a lu tout à l'heure l'épitaphe, puisqu'il mourut en 1581 ; c'est donc quelque mem- bre de sa famille que l'épitaphe ne mentionne pas. Quel qu'il soit, la plupart des vitraux de ce cloître appartenaient à un Tom. VII. 6 42 DE LA PEINTURE SUR VERRE même peintre. La plus ancienne date qu'on y trouvât était 1592, et la plus récente 1615. )) II. La veuve de Sarepta, ramassant du bois; peinte par le même. )) III. Élie, retranchant des jours du roi Achab; peinte par le même en 1595, donnée par Jean Stappaert et N... son épouse. )) rV. Les faux prophètes de Baal, invoquant leur idole ; peinte par le même. )) V. Le sacrifice d'Èlie ; peinte par le même et donnée par Henri Van Etten etLivinie Vander Heyden, son épouse, l'an 1595. )) VI. Les faux prophètes, mis à mort par ordre d'Elie; peinte par le même et donnée par Nicolas Rockocx et son épouse, l'an 1 60 1 . » VII. Le prophète Elie endormi sous le genévrier; peinte par le même et donnée par Henri van Berchem et son épouse, en 1 60 1 . PARTIE DE L'OUEST. » VIII. Élie choisit pour disciple Elisée ; peinte par Jacques Floris, ainsi que toutes les autres fenêtres de ce côté. )) IX. Jézabel consolant Achab du refus de la vigne de Naboth; donnée par Michel Boot et Anne De Deckere, son épouse, l'an 1603. )) X. La lapidation de Naboth; donnée par les mêmes, en 1 602. )) XI. La pénitence d Achab; donnée par Arnold Borcouts, en 1604. )) XII. Les ambassadeurs du roi Ochozias; donnée par Jac- ques Weinman et Lucie Ram, son épouse. » XIII. Le feu céleste dévorant deux princes envoyés vers Élie ; donnée par Hubert Merstraeten et son épouse. AUX PAYS-BAS. 43 PARTIE DU MIDI. )) XrV. Élie enlevé au ciel dans un char de feu; donnée par D. Ignace Borgia, gouverneur du château d'Anvers, et N. De Ligne, son épouse. )) XV. Elisée séparant les eaux avec le manteau d'Élie; don- née par Henri de Warick, seigneur de Bouwel et d'Olmen, etc., margrave d'Anvers, et Marguerite Damant, son épouse. )) XVI. Les eaux de Jérico et la stérilité de la terre; donnée par Biaise de Bejar, écuyer, seigneur de Wittacker, et par Egide Gerardi, J. L. {juris licenciatus) , échevins de la ville d'Anvers, en 1613. » XVII. Les enfans raillant Elisée ;àoTmée par 3ean de Wis- schere, échevin, et Catherine De Longin, son épouse. » XVIII. La pluie tombant à la prière d'Elisée; donnée par Corneille De Wyse et Susanne Schoyte, son épouse, l'an 1615. » XIX. Le miracle de l' huile, par Elysée; donnée par Jean de Gavarelle. )) XX. La veuve Sunamite , donnant l'hospitalité à Elisée , portait la date de 1619. PARTIE DE L'EST. » XXI. Le fils de la veuve ressuscité par Elisée ; donnée par Pierre Vander Burght et son épouse. )) XXII. Le miracle de la farine; donnée par Jean Cachiopin et son épouse, en 1614. )) XXIII. La guérison de Naaman; donnée par Sixte Démens et Susanne Van Veltvs^yck, son épouse, en 1614. )) XXIV. Le fer nageant sur les eaux du Jourdain; donnée par Van Parys et son épouse, en 1614. 44 DE LA PEINTURE SUR VERRE )) XXV. Les soldats duroide S^rie, conduits auprès d'Elisée; donnée par Jean Moretus et Martine Plantin, son épouse, en 1614. )) XXVI. Le siège deSamarie; donnée par D. Didace Fernand Carillo et Catherine Fernandez, son épouse, en 1614. » XXVII. La mort d'Elisée; donnée par Godefroid Verrycken, en 1614. ÉGLISE DES BOGARDS OU DES CORDELIERS. <( Une des fenêtres de cette église fut peinte par Abr. Van Diepenbeeck. » Ici s'arrêtent les renseignemens que nous fournit le manuscrit de M. Mois. Ils ajoutent quelques lumières à celles que nous avons tâché de répandre sur ce sujet, et sont de nature à mon- trer de combien d'applications fréquentes et presque journa- lières était susceptible autrefois l'art de la peinture sur verre. Plusieurs personnes ont cru qu'avant Rubens ('), nos meilleurs vitraux ont été exécutés sur des dessins venus d'Italie , et cette opinion prend une grande consistance , lorsqu'on examine , dans l'Église de St^-Gudule, les admirables fenêtres de la cha- pelle du S^-Sacrement, ainsi que les deux qui surmontent les petits portails. La richesse de l'ordonnance, le grandiose de la composition, le style des ornemens d'architecture, la touche large et chatoyante des draperies , toutes ces qualités que nous avons vu David admirer avec enthousiasme, semblent trahir une origine italienne. Ce n'eût pas été en effet la pre- (') Dans le sixième volume des mémoires de l'Académie, j'ai inséré des recherches sur la famille de Rubens. J'aurais pu ajouter que M. de Villenfagne la croyait ori- ginaire de Hasselt. Rech. sur l'hist, de Liège , t. II. AUX PAYS BAS. 45 mière fois que la Belgique, dont l'organisation politique et les divisions intestines au moyen âge offrent tant d'analogie avec ce qui se passait en même temps en Italie, aurait fait des emprunts aux arts de ce pays , qui recourait aussi à notre industrie, puisque Raphaël lui-même fit des cartons pour nos manufactures de tapisserie ('). Mais il n'est pas nécessaire ce- pendant qu'un artiste italien ait fourni des dessins à J. Ack, auquel on fait honneur des vitraux précités, une imitation in- telligente et inspirée pouvant reproduire avec fidélité le génie de l'Italie, et J. Ack s'étant lui-même formé à cette école. Noms des Chefs, Princes et Doyens de la confrérie de S^-Luc, à Anvers, depuis Van IA6A jusques à l'an 1641, tirés des registres oWgrmaw^ (Rubeniana, IV, manuscrit de la bibl. de Bourg., in-fol. pap. ). Nous donnons ici cet extrait en y joignant quelques notes parce que , parmi les noms qu'il présente , on en trouvera plusieurs qui appartiennent à des peintres sur verre, et que d'ailleurs ce document peut être utile à l'histoire de la pein- ture. En général, la désignation précise de la profession des dignitaires de la confrérie de S^-Luc est négligée sur ces re- (■) Nous voulons parler des tapisseries du Vatican, exe'cutées par ordre du pape Léon X , sur les cartons de Raphaël et sous la surveillance de Bernard Van Orley , de Michiel Coxie et d'autres de nos peintres, dans nos manufactures de Flandre. Voyez sur ce sujet la troisième partie de notre Statistique ancienne de la Bel- gique , Quatremère de Quincy , Hist. de Raphaël et de ses ou\'rages , 394 — 336 , et Roscoe , Hist. du pontif. de Léon X. ^6 DE LA PEINTURE SUR VERRE. gistres, il faut cependant remarquer que verlighter (enlumi- neur) y signifie constamment un peintre en miniature, afsetter un artiste qui enluminait les cartes et images, letter-scriver celui qui ornait les manuscrits d'arabesques ou de lettres grises. Remarquons aussi que les hooftmans, princen et deken , entraient d'abord en fonctions le 18 octobre, pour en sortir le même jour, l'année suivante; mais depuis la fin de 1500, ce renouvellement a été fixé au milieu de septembre, un mois et six semaines avant la fête de S^-Luc , dont cette cérémonie en- travait auparavant la célébration. 1454. Jean Schuerraoke ou Scuerraoke. 1462. Jean Snellaert , peintre. 1455. Lucas Codden ou Codde , peintre. Au 1463. bas d'un portrait de Philippe-le-Bon, on lisaitZiUC. Coddeœt. XLIIpinxit. 1464. Il peignait sur verbe , puisque des vitrages ont été exécutés par lui 1465. pour l'église de Sainte-Catherine , à Bréda , autrefois aux religieuses de l'ordre des Préinontrés. Jean van den Bogaerde. 1456. Casyn Winckaerl , sculpteur. Jean van Wouwe. 1457. Jean Thomas , peintre. 1466. Lucas Codde , peintre. Jean Schuermoke. 1467. 1458. Jean Snellaert , peintre. Jean Crook. 1468. 1459. Casyn Winckaert , sculpteur. Jean van den Bogaerde, peintre. 1469. 1460. Lucas Codde, peintre. Jean van Wouwe. 1461. Jean Thomas , peintre. Jacob Tonys , peintre. Casyn Winckaert , sculpteur. Jean van den Bogaerde , peintre. Jean Basfyn, peintre. Jean Crook. Lucas Codde , peintre. Jean Schuermoke. Jean Thomas , peintre. Jean Snellaert , peintre. Ce dernier fut attaché quelque temps à Marie de Bourgogne. Il retourna à Anvers après la mort de cette prin- cesse , pour laquelle , entre autres ouvrages, il avait peint un oratoire. Casyn Winckaert , sculpteur. Jean Crook. Jean van Wouwe. Henri van Landonck , peintre. Casyn Winckaert , sculpteur. Henri Bastyn. Jean Schuerraoke. Lucas Adriaens , peintre. Il était PEINTRE suH VERRE. On voyait au- trefois plusieurs vitraux peints par lui dans l'église de Saint - Brice , à AUX PAYS-BAS. 47 Tournai ; il avait eu pour maître Hugue van der Goes. 1470. Jean Grook. Jean van Wouwe. 1471. Jean Thomas, peintre. Jean Verhaegen , peintre. Ce fut lui qui étant h Paris en 1482 et années suivantes , peignit le Bon- homme, autrement dit Saint-Fran- çois de Paule , que Louis XI fit venir d'Italie pour le guérir de ses souf- frances physiques et de ses terreurs morales. Verhaegen fut très- occupé à faire des copies de ce portrait , dont on voyait plusieurs à Paris , avant la révolution de 1789, avec le nom du peintre au bas. 1472. Lucas Adriaens , peintre. Jacob Tonys , peintre. 1473. Christophe Smedt. Jean Schuermoke. 1474. Jean Hoet ou Hooft, peintre. Jean Casyn Winckaert ( boek-scriver) enlumineur de livres. 1475. Henri van Landonck , peintre. Lucas Adriaens , peintre. 1476. Jean Loys , peintre. Barthelémi Mosens. 14?7. Jean Schuermoke. Léonard van Bergen , sculpteur. Jacob Tonys, peintre. 1478. Jean Mertens, autrement yoa/2ne.j Mar- tini , dit Martin d'Anvers , que l'on confond souvent avec Martin Schoen , était peintre et graveur sur bois. Jacob de Herde. 1479. Jean van Wouwe. Jean Crook. 1480. Mess. Jean van Buysenaer, chevalier, FRincE. 1481. 1482, 1483 1484 1485, 1486. 1488. 1489. 1490. 1491. 1492. 1493. 1494. 1495. Jean Snellaert , peintre. Lucas Adriaens , peintre. Jacob de Herde. Jean Merlens , peintre. Jacob Tonys ou Loys, peintre. Jean Nuyens , peintre. Jacob de Herde. Lucas Adriaens , peintre. Jean van Oubraken , peintre. Henri van Landonck, peintre. Jean Toys, Loys ou Loos , peintre. Jean Muyens ou Nuyens , peintre. Jean de Mère , batteur d'or. Jean Casius , c'est-à-dire Casyn Winc- kaert , enlumineur de livres. Jacob Tonys ou Thonis , peintre. Jean Mertens, peintre. Jean van Parys, pbikce, depuis prêtre. Lucas Adriaens, peintre. Cornelis de Geest , peintre. Antoine Verheyen. Jacob van Loyen. Jean Loys. Gilles van Everen , peintre d'histoire , lequel fut appelé à Prague par l'em- pereur Maxirailien. M. Mois avait vu à Nuremberg un Christ mort sur les genoux delà Vierge, peint en 1504 etportant cette légende : y^'giû?. -ya« Everen Belga p. Ce tableau parais- sait être fait pour un autel à volets. Antoine Verheyen. Jean Vinck. Jean Casyn Winckaert. Corneille Cloet ou Cloex, vitrier. Antoine Verheyen. Jean Snell ou Snel, peintre. Gilles van Everen, peintre. Adrien Houwe, peintre. M'. Celleman Cobbe , prince. 48 DE LA PEINTURE SUR VERRE Jean van den Bossche , peintre. Henri vanWeuIuweouWueluwe,caron le trouve écrit de ces deux manières. 1496. Antoine Verbeyen. Henri Westvalinck , imprimeur. 1497. Jean Snell , peintre. Martin van Dornick , peintre. 1498. Jacob van Leyen , peintre. Henri Buyck. 1499. Henri Scilleraan. Henri van Wueluvre. 1500. Martin van Dornick, peintre. Pierre van Bouen. 1501. Gillis van Dueren , peintre. Jean Leers, peintre. 1502. Jean Snell , peintre. Jean Wrage. 1503. Gilles van derBurgerye, batteur d'or. Henri van Wueiuwe. 1604. Jean Snell , peintre , mort cette année vers la pentecôte. Pierre Moys , peintre. Adrien Houwe , peintre , remplaça Snell. 1506. Jean van der Meren , peintre. C'était en même temps un bon graveur sur bois. On voit de lui une passion , imprimée par Dodo Pelri à Amster- dam , en 1523. On attribue ses gra- vures à Joost (Justus) Ammon, mais à tort ; car celui-ci ne naquit qu'en 1639. 1506. Jean Wrage. Pierre Pau , peintre. 1607. Guillaume Meuleneer, peintre, père de Corneille Meuleneer , surnommé le Louche. Henri van Weuluwe. 1508. Jean Leers, peintre. Gilles van der Burgerye , batteur d'or. 1610 loi! 1612. 1613 1618. 1517. 1518. 1519. 1530. M'. Costen van Berchem , chevalier, hooftman, Gilles Wrage. Corneille van Muskeseel. Guillaume Meuleneer , peintre. Gérard van Yssche. Jean Wrage. Henri van Seyst , peintre. Henri van Seyst seul , peintre. Pierre Pau , peintre. Henri van Weuluwe , peintre. Goosen van der Wyden , peintre. C'est sans doute ce Goswinus van der Wyden qui peignit en 1535 , à l'abbaye de Tongerloo, une mort de la Vierge , et qui est dit , dans l'inscription , être fils de Rogier van der Weyden de Bruxelles. Voy. à l'an 1530 , où il est appelé Van der Weyen. Corneille van Muskeseel. Benedictus Organist , pkince. Le nom de OrganistsextàAe être un sobriquet. Jean de Béer , père d'Arnold de Béer , peintre. Goyvaert Baek , imprimeur. Guillaume Meuleneer, peintre. Gérard van Ische ou Yssche. Guillaume Meuleneer , peintre. Gérard van Ische ou Yssche. Peeter in de Royschotel , pbihce. Pierre dans le plat rouge , sobriquet emprunté sans doute à l'enseigne de l'artiste. Jean Leers , peintre. Dierick Jacobs, peintre. Simon van Dalen, peintre. Josse van Cleve , le vieux , peintre. Josse van Cleve , peintre. Jean de Cock , peintre et graveur. AUX PAYS-BAS. 49 15S1. Jean van Weuluwe, prince des acteurs. Gérard van Ische ou Yssche. Louis Stoel. 1522. Jean Leers , peintre. Guillaume Meuleneer. 1523. Jean van Hemssen , peintre. Henri van Weuluwe. 1524. Gérard van Ische ou Yssche. Rombaut Gheens. 1625. Guillaume Meuleneer, peintre. Josse van Cleve , peintre. 1520. Jean Leers , peintre. Dierck Jacobs , peintre. 1527. Guillaume Vosterman , imprimeur- libraire. Clément Middeleer. 1528. Jean van Hemssen , peintre. Jean van Weuluvye. 1629. Gilles van der Burgeiye. Encore un nom qui ressemble à un sobriquet. Thomas Thomassone ou Thomas-zoon, peintre, reçu maître en 1510. 1630. Goos van der Weyen , peintre. Peut- être le même que celui dont il est fait mention à l'an 1514. Gérard Buskeus, batteur d'or. Peut- être Butkens ? 1531. Aert Teerling. Corneille van Brecht. 1532. M. le doyen de la cathédrale, prince. Jean de Lettersnyder , sobriquet pris sans doute de la profession de ce personnage : graveur de caractères d'impiimerie. Jean van Weuluwe. 1533. Clément Middeleer. Martin Peeters ou Martinus Pétri , peintre et graveur, qui a beaucoup gravé d'après Martin Heemskerke. 1534. Martin de Keyser, imprimeur. Tom. VII. 1535 1536. 1540. 1541 1543. 1544. 1545. 1546. 1547. Thomas Thomassone , peintre. Jean Crans, peintre. Edouard Buyst , peintre. Pierre de Vos , peintre. Pierre de Wale, peintre ou graveur, dont les descendans ont été des ta- pissiers célèbres. Pierre Coeck , peintre. Victor Tantz , peintre. (Taut ou Saute.) Claude Floris , sculpteur. Il était vraisemblablement frère ou parent de Corneille Floris , qui mourut en cette même année 1538 , le 17 sep- tembre , et qui fut père de François Floris, le peintre. Jean van Weuluwe. Martin Peeters, peintre et graveur. Guillaume t'Kint , peintre. Les mêmes. Henri Sraidt , peintre. Jean Vervoort , peintre. Guill. Vosterman , impr. et graveur. Wouter Keye , père de Guill. Keye ou Kye, était natif de Bréda; pein- tre. Jean Verheyen. Jean van Weuluwe. Gérard Buskens , batteur d'or. Antoine Scippers. Martin Tymus. Jean Adriaenssen. Martin Peeters , peintre et graveur. Josse van Liere , peintre. Guill. van den Berge, peintre. Corneille Floris, sculpteur et archi- tecte. Il était fils de Corneille Floris , le tailleur de pierres , et de Margue- rite Goos , sa seconde femme , et mourut le 20 octobre 1675, suivant 7 5o DE LA PEINTURE SUR VERRE l'épitaphe de sa famille , placée aux Franciscains d'Anvers. P. 37. 1548. Jean van Ilemssen , peintre, fils de Jean , qui fut doyen en 1523 et 1528. Gomare Diericx , peintre. 1.549. Philippe Lisaert , peintre de paysages et d'histoire. Jean Adriaenssen. 1550. Pierre van Steenwinckel , peintre. Michel Hermans , peintre. 1551. Gomare van Erenbroek , peintre. Chrét. van den Queecborne, peintre. 155S. Henri Smidt , peintre. Guillaume Keye , peintre. 1553. Jean Verheyen , peintre. Gomare van Drieschen , peintre. 1554. Henri van Scbille , peintre. Peut-être père d'Hans vanSchille, ingénieur- géographe du roi , et dont on a un livre de Fortifications et attaques, imprimé chez Théodore Galle. Antoine van den Eynde. 1565. Martin Pernels , pkikce. Antoine van Palerme , peintre et mar- chand de tableaux. Adrien van Helmont , peintre. 1656. Henri Smidt , peintre. Ambroise Smidt , peintre. 1657. Chrétien van den Queecborne, peintre. Michel Hermans , peintre. 1658. Martin Peeters, peintre et graveur. Jean Liefdinck. 1669. Corneille Floris , sculpteur et archit. Michel Hermans , peintre. 1560. M. Antoine van SU a\en , hooftman. Le même qui finit si misérablement pendant la révolution éclatée quel- ques années plus tard. Melchior Schets , pkince , seigneur de Hoboken , et dont viennent les ducs d'Ursel d'aujourd'hui. Ambroise Smidt , peintre. Wouter van der Elsmer, sculpteur. — A partir de 1561 , on ne trouve plus qu'un seul doyen par année. 1561. Henri Smidt, peintre. 1562. Antoine van Palerme , marchand de tableaux et peintre. 1563. Wouter van der Elsmer , sculpteur. 1564. François Frans , faïencier, devint, selon toute apparence , récollet dans la suite. 1565. Gilles Nuyts , peintre. — Commence- ment des troubles. 1566. Henri van Stralen , peintre. 1567. Le même. 1588. Henri Smidt, peintre. 1569. Antoine - Pierre Baltens ou Ralten , peintre , graveur et marchand d'es- tampes , pour qui Jean Vredeman , frison , grava ses ordres d'architec- ture sous le titre de Theatrum vitœ humanœ , etc. Il fut père de Pierre Balten le peintre. 1570. Ambroise Smidt , peintre. 1571. Antoine van Palerme, marchand de tableaux et peintre. 1572. Martin de Vos , peintre , très-habile artiste , mort le 4 décembre 1603 et enseveli dans la chapelle St. -Luc en la cathédrale d'Anvers. 1673. Ambroise Smidt, peintre. 1574. Jean van Assche. 1575. Jean van den Kerckhove , peintre. 1576. Olivier Hellenbuyck , peintre. 1577. Martin Alleyns , peintre. 1678. Pierre Lisaert , peintre. AUX PAYS-BAS. Î579 1380 1681 1582. 1583. 1584. 1585. 1586. 1587, 1589. 1590. 1591. 1593. 1593. 1594. 1595. Jean de Prince , peintre. Philippe Lisaert , peintre. M'. Henri van Berchem, prince. Bartholoraée de Momper, peintre, père de Josse de Momper. Ambroise Francken , peintre. Jacques van den Weyere, peintre. Gilles Coignet , peintre. Phil. Galle ou Galle , graveur , mort en 1612, âgé de 75 ans, enterré dans la cathédrale. Jean van den Kerckhoven , peintre. Gérard Schoof, peintre, père de Rodolphe Schoof. François Francken ( dit le Vieux ) , peintre. Jacques van Hove , peintre. Hubert Beda , peintre. Pierre van der Borcht , grava prin- cipalement sur bois. M''. Jacques van Berchem , hoqftman. INicolas Bloemsteen , peintre. Paul van der Borcht , peintre. Il gra- vait aussi sur bois , comme le faisait Pierre , qui était peut-être son frère ou son oncle. Jean de Wael, peintre , peut-être fils de Pierre de Wale , cité sous l'an 1536. Tobie van Haecht ou Van der Haecht , qu'on nomma ïobie Verhaeght , peintre de paysages , premier maître de Rubens , qui ne resta pas long- temps chez lui. Rombaut van der Veken , peintre , père de Jean-Baptiste , tjui peignit des vitraux pour la cathédrale. Adrien Collaert , dessinateur et gra- veur, père de Jean Collaert, le graveur , et d'Adrien Collaert , le jeune , peintre de paysages. 1599. 1600. 1601. 1602. 1607. 1608. 1609 1610. 1611. 1613. 1613. 1614. Adam van Noort, second maître de Rubens, et qu'on nomme, mal à pro- pos , Adam van Oort. M. F.-J.-J. Mois, né en 1722, a vu ce nom écrit comme dans les registres de St. -Luc, sar àes -vitraux àe Tergau et d'autres, peints par Lambert van Noort , père d'Adam , ou dont ce Lambert van Noort fournit les dessins. Pierre Bom, peintre. Guill. de Vos , peintre. David Piemeeus , peintre. M'. Jean van Halmale, hooftman. Jean Breugel, peintre, dit de Velours, mort en 1625, âgé de 57 ans, et enterré dans l'église de St. -Georges à Anvers. Son épitaphe fut faite par P. -P. Rubens. Octavio van Veen, peintre , troisième maître de Rubens ; il signait lui- même Olho van Veen. Il descendait d'un bâtard de Brabant. Voy. But- kens, Tropli. , tom. 1, p. 663. Jean Colyns de Noie , sculpteur. On trouve plusieurs sculpteurs de cette famille, entre autres Nicolas Colyns de Noie, qui fit pour la cathédrale d'Anvers le Christ mort sur les ge- noux de sa mère. Voy. ci-après. Thomas Casier. Robert Colyns de Noie , sculpteur. Abraham Janssens, peintre. Pieter de Jode , graveur. Henri van Balen , peintre. Théodore Galle , graveur. Joos de Momper , peintre. Sébastien Vrancx, peintre de batailles. Jean Collaert , graveur. Jean van Keerbergen. 52 DE LA PEINTURE SUR VERRE 1615. François Francken (le jeune), peintre. 1616. Jean Moretus ou Moerentorf, fils de Jean , imprimeur , et de la fille de Chr. Plantin. M^. Happaert , liooftman. 1617. Pierre Goetkint (le jeune) , marchand de tableaux et fils de Pierre Goet- kint le vieux, mauvais paysagiste, qui fut le premier maître de Breugel de Velours , et marchand de ta- bleaux. Ce père , par son avarice , se montra le fléau des jeunes pein- tres. Il mourut en 1581 et son fils en 1625. Ce dernier avait hérité de son père et de son aïeul maternel, An- toine van Palerme, du désir hono- rable de bâtir sa fortune sur la misère des jeunes artistes et sur la ruine de la peinture dans Anvers. 1618. Adrien Stalbent , peintre. 1619. Jean Cooyman , amateur de tableaux , PRINCE. Corneille de Vos , peintre. 1620. Jean van Meurs, imprimeur célèbre , mort en 1652, âgé de 69 ans, enterré dans la cathédrale. 1621. Charles de Blallery, graveur et mar- chand d'estampes. 1622. Antoine Goetkint , frère ou fils du doyen de l'an 1617. Il alla s'établir à Paris où il continua le commerce de tableaux et surtout d'estampes. On l'appelait dans cette ville An- toine Bon-Enfant. En 1634 Pierre de Jode, le jeune, travaillait chez lui, mais il n'y demeura pas long-temps. Il grava pour ce marchand le St. -Au- gustin en extase des Augustins d'An- vers, dont VauDyck dédia l'estampe à sa sœur, béguine. A la mort d'An- toine Bon-Enfant , Mariette acheta cette planche et nombre d'autres de son fonds. M"^. Labri , prince. Abraham Goyvaerts, peintre. 1623. Gérard van Wolschaten. 1824. Etienne Wils. 1625. Roland Jacobs. 1626. Jean-Baptiste Barbé, graveur. 1627. M'. Paul van Halmale , hooftman. André Colyns de Noie, sculpteur. 1628. Jean Janssens , prince. Théodore Rombauts, peintre. 1629. Jean Breugel (le jeune), doit avoir élé fils de Breugel de Velours et peignit quelquefois dans la manière de son père, quoique avec moins de talent. II fut père , entre autres , de Jean- Pierre, né le 29 août 1628, et d'Abraham, né le 28 novembre 1631 . 1630. Henri Aertsens, peintre de paysages et de cavalcades , dont quelques- unes ont été gravées par Londerseel père. Il y a eu un imprimeur de ce nom. 1631. Edouard Snaeyers, peut-être père de Pierre , peintre de batailles. 1632. Jean van Milder , sculpteur. 1633. André de Licht , peintre. 1634. Nicolas Lauwers , graveur. Antoine van Dyck , peintre. Gabriel Francken, peintre. 1635. Henri van Spaignien , peintre. 1S36. Balthasar Moretus, imprimeur, fils de Jean , petit-fils de Christophe Plantin, mourut célibataire en 1641, âgé de 67 ans. 1037. Jean Galle, imprimeur - libraire et marchand d'estampes, fils de Jean, qui imprimait en 1579 à Anvers. AUX PAYS-BAS. 55 1638. Théodore van Thulden , peintre. habile dessinateur, ainsi qu'où le 1639. Jean Cassiers , peintre. voit par la quantité d'estampes sur 1640. Lucas Lanclotz , prince. toutes sortes de sujets qui ont été Jacques Spaîgnaerts. exécutées d'après ses dessins , sans 1641. Abraham van Diepenbeeck , peintre. parler de ses cartons pour les ta- Fameux peintre surverre et très- pisseries. {Voy. p. 69.) Sur les tentatives faites au sein de V Académie pour la pu- blication des Monumens inédits de l'histoire belgique. En 1769, fut établie à Bruxelles la société littéraire, qui reçut, trois ans après, le titre d'Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres. A la première séance de cette société, tenue dans l'hôtel et en présence de M. De Neny, chef- président du conseil privé, il fut proposé de faire faire tous les ans, par deux des membres, un voyage littéraire ('), dont l'objet principal serait d'annoter ou de rassembler les manuscrits et au- tres pièces rares, de nature à servir à l'histoire belgique. Ce projet fut encore discuté dans plusieurs autres séances, et devint (') Tel que ceux dont les PP. Martène et Durand, M. Millin et d'autres, nous ont laissé des relations. Dom Berthod présenta, le 24 février 1780, à l'Acadéinie , uu F'oyage littéraire dans les Pays-Bas , dans lequel il faisait connaître un certain nombre de manuscrits. Mais l'Académie, qui attendait d'autres matériaux du même genre , pour en former un recueil complet , remit à un autre temps l'impression de ce mémoire qui n'a point paru. 54 PUBLICATION DES MONUMENS l'objet d'une correspondance entre le secrétaire M. Gérard (') , et quelques-uns de ses collègues. M. J.-B. Verdussen, qui possé- dait une bibliothèque aussi riche que choisie ('), s'était engagé à fournir quelques manuscrits , et le secrétaire , un certain nom- bre de livi'es imprimés peu communs. Les choses en étaient dans ces termes, lorsqu'on fut informé que les jésuites avaient dessein d'exécuter, sous le titre d^Ana- lecta Belgica, un travail analogue à celui que méditait la société. Celle-ci renonça aussitôt à son plan. Dénuée de fonds, et restée sans appui par la mort du comte de Cobenzel, il lui était interdit de lutter contre un corps puissant qui, outre la facilité qu'il avait de puiser dans des bibliothèques considérables, pouvait, au moyen de nombreuses correspondances, et d'immenses ri- chesses, enlever tous les manuscrits et les livres rares néces- saires à ses vues. Après la suppression des jésuites, la Société littéraire, décorée (i) M. Gérard était un homme instruit; quoiqu'il eût un style naturellement dé- pourvu d'élégance , on se décide difficilement à lui attribuer la prose et les vers mis sous son nom dans les Masques arrachés, entre autres ce quatrain dirigé con- tre les démocrates, à moins qu'il n'ait voulu proportionner son langage à la gros- sièreté de ses lecteurs : Celle maison sera pillée , Le proprie'taire égorgé , Pour mainlenir la Liberté : Qu'ainsi soit la puWicité. Les sentiniens exprimés ici peuvent-ils être ceux d'un homme qui ne craignit pas, sous la république, de refuser le serment de haine à la royauté? C) Calalogus libroruin J.-B. Verdiissen , dum viveret , civitatis Anti'erpiensis se- natoris , ncc non regiœ Àcad. Lit. Brux. erectœ socii, etc. , in diias partes divisus. Ant,, 1776, in-S", 3^6 et aSo pp., plus 24 PP- d'appendice et 23 pour les prix. DEXHISTOIRE BELGIQUE. 55 du titre d'Académie , offrit d'exécuter le travail annoncé par ces pères , sous la condition qu'on lui accorderait l'usage des livres et manuscrits recueillis par eux, ainsi que les fonds qu'ils avaient destinés à en augmenter le nombre, à payer des copistes et à couvrir d'autres dépenses de cette espèce. MM. Gérard, Needham et De Marcy remirent les propositions de l'Académie à M. De Neny; mais ils n'obtinrent du gouvernement aucune réponse. Quoi qu'il en soit, la compagnie se prépara à remplir ses pro- messes. Entre autres chroniques, elle avait fait copier le recueil d'A Thymo ('). M. Des Roches offrit ses notes et ses disserta- tions, pour le mettre en état de paraître convenablement, et voulut le faire précéder par Dinterus, également commenté. Ces travaux furent abandonnés, lorsqu'en 1778 le gouver- nement manifesta l'intention d'en confier officiellement l'exécu- tion à d'anciens jésuites. A leur tête se trouvait le P. Ghesquière, qui avait déjà publié : Prospectus operis quod inscribetur : Analecta Belgica, ad XVII provinciarwm Belgii ac ditio- num interjacentium historiam dilucidandam. Antverpise, ex typis J. Grange. En 1 785 , lorsqu'il répondait à l'avocat d'Ou- trepont sur la question des dîmes, il prenait encore les qualités d'historiographe et de préposé à la rédaction des Analectes Belgiques , titres auxquels il sembla renoncer depuis. Les détails qu'on vient de lire et ceux qui suivent m'ont paru d'autant plus dignes d'être recueillis, que M. Dewez n'en dit (') J'ai inséré dans le premier volume (le seul imprimé jusqu'.! présent) de mon édition de ce chroniqueur , le Piécis des observations de Des Roches sur A Thymo , lues à la séance du 5 février 1777, faute d'avoir pu recouvrer le Mémoire même. 56 PUBLICATION DES MONUMENS rien dans son Rapport sur les travaux de l'Académie de 1769 à 1822 ('). Et cependant, quoi de plus propre à honorer cette compagnie, que d'avoir conçu une entreprise, dont quelques faibles parties seulement avaient été embrassées jadis par P. Scri- verius, Chapeaville, Jean Vander Does, Ant. Matthseus, Mirœus, Foppens, F. Sweertius, Dumbar, lïoynck Van Papendrecht, etc., entreprise qu'il lui seyait, plus qu'à personne, de mettre à fin, et dans laquelle les jésuites avaient d'autant moins bonne grâce de la contrecarrer, qu'ils ne comptaient parmi eux qu'un seul homme propre à ce genre de spéculations, celui-là même qui avait rédigé le prospectus des Analectes. En 1779, M. Gérard lut à l'Académie un plan qu'il déposa sur le bureau, le 27 janvier 1780 ('), et dans lequel il com- muniquait ses idées sur la Manière de publier les historiens et les monmnens qui pouvaient illustrer l'histoire Belgique. Voici le précis de ce plan, sur lequel MM. Des Roches, Paquot, Du Chasteler etDe Nelis, firent des observations quelquefois sé- vères, mais généralement favorables. M. Gérard avait été porté à s'occuper de cet objet, par la considération que quelques-uns des ci-devant jésuites, commis à la publication des Analectes, n'avaient pas voulu se contenter du traitement qui leur avait été alloué, et qu'en conséquence le gouvernement n'était pas éloigné de recourir à l'Académie qui, dès le principe, aurait dû fixer son attention. (') Nouveaux Mémoires , t. II , pp. i — lxiv. (*) Il en fut question dans les se'ances des 7 et 27 janv. — Me'm. , IV. Journal , p. XV. DE L'HISTOIRE BELGIQUE. 57 En premier lieu, M. Gérard blâmait le titre d^Analecta Bel- gica, qui n'indique que des pièces de peu d'étendue, des espèces de rognures historiques. Il lui préférait celui de Rerum Belcji- caruni scriptores , ou de Monumenta historiée Belgicœ ; et M. Du Chasteler inclinait pour ce dernier, attendu que le recueil projeté devait comprendre non-seulement les historiens et chroniqueurs proprement dits, mais les chartes, diplômes, capitulaires ('), etc. M. Gérard désirait comprendre dans sa collection : !« Les extraits des auteurs anciens grecs et latins, dans les- quels il est fait mention des Pays-Bas. M. Du Chasteler remarqua que ce travail était très-avancé, Dom Bouquet ayant réuni, à peu près, tout ce que les anciens avaient dit des Gaules où la Belgique était comprise. Il ne res- tait donc plus que deux choses à faire : l'une d'extraire du corps des historiens de la France ce qui devait entrer dans celui des historiens de la Belgique ; l'autre, d'y ajouter ce que Dom Bouquet et ses successeurs avaient pu omettre. 2° Les inscriptions, antiquités, médailles, qui avaient existé ou qui existaient encore dans les Pays-Bas ou ailleurs, pourvu qu'elles fussent propres à éclaircir l'histoire de nos provinces. 3° Les extraits des auteurs du moyen âge , de différentes na- tions, ainsi que ceux des Vies des Saints, qui avaient trait à la même histoire. Quant aux Vies des Saints, M. Du Chasteler était d'avis d'en (') Les capitulaires étaient d'une importance décidée pour les Pays-Bas, y ayant force de loi. Tom. VII. 8 58 PUBLICATION DES MONUMENS laisser le dépouillement aux Bollandistes, mieux versés que per- sonne dans ce travail; et en effet, il a été fort bien exécuté par MM. Jos. Ghesquière, Corn. Smet et Isfride Thys, de 1783 à 1794, en six volumes in-4o ('). Le sixième volume, imprimé dans l'abbaye de Tongerloo, ne se rencontre pas fréquemment. 4° Les histoires des Pays-Bas, qui n'avaient jamais été im- primées, et qui avaient assez d'intérêt pour l'être en entier ou par fragmens. 5° Les histoires des Pays-Bas déjà publiées, mais devenues rares et qui méritaient d'être reproduites. 6° Les extraits des historiens étrangers et contemporains qui avaient écrit depuis le moyen âge, et qui pouvaient avoir quel- que liaison avec les annales des Pays-Bas. 7° Les lois anciennes, les conciles ou synodes, les diplômes encore inédits, ceux qui n'avaient été publiés que par extraits, ou qui l'avaient été incorrectement par Le Mire ou par d'autres. Tel eut été le fonds de l'ouvrage. Voici présentement pour la forme : M. Gérard pensait : 1° qu'il fallait, autant que possible, suivre (.') Leibnitz applaudit a la publication des JcCa Sanctorum , et écrivit même au marquis de Westerloo que , quand les jésuites n'auraient produit que cet ouvrage , ils auraient mérité d'être venus au monde et d^en être souhaites et estimes. J. - J. Ghifflet a eu raison d'écrire : « Jd Acta Sanctorum quod attinet , certain 1) est ipsas procinciarum , urbium et familiarum historias ex illis magnam mutuari X lucem ; unde Cœsar Baronius , Andréas Chesnius , Aubertus Mirœus , Guillelmus » Cambdenus , Martinus Crusius , Philippus Cluverius , aliique viri docti ex Fitis )i Sanctorum et Monumentis cœnobiorum permulta eaque firmissima vetustatis hau- 11 serc lestimonia. » Ghesquière a donné ce passage pour épigraphe à sa compilation ngiographique. DE L'HISTOIRE BELGIQUE. 5g l'ordre chronologique, c'est-à-dire, placer les auteurs selon le temps où ils avaient vécu, en se relâchant de ce principe lorsque la chose serait absolument nécessaire. 2° Qu'il serait expédient de consulter toutes les copies qu'on pourrait se procurer du même auteur, ainsi que les différentes éditions des livres imprimés; d'éclaircir le texte par des notes et d'y joindre les variantes. 3° Enfin, il demandait que l'Académie, n'envisageant dans cette entreprise que l'utilité publique , se bornât à s'indemniser de ses avances, sans viser à aucun bénéfice. Ces bases posées, il divisait son recueil en sept parties, qu'on eût pu se pi'ocurer séparément, et qui répondaient aux sept divisions que l'on vient de voir. La première partie eût été consacrée à l'ancienne géographie, d'après Ptolomée, Strabou, Pomponius Mêla, César, Tacite, Pline le Naturaliste, Ammien Marcellin, etc., et Ortelius, Brie- tius, Valois, Cluverius, Cellarius, d'Anville, etc., entachant de concilier les opinions contraires de ces auteurs , ou de signaler les erreurs où ils sont tombés. Cette partie aurait pu être ter- minée par une notice alphabétique de toutes les villes, villages et châteaux situés dans l'étendue des Pays-Bas autrichiens, avant l'année 600 de l'ère chrétienne : notice dans laquelle on eût désigné l'emplacement de ces villes, villages ou châteaux, avec leurs noms anciens ou actuels, et un abrégé des événemens re- marquables qui s'y passèrent durant les six premiers siècles. La seconde partie eût été entièrement archéologique. M. Gérard augurait que la province de Luxembourg fournirait une ample moisson pour cet objet. MM. Heylen et De Bast n'avaient pas en- 6o PUBLICATION DES MONUMENS core publié leurs recherches : le premier, dans nos Mémoires; le second, dans des recueils séparés. Notre académicien avait trouvé les manuscrits originaux de Guillaume Wiltheim (') , dans la bibliothèque des ci-devant jésuites de Luxembourg, et une copie de l'ouvrage de son frère Alexandre ('), dans la bibliothèque de l'archiduc Charles. Il con- seillait de les donner au public, soit en entier, soit par extraits, et recommandait de prêter une attention particulière à ces tuniuli, qu'on rencontre dans quelques-unes de nos provinces, et qui ont fourni à M. Lepeintre le fond d'une de ses facéties de mauvais goût. La troisième partie devait se composer encore d'extraits des auteurs anciens mis à contribution dans la première, ce qui au- rait occasionné des redites inutiles, qu'il était cependant facile d'éviter au moyen de quelques renvois. Ces extraits eussent été fortifiés de différentes dissertations sur l'état des Pays-Bas avant et après la venue des Romains, et pendant le règne des premiers rois francs ; sur les premières invasions des peuples du nord, si bien éclaircies depuis par M. Depping; sur la religion, les mœurs, usages et coutumes des peuples qui ont habité ce pays ; sur les premiers établissemens des Francs dans les Gaules ; sur la propagation du christia- nisme, etc., le tout terminé par des fragmens d'écrivains du (') Historiœ Luxemburgensis antiquariarum disquisitionum libri très. (^) Lucilihurgensia seu Luxemburgum romanum. De Hontheim donne une analyse assez e'tendue de ces deux ouvrages inédits. Hisl. Trev. , III, loi^ — 1025. DE L'HISTOIRE BELGIQUE. 6r moyen âge, et par un tableau chronologique de l'histoire des six premiers siècles, dressé d'après ces mêmes auteurs. La quatrième partie eût embrassé la géographie des Pays-Bas au moyen âge, c'est-à-dire du septième au douzième siècle. M. Gérard faisait observer que les auteurs contemporains, si l'on exceptait l'anonyme de Ravenne, offriraient peu de lumières pour cette géographie. Il se proposait de recourir principale- ment aux archives des maisons religieuses , telles que celles de l'abbaye de S^^-Bertin à S^-Omer, dont l'abbé se préparait à faire imprimer un recueil de donations ; celles de S^-Pierre de Gand, de St-Hubert en Ardennes, ainsi que des chapitres de S^e-Waudru à Mons, et de S^e-Gertrude à Nivelles. Ici serait venue se placer une description des Pays-Bas autri- chiens au moyen âge, par pagi, cantons ou comtés, avec une notice alphabétique et raisonnée des endroits qui y res- sortissaient, tant au sacré qu'au profane. Dans la cinquième partie eussent été réunis les extraits des écrivains du moyen âge, relatifs à la Belgique. Ce travail exigeait des recherches immenses. Il n'y avait point alors, dans la biblio- thèque royale, de manuscrits historiques du moyen âge, et M. Gérard n'en avait trouvé que très-peu dans les bibliothèques des ci-devant jésuites ; mais il comptait en découvrir parmi les archives des villes et de plusieurs maisons religieuses. On lui avait dit que Tournay en possédait quelques-uns, de même que les abbayes de S^-Martin de la même ville , de S'-Pierre à Gand , des Dunes à Bruges, et le prieuré de S^-MartinàLouvain, trésors aujourd'hui dispersés. M. Gérard les avait visités, mais sans avoir le loisir de les examiner en détail. Dans le même but, il avait 62 PUBLICATION DES MONUMENS poussé ses investigations jusqu'à l'abbaye de S* - Guilain en Hainaut, et celle de S* - Maximin à Trêves; il n'y avait mal- heureusement découvert que des bibles, des ouvrages des saints pères, et un petit nombre de littérateurs anciens. Les manuscrits historiques de la première de ces abbayes avaient été enlevés par les Français pendant qu'ils occupaient nos provinces, et ceux de l'abbaye de S^^-Maximin avaient été brûlés ou dérobés. Dans ses courses, M. Gérard avait consulté d'autres dépôts, bien inu- tilement. Néanmoins il avait vu, à Ypres, une ancienne chroni- que d'Iperius ('), qui différait en quelques endroits de celle publiée par les bénédictins français, Martène et Durand. Il avait aussi connaissance de la chronique de Gilbert, publiée plus tard par le marquis Du Chasteler, qui avait promis d'y joindre un volume de notes et d'appendices. C'était cette partie qu'il regardait comme la plus intéressante, et pour laquelle il voulait qu'on recourût surtout aux écrivains étrangers (que les nôtres alors connaissaient peu), en les rec- tifiant toutefois. Une notice biographique et bibliographique des hommes célèbres de cette époque lui paraissait indispensable. Il eût volontiers terminé cette partie par l'extrait des Vies des Saints des Pays-Bas, au moyen âge; par une dissertation qui eût représenté l'état de ces contrées à la même époque; enfin, par un abrégé chronologique de notre histoire du sixième au dou- zième siècle, tiré uniquement des auteurs contemporains. (') J. Iperius, snrnommé Loiigrts , né à Ypres et mort l'an i383. Bibl. Belg. , U , 669. DE L'HISTOIRE BELGIQUE. 63 La sixième partie, qui se serait étendue depuis le douzième siècle jusqu'au dix-septième, aurait compris : 1° Les manuscrits historiques inédits des écrivains de cette période, en entier ou par extraits, selon leur degré d'intérêt; 2° Les livres déjà imprimés, mais rares, se rapportant au même objet; 3° Des extraits d'historiens étrangers; 4" Une notice des hommes célèbres, avec la liste de leurs écrits. Il y avait deux partis à prendre : l'un de publier les histo- riens selon leur âge, l'autre de les réunir par provinces, et de publier à part les historiens généraux, suivant le temps où ils avaient vécu. M. Gérard se prononçait en faveur du second parti, par des raisons d'économie et de commodité pour les lecteurs. Il faisait en cette rencontre des réflexions malignes sur les prix préten- dument élevés des livres classiques publiés par la commission des études. Des Roches , qui était de cette commission et y fai- sait beaucoup de bien, releva avec chaleur l'attaque détournée de son bilieux collègue. La sixième partie aurait été, comme les autres, accompagnée de sa topographie ainsi que de sa chronologie spéciales. Enfin, la septième partie eût été diplomatique. Lois, traités, chartes, actes synodaux, etc., elle n'eût rien négligé. Ici la distribution par provinces était encore préférée, et cela toujours par des motifs de commodité et d'économie. Chaque volume de cette partie devait être précédé de disser- tations qui représenteraient, siècle par siècle, l'état politique 64 PUBLICATION DES MONUMENS de chaque proyince, à peu près comme M. Nyhoff l'a fait ré- cemment pour la Gueldre, dans ses Gedenkivaardigheden uit de geschiedenis van Gelderland , t. I^r, Arnliem 1830, in-4o. Tous les actes non publiés textuellement seraient indiqués selon l'ordre de leur date, avec des renvois aux ouvrages qui les contiennent. Enfin, tous les volumes indistinctement seraient enrichis de tables détaillées et de notes courtes et substantielles. M. Gérard terminait par cette réflexion : (c Si le gouvernement » chargeait d'autres personnes que les membres de la classe » d'histoire, de la rédaction de cet important ouvrage, il ne » resterait à ceux-ci, déclarés incapables, par ce seul fait, » d'autre ressource que de renoncer au titre d'académicien, )) devenu ignominieux pour eux, et de regretter le temps qu'ils )) auraient jusqu'ici employé gratuitement et inutilement à l'é- » tude de l'histoire belgique. » Tel fut le projet de M. Gérard j il ne dépendait pas de l'Aca- démie de l'approuver en tout ou en partie, mais elle ne perdit jamais de vue le dessein de publier un grand corps d'histoire. Pour faciliter ses travaux, on avait érigé une bibliothèque pu- bhque, dans le local de laquelle elle tenait ses séances, et qu'elle enrichissait d'acquisitions nouvelles faites sur ses propres fonds, ou de cadeaux qui lui étaient adressés. C'est ainsi qu'elle y fit déposer en 1779, un ouvrage manuscrit, et cru perdu, de Gaspar Scioppius, lequel était intitulé : Machiavellicorum operœ pretium. Il avait été envoyé par M. Perrenot, conseiller du prince d'Orange. M. Delà Serna a détaillé, dans son Mémoire historique sur la bibhothéque de Bourgogne, les accroissemens DE L'HISTOIRE BELGIQUE. 65 successifs qu'elle dut à notre compagnie et dont elle jouit en- core, quoique l'Académie n'ait point conservé sur ce dépôt litté- raire sa légitime surveillance , tout en continuant d'en augmenter les ressources. Les mémoires des académiciens et les dissertations couron- nées dans les concours ouverts par la compagnie exceptés, ses travaux en histoire, sont exposés dans la préface de la collection des Res Belgicœ , préface rédigée en latin par De Nelis, qui la publia à Parme, chez Bodoni, en 1795, in-8o maj. de 68 pp., avec le portrait de l'auteur, gravé parRasaspina. Cet intéressant opuscule avait déjà été imprimé à Anvers, en 1790, in-4o, avec une traduction libre en français et anonyme, mais écrite par M. J.-B. Lesbroussart ('). Cette édition a 115 pp. C'est à tort (') Cette traduction n'est pas mentionnée dans la notice consacrée à ce littérateur dans la Biogr. Universelle , non plus que Réflexions sur le caractère qiûont développé les Belges, et particulièrement les Brabançons , pendant l'occupation des Pays-Bas parles Français, depuis le mois de novembre \ne Vrindt, — De Vrietidt. 10 , note , ligne 7 , tous le pays , lisez tout le pays, 65, ligne 7, ses travaux en histoire, sont exposés... Effacez la virgule. Ib, , ligne 30 , Biographie , lisez Bibliographie. r^ ■V/i' u/ // Wléii,.,,,;- ,/,■ U'h;u/,'hn,- ESSAI SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE DE LA BELGIQrS, JUSQUE VERS LE XVIP'' SIÈCLE. j ESSAI LA STATISTIQUE ANCIENNE DE LA BELGIQUE, JUSQUE VERS LE XVir SIÈCLE; PREMIÈRE PARTIE^ LUE DA>S LA iÉAKCE DU 8 OCTOBBK 1831 Statistica.... quum inter historiam et politicam qua iD medio sit posita, diflicillrme sanc ab utraque dis tÎDguitur , oisi arctis eam finifaus circumscribaraus F.-J. MONE , Oratio inaug, de optimo gêner tractandce statistica (i8aj). BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1832. ESSAI i'- LA STATISTIQUE ANCIENNE DE LA BELGIQUE, JUSQUE YERS LE XVIP" SIÈCLE. La statistique, en tant que science, est une création nouvelle l'on sait qu'elle doit son nom à l'allemand Godefroid Achen- ^,^, wall ('). Néanmoins, comme fait pratique, elle remonte à la plus haute antiquité. C'est ainsi qu'on faisait des poèmes et des tra- gédies, avant qu'Aristote eût promulgué les lois de la poésie. Mais tandis qu'il calquait ses théories sur des chefs-d'œuvre, c'est par l'étude des essais informes et des erreurs du passé que les statisticiens modernes se sont principalement formés. Le principe de la perfectibilité indéfinie de notre espèce, rêvé par Condorcet (') sous la hache révolutionnaire, préconisé ensuite (') Achenwall publia, en 1748, à Gœttingue, le premier plan raisonne' de statis- tique ; l'année suivante il en donna un manuel. Cependant le nom de cette science ne se trouve pas encore dans la Sciagraphia Encyclopœdiœ philosophicœ , publiée par A.-G. Baumgarten, en 1769. On est surpris de ne pas le rencontrer non plus dans la Philosophische Encyclopaedie oder System der gesammteii wissenschaftl. Erkennt- nisse, que M. S. Erhardt fit imprimer en 18 18, et que M. F.-J. Dumbeck traduisit en latin durant l'année 1822. Ployez l'Appendice (D). {") Dans les Quatre saisons du Parnasse , M. Fayolle a recueilli un article re- marquable de M. Maille-Lacoste de St.-Domingue, sur ce système. XIII, aSo. Tom. VU. I 2 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE par S* -Simon malheureux, ne paraît pas applicable aux arts d'imagination comme à ces connaissances auxquelles l'observa- tion sert de base. Quand même l'expérience n'attesterait point cette différence, la réflexion la moins sérieuse suiFirait pour la faire apercevoir. L'imagination en effet, pour me servir d'une expression de Montaigne, est prime - saiiltière , au lieu que l'observation est méditative; la première, avide avant tout d'im- pressions spontanées, fait consister une grande partie de son originalité dans les formes : la seconde compte, et avec raison, sur le temps, car il est à croire que qui regarde davantage, aperçoit plus de choses ou les voit plus distinctement; aussi les formes sont insignifiantes pour elle ; pourvu qu'elle ajoute à la masse des faits , pourvu qu'elle les lie d'une manière plus étroite ou qu'elle en tire des conséquences ignorées, il lui importe peu d'employer même des formes inélégantes ou triviales. Enfin, le sentiment a sa source dans l'homme, et il est loin d'être inépui- sable; mais les objets de notre contemplation externe, indépen- dans des lois universelles de la sensibilité et de la pensée humaines, sont infiniment plus divers et plus tranchés. Donc le temps a du profiter à la statistique, ainsi qu'à toutes les sciences du même ordre. Cependant, encore aujourd'hui ses limites ne sont pas généralement fixées ; les uns les reculent , les autres les rapprochent outre mesure. Celui-ci érige la statistique en une espèce de science encyclopédique; celui-là ne veut la reconnaître que dans les chiffres ou dans les résultats de l'éco- nomie politique. S'il est vrai de dire qu'il existe peu de connais- sances dont la statistique ne réclame le concours, les ressources qu'elle leur emprunte, elle se les rend particulières par une DE LA BELGIQUE. 3 parfaite assimilation et paie, à son tour, avec usure les services qu'elle a reçus. Avant d'entrer dans des spécialités historiques propres à ce systè. pays, qu'on me permette d'exposer sous quel point de vue la statistique peut être traitée et quelles sont les bornes que je lui assigne. Ces considérations générales serviront à coordonner les particularités qui doivent suivre, et donneront un fondement plus ferme à certains détails qui pourraient paraître minutieux ou frivoles. La connaissance complète d'un état embrasse les trois modes de la durée : le passé, car il est gros du présent et de l'avenir, le présent au milieu duquel nous nous agitons, le futur qui ren- ferme le mystère de nos craintes et de nos espérances et auquel, par conséquent, il convient de nous préparer par tous les moyens qpie suggère la prévoyance. Or, le passé appartient à l'histoire proprement dite , et le futur à la politique : reste le présent dont s'empare la statistique , laquelle sert ainsi de transition aux deux autres sciences, et qui moins fière, moins dédaigneuse qu'elles, recueille comme une conquête jusqu'aux détails infimes qu'elles répudient, quoiqu'ils servent à la première à mieux caractériser les hommes et les choses, à la seconde à établir ses règles sur des prémisses plus solides. Et d'abord elle peut être considérée subjectivement , c'est-à- dire dans la pensée ou l'être cognitif, et alors elle est pure ou théorique; ou bien objectivement, et dès ce moment elle devient appliquée ou pratique. Théorique , elle se présente 1° sous le point de vue de Vhi- stoire, qui en examine l'origine, les progrès, les différentes phases. 4 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE et en fait connaître la littérature ; 2° elle se compose de ré- flexions ou de résultats généraux sans liaison nécessaire, et s'ap- pellera, si l'on veut, aphoristiqtie ; 3° elle réunit dans un corps de doctrine toutes les propositions qui la constituent : en un mot, elle en forme un système. Pî^atique, elle raconte ou peint ce qui est : elle est 1 ° descrip- tive; 2" elle recueille des nombres, soumet au calcul les phéno- mènes les plus variables, les plus compliqués, traduit même en chiffres certains faits qui, quoique dépendans de la volonté, sont susceptibles d'être exprimés par une moyenne , et prend le nom de numérale ou de mathématique; 3° pour énoncer ses résultats, elle emploie quelquefois des procédés graphiques autres que l'écriture ou les chiffres : alors elle est figurative. Soit qu'elle décrive, qu'elle énumère ou qu'elle figure , son premier mérite est de généraliser les faits épars et, s'il est pos- sible, d'en tirer des lois ; résultat auquel elle arrive par V induc- tion. Il est sans doute inutile de remarquer que la statistique peut s'étendre ou se resserrer comme l'histoire, qui tantôt s'occupe d'un individu, tantôt embrasse tout le globe. Elle sera donc ou spéciale ou générale, suivant qu'elle traitera d'une ville, d'un canton, d'une province, d'un pays, d'un seul de ses objets, de plusieurs ou de tous. Elle sera aussi comparée , lorsqu'elle op- posera les unes aux autres, les données fournies par diverses époques, populations ou localités, et cette manière de la mettre en œuvre ne fera qu'ajouter à son utilité, en multipliant ses leçons et ses avertissemens. Ses données se rapportent 1° au pays; 2° à l'homme moyen DE LA BELGIQUE. 5 qui l'habite; 3° à l'état dont il est membre : elle est donc phy- sique, anthropologique et politique. La statistique physique diffère de l'histoire naturelle et de la géographie, en ce qu'elle ne décrit un pays que relativement à l'homme social. Elle sera géologique, hydrographique ou mé- téorologique, selon les recherches auxquelles elle se livrera de préférence : suivant qu'elle étudiera le sol, les eaux, la tempé- rature. Si, en qualité à' anthropologique , elle s'adresse à l'homme, elle verra en lui l'homme externe on physiologique , et l'homme interne, intellectuel et moral. Les recherches relatives à la po- pulation, aux naissances, aux morts, aux mariages, au rapport des sexes, des âges et des forces corporelles, appartiennent à la fois aux statistiques physiologique , morale et politique, mais plus particulièrement à la première. La statistique politique , appréciant les forces de l'état ou démontrant ses ressorts et son équilibre, est économique et gouvernementale ou dynamique. La première montre la situa- tion de V industrie agricole, comm,erciale et manufacturière ; la seconde celle du pouvoir ;V administration, les tribunaux, la législation , la constitution fondamentale du pays, le clergé , la noblesse, la bourgeoisie, V armée , figurent, s'il y a lieu, dans ce dernier chapitre. Un tableau synoptique résumera ce qui précède (*). En suivant ce plan, je vais me livrer à quelques investigations sur la statistique de l'ancienne Belgique, en préférant, suivant mon usage, les sources inédites aux autorités déjà connues. Ce morceau détaché d'un travail plus étendu sur la vie publique et X. Guicciardini. 6 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE privée des Belges avant le dix-septième siècle , pourra servir de supplément au Mémoire sur le commerce, la population et l'in- dustrie, auquel l'Académie a daigné accorder, dans le temps, une marque flatteuse de sa bienveillance. I. L.TTÉRATUBE BE LA Louls Guicciardinl- neveu du célèbre historien, et qui demeura STATISTIQUE ANCIEN- * NE DE LA^EEGiQDE. loug-temps à Auvcrs , ville dans laquelle le duc d'Albe, qui lui avait témoigné quelque faveur, le fit arrêter et saisir ses pa- piers ('), est le premier qui ait donné une statistique générale des Pays-Bas, ou, comme il les appelle, de la Germanie infé- rieure. La première édition de son livre parut en 1567 : il semble s'y être proposé pour modèle Leandro Alberti, qui a décrit l'Italie géographiquement et historiquement, en mêlant à sa description des notices littéraires, des citations des poètes et d'autres ornemens de cette espèce, repoussés par la science ('). Outre des traductions en diverses langues de la Descrizione de Guicciardini, en français par F. Belleforest (^), en latin par R. Telle ou Vitellius, en flamand par Kilian ou Van Kiel, les- quelles sont accompagnées de notes et d'additions par P. Dumont (■) M. J.C. De Jonge a inséré dans ses l^erhandelingeii en onuitgegei>en stukken , I, 85, une lettre de Jan de Ymmerselle , relative à cette saisie. (^) F.-J. Mone , Historia slatisticce adumbrata.l^ovami , 1828, in-4°, pp. ii5, 120. La suppression des Annales des Universités rendra cette histoire très-rare , attendu que le volume dont elle fait partie n'a pu être terminé. M. Mone est un des pro- fesseurs que la révolution n'a pas eu la sagesse de s'attacher. On l'a renvoyé dans son pays qui le regrettait. (3) Cette version de Belleforest a été prise par l'auteur des Délices du pays de Liège pour le texte même de Guicciardini , dont il ne veut pas , dit-il quelque part , changer le style gaulois. Au t. I, p. 272, il fait mourir en i54o cet auteur italien , qui ne décéda qu'en 1 58g. Sorel , Bibl. Franc., 1" édition , p. 222 , prend la descrip- tion des Pays-Bas pour une histoire des Pays-Bas. DE LA BELGIQUE. 7 ou P. Montanus et d'autres, on en a un abrégé dont ne parle pas J.-G. Meusel dans sa £ite?'aturderstat{stik,Lips. 1790 et 1806 ('). Pierre Bertius, de Beveren, géographe d'un grand mérite et^^^^^. qui en Iblb a donné Lommentarwrum rerum germamcarum oncUus et n^u lihri très, y a compris les Pays-Bas. ^onZieuun.. Je ne parle ici de la Belgii lotius sive XVII provinciarum^"'''"'^'" Germaniœ inferioris descriptio de François Sweertius, que parce qu'un de nos confrères (') la mentionne parmi les ou- vrages estimés de cet écrivain, comme une description très- dëtaillée des dix-sept provinces belgiques, fruit de ses longues veilles et de ses immenses recherches , quoiqu'au fond ce ne soit qu'un petit écrit de peu d'importance, accompagnant la carte des Pays-Bas, donnée par Vrients en 1603, et réimprimé en 1628, en tète de VAthenœ belgicœ. Dans la même classe se placent r/^meraïVe d'Ortelius (^) et de J, Vivien, publié à Anvers (') La description universelle des Pays-Bas , de l'origine, assiette et estendue de chascune province de l'estat , police et gov-vernemeiit d'icelles ; des mœurs et condi- tions de ses habitons , et des singularitez et choses plus remarquables qui s^y voient. Le tout tire' de /'Œuvre du S' Guicciaedin . par B. Rohaull , P. Seconde édition , Arras, i6o8, 248 pp. in-B». Guicciardini fit imprimer sous ses yeux les trois éditions italiennes de son livre qui parurent in-fol. en i56'y, i58i et i58B. Cf. Prosper Marchand, Dict. I, 294; mon Mémoire sur le Commerce , p. 108, note 3; le Catalogue de la bibl. de Jos. Ermens , n"' 8720 — 3733; Pars, Index Batavicus , 49 — 5i , etc. (3) Rapport sur les travaux de l'Académie de 176g à 1822, par M. Dewez , Nouv. Mém. , t. II , p. viu. (3) Les grands ouvrages géographiques publiés par Ortelius , Meroator, G. Blaeu, etc., seraient consultés avec fruit, comme le prouve la statistique commerciale de M. Verhoeven , qui a mis b contribution jusqu'à Bruzen de la Mar- tinière. 8 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE en 1584, à Leide en 1630, et ajouté au Divœus de 1757; la topographie qui sert de préliminaire aux deux premières éditions de la Bibliothèque belgique de Valère André, le traité de Pontus Heuterus de veterum ac sut sœculi Belgio et le Catalogus d'A. Barlandus. Jacques Marchant _, qui ne s'est attaché qu'à la Flandre, s'est rappi'oché davantage du sens que les modernes attribuent au mot statistique. Son ouvrage n'était d'abord qu'une esquisse qui parut la même année que celui de Guicciardini , sous le titre De rébus Flandriœ memorabilibus liber singularis , et qui a été réimprimée à Francfort en 1580, dans la collection exécutée par Sigismond Feirabendt, pour Philippe de Reiffenberg, lieu- tenant-général de l'électeur de Trêves. Il est remarquable que ce premier essai fut dédié à ce même comte d'Egmont, qui devait bientôt périr d'vme manière si tragique ('). Marchant le refondit entièrement, y fit des augmentations considérables, et, en 1596, offrit son nouveau travail au public. Il fait ainsi connaître lui-même son dessein au lecteur, (c Primo libro terrant Flandriam tuin generatim descripsimus , h. e. quod ad illius originem , situm , commoditates , potentiam (i) Dans la dédicace, Marchant dit : u Neque enim ulli aptius quàm tibi inscri- bitur , cujus majores ex Flandriœ regulis ord , hanc regionem qtj^ te in lucem pro- DUXiT, princi'pum vice gubernarunt.... On pourrait inférer de ce passage que le comte d'Egmont était né en Flandre; mais j'ai découvert par le manuscrit de ses interrogatoires, qu'il naquit à La Hamaide, terre qui lui appartenait dans le Hai- naut. Cette anecdote était tatalement ignorée ; je l'ai consignée pour la première fois dans mon édition de Vander Vynckt , III , 333. Cf. mon Histoire de Vordre de la Toison-d'Or, p. 4^1 3 note -j. DE LA BELGIQUE. 9 mores, cotnmercia , artificia, leges atque lingtiam universim respiciunt, in singula oppida cum castellaniis , arcibus , 'portuhus, fluviis , lacubus, silvi'ique distinximus : in ordines denique statusve générales atque magistratus, perspicua her- meniaanalysique discrevimus secundo libro atque tertio quœ Flandriœ principtmi antiquitatem , nobilitatem, auctoritatem , potestatemque in génère spectant, perstrinximus : deinde quœ ad ipsorum vitam domesticam togatamque , constitutiones , generis iniperUque propagationem pertinent , nominatim re- citavimus Postremo hella domi forisque gesta et causas illormn , scitu utiliores quant faciliores , in tanta annalium rudisque sœculi inopia et negligentia enarravimus seorsiin et a vita principum togata separatim )) Ce plan a été rempli avec talent pour l'époque où Marguerite, fille de Louis de Mâle, épousa Philippe de Bourgogne, dit le hardi. L'auteur de cette dissertation était un jeune élève de l'université de Louvain, M. Frédéric De Bylandt (') ; mais alors on n'avait point encore aboli ces concours si favorables à l'émulation, et qui ont produit de si heureux fruits ! l'heure des améliorations destructives n'était pas encore venue. Marchant avoue avec candeur les obligations qu'il a à Philippe (') Frederici comitis de Bylandt juris in Acad. Lov. stud. Commentatio ad quœs- tionein historico-literariam qua postulatur descrlptio historico-geographica comitatus Flandriœ , quo tempore Margaretha , Ludovici Maleani jîlia ^ Philippo Audaci , Burgundice duci , nupsit. Lovanii , 1826, in-4° , xm et 282 pp. Ce Mémoire est accompagné de deux cartes représentant la Flandre sous Baudouin I'"', en 863, et sous Louis de Mâle, en 1869. La partie statistique est fort soignée. M. de Bylandt a été un de mes élèves , et l'on m'excusera d'avoir l'orgueil de le faire remarquer. Tom . VII, 2 lo SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Wieîant, dont nous avons analysé les antiquités de Flandre ('); à Pierre d'Oudegherst et à Jacques De Meyer ou Meyer, dont les Flandricarum rerum tomi X (^) , contiennent d'assez nom- breuses particularités qui sont du ressort de la statistique, mais qui, en général, manquent de précision. La Flandria commen- tariorum libris IV descripta, fut dédiée à l'archiduc Albert. Ce prince et son épouse, dit Jean Zwalîart dans l'épître dédica- toire de sa description de la ville d'Ath ( 1610 ) , chargèrent {') Notices et extraits des MSS. de la bibliolhe'ifue dite de Bourgogne , t. I , pre- mière partie, pp. 79 — it2. (^) Brugis , Hubertus Crocus, i53i, in-4°- Antv.Guil. Vorstermannus , i53i, in-12. Notid sur J. Meyer SoD Cliroiiicon Flaiidriœ qa\ ^arul en i538, et qui fut réimprime' après sa mort avec des corrections et des additions considérables, est un ouvrage consacré uni- quement h l'histoire , pas seulement à celle des faits, mais encore dans l'occasion , à celle des mœurs et des usages. {Vitam, moresque et ritus anteactorum temponim abruptim licet ac minus plene ob oculos ponent). — L'édition de i56i a été don- née par Antoine Meyer, son neveu, qui, loin d'ajouter au manuscrit original, en a retranché quelques digressions que la liberté d'opinion, familière à l'auteur, ren- dait peut-être dangereuses à l'éditeur. Il s'était fait aider dans cette besogne par J. Hantsamus et Pierre Libbus. Le censeur J. Hentenius fit de nouvelles coupures, et c'est à lui sans doute que l'on doit la suppression de l'éloge d'Érasme , amené d'une manière si naturelle dans la première édition. — Paquot assure que quelques gentilshommes flamands s'opposèrent autant qu'ils purent à cette publication. M. Weiss , dont nous avons chaque jour l'occasion d'admirer l'érudition choisie et variée, mais qui, dans l'impossibilité de tout voir, de tout lire, de ne rien ou- bher , a dû tomber nécessairement dans quelques-unes de ces erreurs que les Mé- nage , les La Monnoye , les Bayle, les Prosper Marchand , les Goujet, etc., aimaient tant à relever, tout en y venant trébuchera leur tour, M. Weiss a écrit ces lignes dans la Biogr. univ. , xxvni , 5oo : « Cette chronique a été continuée par Antoine Meyer, son neveu (neveu de Jacques) , jusqu'à l'année 1476, et publiée sous ce titre : Commentarii, etc. » Ce qu'on vient de lire , est le redressement de cette assertion. DE LA BELGIQUE. ii J.-B. Gramaye de faire la topothésie de leurs états avec ordon- j.-b. Gramay, nance de luy administrer tous tittres convenables au sujet, et quelque homme pour en ce l'assister. Malheureusement Gra- maye, qui travaillait en courant, n'osait porter sur certaines prétentions généalogiques et cléricales un regard assez hardi- ment scrutateur, et n'avait pas l'exactitude de son devancier, quoique M. De Nélis se soit appliqué à le venger du reproche Duclos et la plupart des historiens français , traitent J. Meyer avec dureté ; ce qui provient sans doute de ce qu'il aimait peu la France, toujours empresse'e à fo- menter des troubles en Flandre et à spéculer sur les malheurs de cette province. Il n'en était pas moins un écrivain consciencieux et instruit, bien que manquant quelquefois de critique, et qui, pour s'éclairer, n'avait épargné ni les voyages, ni la dépense , malgré l'exiguité de ses ressources. Il n'aimait point à farder la vérité et ne flattait pas plus les grands que les petits. Au reste , il se proposait de retou- cher son ouvrage , quand la mort le sui'prit , et sur son manuscrit il avait mis ce vers de sa propre main : Optime, postremam , lector, desidero limam. Si de pareilles entreprises typographiques pouvaient se promettre aujourd'hui le moindre succès , nous émettrions le vœu qu'un homme , versé dans notre histoire , remît au jour les Annales de Meyer, en les complétant et les rectifiant par des notes et un choix de pièces inédites , et en donnant une clef des noms de person- nes et de lieux , comme on l'a fait pour De Thou ; car Meyer les a également déna- turés en les latinisant. Nous croyons que Paquot s'était amusé de cette partie du travail que nous demandons et que nous avons essayé nous-même , et , si nous ne nous trompons , l'exemplaire sur lequel il avait déposé ses annotations , doit se trouver entre les mains de M. Van Hulthem , à qui l'on appliquerait volontiers , en fait de richesses littéraires, le mot connu d'un conte de Perrault, si l'on ne crai- gnait de pécher contre la gravité en pleine Académie. Il serait aussi très-intéressant de savoir ce que sont devenus les dix volumes in- folio di Adversaria historien , laissés par J. Meyer , au dire de Paquot. C'est une recherche que nous recommandons aux explorateurs de monumeus nationaux. 12 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE d'infidélité ('), et qu'après tout l'étendue, la variété de ses re- cherches, doivent rendre indulgent sur des méprises et des erreurs que l'attention la plus soutenue, la critique la plus déliée ne peuvent pas toujours éviter, et qui étaient imposées quelquefois à l'auteur par le siècle où il vivait. Ces différentes chorégraphies virent le jour séparément de 1606 à 1622 : elles ont été réunies en 1708, mais on a sup- primé, dans cette édition, toute belle qu'elle est, les planches qui accompagnaient les précédentes et dont quelques-unes sont curieuses. Là, comme dans la plupart des écrits du même genre, l'histoire tient une place que la statistique ne lui accorde pas. La Flandre représentée sur une grande échelle par J. Mar- chant, le fut encore avec plus d'étendue par Ant. Sanderus, qui prodigua une fortune considérable, en mettant au jour de somptueux ouvrages que les plus riches libraires n'oseraient entreprendre aujourd'hui. Sa Flandria illustrata (') parut à Amsterdam, sous le nom de Cologne, en 1641-1644. L'imprimeur Jean Blaeu n'en avait débité qu'un petit nombre d'exemplaires. (') Belgicarum rcrum Prodromus , in-4°, p. i4' M. Dieiicx le traite avec une grande se've'rite' : « Gramayus , qui est le plus obscur et le moins judicieux de tous nos an- ciens auteurs, h Mém. sur la ville de Gand, I, 499 , et p. 524 du même volume : « M. De Bast , qui nous renvoie ici par une note à un bouquin e'crit par Gramayus , a tort de se prévaloir de cette misérable autorite'. » On s'aperçoit trop que la haine de M. Diericx pour le chanoine De Bast, re'jaillit sur Gramaye. {') Sanderus a laisse' eu manuscrit un Tornacesium illustratum , dont M. A.-C. Du- mortier a donné une idée dans mes Nouv. archiu. histor. , V, 268 , 4o8 et VI , Sg. M. Van Hulthem est propriétaire , depuis plusieurs années , des planches de cet ouvrage , dont l'original et une copie se sont retrouvés, en i83o , à la bibliothèque publique de Tournay. DE LA BELGIQUE. i3 lorsqu'un incendie consuma son établissement typographique et le fonds de cet ouvrage. Paquot a donné une notice détaillée de l'édition de Van Lom, 1735, 3 vol. in- fol., ainsi que de la chorographia saci^a Brabantiœ (') , recueil précieux pour la sta- tistique ecclésiastique dont le baron Jacques Le Roy (') , qui se Jac^. Le Roy. ruina comme Sanderus, tira en partie son Grand théâtre saci^é du duché de Brabant ( 1 729- 1 734 ) , et qu'il compléta en quelque sorte, par la composition du Grand théâtre profane (1730), de la même province, et de la description du marquisat du S'^-Empire (1678) (^). M. Weiss dit, dans la Biog?'aphie uni- verselle, que ces ouvrages, qui ne doivent pas être séparés, sont encore recherchés pour les gravures. Il est vrai que les planches en sont belles , mais il y a d'autres motifs plus solides qui en maintiennent la valeur. On peut y joindre la Topo- graphia historica Gallo-Brabantiœ ( 1 692 ) , traduite ensuite dans le Grand théâtre profane du Brabant , et le Brabant (■) Mém. fol. III , 426—428. Cf. Catalogue de la hihl. d'un amateur (mis en ordre par L.-F.-A. Gaudefroy) , Br., De Mat, iSaS, n" 5655. Sanderus a rendu compte de ses travaux dans : Atit. Sanderi de inclioata a se niagnamque parteni confecta Brabantiœ ac Flandriœ duarum in Belgio prouinciar. cuni Mechliniœ chorogra- phia. Col. Agr. ( Amst.) Corn, ab Egmond, i65i , in-4°. Il est pre'sumable que c'est à son imitation que Ev. de Wassenberg composa son Ratishonensis diœcesis illus- Irata , resté en manuscrit, en sept vol. in-fol. ('.) L'épitaphe d'un autre Jacques Le Roy est rapportée dans la Cher. sacr. Br. , m, 21^. C'est un individu de la même famille. K. Bayle. (^) Il manque souvent quelques figures à cette dernière, comme entre autres, Berchem, p. 106 et Moninckhoven , p. 38o : avertissement aux bibliophiles. Les théâtres sacré et profane du Brabant furent publie's en français et en flamand ; la notice sur le marquisat du S'. -Empire est en latin. i4 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE illustre du même auteur, contenant une description en latin, français et flamand de tous les châteaux et maisons seigneu- riales {'), ensemble de tous les monastères et autres édifices publics, etc. ('). Jacques Le Roy, né en 1633, mourut en 1719. Bayle se plaît à lui décerner les plus grands éloges. Jean Buzelin , qui florissait avant lui , nous a laissé une espèce de statistique de la Flandre française , sous le titre de Gallo-Flandria sacra et profana : in qua urbes, oppida, regiunculœ, municipia et pagi prœcipui Gallo-Flandrici trac- tus describuntur horumque omnium locorum antiquitates , re- ligio, m,ores , sacra œdificia, piœ fundationes, principes, gubernatores et magistratus proponuntur. T)ua.ci 1625, in-fol. Ce titre nous dispense d'en dire davantage (^). On pourrait, à la rigueur, citer comme se rapportant à notre objet un petit livre, plus ancien que tous les autres, et inti- tulé par son auteur Jacques Lessabé : Hannoniœ urbium et noininatiorum locorum, ac cœnobiorum , adjectis aliquot limi- taneis ex annalibus , anacepJialœosis. Antv., Mich. Hillenius, 1534. Dern. sign. E3, après D5. A. la fin sont quelques pièces (') Quand il sera question de la vie domestique, nous reviendrons sur cet objet spécialement traité par le baron Le Roy. {^) Il existe encore : Le giiide fidèle , contenant la descrip. du Brabant /wallon , Brux. , Moris , sans date (1^67). — Description historique , chronologique et géogra- phique du duché de Brabant, par Didace de St. -Antoine , dit de Becker, édition corrigée. Brux., 1791. — Description du Brabant, tant ancienne que moderne ( Bruxelles , Louvain et Brabant wallon), 1768, 4 vol. , etc. (') Voyez Paquot , 1 , 2 1 3 , etc. DE LA BELGIQUE. «5 de vers peu remarquables. Ce travail n'est pas mauvais pour le temps. On aurait bien fait de le réimprimer avec Gramaye à la suite du sommaire de V Histoire de Hainmd, par Nicolas de Guyse, issu de la même famille que le célèbre chroniqueur dont M. le marquis de Fortia achève de publier les Annales avec tant de soin, d'érudition et de désintéressement ('). De la même époque environ que Buzelin et Sanderus, date la collection connue sous le nom des Petites républiques des RéM-desEu. Elzeviers, et dont les amateurs des éditions de ces typographes (■) M. le marquis de Fortia , dit que Jacques de Guyse naquit à Mons , et toutes les autorite's sont pour lui. Cependant un ancien manuscrit que M. Du Chasteler avait vu à Vienne , portait que Jacques était natif de Chièvre la Franche, ce qui mérite considération. [Mém. de V Acad. , t. V, Hist., p. 192). Nicolas de Guyse, dans un avis au lecteur, non réimprimé à la suite de Gramaye, et qui précède son Mons Hannoniœ inetropolis , Cameraci , 1621 , in-4, porte le jugement qui suit , sur son parent : « Jacobus Guysius , stemmate mihi junctus paterno , ej'usdem antiquitatis studiosus , exeunte sœculo millesimo trecentesimo , palœstram hanc adiit ; sed à Trojanorum exorsus initia , Jidei sincerœ scrupulum aliquem ingeneravit. Non in- ficias ivero , eundem ecclesiariwi antiquitatihus suhinde cerlum , quas consangui- neoruni virorum consularium authoritate frétas accepit , tu/n ex Valentianensibus , lum ex cœnobiticis archivis. i> Erudione conspicuurn etiam agnosco, cuni primas obtinens partes , inter anti- ques minorum patres , theologiœ laurea fuerit insignitus , atque suis theologiam , mathematicam et philosophiam annorum 25 spatio prœlegerit , morluus tandem anno i SgS ; quia tamen in série principum nostrum multa sibi obscura fuisse fate- tur, eidem succenturiari me passe sine arrogantia conjisus sum... » Nie. de Guyse dit avoir consulté les archives et profité des écrits de N. Goubille , doyen de Cambrai, auquel M. Le Glay consacre une notice dans ses intéressantes recherches sur l'église me'tropolitaine de cette ville, ainsi qu'à Nicolas de Guyse lui-même , mais où cette particularité ne se trouve pas. Cf. pp. 100, 114, 116, 182, i33, igr. J^oy. dans l'Appendice une notice sur Jacques de Guyse (A). i6 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE célèbres n'ont pas seuls le droit de faire cas. Jean De Laet, d'Anvers, éditeur des trente-deux Républiques in-24 dont elle se compose ('), s'il avait pu rester en tout fidèle au plan qu'il s'était tracé, aurait offert un excellent modèle de statistique générale. Son dessein primitif était de ne recueillir que des ma- tériaux fournis par des indigènes. Mais se voyant dans l'impos- sibilité de suivre toujours cette marche, il a joint aux relations nationales ses propres élucubrations. Pour parler d'abord des premières, elles sont assez nombreuses, en ce qui regarde la Suisse, l'Italie, Venise, l'Afrique, le Danemarck, la Pologne, la Bohême, l'Ecosse, l'Angleterre, l'Irlande, etc., mais il s'en faut qu'elles portent toutes le même caractère, et d'ailleurs elles n'ont pas été écrites dans le même temps. L'éditeur a donc tâché de mettre, par des supplémens, de l'accord et de l'harmonie entre ces parties séparées. Mais en ce travail, il n'y a à louer que l'exactitude du compilateur : quant au savoir et à l'habileté de l'écrivain, il faut les chercher dans les statistiques qu'il a lui-même composées; telles que celles de la France, de l'Es- pagne, de la Perse, du Mogol, des Provinces-Unies, etc. Les descriptions de la France, de l'Espagne et de la Hollande étant plus nourries et plus complètes que les autres, peuvent servir d'échantillon pour juger de la doctrine de J. De Laet. Or, il y traite de la topographie, de la température, du caractère et des mœurs des peuples, de leur religion et de leur régime po- litique, des richesses, des re\enus de l'état et de sa puissance ') La plus ancienne est de l'an 1626. DE LA BELGIQUE. 17 militaire : enfin, il y ajoute des tables qui montrent la succes- sion des souverains. En cela il a imité Pierre d'Avity ('), qui avait cependant mieux conçu sous quel point de vue il convenait d'exposer la science. En effet, d'Avity était persuadé que la connaissance de la statistique est utile non-seulement aux gou- vernans, mais encore aux gouvernés, tandis que De Laet ne la croyait bonne qu'aux premiers, ce qui lui offre l'occasion d'établir ainsi ses principes : a Summorum principum primo, deinde et procerum, qui ipsis a sacris consiliis sunt, officium est, non modo regnoruni et principatuum , quitus summus rerum arhiter ipsos prœposuit , conditionem probe noscere, quidque in illis validum, quid débile sit , ad unguem scire , subditorum suorum ingénia et mores, vires denique et facul- tates accurate pensitare : sedetiam vicinorum principum atque adeo longinquorum , cum quibus aut pacem colunt, aut bellum^ gerunt, status ad eundem modum diligenter exarninare ('). » On réunit à cette collection une trentaine de volumes du même format, imprimés à Amsterdam, chez Jansson et Blaeu, à Leide chez Jean Maire, et même à Anvers, à Liège, à Utrecht et à Strasbourg. Quant à Jansson, il a publié en un volume la sta- tistique du pays de Liège, rédigée par M. Z. Boxhorn, celle du Namurois et du Hainaut, par Gramaye, ainsi que celle du Luxembourg, par Bertelius. La notice qu'on lit dans le qua- {•) Auteur d'un livre intitulé : « Les estais, empires et principautez du monde , représentez par la description des pays , mœurs des habitons , richesses des provin- ces , les forces , les gouvernemens , la religion et les princes qui ont gouverne' chacun estât. Première e'dition , S'. -Omar , i6i4, in-4°. (2) Prœf. ad Hispan. Cf. Mone , O. C. , pp. io4— 106. Tom. VU. 5 i8 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE trième volume du manuel de Brunet (') est suffisante ; cependant, si l'on désirait d'autres détails , on les trouverait dans les Mémoires de littérature de Sallengre ("). D'autres matériaux statistiques peuvent se puiser en assez grande abondance dans les chorographies ou descriptions par- ticulières Q) des villes dont quelques-unes ne sont pas sans mérite ; mais il convient d'user avec discrétion de ces ressources , souvent plus apparentes que réelles. Voici quelques indications. BRADANT ET ANVERS. raies pariicuuères. Brtjxelles. — Erycius Puteanus (1646). L'auteur s'est attaché à montrer que le nombre sept , dans lequel il voyait quelque chose de mystérieux , était affecté à la ville de Bruxelles. Malgré cette conception ridicule , il y a à profiter dans son livre. La même ville. — G. Fricx ( 1743), J.A. Romhaut {Mil), l'abbé Mann ('') (1785), Chateigner (1803), P. -F. M. Gigot (1817), /. Gautier (1824 et suiv.) C), etc. LouvAiN. — Juste Lipse (1605), Parival (1667). Malines. — J.-B, Jeoffroy ( 1721 ), Van Gestel (1725), (,) Édit. de Bruxelles, IV, 566. (') "> 149—19'- (3) Remarquez que je ne prétends pas énumérer ici les histoires particulières des villes. Je m'occupe spécialement de cet objet dans ma Bibliothèque historique des Pays-Bas. C*) Voyez l'éloge de cet écrivain que nous avons inséré dans le VI" vol. des Nouveaux Mémoires de t Académie. (5) Il y a des descriptions de Bruxelles en français et en flamand, de 1720; d'autres en français, Moris, i76i,Ermens, 1792; une autre encore de 1982, fig. , etc. , tout cela est plus que médiocre. DE LA BELGIQUE. 19 le chanoine R. Vanden Eynde et le comte De Cuypers ( 1770). Anvers. — C. Scrihanius (1610), J.F. WiUems (1828). Lierre. — Chr. Van Loin ( 1740). TuRNHOUT. — L. Van Gorkom (1790). Bois-LE-Dcc. — Jacq. Van Oudenhoven (1649) , eenen lief- hehher der oudheid (1752). Bréda. — Ernest Van Goor (1742). Grave et le Pays de Cuyck. — Paringet et P. Van Alen (1752). LIMBOURG. Maestricht. — Ch. VI de la Description abrégée géogr. et hist. du Brah. Holl. et de la Flandre Holl. Brux., Jos. Ermens, 1788, in-80 ; et la collection des Annuaires publiés par la société des amis des sciences, lettres et arts de Maestricht. Hasselt. — Mantelius (1663). RuREMONDE. — Rurœmunda illustrata, Lov. 1613, in-8'' ; Rurœmunda vigens , ardens , renascens , Brux. 1666, in-fol. Weert. — /. Deckher (1631). FLANDRE. Gand. — Le chevalier Diericx (1814). Confus, mais rempli de faits et d'actes très-importans. M. N. Cornelissen avait promis , dans son discours sur les chambres de rhe'to- rique, un ouvrage étendu sur Gand ancien et moderne. Ses connaissances variées , l'originalité de son esprit, promettaient un livre à la fois piquant et instructif. Mal- heureusement M. Cornehssen , peu soucieux de renommée , éparpille , comme Di- derot , les fruits de ses études et de ses réflexions, en les laissant passer, la plupart du temps , sous le nom d'autrui. Il a encore avec l'auteur des Salons un autre trait de ressemblance : sa manière de juger les beaux- arts. 20 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE La. même ville. — Voisin (1826-1830). Termonde. — Dav. Lindanus (1612 et 1708). Se retrouve dans Gramaye déjà cité. — Jac. Maestertius (1646). Bruges. — Datnhouder [De magnificentia civitatis Bruga- rum , ejusdem civitatis topographia et in laudem civitatis oratio (1664)]. — Item en flam. Amst., 1684-1688, in -4°. — Beaucourt de Noortvelde (1764). Gramhont. — J. Van Waesberge (1627). OsTENDE. — Jac. Bowens (1792). S^^-NicoLAS et son district. — J.-L. Vanden Bogaerde (1825). Cet ouvrage est un modèle en son genre. Néanmoins l'auteur, partisan trop exclu- sif de la statistique descriptive, a trop négligé les chiffres qu'un homme habile sait faire parler quelquefois d'une manière éloquente , témoin notre confrère M. Quetelet. HiTLST. _ — /. Van Lansherge (1687). L'Écluse. — J.-A.-V. DrestelJmis (1820). HÂINAUT. MoNS. — F. Paridaens (1819). Tournât. — Etrennes Tournaisiennes (1770) , Ch. Lecocq (1815-1817). L'ouvrage de M. Lecocq est une statistique véritable quoiqu'incomplète. La partie commerciale est la plus instructive , mais l'ouvrage est tout moderne. NAMUR. Namur et LES AUTRES VILLES. — GalUot (1788-1791). LIÈGE. Liège. — Beschryving der steden van het land van Luyk (Maastricht, 1738). Il sera parlé plus bas de M. Courtois. DE LA BELGIQUE. 21 Looz. — /. Mantelius et Laur. Rohyns (1717) ('). Une observation qui résulte de ce qui précède, et qui sera confirmée par la suite, c'est que les provinces ou cantons wal- lons sont ceux sur lesquels on a le moins de renseignemens , encore ce que l'on en possède provient en grande partie de personnes qui n'y étaient pas nées. Parmi ces contrées, Liège qui a fait une souveraineté séparée, est le mieux pourvue. Namur l'est le moins. Les relations des voyageurs, si elles sont rédigées en con- voya science, doivent être d'un grand secours aux statisticiens. Mais il faut le dire , les étrangers qui ont visité la Belgique méritent peu d'être lus : la plupart ont parlé de notre pays comme d'une terre perdue , sur le compte de laquelle on ne risque rien à mentir; nos voisins surtout, je veux dire les Français, nous ont représentés sous les couleurs les plus fausses. Ainsi, pour me servir d'une comparaison empruntée à Pline le naturaliste, la lune, l'astre le plus proche de la teri'e, est en même temps celui dont les astronomes réussissent le moins à assujettir les mouvemens à leurs calculs. Un habitant de Dantzig, Abraham Goelnitz, visita la Bel- gique durant la première moitié du dix-septième siècle. Son (') Pour qu'on ne nous reproche pns d'omissions essentielles , et afin d'ôter l'envie aux amateurs de singularités littéraires , de ranger parmi les livres de statistique des écrits qui lui sont étrangers , nous signalerons ici les suivans : Jacobi Eyckii TJrhium Belgicarum centuria. Antv. , Plant., i65i, iD-4° (en vers). — M. Vkientii Flandriœ comitatus et Brabanliœ ducalus urbes. Lov.,Rivius, 1614, in-8° (en vers). — J. Godscalci Àntferpiani emporii topographia ; carminé. Antv. , .Slg. Diestensis. 22 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Ulysses Gallo-Belgicus, qu'on joint ordinairement à la collec- tion des Elzeviers, est encore peut-être, malgré ses défauts, ce que les touristes étrangers ont écrit de plus exact sur notre pays ('). Il a été traduit librement et dans un style passable- ment grotesque par le sieur Coulon, sous le titre de L'Ulysse Français (1643); et on en a tiré plusieurs additions pour le Guicciardini. ^Eneas Sylvius ( XV™^ siècle ) , Albert Durer (1520-1524 (')), le R. P. Boussingault (1673), Regnard (1681), le sieur de Monconys (1695), Ch. Patin (1695), Jac. De Ruyter (1709), Martène et Durand (1717-1724), le baron De Poell- nitz (^) (2 Rapprochez de cette dernière diss. celle de M. H. -G. Waardenburg , sur les mollusques indigènes du royaume des Pays-Bas. Ann. Acad. , Lugd. Bat., 1826 — 27; 62 pag. in-4°, et de la première : Th. P. Cels , Dissenatio de Belgii plantis venenatis et nocivis. Brux. , 1773, in-4°. (■) Me'm. sur cette question : u Décrire la constitution géologique de la province de Namur, etc.» Br. , 1825, in-40, fig. (^) Coup d'oeil mine'ralogique sur le Hainaut , Br., i823, in-4° fig. (3) Observations sur les graminées de la Flore belgique , Tournay, 1828, in-8'', fig., et plusieurs dissertations, notices ou mémoires. (4) M. Van Mons , auteur d'une multitude d'articles et de dissertations sur les différentes branches de l'histoire naturelle, a fondé en 1819, de concert avec M. Bory de S'- Vincent et Drapiez, les Annales générales des sciences physiques , qui se continuèrent jusqu'en 1821 , et forment 8 vol. in-S". (^) Essai d'une description géognostique du grand-duché de Luxembourg , Br. , 1828 , in-4°, fig. (6) Description géognostique du grand-duché de Luxembourg , suivie de considé- rations économiques sur ses richesses minérales , Br. , 1828, in-4°, fig. (7) M. Hécart de Valenciennes, qui dans sa longue carrière a cultivé avec ardeur les sciences et les lettres, et a composé quantité d'opuscules et d'ouvrages qu'on recherche dans les ventes à cause de leur modique tirage, ainsi qu'un nombre plus considérable encore de traités inédits, avait terminé, parmi ceux-ci, une Flora Hannoniensis , qui s'est égarée et dont il ne lui reste que la nomenclature. C'est ce que j'apprends par une brochure tirée à 20 exemplaires , et que je dois , ainsi que d'autres curiosités, à l'obligeance de M. Hécart. Elle est intitulée: Manuscrits de l'auteur, Valenciennes, Prignet , 1828, in-12 de 72 pag. Cette Flore fut en- voyée dans le temps, à l'Académie; M. Dumortier avait engagé l'auteur à la refaire , mais inutilement. DE LA BELGIQUE. 29 des catalogues bien faits des musées et des jardins botaniques seraient aussi pour nous des renseignemens utiles ('), non que la géologie , la minéralogie et les autres parties de l'histoire naturelle, se confondent avec la statistique, ce qui serait nous ramener à l'enfance des sociétés, où les sciences n'étaient point distinctes, mais parce que le statisticien s'aide de leurs lumières, afin de déterminer en quelque sorte les lois vitales d'une na- tion, à peu près comme le jurisconsulte de la médecine, sans devenir pour cela médecin, le financier du calcul, sans pré- tendre néanmoins s'ériger en géomètre. Malgré la légitimité, la nécessité même de ces relations, de ces emprunts, remontant à des époques où l'on soupçonnait à peine ce genre de spéculation et d'expérience, force m'est de renoncer à une digression qui aurait eu pour moi d'autant plus (') Enumeratio plantarum horti botanici, Lov. (1829), in-4°) de ig pag. — Elenchus plantarum quœ in horto botanico Lovaniensi coluntur , adjectis speciebus sponte crescentibus , Lovanii , 1829, in-8'' de n^ pag« M. J. Mussche a fait la même chose pour le jardin de Gand. Si nous embrassions tous les Pays-Bas , le jardin botanique de Leide nous four- nirait seul de nombreux renseignemens qui viendront naturellement se réunir dans notre essai d'une Bibliothèque historique des Pays-Bas. Les catalogues des expositions faites par les sociétés d'horticulture, telles que celles de Bruxelles, deTournay, de Gand, de Louvain , etc. , sont aussi de nature à fournir des données statistiques. Voyez Description déposée a la soc. roy. d'agr. et de botanique à Gand , des plantes , arbres et arbustes introduits en Belgique , et répandus dans le commerce de 1800 à i824- Messager des scienc. et des arts, sept, et oct. 1824, pp. 241 — 245, nov. et déc. 1824, pp. 35o — 355; mars et avril 1825, pp. 5i — 57 et liv. suiv. — Je signalerai encore le catalogue des arbres fruitiers de la collection de M. VanMons, à Louvain, de 1798 à 1823 , etc., etc. 3o SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE d'attrait, qu'elle eût été consacrée presque entièrement à rap- peler les services rendus aux sciences par l'Académie ('). Plus rares à mesure que nous nous éloignons du temps pré- sent, les matériaux de la statistique physique de notre pays, avant le dix-septième siècle, sont très-peu nombreux et, dans certaines périodes, ils sont littéralement nuls. Des indications éparses et vagues, perdues dans les auteurs latins ou grecs , des fragmens de chroniques et de légendes , quelques faits dont on peut tirer des conséquences presque certaines, et, mieux que cela, l'examen des localités, voilà ce qui peut nous faire deviner ou découvrir les changemens qu'a éprouvés notre sol. Ces révolutions, avant et depuis la période romaine, ont été fréquentes et quelquefois terribles. En fixer la date pour les premiers temps est impossible : tout ce qu'on peut faire, c'est d'arriver à des probabilités. Des Roches se demande si le sol de l'ancienne Belgique était à une grande profondeur au-dessous de celui que nous occu- pons à présent. Il se prononce pour la négative ('). (') Les cinq volumes des anciens me'raoires de cette compagnie , renferment plusieurs me'moires d'histoire naturelle et d'hydrographie , auxquels nous ren- voyons le lecteur. (^) Hi.st. ancienne des Pays-Bas autr. , p. 21. Il y a dans l'histoire naturelle de la Hollande, par Le Francq vanBerkhey, des remarques du profes. J. Lulofs, sur l'élévation de la mer et l'abaissement des terres le long des côtes hollandaises , que j'aurais voulu voir consulter par Des Roches et par M. Belpaire , que nous citerons tout à l'heure. Elles sont souvent applicables à la Belgique. On y trouve des nivellemens officiels , des années iSS^, i566, 1670, 1627, 162b, 1662. — Gra- maye a consacré partie d'un chapitre de sa Description d'Anvers , aux inondations de l'Escaut, liv. I, ch. i3. DE LA BELGIQUE. 3i D'immenses marais se sont desséchés d'eux-mêmes, d'autres ont été mis à sec par la main des hommes , d'autres encore ont disparu sous une surface de nature différente. Des bois , des forêts, ont été défrichés; là, l'océan a envahi des parties plus ou moins considérables de la terre ferme ; ici il s'est retiré des lieux qu'il couvrait, ou bien il a formé par des alluvions successives un terrain nouveau. Les inondations qui ont ravagé les Pays-Bas, ont trouvé des /«. historiens spéciaux dans S.-A.. Gabbema ('), Tob. Gutberleth (') , Outhof (^) et P.-N. Muyt (^). Elles devaient être extrême- ment fréquentes dans la Flemdre maritime , s'il est vrai , ainsi que l'affirme Guicciardini , que jusqu'à l'an 1340, chaque fois qu'on aliénait une terre dans ce canton, on avait soin de mettre dans le contrat de vente la clause qu'il serait résilié lorsque, dans les dix années suivantes, le terrain vendu vien- drait à être inondé (^). Mais si dans ces compilations , on a marqué avec une exactitude scrupuleuse, l'année, le jour, sou- vent même l'heure où ces désastres eurent lieu, on y a entière- (') Nederlandse watervloeden , of naukeurige beschryidng van aile -waten-loe- den voorgevallen in Holland , Zeeland , Flaanderen , enz. , Gouda , i ^oS , in-8o. (^) Nederlandsche valeri>loeden ,FranekeT, 1708, in-S". (3) Verhaal van aile hooge 'Kvaten^loeden , Embden , 1721 , in-S". {^) Geschiedkunde heschryinng der watervloeden en overstroomingen in het ko- ningryk der Nederlanden, Bommel, 1828 , in-8". Le recueil publié à Bruxelles , par M. Jobard, sous le titre de l'Industriel, cahier d'avril et mai, p. i3 , contient une série chronologique des principaux empiètemens de la mer sur le continent , depuis le VII I<^ siècle jusqu'à nos jours , par M. Adr. Balbi. Dans ce résumé, quoique très- coui't , les Pays-Bas devaient avoir nécessairement une place. (5) In Flandr. §2 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE ment négligé d'indiquer les changemens qu'ils occasionnèrent, chose bien autrement importante ('). L'abbé Mann {') et Des Roches (^) ont considéré la chose sous un point de vue infi- niment plus philosophique. Cependant, ils sont loin d'avoir égalé en connaissances et en sagacité M. Belpaire , couronné par nous en 1826, pour avoir exposé les changemens que la côte d'An- vers à Boulogne a subis, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, de- puis la conquête de César jusqu'à nos jours (^) , et qui devait étendre ultérieurement ses observations depuis Calais jusqu'au Jutland inclusivement. M. Belpaire, attendu le cours des eaux intérieures qui se dirigent généralement vers le nord, établit que le terrain va en s'abaissant de ce côté , et qu'ainsi les parties les plus septentrio- nales auront été les premières exposées : témoin le déluge Cim- brique (^). César, qui a connu plus spécialement les côtes en deçà de l'Es- (■) Jrchii^. III, 5. (2) Mémoire sur l'ancien état des Pays-Bas maritimes , inséré dans le i<" vol. de la première série de notre collection académique. Cf. son éloge dans le 6" vol. de la seconde série, p. 27. — Foyez aussi Me'm. sur U histoire naturelle d'une partie du pays Belg. , par R. de Limbourg. Ib. , t. I, pp. igS — 219 (i" série). (3) Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens , Anvers, 1787, in-4°, ou 2 vol. in-8". (4) En 1823, le programme de l'Institut d'Amsterdam contenait cette question : Quelles sont , surtout d'après les monumens historiques , les révolutions qua subies le sol du royaume actuel des Pays-Bas , relativement aux bois , tourbières , dunes , rivières , lacs et en général à toute sa superficie. (5) Cf. parmi les mémoires de la société de litt. de Leide, deuxième partie, t. I", i8i4, in-8° : C. Nozeman, Bedinkingen over den zoogenaamde Cimbrischen vloed, DE LA BELGIQUE. 33 caut, ne dit nulle part formellement que la mer les franchissait alors . C'est pendant la domination romaine que la mer est venue pour la première fois, depuis sa retraite, envahir ces terres. L'Escaut qui , du temps de César se déchargeait dans la Meuse , se rendait directement à la mer quand Pline le naturaliste écri- vait; donc ce changement doit s'être opéré pendant les 130 années qui se sont écoulées depuis César jusqu'à Pline. La mer continuant à exercer sa puissance, les inondations se seront succédé en s'avançant toujours de plus en plus vers l'ouest, et ce n'est que pendant la dernière moitié du troisième siècle qu'elle semble avoir atteint cette partie du continent qui forme maintenant l'île de Walcheren. Suivant beaucoup d'autres, l'Escaut occidental a été creusé par l'empereur Otton I, en l'an 949, afin d'établir une démar- cation entre l'empire germanique et la France. M. Belpaire, après Meyer, Marchant, Eyndius, Des Roches et De Bast, re- garde cette opinion comme inadmissible. Toujours est-il certain que les branches de l'Escaut ne sont pas très-anciennes. Ce sera sans doute vers la fin de la domination romaine que Formation de difé. le Zwin de l'Ecluse, les ports d'Ostende, de Nieuport et de Dun- kerque se seront formés. M. Belpaire parcourt chaque époque et réfute, à son \.gvlx , que Gani na jamms l'assertion de Vredius, de Des Roches et de beaucoup d'autres ''" f"""^" ""'■ qui pensent qu'au huitième siècle Gand était un port de mer ('). t"J Voy. dans nos Archives, III, 4— 186169—84, une réfutation de cette même opinion , par M. F. De Bylandt , e'iève alors de l'université' de Louvain. Tom. FIL 5 34 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Charbon de teri En revanche j il est certain que Damme, petite ville qui se trouve à une lieu et demie de Bruges, était dans le douzième et le treizième siècle et plus tard, un des plus beaux ports, et des plus spacieux. Une chose neuve dans le mémoire de M. Belpaire, c'est le parti qu'il a tiré de la couche de glaise qui règne le long de la mer et de l'Escaut, et qui a recouvert les marais dont nos côtes étaient intérieurement remplies du temps de César ; de celle de tourbe qui se trouve au-dessous et du niveau de ces couches comparé à celui de la mer. Quant aux bancs dé tourbe, il en a fort bien expliqué la for- mation. Dès l'année 1645, Abraham Muntinck avait soutenu avec succès, dans l'université de Groningue, une thèse sur la tourbe. La dispute était présidée par Martin Schockius qui, treize ans plus tard, publia une dissertation sur le même sujet ('). Une. charte de Marguerite de Flandre, de l'an 1269, en faveur des Gantois, fait mention du torf-briel ou place aux tourbes {^). C'est sans fondement, et Le Francq van Berkhey en fait l'obser- vation , que Guicciardini pense que quinze cents ans avant lui , l'usage de la tourbe était déjà connu. M. Jansen, qui a abrégé Van Berkhey, a traduit de l'alle- mand de Pfeiffer l'Histoire du charbon de terre et de la tourbe (^). (') Tractalus de Turffis , seu de cespitibus bituminosis , Gron. , Joan. Collenius i658, in-i6, et Ibid. , 1668, même format. (2) Diericx , Me'm. , 1 , 4oo. (^) Paris , 1787 , in- 13. — Ib. , 1795 , in-B". DE LA BELGIQUE. 55 Celle - ci a échauffé la verve des muses hollandaises ('). Il serait curieux et utile de préciser l'époque où ces combus- tibles furent en usage et devinrent un objet de commerce ; de nmrquer quand les exploitations des houillères eurent lieu en grand, quels moyens mécaniques on y employait, quels capitaux y étaient consacrés, quelle fut la province oii cette branche d'in- dustrie se développa le plus vite ('), quelles lois ou ordonnances la régissaient d'abord, etc. ; mais de pareilles questions reste- ront probablement la plupart sans réponse. Tout ce qu'on sait, sans en être pourtant bien sûr, c'est l'époque où l'on découvrit le charbon de terre dans le pays de Liège. M. De Villenfagne a traité ex professa cette matière (^), (') A. Vande Venne , Sinnei'onck op den hollandschen turf, etc., 's Grav. , i634 , in- 12. (') F'oy. Gendebien , Mémoire sur les mines de houille des de'partemens reunis , dans lequel elles sont considérées principalement dans leurs rapports avec l'agri- culture et le commerce [Extr. du Journ. des mines) , Paris, Bossange et Masson , 1802 , in-8°. (^) T. II des Nouv. Me'm. de l'Acad. , pp. 289 — 29B, Cf. Les délices du pays de Liège, I, 267 — 280. Dewez, Histoire du pays de Liège, \, 12g. Il semble que le charbon de terre n'a pas été inconnu des anciens , s'il est vrai que Théopompe parle de celui qu'on trouvait en Thesprotie (Épire ) , apud Antig. Caryst. , n" 186. Ce passage de Pline le naturaliste ne doit cependant faire illusion à personne : Et CARBTJBCULUS , terra quœ ita vocatur, emendari vite macra putatur , lib. xvii , ch. 4- Il s'agit uniquement ici d'un terrain sablonneux , oîi abonde le carboucle. Pline ne fait mention que du charbon de bois , et c'est ce charbon qu'entend Vegèce , lors- que dissertant sur les moyens de défense d'une place assiégée, il dit : Et carbones servantur in conditis. De re militari, IV, 18. Le plus aventureux des étymologistes, Van Gorp ou Goropius , prétend que la forêt charbonnière a été appelée ainsi , non du charbon de bois qui s'y faisait , mais du charbon de terre qui y était commun : 36 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE et recule cette découverte de l'année 1198 à l'année 1049 en- viron , ce qu'il appuie sur la charte de fondation de l'abbaye du Val-S^-Lambert, dont relevait l'endroit où l'on pense commu- nément que la houille a été trouvée ; charte par laquelle Hugues de Pierrepont, princ^e de Liège, donne à quelques religieux de Signy, en 1202, un lieu appelé Campus Maurorum, où le Val- S*-Lambert fut construit. Or, les Maures n'ayant jamais fait d'incursion dans le pays de Liège, M. De Villenfagne croit que le mot maures ( noirs ) était un sobrique des charbonniers , qui devaient être établis depuis long-temps dans la contrée. Ces char- bonniers étaient déjà assez nombreux en 1347, pour former une partie de l'armée liégeoise ('). Je trouve dans un manuscrit des archives de Louvain, rédigé par le greffier Guill. Boon (') , que le marché au charbon et à la chaux ( de coel en de calckmerck ) , appelé aussi le cimetière, et qui était situé vis-à-vis l'hôtel-de-ville, fut donné en partie aux habitans en 1302, par le duc Jean de Brabant. Le reste « f^ocarunl auteni id temporis saltiis ejus regionis sih'am carhonariani , eo quod terra tota carbonibus coiistare videretur : per carbones gagaten sive lapidem bilumi- nosum intelligentes , hac in re germanicam phrasim secuti, qua bitumen lapideum colen , id est, carbones vocamus. i> Francicorum lib. III, pp. 62 — 63. {') Verhoeven, Histor. Tjden , etc., p. iiS. Heylen , Z>e inventis Belg. , anc. inérn. de l'Acad., V, Hist, , 83. (') T. II, in-fol. , 3o4 , verso. Voici le passage même: « De coel ende calckmerck , gelegen voir het voerschreven stadthuys , oock ge- noempt het kerckhoff , es eensdeels aen de stadt Loven gegeven by hertoghe Jan van Brabant, anno i3o2, ende eensdeels by de stadt gecocht tegens 'l capittel van Sinte-Pieter, anno il^Zi, voir v= rinsgulden , ende wirt gecauchyt iiaer dyen den selven ontwyt was anno i\ZZ. » DE LA BELGIQUE. 37 fut acheté par eux en 1432, au chapitre de Saint-Pierre, pour une somme de 500 florins du Rhin. II est vraisemblable que le mot coel désigne ici du charbon de terre. Néanmoins, dans le tarif que nous donnerons plus bas, et qui concerne Louvain, il n'est fait mention du charbon que sous l'année 1420. Fisen, en 1642, a tracé un tableau de la misérable condition des bouilleurs ('), condition réduite cependant en privilège, comme toutes les autres (^). Les statuts du 14 avril 1593, confirmés par le prince Ernest de Bavière, en vertu de ses patentes du 24 juillet suivant, por- tent en substance : Défense est faite à toutes sortes de personnes de s'ingérer de toucher à la mine ou au charbon, si elles ne sont reçues dans le métier des mineurs et charbonniers , sous peine d'une amende de deux florins d'or. Donc on tenait des états scrupuleux de tous les ouvriers. Les personnes nées dans la franchise de Liège et dans la ban- lieue, qui veulent y être reçues, sont obligées de verser à la bourse commune la somme de 20 florins de Brabant, nonobstant les droits de leur réception. (') Hist. eccles. Leod. , 43 r — ^'ài. {') M. Le Mayeur , dans une Épître au premier consul , qui contient le germe de son poème des Belges, remis dernièrement à neuf, s'exprime ainsi : Dirai-je quels amus de trésors combustibles Sont arrachés du creux de ces gouffres terribles , Où bien loin des vivans , dont il semble efface , Près du noir Achéron le Belge est enfoncé ? Heureux naguère au fond d*un tombeau volontaire De vivre loin des maux qui désolaient la terre! (P. 7,) . _ 38 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Celles qui sont du pays, mais qui n'appartiennent ni à la fran- chise ni à la banlieue, doivent vingt-cinq florins de la même monnaie. Les étrangers en paieront quarante, moyennant qu'ils prou- vent la légitimité de leur naissance, leur bonne renommée et leur catholicité, et qu'en outre ils démontrent qu'ils sont ca- pables d'exercer le métier. Un bâtard , sauf les mêmes preuves , paiera quatre - vingts florins de Brabant ('). La juridiction sur le charbonnage est presqu'aussi ancienne que la découverte du charbon. Les juges qui l'exerçaient s'ap- pelaient les jurés du charbonnage. Un édit de l'empereur Maximilien II, du 21 juillet 1571, règle que les appels des sentences rendues en ce siège se porte- ront au tribunal des échevins, des jugemens desquels on appel- lera au conseil ordinaire, et que, pour favoriser le commerce du charbon, on ne pourrait par la suite se pourvoir devant la chambre impériale contre les décisions de ce conseil. Cet édit fut confirmé par celui de Charles VI du 27 juin 1721, enregistré à la chambre de Wetzlar, le 17 mars 1728 ('). Tout porte à croire que les houillères du Hainaut ont été (') Louvrex , Recueil des e'dits , etc. , p. 246. Les bâtards en Brabant , étaient in- habiles aux magistratures. Priv. de Wenceslas et de Jeanne , dans Haraeus , I, 33o. On sait que Pontus Heuterus , dont la naissance était fort équivoque , s'est fait l'a- pologiste de la bâtardise dans son traité : De libéra natiuitate. (2) Les délices du pays de Liège, I, 280 — 281. Ces renseignemens incomplets trouveront sans doute des rectifications et des additions importantes dans l'ouvrage que nous promet sur la législation des mines M. l'avocat Lrixhe de Liège. DE LA BELGIQUE. 69 exploitées à une époque très-reculée ('). Quant à la province de Namur, ce n'est suivant Guicciardini que peu d'années avant le temps où il écrivait, qu'on commença à en extraire du charbon. Ce combustible, au témoignage du même auteur, malgré son bas prix , s'exportait chaque année pour une valeur de plus de 100,000 écus. Charles Langius donne un nombre plus fort : Quadringinta auri redeunt rnihi millia in anno De carbone atru quem mea mittit humus. Les Liégeois disaient proverbialement qu'ils lui devaient trois avantages : du paiîi meilleur que le pain, du fer plus dur que le fer, du feu plus chaud que le feu, La ville de Liège et sa banlieue, disait Kints en 1738, four- nissaient à la Hollande presque tout le charbon qu'elle con- sommait. Il ajoute que les ouvriers extracteurs restaient six heures par jour dans la mine, que les hommes faits gagnaient 26, 28 ou 30 sols, monnaie du pays, les enfans à proportion, et que pour 200 livres une famille entretenait 8 à 10 feux pendant toute l'année. Les questions élevées à propos du charbon s'appliquent aux Autres autres produits minéraux, au plomb, au zinc, au fer, au mar- bre , etc. Les mines de plomb de Védrin ont été découvertes en 1610 par deux frères nommés Gilles et Jean Fastré, qui tra- ('} Voyez dans l'appendice (B). 4o SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE vaillaient déjà aux mines de fer; mais avant l'année 1557, on avait découvert du plomb dans le territoire de Seilles , assez près de la Meuse. La concession des mines de Védrin fut faite en 1612 par le souverain, moyennant le dixième qu'il se ré- serva, et la confirmation suivit l'an 1614. Des sociétés s'étant formées pour l'exploitation du plomb dans le même territoire, elles furent autorisées en 1630 par le conseil des finances ('). M. Dewez est d'avis que les Belges exploitaient déjà leurs mines de fer, de plomb et de cuivre, ainsi' que leurs carrières, quand ils furent envahis par les Romains ('). C'est aussi le sen- timent de M. Du Rondeau (^). Si l'on en croit Kints, l'an 1338, Jean, comte de Flandre, ac- corda des privilèges aux mineurs, fondeurs et batteurs de cuivre, dans le Namurois (''). Il ne s'offre ici qu'une petite difficulté, c'est qu'il n'y avait point en 1338 de comte de Flandre de ce (') Les délices du pays de Liège , II , i36. (2) Hist. gen., i' éd., I, 119 — 122. Quand on s'autorise des anciens, il faut toujours s'assurer si le mot Belgœ convient , dans les passages alle'gue's , aux Belges d'aujourd'hui. (3j Mémoire sur la question : Quel était l'habillement, le langage , Vétat de l'agri- culture , du commerce , des lettres et des arts chez les peuples de la Belgique , avant le septième siècle? qui a remporté le prix de l'Académie en 17^3, Brux. , d'Ours, 1774, in-4'' de 189 pag. — It. en flamand, Ib. , i^3 pag. — M. Dujardin, qui a écrit sur la même question en latin , remporta l'accessit. Ib. , 58 pag. , fig. En traitant des sujets de cette nature , ne serait-il pas sage de se tenir en garde contre l'espèce de patriotisme qui place dans le pays natal le centre et le berceau de toutes les découvertes et de toutes les gloires ? (4) Ibid. DE LA BELGIQUE. 4i nom, et que Jean II, comte de Namur, de la maison de Flan- dre , avait cessé de régner. En 1343, Guillaume 1'='^, comte de Namur, octroya , d'après for^-". la même autorité, aux maîtres de forges du pays, plusieurs pri- vilèges confirmés en 1635, par Philippe IV, roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas ('). La famille de Schets, originaire de Maestricht, d'où elle vint cai„min s'établir à Anvers, fut dès avant le seizième siècle en possession des mines de calamine du Limbourg. Elle en perfectionna l'ex- traction à laquelle elle occupa long-temps de nombreux ou- vriers. Quant à la marne qui servait à fertiliser les champs sous la Marne. période romaine, il serait superflu d'en parler, assez d'auteurs ayant répété les passages qui la rappellent ('). Le 24 juin 1773, M. Du Rondeau lut à l'Académie un mémoire sur la nature du sel commun, dont les anciens Gaulois et Ger- sei. mains faisaient usage , et le 6 octobre de la même année il présenta un mémoire additionnel sur la même matière. L'un et l'autre furent adoptés, mais le gouvernement intervint dans cette affaire, et il y eut à cette occasion des discussions assez chaudes. Les examinateurs des deux dissertations avaient été (•) Guicciard. in Limburg. (') Des Roches, Hist. ancienne des Pays-Bas autrichiens, gS, Dewez, Hist. ge'n, 2' e'd. , I, 122. Pline nous apprend que le nom belgique ou celtique de cette marne était Marga , qui s'est conservé jusqu'à nos jours en celui de Margel. M. de Fortia nous dira sans doute quelque chose là-dessus dans le glossaire celtique ajouté à son Jacques De Guyse. Tom. VII. 6 42 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE MM. Needham, Vounck et De Marci. M. Des Roches en fit un résumé pour le chancelier de Brabant, où il déclarait que les recherches de M. Du Rondeau ne sortaient jamais des bornes de la médiocrité, (c On pourrait, disait-il dans une lettre » que nous avons sous les yeux, rendre cet ouvrage un peu » moins indifférent, par exemple si on y ajoutait que l'eau » salée répandue sur des tisons ardens n'était pas la seule ma- )) nière de se procurer du sel ; que de tout temps on a fait usage )) dans ces provinces d'iui autre procédé, bien plus expéditif » et plus naturel; qu'on brûlait des terres dont on arrosait )) les cendres d'eau ordinaire, ce qui produisait un sel très- )) blanc; qu'on appelait cette opération zel barnen, c'est-à- )) dire brûler le sel; mais qu'on s'aperçut enfin que les meil- » leurs terroirs étaient détruits par cette pratique et changés » en lacs et en étangs , ce qui attira la prohibition dont on voit » une preuve dans ces paroles du grand privilège de Marie en )) 1 467 : Item dat loy voortaen geene brieven nog oorlof geven )) zullen, moer te delven om zel daer af te bernen uyt den )) erven, die in den voorschreven landeti van Holland, Zeeland » en Vriesland leggende zyn binnen de bedykte landen en » aile oclroyen contrarie dezer ordonnantie verleent , zullen » zyn dood en te niet. r> M. Des Roches ajoutait qu'il avait beaucoup de matériaux à communiquer à l'auteur, et qu'il pour- rait lui renseigner bien des sources. 11 paraît que M. Du Ron- deau profita en partie de ses avis, puisqu'il parle du sel fait avec de l'eau de mer et des cendres tirées des tourbes ou des gazons pris sur les landes, qu'il répète la tradition qui attribuait la découverte de ce procédé à un réfugié Hongrois appelé Lorlng DE LA BELGIQUE. 43 ou Loringus, et qu'il indique même le placard de Marie dont nous venons de citer le texte ('). Revenant de la considération du sol à celle des eaux, il ne Hydrouchn serait pas sans intérêt d'examiner si M. Frédéric-Rodolphe Hasse a eu raison d'avancer que les Italiens, très-habiles en hydro- technie dès le XIV™^ siècle, ont été les premiers précepteurs de l'Europe, dans cette science, et les Belges les seconds (^). L'Académie avait proposé cette question pour le concours de 1827 : Donner une notice historique et raisonnée des canaux na- canaux. vigahles qui existent dans les provinces , tant septentrionales que méridionales des Pays-Bas , construits depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Malheureusement personne n'a essayé de la résoudre. Si les anciens Belges ne connaissaient pas l'art de creuser des canaux, les Romains ont dû le leur apprendre. Les canaux de Drusus et de Corbulon, celui projeté par Vêtus pour réunir la Moselle à la Saône, en sont la preuve. Marchant, qui place les Grudii dans la Flandre, donne cette étymologie à ce mot : (c Grudios Julii Cœsaris hic commoratos vix duhitatur : quasi Grutios , hoc est, multis canalibus, in quitus plurima gruta , quœ viridis lenticula est , anatihus gratissima, per œstatem innatat, assidentes (^). » Mais cette C) J^oy. le Mém. de Du Rondeau , dans le 1'=' vol. de l'ancienne coll., pp. 353 et suiv. , et Heylen , De Invenlis Belg. , t. V, part. hist. , p. 102. (^) Cuinam nostri œvi populo debeamus primas œconomùe publicœ et statisticœ notiones. Lipsiae ( 1828) in-4'', p. 3^. (3) Marchantii Flandria , 7. Sanderi Flandr. ill. , II, i. Digue U SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE étymologie est tirée de loin, et d'ailleurs canalis désigne aussi bien un canal naturel qu'un conduit d'eau artificiel. Nous ne dirons plus rien du canal d'Otton ( 950 ) ni de la polé- mique dont il a été l'occasion. La Lieve , qui s'étend depuis Gand jusqu'à Damme, où elle trouvait jadis la mer, fut commencée en 1228 et reprise en 1251, du consentement de la comtesse Marguerite. Le creusement du canal qui va de Gand au Sas, fut autorisé par Charles-Quint, le 8 juillet 1547. Le canal de Gand à Bruges fut entrepris en 1613; celui de Bruxelles à Malines en 1550 ('). On voit une carte de ce der- nier, dans la chronique flamande du Brabant, par J. Mollins, imprimée en 1565. Dès l'an 1436, les Bruxellois avaieat eu l'oc- troi de rendre la Senne navigable par tout le Brabant. Marguerite de Flandre, dans une charte de l'an 1270, ac- cordée aux Gantois, parle de la tour sous lesproie , sur quoi M. Diericx remarque que esproie , en flamand spye, signifiait une écluse ou un ouvrage pour contenir les eaux ( opus ad re- frenandas aquas ) , mais qu'il est aussi synonyme de sas et signifie alors un bassin dans lequel on fait, au moyen de deux écluses, monter ou descendre les bateaux ('). Ce mot a échappé à Borel, Carpentier, Lacombe, et à M. De Roquefort. Pompeïus Paulinus, gouverneur de la seconde Germanique (>) Cf. Nie. Mamerani Descriptio aquœ-duclus seu navigationis urbis BruxellancB , i56i et i68i. Sur le canal appelé' la Lieve ( /a yo/ie , la mignonne) voir Diericx , I, 224 — ^42* Fland. ill. , I, i^o. (') Mémoire sur la ville de Gand, I, Sgi. DE LA BELGIQUE. 45 sous Néron, acheva la digue que Drusus avait entreprise soixante- trois ans auparavant, pour prévenir et empêcher les débordemens du Rhin ('). Est-ce là le premier travail de cette espèce exécuté dans notre pays? Les noms de lieux en dyk, sont trop significatifs pour avoir besoin d'être signalés. Remarquons toutefois qu'ils ne désignent pas des endroits habités à une très-haute antiquité, bien que Mardyk, aujourd'hui à la France, passe pour avoir été un port de quelque réputation portuque olim famigerato fuit (') , et que Ysendyk fut connu au X™<^ siècle (^). Il en est de même des noms en dam. La formation des polders (*) , ou l'art de rendre à l'agricul- Poider ture des terres conquises sur les eaux, n'a pas non plus une origine déterminée. Une charte de Marguerite, comtesse de Flandre, de l'année 1269, confirme l'abbaye de Cambron dans la possession de beaucoup de parties de terre gagnées sur la mer et endiguées aux environs de Hulst et au delà d'Ossenesse (^). Le plus grand des polders de ce territoire est celui de Na- (') Dewez , Hist. gén. , i' éd., I, 274- (^) Marchantii Flandria , 78. (^) Stals, Quœnam suiU loca , etc. , 3o , 3i , et l'anonyme sur le même sujet, 21. (^) Voici ce qu'a écrit J. Meyer, au commencement de ses /annales : « Inclinât aninius ut Flandras nescio qua lingiiajuisse putem ^stuaria , ea forma qua poldras vocamus , unde mare per aggeres excludimiis.... » Vredius fournit des argumens en faveur de cette opinion. Hist. com.. FI., I , 29. (^) Belpaire , Mémoire cité, p. i ig. Ce passage n'est pas tout-à-fait d'accord avec ce que dit l'auteur à la page 1 27 , que Hulst est nommé , selon toute apparence , pour la première fois , dans une charte de la même princesse, datée de l'année 1270. 46 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE mur, endigué par Jean, fils de Guy, comte de Flandre : ce polder a une étendue de 1500 bonniers ('). Il est marqué sur la carte du cours de l'Escaut au XV"»" siècle, publiée par M. J.-F. Willems et mentionnée plus bas. Dans le voisinage du Sas-de-Gand, les polders ont été en partie endigués sous le gouvernement d'Albert et d'Isabelle. Les endiguemens antérieurs furent principalement l'ouvrage du che- valier Jérôme Lauryns, trésorier de Philippe-le-Beau. En 1497, il obtint les polders du métier d'Yzendyk, et acheta plusieurs autres contrées dans ces environs, qu'il affranchit également de la mer. En 1570, beaucoup de ces terres furent inondées de nouveau et peu après endiguées une seconde fois. D'autres pol- ders ont été formés aux environs de Biervliet , qui , du temps de Gramaye, était encore entièrement entourée d'eau, par suite de l'inondation de 1377. Au demeurant, toute la lisière de l'Escaut n'est composée que de polders endigués à différentes époques, mais principalement depuis le commencement du seizième siè- cle C). Il est question de la mer qui nous baigne, dans le livre sui- Ètymolagie du mot (') Mcyci' dit 1700 : <( Hoc tempore (anno i3î9.), quinque pagos circitm Birfletum poLDEE. et Saftingiam maris illuvione hmndatos Joannes cornes Namurcensis , Jrater Roberti principis defuncd , ohjectis aggeribus magna ex parte recuperai'it : mansitque nomen un agro unde extrasus oceanas est , Polder Namurcensis , mille septingenta conti- nens jugera. Assertas ex mari terras poldeos geiitiliter appellam.us , ideo forte quod poLDRi seu voLDRi id est pulli equorum optime in Us alanlur. » A l'appui de cette conjecture , voyez ce qu'enseigne Vredius au mot poledrus ou puledrus , employé dans la loi salique pour de'signer un poulain, I, 297. (^) Sanderi Fland. il/., H, i4o; III, 256, aSg , 261 , 262 , etc. Belpaire , Me'm. cité, pp. 128 , 129. DE LA BELGIQUE. 47 vant cité par Du Verdier (') .Le Portulan, contenant la descrip- tion tant des mers de Ponent, depuis le détroit de Gibraltar, jusques à la Chiuse (l'Écluse), en Flandre, que de la mer Méditerranée; traduit de l'italien, Avignon, Pierre Roux, 1577, in-4o. L'original est intitulé : Nuovo Portulano, Vinegia, 1544, in-AP. Nos côtes sont également décrites d'une manière nautique dans la seconde partie du Nouveau et grand illutninant flam- beau de la mer, par N.-J, Wooght. Amst. 1683, in-fol. Atlant. ('). Guicciardini a inséré dans sa description une dissertation expresse sur cet objet. Notre situation hydrostatique est une preuve de la sagacité de Marino Sanuto, dit Torsello, ou l'ancien, qui vers Tan 1321, établissait entre la Flandre et l'Italie un parallèle, que M. Cor- nelissen a continué sous d'autres rapports (^). Il est tiré du ch. 18 du liv. Il des Sécréta militum crucis. Je n'en supprime que le commencement qui a trait à la Hollande : (( Jam ego prœsens capitulum consumaveram et ecce per mare, de Venetiis ad por- tum Clusœ in Flandriam, (sltjis, L'Écluse) cum galeis armatis veniens, ibiafide dignis accepi, et pro parte oculis meis vidi QUOn MARIXIMA ALEMANNIjE, IN QUA DICTUS PORTUS EXISTIT VALDE NOSTU^ maritimjE Venet^ est conformis, invenique illius terrœ indigenas fore fortissimos et in armis strenuos, plerosque eorum mari- narios, aliosque ad terram fodiendam,, quorum usus satis (') Édit. de Rigoley de Juvigny , V, 882. (') f^oyez p. 12 et suiv. de cette 2' p. (3) De Vorigine, des progrès et de la décadence des chambres de rhétorique , etc p. 4 et suiv. 48 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE necessarius existit , industries atque aptos et alias pecunia abundantes et, quod laudabilius est, devotionem habere per- maximam ad negotia terrœ sanctœ. Qui, ut credo , ad recu- perationem terrœ y^gypti optime cum Venetis convenirent , sicut olim in illo passagio, quando Constantinopolis , per co- mitem Flandriœ aliosque de Francia et Burgundia barones et nobiles ac Marchionem Montis Ferrati cutn Venetorum auxilio capta fuit, iidem Alamanni cum iisdem Venetis et prœdictis aliis se laudabiliter confirmarunt ('). » Nous tien- drons également note du Spéculum nauticum. de Lucas Auriga- rius, ou Wagenaer , qui a été imprimé en cinq langues, latin, français, flamand, allemand, espagnol, et dont une nouvelle édition parut à Anvers en 1591, in -fol., chez J. Bellerus. La première est de 1584. Des Roches parle d'une carte conservée dans les archives du franc de Bruges , et que M. D'Hoop , pensionnaire d'Alost , avait copiée pour lui. Cette carte, qu'on croit être de l'an 1288 ou à peu près , représente l'embouchure de l'Escaut et les terres qui avoisinent ce fleuve ('). La communication de l'océan avec le port de Damme y est marquée. Mais on y voit aussi commencer les ensablemens qui fermèrent ce port par la suite, et qui le con- vertirent en ces marais que les anciens titres appellent de Sueghe et que l'industrie flamande a su métamorphoser en magnifiques pâturages. (i) Cf. Mone , o. c. 90 et 104. (2) 11 serait curieux de comparer avec ce monument gothique , la carte du cours de l'Eacaut, par M. Beautemps-Beaupre' (1800). DE LA BELGIQUE. 4g V^idi factas ex œquore terras Et procul a pelago conchce Jacuere marince Eque paludosa siccis humus aret arenis ('). Malgré leurs incorrections, de pareilles pièces sont extrême- ment curieuses; on en trouve plusieurs dans Wastelain, Cella- rius, Menso-Alting, Bucherius, Cluvierus, Des Roches, Dom Bouquet, etc. Les Trophées de Brabant contiennent une délinéation géo- graphique tant de V ancien que du moderne Brabant, avecq les parties y comprinses selon qu'elles estaient devant les inondations des terres vers la Hollande, advenues l'an 1421 . Le P. Alex. Wil- theim, fort versé dans ces matières, a dessiné le Luciliburgi terri- torium romanum, qui est dans le premier volume de Bertholet. Vredius a donné une carte de la Flandre telle qu'elle était en 863 , dans son livre sur les sceaux des comtes de Flandre , et elle se recommande aux connaisseurs, bien que Vredius dans sa préface déclare, pour emprunter le style de son traducteur, qu'elle est cette fois dressée en hâte, promettant de la donner plus exacte et plus ample en l'histoire. On la retrouve au reste dans Smalegange. Nicaise Fabius, chanoine de Commines, est l'auteur de la carte de la même province, et, pour le même temps, laquelle orne le premier volume de la Flandria illustrata de Sanderus. Malbrancq a inséré également dans son ouvrage devenu si rare, une carte qui ne se rencontre pas dans tous les exemplaires. Ortelius a exécuté celle du nord de la même province, sous (') Hist. anc. des Pays-Bas autr. , iio. Tom. VII. 5o SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE le comte Guy, en 1304, L'extrémité septentrionale de la Flandre est tracée pareillement dans l'excellente carte de la Zélande en 1270, que Smalegange a jointe à sa chronique (t. I, p. 120). Elle se voit encore dans les cartes de l'ancienne Zélande qu'ont données Wagenaar ( Vad. hist., t. II, 3"ie éd. de 1790); Kluit {Hist. criL, t. II-I, 138); et Gargeon (la Zélande en 600 et 1540, pp. 37 et 163 du Walch. Arcadia). M. Fréd. De Bylandt, guidé par ses recherches, a dessiné aussi la Flandre de Baudouin I^r, en 863, et celle de Louis II de Mâle, en 1369. M. Ch. Imbert a fait la même chose pour les pagi situés entre l'Escaut et la Meuse, du X^e au XII™e siècle ('). (,) Responsio ad quœstionem ab ordine philos in Acad. Lov. prop. , Lov. , 1817, in-4°. Joignez à cette dissertation : Des Roches, Caussin et de Hesdin ; trois Mémoires sur la question : Quels étaient les endroits compris dans l'e'tendue des contrées qui composent aujourd'hui les dix- sept provinces des Pays-Bas et du pays de Lie'ge , qui pouvaient passer pour villes avant le VIP siècle? Brux. , 1770, in-4°, 112 pag- 5 sans les tables. Des Roches , Me'moire sur cette question : Quelles ont été depuis le commencement du Vile siècle jusqu'au IX^ siècle exclusivement, les limites des différentes con- trées , cantons , pays , comtés et états renfermés dans l'étendue qui compose aujour- d'hui les dix-sept provinces des Pays-Bas et de la principauté de Liège ? Brux. , 177 1 , in-4°, de 62 pag. Anonyme. Responsum ad quassitum : Quelles sont les places dans les dix- sept provinces des Pays-Bas et le pays de Liège , qui depuis le VIP siècle jusqu'au XI P exclusivement , ont pu passer pour des villes? Brux. , 1818, in-4'' de 48 pag. , sans les tables. ^ev.H. StaXs, Commentarius ad (idem) quœsitum , Brux., 1818, in-4°, de gS pag. , sans les tables. F. Grigny, De l'état des villes de la Gaule Belgique avant le XII' siècle , Mag. encyclop. , VI' anne'e, t. IV, etc. DE LA BELGIQUE. 5i D'un autre côté, M. le chevalier Florent Van Ertborn, dont l'administration restera long-temps gravée dans le souvenir des habitans d'Anvers, provoqua en 1825 la nomination de commis- saires chargés de recueillir des renseignemens sur les antiquités et la statistique d'Anvers. Ce travail, rédigé par M. J.-F. Willems, sous le titre de Historisch onderzoek naer den oorsprong en den îvaren naem der openbaere plaetsen en andere oudheden van de stad Antwerpen. Antw., H.-P. Vander Hey, 1828; in-8° de 293 pp. s. les prél., parut accompagné, entre autres planches curieuses ( elles sont au nombre de dix ) , d'une carte de l'Es- caut (') et du port d'Anvers, confectionnée sous Philippe-le-Bon, d'une vue d'Anvers du côté du port, en 1500; et d'un plan de la même ville en grande dimension, exécuté vers le milieu du XYIme siècle par Virgile de Bologne. Une des collections de cartes les plus riches, était celle de M. Boendermaker d'Utrecht, contenue dans cent trois gros vo- lumes, et dont on a le catalogue en 142 pag. in-8°. Cet atlas était composé des cartes choisies et originales des plus habiles géographes, avec les plans des villes, forts, sièges, batailles, bâtimens, églises, tombeaux, tableaux, environs des villes les plus remarquables, les portraits des souverains et des hommes illustres : il fut vendu 8090 florins. (') Cette carte, qui servit dans un procès pour des droits de douane entre les villes d'Anvers et de Bergen-op-Zoom , accompagne aussi le troisième cahier des Mengelingen van vaderlandschen inhoud , de M. J.-F. Willems. Le commentaire qui devait la suivre n'a point paru. Cf. Beschryving van het oud Batai'iiche zee- strand , etc. 52 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Les Pays-Bas occupent dans ce catalogue les pag. 42-71. Là, sont indiquées une foule de cartes de Nicolas Yisscher, de Guil- laume De l'Isle, Verbeest, Meyssens, Nicolas De Fer, Frix, Jaillot, Inselin, Frédéric De Witt, etc. Un extrait de ce catalogue est inséré dans l'histoire de la navigation ('). Nous indiquons en note une table spéciale en- core ('). Pour les temps très-anciens, l'itinéraire d'Antonin, la table dite de Peutinger, quoiqu'elle ait été découverte par Conrad Celtes et publiée par les soins de Velserus et d'Ortelius, cette table que P. Bertius, cité plus haut, a donnée en partie l'an 1616 (^), les notices de l'empire extraites par le même savant, et les pierres milliaires peuvent tenir lieu de cartes géogra- phiques. Pour ce qui est des pierres milliaires, je dirai que la plus belle qu'on ait rencontrée dans notre pays, est celle qui a été trouvée en 1817 près de la porte de Tongres, appelée Kruis- poort ou porte de S^-Trond , et dont on trouve une copie figurée et une explication dans la dissertation inaugurale de M. Ch. (i) Trad. de l'anglais, Paris, 1722, 3 vol. in-i2, l'extrait se trouve pp. 2^5 — 3i6 du 2" volume. (j) Table des cartes des Pays-Bas et des frontières de la France , avec les plans des villes, sièges, batailles , etc., Tirux- , 17 12, in-fol. , allant. Voyez également la Bibl. hist. de la France, t. I, pp. io5 — 107. (3) Comment, /-er. g-er/ra. Amst. , Is. Jansson , 1616, in-4", obl.figg. pp. i4o — '5i. Bertius transcrit un passage curieux de Vegèce , sur les qualités que devaient avoir les itine'raires à l'usage des géne'raux. DE LA BELGIQUE. 53 Hennequin : De origine et natura principatus urhis Trajecti ad Mosam medio œvo. Lov. 1829, in-S» de 83 pag. ('). Il nous reste à toucher quelques mots de nos eaux minérales, saux Quelle est la fontaine mentionnée par Pline : est-ce celle de Tongres ou les sources de Spa? Ce problème a suscité une guerre sérieuse entre les antiquaires et les médecins. M. De Villenfagne a fait pencher la balance en faveur de Tongres, mais Spa n'en a pas moins conservé la vogue. Le premier étranger connu qui visita la fontaine du Pouhon, à Spa, est un Vénitien nommé Augustino, qui prenait le titre de médecin d'Henri VIII, roi d'Angleterre. Il est mentionné avec (') Nouvell. Arch. V, 166-168. Ce ne sera peut-être pas un hors-d'œuvre àe. JntiiiuUés de Ton transcrire ici un extrait du rapport fait par la régence de Tongres , le i8 août 1827 , au Gouverneur de la province de Limbourg , pour satisfaire aux vues du Roi rela- tivement à l'histoire nationale. Il m'a été communiqué avec une extrême obligeance , par M. Van Muysen , au milieu des événemens terribles de septembre i83o Er bestond alhier naast de hoqfdkerke , zuidwaarts , eene kapel in eenen ronden en zeer ouderwetschen vorm gebouvfd, en onder den naam van S'-Maternus-kapel be- kend. Dezelve was in vroegere lijden een heidensche tempel aan de zon toegewyd. Het beeld dezer zon , in eenen steen uitgekapt , was boven de ingangsdeur in den muur ingemetseld , en het geheel deed vermoeden dat deze Icmpel een monument der oudste tijden geweest was. In den j are iSo^ werd dezeh'e , onder voorwendsel van den doorgang langs die kapel , leidende van den vrijdhqf naar eene der deuren van de hoqfdkerke om den markt te verwijden , gesloopt. De beminnaars der oud- heden betreurden groolelijks het besluit door het toenmalig stedelijk besluur des wege genomen. De steen , met beeld der zon waarvan hierboven gewag is geniaakt, be- vindt zich alnog in eenen muur opgerigt ter plaatse alwaar de voormelde kapel bestond , en afscheidende de gebouwen der kerke met den ge'waagden doorgang. Noordwaarts der hoofdkerke alhier^ ter plaatse ^enaame? Ouder-Kerkhof , Z>e- staan er oude Jbndamenten , welke zich volgens de sporen die hier en daar wor- den aangetrojfen , rondom de hoqfdkerke uitstrekken. Naar beide der ouden schriften 54 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE une dame, de la maison de Lara, dans l'ouvrage que publia Gilbert Fuchs, dit Limbourg ou Limborch, en 1559, et qui est le premier où soit plaidée la cause de Spa ('). Mais ce n'est que dans le courant du dix-septième siècle que cet endroit fut vraiment fréquenté. L'établissement de Chaufontaine , près de Liège, re- monte à l'année 1676. On le doit à Simon Sauveur, de la même famille, je crois, qu'un de nos confrères. Les amateurs trouveront ci-dessous la liste de quelques écrits publiés sur ces eaux miné- zijn dezelve de overhlijfselen van een romeinsch castellum (*) geweest. Het ware te wenschen , dat er een plan daarvan , alsmede van de oude miiren die deze stad omringen , ter opheldering dezer oude overhlijfselen wierde opgemaakt. Eindelijk moeten wij hier bijvoegen dat de onlgravingen die plaats gehad hebben buiten de Rruis- o/" S'-Trueirsche-poort , naast de stad langs den romeinsche-weg of kalzije in den jare 1820 en iSsS zijn get^onden geworden , behalne eenige oude romeinsche munten, een achtkantig stuk mijl-steen , bevattende den afstand van verscheidene plaatsen in dezen steen uitgekapt , en voor een groot gedeelle duidelijk leesbaar, en eenen anderen gedenksteen, dragende het opschrift : FORTVN A P RI ONI VS J V N I V S V. L. S. benevens eenen stomp van eene uitgerosfde kolorn in harden geelen steen. (') J,-B.-L. (Leclerc), Abrégé de l'histoire de Spa, Liège , 1818, in-18 , p. 100. M. De Villenfagne, dans ses Mélanges (1788), p. 826, donne pour date à ce livre l'année iS^^. Il s'est corrigé ensuite. (*) Liber graliarum MS (der Faliriek), ab anno I4J7, fol. 1958 : 11 ^nno Domini 1240, predie calend. Junii inceptiim est novum opus ecclesiœ Tongrensis et destruclum est vêtus cas- tellum a fundamentis et profunditale 22 pedum casu inventum est fundamenlum antic/ua; eccle- ii'œ i/uœ creditiir fuisse lempore beali Servaiii , et novuin fundainemum locutuin est super illu.i « DE LA BELGIQUE. 55 raies et celles de Hui ('). L'abbé d'Over lange de Witry a traité de celles du Sauchoir, près de Tournay, dans le premier volume des anciens Mémoires de l'Académie. (') GiLBiîKT FucHS OU A LiMBOKCH OU LiMBTJRGius OU Philaretus. — De acidis Jbntibiis sylvœ Ardennœ, prcesertim eo , qui in Spa visitur libellas. Antv. , Jean. Bellerus, iSSg, in-4°, fig. Item en français : Des fontaines acides de la Jbrest d'Ardenne, et principalement de celle qui se trouve à Spa, Anvers , Jeau Bellere , iSSg, ia-^", fig. Juste Lipse a fait allusion à cet ouvrage dans l'épitaphe qu'il a consacrée à la mémoire de l'auteur. JoACHiM De Jong ou Junius. — Aquarum Spadanarum Gryphi , siue œnigmata , eorundemque explicatio , proficiscentibus ad aquas Spadanas non minus utilis quam jucunda. Lov. , Jo. Christ. Flavius, i6i4i in-12. Henri Van Heers ou ab Heers otj ab Heer. — Spadacrene , hoc estjons Spadanus : ejus singularia, hibendi modus , medicamina bibentibus necessaria. Leod. Arnold, de Corswareraia, 16145 in-12. Item sous ce titre : Spadacrene , de Spadano , vicinisquejontibus acidis et eorum ad sanitatem servandam , recuperandamve bibendi modo. Ibid. ; Idem, 1622 , in-12. It. Lipsiise, Andr. Kuehnen, i645, in-12. It. sous ce tïlre : Spadacrene , hoc estfons Spadanus , accuratissime descriptus : acidas bibendi modus , medicamina oxypotis necessaria et observationum medicarum oppido rararum liber unions. Lugd.-Batav. Fr. Moiardus et Adr. Wyngaerden, i645, in- 16. It. sous le même titre : Secunda batava editio , correctior et auclior, Ibid. Adr. Wyngaerden , 1647, in-i6. — Item sous ce titre : Spadacrene, hoc est fons Spada- nus , accuratissime descriptus , acidas acidulasque bibendi modus : et medicamina oxypotis necessaria. Ut et ohservationes medicœ oppido rarœ in Spa et Leodii ani- madversœ ; cum medicamentis aliquot selectis , et , ut volunt, secretis. Editio novis- sima auctior. Lugd.-Batav. Petr. Vander Aa, i685, in-i6, 2 vol. It. Ibid., 1689, in-i6,2 vol. (Paquot doute que ce soit une nouv. éd. Mém. III, 353). L'auteur traduisit lui-même cet ouvrage en français et en donna deux ou trois éditions qui parurent de son vivant. Enfin Chrouet en fit paraître une nouvelle, revue, corri- gée et augm. à La Haye, 1789, in-12, sous le titre de Spadacrene, ou Dissertation physique sur les eaux de Spa. Jean-Bapt. Van Helraont, ayant publié ses Paradoxa de aquis Spadanis et son 56 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Un état du nombre des baigneurs par années , ou par saisons , Supplementum de Spadanis Jontibus , Van Heers lui répondit par un opuscule in- titulé : Deplementuin supplementi de Spadanis Jontibus sive vindiciœ pro sua Spa- dacrene, Leod. , Arn. de Corswaremia , 1624 j in-i2. Edmond Nessel. — Traité analytique des eaux de Spa et de leurs vertus et usages. Spa, Salpetens , 1699, in-12 , fig. Jean-François Bresmael. — La circulation des eaux , ou l'hidrographie des minéra- les d' Aix et de Spa. Liège , Bronckart , 1699, in-12. It., Ibid., 1718, in-12. Le même. — Descriptio seu analysis fontis S. jEgidii , niineralis , Jerruginei , prope Tungros. In qua hicjbns cuni illo quem descripsit Plinius , in toluin coni>enire ostenditur , etc. Leodii , J.-L. de Milst, 1700, in-i6. It. en français : Description ou analyse des eaux minérales ferrugineuses de la fontaine de St.-Gilles , proche de la ville de Tongres, Ibid, Id. , 1701, in-12. Le même. Parallèle des eaux minérales acluelle- ment chaudes et actuellement froides , du diocèse et pays de Liège , etc. Liège , F. -A. Barchon , 1721 , in-8». Le même. Défense des eaux minérales de la fontaine du Gadot, Liège, i']i^, in-12. Phil. Gerinx. — Description de la fontaine ferrugineuse de St. - Gilles , dite ScraefFborn , près de Tongres.... Seconde èdit., revue et corr. Liège, J.-L. de Milst, 1700, in- 18. Le même. Description des fontaines acides de Spa. Liège, i583, in-80. It. en latin : Fontium acidorum pagi Spa et ferrali Tungrensis descriptio e gallica latine facta a Th. Ryesio. Leodii, 1392, in-8°. It. Description des fontaines acides de Spa, augm. par Th. Ryetis (ou plutôt de Rye). Liège, 1592, in-B". G. De Paire. — Observations sur les eaux minérales de Ste. -Catherine , à Hui. Liège, F. -A. Barchon, 1720, in-12. T^oy. en outre Bibl. hist. de la France , t. I^'', n°» Zi^i — 3253. J.-Ph. De Limbourg a donné, à la suite de son Traité des eaux minérales de Spa, Liège , Desoer, 1756 , in-8° , une notice des ouvrages qui ont été publiés sur les eaux de Spa , et qu'il a consultés. Il cite aussi les traités qu'il n'a pas eu l'occasion de voir. M. Séb. Bottin a donné : Notice sur rétablissement des eaux et boues thermales et minérales de St.-Aniand, Lille, i8o5, in-8°; sujet qu'il a repris en 1817 dans le tom. \" des Mém. de la société roy. des antiq. de France. Le Mercure de la Roer, no XIV, 3i juill. i8i3, pp. 4^1 — 4^6, a accueilli un article de M. Van Alpen , intitule : Tacite. De l'origine des bains d' Aix-la-Chapelle et des houilles d'Esch- weiler et de Pfeissweiler, DE LA BELGIQUE. 57 est du ressort de la statistique économique; celui des maisons de jeu affectées aux eaux, de la statistique à la fois économique et morale. Nos devanciers n'avaient pas entrevu cela, et les Amusemens de Spa du baron de Poellnitz, ne nous apprennent rien sur cette matière, se bornant en quelque sorte à amplifier ces vers de Claudien, sur la fontaine d'Apone : Amissum lymphis reparant impune vigorem Pacaturque , cegro luxuriante , dolor. Dans un sujet tel que celui-ci, on conçoit que les transitions sont la chose dont il est le moins permis de s'occuper. Les re- marques succèdent aux remarques, les faits aux faits, sans qu'on puisse songer aux précautions littéraires. Cependant, la liaison des idées, quoique rarement indiquée, n'en existe pas moins, et ce n'est pas tant l'absence de l'ordre qui se fait sentir que celle de la rhétorique. Pour achever la statistique physique, il ne manque plus que Météorologie. les observations de météorologie ('). Il est certain que le climat de ce pays a été autrefois plus cuma: du rude. Le dessèchement des marais, le déboisement des forêts, la For,-is. fixité des rivières dans leurs lits, l'exécution de grands travaux hydrauliques et agricoles, ont du assainir l'air et l'adoucir. En (') L'Académie proposa cette question pour le concours de 1778: « De'crire Ja » température la plus ordinaire des saisons aux Pays-Bas, etc. » Journal des Scanca , au l" vol. des Anciens Me'm. , p. cviu. Tom. VII. 8 58 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE compulsant les témoignages de l'antiquité, M. Moreau Jonnès ('), estime que les forêts de la Belgique avaient, il y a dix-huit siè- cles, une telle influence sur le climat de cette contrée, que la température moyenne du mois le plus froid était plus basse qu'aujourd'hui de 5 à 6 degrés. Or, cette cause peut se combiner avec d'autres. (') J^ojez p. 6[ de son beau Mémoire sur le déboisement des forêts , couronne' par l'Acade'mie en iSaS. M. Bosson, pharmacien à Mantes-sur-Seine, et qui a traité la même question, a obtenu Vaccessit, M. Giuseppe Gautieri , inspecteur-général des forêts de la Lombardie, a prétendu que M. Moreau s'est emparé, sans en dire la source, de plusieurs idées exposées dans : Deir influsso de boschi sullo stato Jisico de' paesi et sulla prosperita délie nazioni. Milano , G. Pirotta , i8i4, in-8° de Sa pp., et 2''= édit. , rev. et aug. Ibid. , 1817, in-8° de 87 pp. M. Imbert a con- sacré aux anciennes forêts de la Belgique, les pp. 28 — 3o de la dissertation déjà citée. Il reconnaît du X" au XII<^ siècle, la forêt des Ardennes et la forêt Charbon- nière , sur laquelle Biaise de Vigenère a fait une note étendue en sa traduction de César, Paris, i6o3, in-4° , pag. 407 — ^'^^- Entre ces deux zones , il mentionne PVasdcE Forestum et Fannia , la Faigne; Guicciardini , au milieu du XVI^ siècle, compte les Ardennes , la forêt de Mormale , aux environ du Quesnoy , celle de S'-Anaand ou de Resmes , à la propriété de laquelle était attaché le titre de grand- veneur du Hainaut , la Faigne, près d'Avesnes , la forêt de Soigne , le bois de Meer- dael, et celui de Zaventhemloo , aux environ de Louvain; celui de Grootenhout, près de Turnhout; la forêt de Marlagne , voisine de Namur; celles de Niep en Flandre, de Nonne , près d'Ypres, de Poodsberg sur les confins de la Flandre et du Hainaut; du Bois-Guillaume en Artois; d'Echterweld en Gueldre et les Sei^en fVolden en Frise. Il n'oublie ni les sources qui y prennent naissance , ni les animaux qui les fréquentent. Sur la forêt de Soigne, voir spécialement la 1^" partie, pp. 1 16 — 1 19, de Y Abrégé de f histoire de Brux. , par l'abbé Mann, et Suppl. aux Troph. de Brab., I, 5 — 15, avec carte et figg. L'auteur du Pèlerinage de Childe-Harold a adopté la tradition qui fait du bois de Soigne un reste de cette forêt des Ar- dennes , célèbre dans le Rolando du Boïardo et dans le poème de l'Arioste , et im- mortalisée par la pièce de Shakespeare , intitulée : As you like it. Childe-Harolu , canto III , st. 27 : And Ardennes waves above them lier green leaves , etc. DE LA BELGIQUE. 5g Les ouragans, les tempêtes, les hivers désastreux sont souvent Mamère à mentionnés dans les vieilles chroniques, surtout dans celles écri- s'e. tes par des moines voués aux travaux de l'agriculture, ou riches propriétaires que menaçaient sans cesse ces catastrophes na- turelles. Mais leurs observations ne sont point enchaînées, ne conduisent à aucun résultat, et ne sont faites, la plupart, que pour avoir l'occasion de citer des prodiges , d'annoncer des ven- geances célestes et d'accuser des individus ou des races , les juifs, par exemple, rendus responsables de tous les désastres ('). La météorologie se confondait avec l'astrologie, comme, par exemple, dans le livre de Jan Franco, qui prend la qualification de Medecyn ende doctoor der princelyke stadt van Bruessel, woonende op de Spieghel-Brugghe , achter stadt huys. Ce bou- quin est intitulé : Ephemeris meteorologica. Groote prognosti- catie ende dagelyksche beschryvingJie van de toonderlycke revolutien der gantscher werelt : ende ineest der goede incli- natien onser Nederlanden , van dit jaer ons heeren 1594. Antv., Arn. S'Coninx, 1594, in-4o, petit car. goth. En 1649, il tomba à Bruxelles une pluie colorée de rouge, une de ces pluies de sang, comme dit le peuple : accident que l'abbé Mann passe sous silence. Quoi qu'il en soit, les savans s'en émurent, et il parut même un recueil des jugemens de ceux qui l'attribuaient à une cause naturelle ('). (i) Ployez notre Mémoire sur les juifs des Pays-Bas. Archiv. , V , i — 27 , 297 — 333, et VI, i3o— 135, i64— 165. (^) De causis naluralihus pluviœ purpureœ Bruxellensis clarorurn virorum judicia, i655 , in-12 P'oy. l'app. C, et le Catalogue de M- E.-F.-F. Chladni. Un auteur 6o SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE Dans nos Mémoires sur les deux premiers siècles de l'univer- sité de Louvain, nous parlons des aérolithes et des croyances scientifiques sur ce phénomène. Frédiciion d-Anto,- ^ais cu voici bien une autre. Une enthousiaste mystique, An- netteBourigno,:. |Q-jjg|.^g Bouriguon , prédit à Gand, le 15 janvier 1666, que Bruxelles périrait par le feu; ce qu'elle avait appris, disait-elle, étant chez l'ange Mazuriel. Lorsque cette ville fut bombardée, en 1695, par les Français, on alla déterrer cette prédiction dans les œuvres de la prétendue prophétesse, et le baron Jacques Le Roy, dont nous avons parlé plus haut, la réimprima avec un fragment de Tacite sur un prodige pareil, et quelques notes ("). L'ouvrage de Cornélius Gemma , habile mathématicien et mé- decin instruit : De naturœ divinis characterismis (Antv. 1575), rattache à des notions astronomiques positives, un merveilleux puéril (^). français contemporain de Pascal, exposant VOrdre et le sujet de la science univer- selle , reconnaît des corps principaux et des corps de'rivés ; parmi ceux-ci des corps élevés simplement humides ou liquides et des corps élevés humides et terrestres , desquels dit-il, « se forment la rosée , la manne , les pluies de sang et de lait, avec les pierres, les légumes et les grenouilles qu'on croit tomber d'en haut.» La Biblioth. française , par M. C. Sorel , premier historiog. de France. Paris , 1667 , in-ia, p. 434- (i) Prœdictio Anthoniœ Bourignon de vastatione urbis Bruxellarum perignem, ex collectaneis Jacobi baronis Le Roy et S.-F.-J. loparchœ S. Lamberti. Amst. et Brux. , 1696, in-i2 de i3 pp. Cf. Archii'. I, 107 — 110, Bayle , Roy [Le), n. B. (=) M. Tabaraud a inséré dans la Biogr. univ. xxiu, io5 — 106, un article sur ce personnage , dont l'existence est plus qu'équivoque. On y lit que le plus ancien exemplaire que l'on connaisse du fameux almanach, est de i63(î, mais on n'est pas assuré que ce soit le premier. Si ma mémoire ne me trompe , la collection de l'Es- prit des Journaux contient une notice sur l' Almanach de Liège. M. de Villenfagne soupçonne avec raison , que la célébrité de Philippe et de Jacques Laensbergh , a été DE LA BELGIQUE. 6i De semblables rêveries sont plus dignes du fabuleux Mathieu Laensbergh ('), que d'un véritable savant. Cependant , il appartenait aux Belges de faire des observations imenuon <<« thc. météorologiques moins frivoles, car on peut considérer comme Belge celui qui fabriqua le premier thermomètre. Corneille Drebbel, d'Alkmaer, eut ce mérite ("). Il est vrai, dit M. Fou- rier, que son instrument était loin d'avoir la simplicité qu'on lui a donnée depuis ; il n'y employait que de l'eau : ce fluide s'éle- vait perpendiculairement dans le tube qui le contenait, par l'effet de la dilatation de l'air confiné dans un vase avec lequel ce tube communiquait. Ce ne fut pas aux Pays-Bas, mais en Allemagne, qu'on se servit pour la première fois, en 1621, du thermomè- tre ('). Nous terminerons cette première partie par un recueil d'obser- vations dans le genre de celles que feu notre confrère, M. Kickx, réunissait à la fin de ses tables thermométriques et barométri- canse qu'on a donné ce nom à l'auteur supposé de ce livret. Mélanges (i8ro] , p. 43 1. C'est aussi l'opinion de Montucla , Hist des Malh. , II , 334- (') Notice sur Gemma Frisius, par M. Quetelet, Corresp Math., I, 345, et lettre à ce sujet , Archw. phil. , 1 , 3o2 — 3o8. (") Heylen , De ùu'entis Belgarum , Me'm. de r Acad. , i'" série, t. V, Hist. 1 18. (^) M. B. Renard , de Tournay , a écrit une Notice historique sur le baromètre {Corresp. Malh. , I , g3 , année iSaS), par laquelle il préludait à sa réponse à une question proposée par l'université de Liège (Ib., I, 24g)- M. B. Renard soupçonne que la découverte de la pesanteur de l'air pourrait être revendiquée, avec quelque fondement, par Simon Stevin, de Bruges , mathémati- cien de Maurice de Nassau , prince d'Orange. M. J.-C. Vorduin , d'Utrecht , cou- ronné par l'université de Liège , en 1821 — 22, pour son éloge de Stevin , n'a point abordé cette question. 62 SUR LA STATISTIQUE ANCIENNE DE LA BELGIQUE. ques sous la dénomination ^Extraits des journaux. Nos vieux chronographes rempliront pour nous l'office des journalistes, et nous aurons soin de laisser à leur récit le caractère de crédulité qui en accuse la date. OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES, D'HISTOIRE NATURELLE, D'HYGIÈNE, ETC., RECUELLIES PAR D'ANCIENS AUTEURS, BELGES. N. B. M. Si pL, aséré dans la Correspondance matlicmatiqiie (l) un catalogue des principa Tiétéorologiques observés à Liège do 1606 à 1794. f^ojrez l'appendice C. DATE du LE PHÉNOmÈllE. OBSERVATIONS. PHÉNOMÈTiE., 870 Une peste, née de la corruption d'une quantité prodigieuse de sauterelles , submergées dans nos pa- rages, désole le pays des Morins. On appelait peste toute espèce de contagion ou de méphitisme. 927 Au mois de mars des armées de feu apparaissent dans le ciel. Ce prodige est suivi d'une peste dont les symptômes étaient la fièvre et une toux fréquente. Grande mortalité par toute la France et l'Allemagne. 1001 Celte année avait été annoncée comme devant être " Diri arsere cometœ. ViRG. Sur la fin du monde , 'voyez une note de Robertson ;\ son celle de la iin du monde. Comète*. Le 14 décembre, une grêle de feu descend du ciel en terre , et en s'évanouissant laisse voir une espèce de dragon dont Intr. à l'Hist. de Charles-Quint , no XIII, sect. I. les pattes étaient bleues , et dont la tête grossis- sait de moment en moment. 1006 1008 Famine et mortalité. La peste ravage la Flandre. A Gand , selon de vieilles Pour remédier 4 ces fléaux on recourait aux prières et aux jeû- nes dont les animaux n'étaient chroniques, il mourait jusqu'à 600 personnes par pas toujours exempts. jour. 1042 Tempêtes , ouragans. Famine qui dure sept ans. 1056 Peste à Mons et à Valenciennes. 1062 Famine en Flandre. 1065 Grand tremblement de terre sensible surtout à Con- stantinople. 1066 Apparition d'une comète pendant toute la semaine de pàques. 1088 Le 30 août un dragon vomissant des flammes tra- verse les airs. Le feu St.- Antoine commence ses ra- (l) T. III, pp. l56-l58, et pp. an — 2l3. On a évité de ré- vages. péter M. Sauveur. 64 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. DATE PBENOMKHE. LE PHÊilOMÈIlE. OBSERVATIONS. 1092 1093 1094 1095 1106 1117 1125 1134—35 1146 1196 1314 1334 1240 4 SOS Vers 1311 Cette maladie règne à Tournay avec violence. Pluies abondantes depuis le 13 octobre jusqu'au mois d'avril. Peste. Dragon de feu. Mortalitë. Famine. Tremblement de terre le 8 septembre. Une comète apparaît pendant tout le mois de février. Le jour de l'octave de St.-Jean l'évangèliste deux secousses de tremblement de terre se font sentir entre ie matin et la nuit. Hiver rigoureux. Famine. Coups de vent terribles. Famine. Le setier de froment se vendait à Tournay 56 sols. Grêle de pierres à Mons , le 30 juin. Le poids de ces pierres excédait une livre. Ouragans. Famine qui dure plusieurs anne'es. Peste. Inondations. Apparition de quatre parélies. Gelée disette et peste. Grand froid. Famine et peste. — Vers ce temps peut être placée la grande sécheresse qui désola le pays de Liè- ge et dont fait mention Gilles d'Orval. Chapeav. 11,267. Le 8 février on entendit chanter deux rossignols dans l'église d'Harlebeck , malgré la force Je la gelée *. Comète. Famine à Gand. Comète suivie de la fameuse ba- taille de Courtrai. Pluie de dix mois à Louvain. Les Liégeois sont affligés d'une multitude de mou- ches. Comète , France. ivie de la mort de l'Empereur et du roi de Cest alors que le comte de Flandre, Cliarle-le-Bon , fut assas- siné pour s'être opposé au trafic du prévôt de S'-Donat et de son frère qui accaparaient les blés. Meyer rapporte , à ce sujet , quelques vers léonins , &o B ; transcrits par P. d'Outreman , Constantin. Jîeig. 5gt. ■ C'était peut-être un mira- cle de la nature de celui qui avait église des récollets de Bruxelles , une chapelle i O. L. V. in de Voghelen - Sangh. Chob. SACE. BR.m.Sg. On construisit alors sur le pu- blemont y la chapelle de St-Ni- colas ad rnuscas. OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 65 LE PHÈNOMÈJVE. OBSERVATIONS. 1347 1355 1363 1367 1368 Pluies durant dix mois. Famine et peste. La rasière de ble' valait à Tournay 60 sols, celle de pois 70 et celle d'avoine 30 sols. Le vin ayant manqua en France , on buvait à Tournay du vin de St. -Jean à 18 deniers le lot, et l'on payait 3 mailles de maltôte pour cha- que lot. Cousin, IV, 109. A Mons la mesure de blé coûtait 12 fl. Boussu, 91. Le boisseau de seigle se payait à Louvain 9 florins d'or. A Anvers le tiers d'un boisseau 60 gros tournois. Divœus, A. 13; Harceus , 1, 305. Grande mortalité à Tournay. Elle y enlève environ 12,000 personnes. Ce fléau désole aussi le Brabant. Dinterus porte la quantité des morts nu tiers de la po- pulation, et Gramaye , à Louvain, aux deux tiers. Pluies pendant six mois à Louvain. Épizootie parmi les vaches et les bœufs, telle- ment contagieuse que sur dix un seul de ces animaux échappait à peine. Le peuple n'osait plus se nourrir de leur chair. Dinterus , VIS. , II, 1110. Gramaye, in Lov. 3 , ex Divœo et Molano, Eclipses partielles de lune le 15 février. Hocsem, ib. II, 434. Hiver très-âpre. La Meuse est prise à Liège. On prédit une éclipse de soleil pour l'année suivante , le 7 juillet. Elle eut lieu en elTet. Peste presque universelle. Grandes pluies. Cherté du blé à Anvers. Vent furieux. Peste. Il meurt 11,000 personnes à Utrecht. Le mal augmente en Flandre au mois de novembre. Crue d'eaux considérable au milieu de juin. Dinterus parle au; mète sous l'an i3i5 , fertellum stUginis ; 6o gros vie et dit que le ax iournois. MS. Il, io6. On fonde à Mons , casioD, la procession d ni té. Tom. Fil. 66 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. PHENOMENE. LE PHÉ]¥OMÈll£. OBSERyATIOm. 1383 1385 1399 1400 i4oa 1403 1407 1409 1438 1439 Tremblement de terre. Le 27 septembre , par un mercredi , une comète rouge , noire , verte et livide brille dans le ciel. Hiver neigeux. Tremblement de terre tellement violent qu'à An- vers les plats ne pouvaient se fixer sur les tables. Grandes gelées. Peste. Peste à Tournay. Au mois de février jusqu'au milieu d'avril une co- mète paraît à l'occident. Dans la mer de Hollande , par un gros temps , on pécha unejemme marine , qui fut portée à Édam, puis à Harlem. On l'habilla, on lui apprit à manger du pain et du lait, à coudre et à révérer la croix, quoi- qu'elle fût muette. Elle vécut plusieurs années sans rompre ce silence. Le 12 novembre le flux, grossi par la tempête, amène dans le port d'Ostende 8 grands cétacées ou baleines. Une autre , plus grande , est prise à Dunkerke, le jour de St.-Paracève. Pluies pendant les mois d'août, septembre, octobre et décembre. Inondations. Pluies. Inondations. Famine et peste. La rasière de froment coulait en Flandre 20 iWiVcri. La peste se répandit de Courtrai dans le reste du pays. A Tournay , on ne trouvait plus de prêtres pour célébrer les offices ni à qui on pût con- férer les bénéfices vacans. Au mois de février on prend à Ostende un porc ma- f'în, qui est porté vivant à Tournay et vendu aux poissonniers et aux bouchers. Famine à Tournay. Défense de brasser cervoise et de nourrir des chiens. Cherté à Louvain. Famine et peste en Flandre et dans le Hainaut. Le 17 juillet commence une pluie qui dure six jouis OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 67 DA.TE du LE FHÉnrOMÈNE. OBSERVATIONS. PHÉHOMÈSIi, consécutifs et produit une inondation considérable dans les environs de Bruges. Prix élevé du blé. Peste. 1441 Un impôt ajant été mis, à l'Écluse, sur les moules qui servaient de nourriture habituelle aux pauvres, on n'en trouva plus dans ce port. L'impôt supprimé , les moules revinrent ; miracle visible , au dire du peuple. 1449 Le 23 avril tremblement de terre en Flandre. 145a Peste à Gand et à Tournay. 1454 Pluies pendant neuf mois à Louvain. 1456 Au mois de juin comète à l'occident. 1458 1464 1473 Sécheresse extrême. Point de pluie depuis le mois d'avril jusqu'au milieu d'octobre. Hiver très-rigoureux. Gelées les plus fortes qu'on eût vues depuis 1407. Été brûlant. En cette année l45S la peste fut si violente à Louvain que les quatre collèges de la faculté des arts furent obligés de se trans- porter ailleurs avec les étudians. Le ChSteau alla à Malines, le T,is et le Faucon à Diest , le Porc à Tirlemont. Gramaje, in Lov. 3 1477 Cherté du blé. 1489 Peste à Bruxelles et à Louvain. 1523 Peste à Tournay. Prix élevé du blé, en Brabant. 1530 Peste à Mons. 1534 Peste a Tournay. 1557 Rareté des céréales. 1605 L'Escaut gelé. On tient cabaret sur la glace. 1617 Pesle dans le Tournésis. 1652—53 Peste à Mons. La météorologie suit évidemment ici la marche de l'esprit humain. Les dragons de feu et autreii prodiges deviennent moins frcquens à mesure qu'on se rapproche de notre temps. Quant au famines et aux contagions, nous en reparlerons dans les statistiques anthropologique et politique. APPENDICE. [A] Notice sur Jacques de Guyse. On est généralement persuadé que J. de Guyse naquit à Mons. Cependant un ancien manuscrit de ses chroniques, vu par le marquis du Chasteler à Vienne, le fait naître à Chièvres. Quoi qu'il en soit, Ph. Brasseur était autorisé à le placer dans ses Sydera illustr. Hannoniœ script. , ce qu'il a fait en vers pas- sables, pp. 70, 71 : J.VCOBCS DE GcISE MINORITA , S. T. DOCIOK ET MATHEMATICCS ^EC KOK CELEBRIS HaNNONI.E CHKO^OGRiPH^)S. Haynia dum palriam jugi torrente rigabit, Trullaque Montensis curret in urbe celer ; Post cineres, Jacobe minor, sed maxime scrintis, Hannonio magnum nomen in orbe gères , Jnnalesque tui , sacrarum pondère rerum , ^terni , aeternum te sine morte canent. Et il ajoute en marge : J^idi MS. tomis 3 pergameneis apud FF. Minores. . Viennent ensuite d'autres vers : Non tibi pro tumulo marmor stnluamque Uicaiiius , lUud ut esse tui possit et ilia memor ; Non longos titulos subjectos casibus ipsis Et quibus erasis ipse superstes eris ; Sed totam Hannoniam memorem tibi ponimus , et sic llla tuum nomen tempus in orane canet. D'autres vers en l'honneur du même , se lisent encore aux pp. 83, 84 et 96. APPENDICE. 69 J. de Guyse se livra , pour la composition de ses Annales , à un travail im- mense, et voyagea pendant plusieurs anne'es , visitant les dépôts, les biblio- thèques des villes et des e'glises. Il rassembla de tous côte's des livres et des mémoires, à grande peine, à grands frais, et non sans danger, souvent mal accueilli des grands et rebuté dans les monastères quand il voulait compulser leurs archives. Cet écrivain nous a conservé de nombreux fragmens d'auteui-s aujourd'hui ignorés ou perdus, et nous donne une idée assez nette de la situa- tion littéraire de notre pays au XIV'= siècle. Ayant plus d'ardeur au travail que de critique , il s'en va recueillant toutes les traditions éparses dans les ou- vrages mensongers , qu'il était alors si aisé de fabriquer. Mais ces fables ne sont-elles pas des vérités affaiblies ou déguisées? Ne contiennent -elles pas le mot d'une foule de difficultés historiques? M. de Fortia le croit fermement, et son point de vue peut le mettre sur la voie de quelques découvertes intéres- santes. Cependant on ne saurait user de ti-op de réserve dans l'examen de tant de faits appuyés sur des erreurs évidentes , sur des titres manifestement con- trouvés. M. de Fortia semble être dans l'idée que nos savans , en démêlant nos origines, ne connaissaient pas J. de Guyse et qu'ils seraient arrivés à de tous autres résultats , s'ils l'avaient eu entre les mains. Rien n'est moins vrai. Les Butkens , les Le Mire , les d'Outreman , les Chifflet , les Delewarde , etc. , avaient étudié les Annales de J. de Guyse ; ils le citent et le jugent en con- naissance de cause. M. de Nélis, venu après eux, a fait de notre chroniqueur une censure à laquelle il serait difficile de ne pas souscrire. Au reste , on en avait une traduction ; c'est un abrégé de la version complète qui se trouve à Bruxelles , abrégé attribué par le P. Wadding , à un Jean Les- sabé , que Paquot soupçonne être mis pour Jacques Lessabé('). Dans le MS. de Bruxelles, dont j'ai fait copier, pour les Fastes Belgiques , lapremièi-e miniature qui révèle le pinceau de Memling et qui représente le traducteur, offrant son ouvrage à Philippe-le-Bon au milieu de sa cour , on lit que cette traduction a été commencée à la demande de Simon Nockart, clerc du bailliage de Hainaut (i) En effet, Brasseur, o. c. , p. 7 , dit en parlant de Jacques Lessabd Guisius Annales scripsit, compendia dictus Lessahacus lialiet sxpe citanda milii. Ce qui pourrait bien néanmoins s'entendre des Hann. urh. 70 APPENDICE. et conseiller de Philippe-le-Bon , de même que dans le volume imprimé par Galliot Du Pre' , en i53i — Sa. Or, Jacques Lessabé mourut le i" juillet i55^, et le manuscrit cité porte que le premier volume a été terminé en i44^ ^t '^ second le 8 décembre i449 5 dates qui rendent la supposition impossible, puis- que cent onze ans séparent la mort de Lessabé de l'époque où le premier volume de sa traduction fut terminé ('). Lessabé ne peut donc avoir été tout au plus que l'abréviateur et non le translateur primitif, ce qui s'accorde avec Wadding. M. A. Le Glay , dans son catalogue des MSS. de Cambrai , n° 621 , décrit un MS. de l'abrégé imprimé. Il le croit du XIV^ siècle. S'il est en tout con- forme à l'édition de Galliot et que la conjecture relativement à J. Lessabé soit juste , il appartient au XVP siècle. Mais il est difficile de penser qu'un bomme aussi exercé que M. Le Glay ait pu se tromper de deux siècles , tandis que du X.ÏV' au XV'^ , les différences sont peu sensibles , surtout au moment de la transition d'un âge à l'autre; toujours est-il certain que ce MS. ne saurait être du XI V'' siècle. M. de S'-Genoisj Monumens anciens , t. I, p. cxxxvi , rapporte un acte passé le 18 février i435 , par Arnoul de Hamal , sire d'Odeur , de Trazignies et de Silly , par-devant les pairs et hommes de fief de Hainaut , entre lesquels se trouve ce Simon Nockart ou Nockars (et non Norkart) , qui fit traduire les annales que M. de Fortia ressuscite si heureusement aujourd'hui. Je trouve dans les procès verbaux de l'Académie, au 7 février 1782 , l'indi- cation d'un Mémoire de l'abbé Ghesquière , intitulé : Notice sur Gilbert et de Guise , et le secrétaire-perpétuel Des Roches a ajouté en note : iVe sera point examiné. J'ignore ce qu'est devenu ce MS. Consulter JNic. Gny su Mans H annoniœ metrop. m j9roZ. , et plus haut , p. 18 note I , Sweertius , 363 , Sanderi , Bibl. B., MS. , 1 , 222 , 26 1 et II , 4 î Aub. Miraeus, De Script, eccl. , 261 [bis] ; P. d'Outreman , Constantinopolis Belgica , 5^4 j etc.; C. Butkens , Troph. de Br., I , Preuves, 5,6; Valère André , 4^ r » Wadding, Script, ord. min. i83 ; Bibl. histor. de la Fr. , nouv. éd., n°' 39288 , 89366 , 39427 ; Boussu , Hist. de Mons , 118, 119; Prosper Marchand , Dict. , (') A plus forte raison, si ce renseignement donne par Paquot est exact, chose dont il est permis de douter : it M. Bonaventure Du Mont de Gâche (de Gage), premier conseiller du conseil souverain de Hainaut, possédait en <718 les mêmes chroniques , traduites en français à la demande de Philippe-le-Bon , l'an 1404, à la prière de Simon Norkart ( Nackart) clerc , 2 volumes infol. Philippe, en (404, avait a peine 8 ans. APPENDICE. - 7 1 I, 3oi;Paquot, I, 196, 388, 389;Nelis, Prodromus rerum Belg., Anlv., in-4°, 5o — 55 ; Archw., 1 , 298 ; III , 122 , i25 — 138 , etc. ; A. Le Glay , Catal. des MSS. de Cambrai, n° 621 , etc. [B] Si l' extraction de la houille est plus ancienne dans le Hai- naut que dans le pays de Liège. Les documens qui nous sont parvenus par la voie de la presse, ne sufBsent pas pour résoudre cette question , quoiqu'ils paraissent la trancher en faveur du pays de Lie'ge , puisque , du moins à ma connaissance , ils gardent le plus profond silence sur le Hainaut. Les historiens liégeois du XP siècle , pouvaient cependant le bien connaître , attendu que vers ce temps , ce comté fut inféodé à l'église de Liège , par la comtesse Richilde , ainsi qu'on en trouve la relation à la tête d'un ancien exemplaire du recueil des décrets compilé par Burchard , manuscrit qui a appartenu autrefois au baron de Crassier, et ensuite au R. M. David , chanoine de l'église de S'-Jean, à Liège ('). (1) On me saura peut-être gré de donner ici cette pièce importante contenue au folio 68 verso, du manuscrit cité, et qui circonstancié un fait que M, Dewez touche en son Histoire de Liège, règne deThéoduin, I, 51. « Anno Dominicse incarnationis MLXXVI {la véritable date est i07i ), in die viiiio mensis Document inédit. H. (^Henricus") quartns , Komancrum rex , Leodium veniens , divina instinctus clementia , dédit sanclx Mariœ (et) sancto Lamberlo comitatum de Hainon et marcbiam Valentiam cum omnibus beneficiis , cura castris, cum abbatibus , cum prœpositis , cum omnibus potentatibus (iic) et militibus suis, jure perpétue, dédit et donavit. Dalum ad altare , per manum advocati sui, legaliter tradidit, présente comitissa Richilde.. .. et annuente cum lilio Balduino, et ibidem in prœsentia Régis et omnium prin- cipum dux Godefridus miles efifectus est dni episcopi Dietwini , accepto ab eo hoc beneficio. Ipsa vero comitissa ducis effecta hoc eidem [idem) accepit a Duce benelîcium , ea sciïicet ratione ut si dux non fuerit vel iilius bereditarius , ab episcopo requireret beneScium ipsa vel filius vel filia , sic tamen fîlia si consilio episcopi voluerit uxorari et ipsc maritus liberalitatem voluerit episcopo facere, Quod 72 APPENDICE. D'ailleurs , les rapports entre les deux pays devaient être fre'quens et faci- les. Or, les e'crivains qui ont parlé de la de'couverte du eharbon-de-terre aux environs de Liège , en parlent comme d'une chose nouvelle , inouïe et qui n'a- vait par conse'quent point d'analogue dans les contre'es voisines. Cependant , ce n'est là qu'une preuve négative , et il faudrait en découvrir de plus décisives dans les vieux monumens inédits. Mais je n'ai pu parvenir , sur ce point , qu'à des indications qui n'ont pas toute la certitude désirable. Mon confrère M. Cauchy , minéralogiste distingué et qui sait éclairer la science qu'il affectionne du flambeau de toutes les autres , a fait à mes ques- tions la réponse suivante : 11 Voici relativement à l'ancienneté de quelques-unes de nos mines , ce que je trouve dans mes notes. i> Houillères de Charieroy Ç). Quand le comte de Namur, en 1297, céda à Gilles de Resves , les terres de Gilly et de Charnoy (aujourd'hui Charieroy) , il dit : Pour par le concessionnaire jouir des houillères comme moi , mon père , mon ayeul , mon bisayeul et tous mes autres ancêtres en ont joui de tems immémorial. Je ne me rappelle pas bien si j'ai extrait ce passage d'un livre ou de quelque pièce fort ancienne qui faisait partie d'un dossier de mines. » ( Et cependant c'est la connaissance précise de la source où ce fait a été puisé , qui peut seule rassurer la critique). Houillères au couchant de Mons. On lit dans une notice de M. Drapiez , sur les houillères de la province du Hainaut, insérée parmi les annales générales si hi defueririt aut ab eptscopo non requisierint , militari jura {Jtwe) omnes milites cum castris et beneficiis in manum episcopi voniunt et in ejus ilominatu ultra manent. Quod se («) ipsi milites non velint cum episcopo remanere posteaquam renuntiaverint , per XL dies ad ejus iidelitatem ser- vabunt ipsa castra, et reddita per XV dies, si necesse fuerit, adjuvabant detinere Quod si forte renuerint aliquo modo castra esse tradenda cum omai caulela , hoc episcopo curabunt nuntiare , et si fuerint tradida ( tradita) summo studio et episcopi adjutorio requirant. Quod si qui hanc non volue- rint observare Iidelitatem et sacraraenti Jidein , si qui in turribus morantur et munitionibus prxsunt , servent eas ad prœsentiam episcopi donec libère potialur. Sic factum est sacramentum et sic susce- perunt observandum, anno ordinationis Régis XXV ( XVII Mgid. apud Chapeav, II, 12), rcgni autem XV. n (') Il est bon de se rappeler que Charieroy, qui appartient aujourd'hui au Hainaut , faisait jadis par- lie du comté de Namur. Cette ville fut bâtie en (666 , par le» Espagnols qui la nommèrent ainsi du nom de leur roi Charles II. APPENDICE. 75 des sciences physiques , t. VIII , p. 34i » les lignes qui suivent : n L'exploitation de la houille dans le Hainaut remonte à des époques très-recule'es , puisque des chartes qui datent de plus de 800 ans , en font mention. Sans doute à ces époques l'extraction était peu considérable ; mais encore elle présentait assez d'importance pour que les souverains l'eussent comprise dans leurs grandes transactions. » Ici s'arrête M. Caachy. Quand à M. Drapiez , il semble avoir été bien sûr de son fait, puisqu'il répète le passage qu'on vient de voir, à la page Sa de son Coup d'œil minéralogique sur le Hainaut , en remarquant que les houillères au levant deMons, ne sont pas fort anciennes. Mais quelque confiance que nous inspire M. Drapiez, dont nous honorons les connaissances, nous désirerions sa- voir quelles sont ces chartes sur lesquelles il s'appuie ; elles peuvent exister , nous sommes loin de le nier , mais il faudrait les désigner d'une manière nette et précise. Une observation singulière , c'est que dans le dénombrement des pairies de Hainaut de i^y^ , imprimé par de S'. -Génois , au i*'' vol. de ses Monumens anciens , ainsi que dans Vlnt^entaire de J. Godefroy, qu'il a égale- ment publié et où tant de propriétés passent en revue , il n'est fait aucune mention des houillères ou fosses , comme on les appelle dans le pays. — Les naturalistes , préoccupés de leurs recherches , n'attachent pas ordinairement à la rigueur des détails historiques vine bien grande importance. Il en est qui s'en rapportent , sur ce point , à des ouï-dire ou à leur imagination . Par exemple , M. Bory de S'- Vincent , dans sa description des carrières de S'-Pierre , près de Maestricht (u4nn. des se. physiques , 1 , 210) , s'exprime en ces termes : « En plusieurs endroits des figures informes et des noms propres écrits à différentes hauteurs , acquièrent une certaine importance par leur antiquité et par les lumières qu'on en pourrait tirer pour fixer la date de l'exploitation de la pierre et du sable d'engrais dans tel ou tel canton des carrières. Il est des endroits où l'on ne voit presque pas de noms qui ne soient espagnols ; ailleurs aucun millésime ne s'éloigne de l'an i5oo, nous en avons même trouvé de r4oo, et dans un endroit que le guide prétendait être rempli d'inscriptions grecques , tous les noms étaient écrits en vieux gothique du style des plus anciens manusci'its du moyen âge. » Ou nos yeux nous ont bien mal servi , ou nous avons parcouru d'autres lieux que M. Bory de S'- Vincent , ou il y a un peu à rabattre de sa description. Galliot qui a recueilli les chartes des différens corps de métiers de la ville de Namur, ne nous donne rien qui concerne les charbonniers. Tom . VII. I o 74 APPENDICE. Du reste , le savant Du Gange a consacré un article aux carbones ferrei , mais il se contente d'y citer Gilles d'Orval , Brusthem et le Magnum chronicon ni , à l'an 1 20 1 . [G] Observations météorologiques. CHRONIQUE ANCIENNE INÉDITE, TIRÉE DES ARCHIVES DE L'ÉGLISE ROYALE D'AIX-LA-CHAPELLE. La table d'observations méte'orologiques qui se trouve dans le texte , aurait pu être aisément augmentée. Par exemple, le commencement du cinquième volume de l'Histoire générale , ecclésiastique et civile de la ville et province de Narnur , par Galliot , Namur , 1^88 — 91 , 6 vol. in-12 , ne contient , pour ainsi dire , que des apparitions d'effroyables comètes , des pestes , des inondations et autres désastres, ainsi qu'on peut le voir aux années 1018 , 1096 , 1 108 , 1 152 , iiyS, 1224, i349» i362 , i374î i4oo , 1402, i438 , i455, i4-'>6, 1460, i463 , i48i , 1489 ; i5o5 , i5i2, i5r9, 1022, i53i, 2539, i554 , i555 , i556 , i56o , i564 ' '^70 , iSji , 1572 , 1677 , 1687 , etc. M. E.-F.-F. Chladni, dont il a paru dans les Annales Belgiques (') , un ca- (') Ce recueil périodique, rédigé principalement par MM. N. Cornelissen, L.-V. Raoul et J.-G. Gar- nier, contient plus d'un article qui revient à notre sujet , tels que : Sur l'herbier de la Flandre orien- tale , rassemblé par M. CU. Van Hoorebeke, t. I, pp. 287 — 296. Précis topographiquc de Vancienne Belgique, sous les périodes germanique, romaine, franque, féodale et municipale , par M. J. Raepsaet , avril 1822, pp. 234 — 239; octobre 1822, pp. 147— 169; nov. 1822, pp. 277—294; janvier et février 1823, pp. 38—77; avril 1823, pp. 249—263; juin 1823, pp. 382—396. Ce précis se retrouve dans l'ouvrage de l'auteur sur l'origine des droits civils et politiques des Belges, Une analyse d'un ouvrage hollandais, intitulé ; Le district de l'Ecluse considéré sous le rapport APPENDICE. 75 talogue des chutes de pierres et de fer , de poussière ou de substances molles , sèches ou humides, suivant l'ordre chronologique (févi-. 1819 , pp. 96 — io5 , et avril même anne'e , pp. 2i5 — 220) , ne mentionne que des pluies rouges , à Tournay en i638, à Bois-le-Duc en 1646 et à Bruxelles en 1649 (")■ La chronique suivante , qui est fort précieuse , contient plusieurs indications de ce genre , et si elle ne se rapporte que d'une manière éloignée à nos re- cherches , on nous pardonnera ce hors-d'œuvre en faveur du zèle que nous ne cesserons de mettre à découvrir et à préserver de l'oubli ou de la destruction les matériaux de l'histoire des siècles passés. ANNALES A CO/EFO SCRIPTORE DIGESTI. MI. Otto tertius in Partema (') obiit. Mil. Heinricus II ordinatur in regem VII jdus junii. MXXIV. Heinricus imperator obiit , Conradus successit. MXXIX. Heinricus puer , filins Conradi régis , in pascha unctus est in regum , Aquisgrani. MXLVII. Heinricus III fit imperator Romae in natale Domini. MLIV. Heinricus puer , filius Heinrici imperatoris , unctus est Aquis- grani in regem , in dedicatione ecclesiœ. MLVÎI. Obiit Heinricus III imperator. * MLXV. Cometa visa est versus Angliam quam postea vasiawit Willel- mus Bastart. MLXXX. Bellum Heinrici imp. contra Rodolfum perfidum et victus cecidit Rodolfus. de son origine et de sa situation physique , civile et morale ^ par J.-Â.-U. Dresselhuis , pasteur, à Hoofdplaat; janv. < 820 , pp. 42—54. Notice sur quelques botanistes belges , encore vivans ^ et sur leurs écrits, par M. Du Mortier- Rutteau; juillet et août 1822, pp. 77 — Si. Notice sur la grotte de Freyr et sur quelques autres grottes du pays , par M. De Cloet ; mars 1S23, pp. 184—191. (•) frayez plus haut, p. 59- (2) C'est ainsi que porte la copie de l'abbé Ernst, laquelle, du reste, est trùs-fautive. Otton III mourut à Paterno , dans la Campanie. 76 APPENDICE. MLXXXVII. Conradus , filius Henrici imp. Aquis unctus est ia regem. Eodem aiino obiit mater ejus Berta imperatrix. MXCIII. Mortalitas magna facta. MXCVI. Godefridus dux cum exercitu christiano Iherlm ( Iherosolem ) proficiscitur. MXCIX. Heinricus, filius Heinrici quarti imp. in epiphania Domlni Aquis unctus est in regem, Conrado fratre ejus deposito. Eodem anno Iherosolem capta est in divisione apostolo- rum ('). MC. Godefridus', dux Lotharingiorum et rex Jherosolimitanorum , obiit , cui Balduwinus frater ejus successit. MCI. Lemborch obsessum est et captum ab imperatore Heinrico. MCII. Heinricus imp. ivit in Flandriam cum exercitu. MCIII. Robertus , cornes Flandriag , imperatori reconciliatur , Legiœ facta ei Cdelitate. MCV. Feria VI ante natale Domini Heinricus imp. traditur a filio suo Confluentiae. MCVI. Imperator manu sua misit imperium Engelheim. Eodem anno visa est cometa C) , bellum quoque factum est (3) . . . . Hinc ab Heinrico V rege, illinc a fidelibus patris sui. Posthac obsessa est Colonia ab ipso rege. Obiit piissimus Heinricus IV imp. (alia manu : supra VII id. aug. Leodii), successit filius ejus Henricus V. MCVII. Godefridus , dux Loveniensis (4) , Aquas invasit et ducem Heinricum expulit. MCIX. Sigefridus, comes palatinus, a rege capitur. (>) Le 15 juillet. (a) Cette comète , au jugement de quelques astronomes modernes, était la même qui avait paru l'an 531 ou 532, du temps de l'empereur Justinien , qui précédemment avait encore élé observée après la mort de Jules César et qui reparut enfin l'an l68l , de manière que ces diverses apparitions sont toujours séparées par un intervalle de 575 ans et demi. VArt de vérifier les dates , éd. in-8o de 1818, VII, 320. (3) Dans la copie de M. Ernst , on \i\.yactum est f^esati , ce qui annonce une erreur de copiste. Ne serait-ce pas f'esaliœ F peut-être même Arelali ? (4) On pourrait croire qu'on a tiré ce mot directement de Lovcn , mais plus loin , on lit Lovaniensis. APPENDICE. 77 MCX. Heinricus rex Romam cum exercitu proficiscitur. MCXI. Bellum factum est Romae , hinc a rege Heinrico, illinc a fidelibus Paschalis papae. Statim ab eodem papa impera- tor (') consecratur. * MCXII. Terrœ motus factus est sabbato sancto hora VI. MCXIII. Sigefridus , cornes palatinus , interficitur. MCXIV. Fridericus , Coloniensis arcliiepiscopus , rebellât Heinrico imperatori. Bellum quoque factum est Andrenacken a fide- libus imper atoris et Friderici archiepiscopi. * MCXXI. Terrœ motus factus est IV id. decembris hora tertia , sabbato. MCXXII. In Pentecosten habita est curia apud inferius Trajectum ubi , facta seditione , multi capti sunt et {ab) imperatore pauci occisi. Ipso anno facta est recouciliatio regni et sacerdotii. * MCXXV. Obiit Heinricus V , successit Lotharius. Oblit Galyxtus papa , successit Honorius. Famés valida facta est. MCXXVIII. Godefridus dux Lovan. deponitur oui Walleranus , decus terrœ , superponitur. MCXXIX. Bellum factum est apud Sanctum-Trudonem inter Alexau- drum episcopum et Godefridum Lovaniensem. MCXXXI. Innocentius papa , synodum celebravit Leodii. MCXXXII. Lotharius rex cum exercitu Bomam proficiscitur. * MCXXXIII. Obscuratus est sol IV non. augusti in meridie et tenebrœ factœ sunt; stellœ quoque apparuerunt et terra rore maduit Ç). MCXXXV. In consilio Leodiensi heretici deprehensi sunt , quorum unus vivus est combustus. MCXXXVI. Lotharius imperator cum exercitu Italiam petiit. MGXXXVII. Lotharius imp. in expeditione et confinio Alpium obiit. MCXXXVIH. Conradus IV idus martii in média XL (') unctus est in regem {') Dans la copie de M. Brnst il y a imperatorum. Peut-être il faut lire Heinricus.... in impera- lorem consecratur. (2) Sur cette &lipse voir Anselm. Gembf., Baronius et Chronol. Chapeav. tom. 11, an. H 33. (3) Dominica quarta quadragesimœ . Ibid. L'abréviation employée ici de'signe le carême ou la quadragésime. Cela confirme la supputation des auteurs de VArt de vérifier les dates, suivant les- 78 APPENDICE. MCXXXIX. * MCXLI. MCXLII. MCXLI V. * MCXLVI. MCXLVII. MCXLVIII. MCXLIX. Aquisgrani. Colonienses répugnant Arnoldo archiepiscopo. Walleranus dux obiit. Innocentius papa ciim infînita multitudine episcoporum et abbatum Romœ in XL synodum celebravit {'). Conradus quoque rex cum exercitu Saxoniam adiit , sed, pace com- posita , rediit. Terrœ motus factus est VIII hal. maii. Albero quoque se- cundus Leod. episcopus Willum (=) castellum , dolo multis annis ecclesise subreptum , meritis saucti Lamberti non viribus , superavit et recepit. Saxones , Conrado régi in Franchvorth reconciliati sunt. Hemasberch {^) captum est et combustum. Famés maxima et , quod inauditum anie fuerat , modius aquen- sis tritici venditur XXV solidis. Aquis (hic) irrecuperabi- liter concrematum est. Heinricus puer Xannorum,fîliusConradi régis in média XL, scilicet III kal. apr. unctus est in regem Aquisgrani. Ipso anno Conradus , rex Romanorum , et Luthewicus {'') land- gravius cum multitudine innumerabili profecti sunt Ibe- rosolem. VI hal. now. fuiteclipsis solis ab hora III usque ad VI. Eugenius papa hyemavit Treviris et in média XL synodum celebravit Rémi {Remis) ('). Conradus rex rediit de peregrinatione. quels Conrad III fui é\tx empereur à la mi-carême, et non à la mi-février, U38, et couronne le 13 mars. VII , 326. Dans la copie de M. Ernst on a (igurë erron^ment un X avec un petit h. (i) C'est le second concile de Latrnn , le dixième écumënique. Il s'ouvrit le 20 avril. (2) C'est-à-dire Bouillon, Bullonium Castellum. (3) Heinsberg. (4) Ce nom ainsi ëcrit ressemble beaucoup au Litavicus de C^sar, qui est le même, travesti beulement à la romaine. (5) Commencé le 21 mars par le pape Eugène Itl. APPENDICE. 79 * MCL. * MCLI. MCLII. MGLIV. MCLV. MCL VI. MCLVir. MCL VIII. MCLX. * MCLXII. MCLXIII. MCLXIV. MCLXV. MCLX VI. MGLXVII. Sterilitas fructuum et -vini ; hyems asperrima , tumque obiit Heinricus rex , puer XIII annorum ('). Faines pe /valida. Obiit Conradus rex ; suecedit Fridericus fîlius fratris ejus , unctus Aquis , in média XL , scilicet VII idus martii. Fridericus rex profectus est Romam cum exercitu. Fridericus rex factus (est) (') imperator Romae , repatriavit. Fridericus imp. duxit uxorem Beatricem de Burgundia. Fridericus, Colon, archiepiscopus, Kondenrode destruxit. Fridericus imp. in manu validissima Italiam adiil. Mediola- nenses sibi rebelles subjugavit. Archiepiscopus Moguntinus a civibus suis occisus est. Mediolanum captum est ab imperatore Friderico et destruc- tum. Famés peivalida facta est eodem anno. Excidium Moguntiœ factum est ab impei'atore Friderico.